Les vingt-cinq ans du BHP

1992-2017 : le marais des deux impasses[Record]

  • Antoine Robitaille

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  • Antoine Robitaille
    Journaliste et chroniqueur politique

D’abord un mot sur les revues, puisque nous célébrons les 25 ans du Bulletin d’histoire politique. J’ai bien apprécié, Michel, dans votre présentation, que vous ayez mentionné ma participation à la fondation de la revue Argument. Les revues d’idées, non strictement académiques, jouent un rôle crucial dans la vie intellectuelle québécoise. Malheureusement, elles sont souvent négligées. J’ajouterais qu’entre elles, les revues se négligent, ne s’entre-lisent pas assez, n’échangent pas assez. D’ailleurs c’était un des objectifs de la revue Argument : intensifier le dialogue entre les revues et entre les essayistes. On se disait qu’il y avait beaucoup trop d’essais qui n’étaient pas lus et commentés ici. Chacune des publications vit en « silo », ce qui nuit à la vie intellectuelle. Je suis donc ravi d’être ici aujourd’hui pour participer à cette fête du Bulletin d’histoire politique, dans lequel, pourtant je n’ai jamais publié de texte ! Le BHP, une revue qui dure. Car elles durent souvent nos revues. Elles ne disparaissent pas toutes après le Volume 1, numéro 1 ! Argument célébrera d’ailleurs en 2018 ses 20 ans. Reportons-nous donc en 1992. Une année importante. Pour le Québec. (Mais pour moi aussi ! J’ai commencé à écrire dans les journaux à l’époque. Je me suis marié aussi en 1992 ! J’ai terminé ma maîtrise en science politique cette année-là et étudié en droit à l’Université McGill. J’étais dans la vingtaine et j’entamais ma carrière qui me conduira à observer de près la politique québécoise comme fonctionnaire, professeur, reporter, éditorialiste). Quoi de mieux pour commencer une telle présentation que de nous plonger rapidement dans les journaux d’avril 1992 pour prendre conscience d’où nous en étions à l’époque. Dans les journaux du 19 avril 1992, on trouve entre autres ce titre : « Bourassa fait preuve de mépris, dit Bernard Landry ». Pourquoi ? Parce que le premier ministre de l’époque, lors d’un voyage en Europe, avait avoué au quotidien Le Monde son intention de faire un référendum sur les offres d’Ottawa plutôt que sur la souveraineté. Les pages des quotidiens d’avril 1992 sont pleines de ce débat-là. Robert Bourassa proteste — et rétrospectivement c’est très drôle ; d’ailleurs, on imagine son sourire en coin — « J’ai toujours dit ça, moi ! ». En faisant l’exercice d’exhumer quelques articles de journaux d’il y a un quart de siècle, on détecte évidemment des « éternels retours » et des contrastes frappants. Les éternels retours ? Potentiel d’inondations à Laval… C’est la reproduction de la vie, des cycles naturels. Comme les anniversaires. En 1992, on célèbre les 125 ans de la « confédération ». À l’époque, les activités qui sont annoncées font l’objet d’indifférence et de critiques. Pour le Dominion, la période était, il faut dire, beaucoup plus difficile qu’aujourd’hui. C’est en effet un mélange d’éternel retour, mais aussi de contrastes, quand on voit à quel point le « 150e du Canada » célébré cette année avec faste ne semble susciter chez nous que peu de critiques et à peu près aucune hostilité. Où il y a une sorte d’acceptation tranquille de la célébration du « 150e du Canada », expression anachronique. Je pense par exemple au marathon d’Ottawa de mai 2017, auquel j’ai songé à m’inscrire. Jusqu’à ce que je comprenne qu’il serait à peu près impossible de faire cette course sans crier quelque chose comme « Vive le Canada » ! « Soyez fiers d’être Canadiens et montrez-le ! », nous écrivait l’organisation du marathon dans un courriel le 19 janvier 2017. À côté de la photo d’un …