Rebecca Tuvel est une philosophe née à Toronto en 1985 qui est maintenant professeure assistante à l’université Rhodes, à Memphis, aux États-Unis. Elle a effectué ses études doctorales à l’université Vanderbilt sous la direction de Kelly Oliver. Féministe et végane, Tuvel a écrit sa thèse de doctorat sur les injustices épistémiques subies par les femmes et les animaux non-humains. C’est cependant un article qu’elle a écrit sur le transracialisme qui l’a plongée dans la controverse en avril 2017. En bref, Tuvel affirme, dans son article In defense of transracialism, qu’il serait à la fois possible et acceptable de changer de race, tout comme il est possible et acceptable de changer de sexe et/ou de genre. Le texte de Tuvel propose une réflexion sur les races comme constructions sociales et sur les arguments avancés contre le transracialisme. Pour Tuvel, ces arguments dévoilent une logique essentialiste intenable dans notre conception de la race, logique que nous avons rejetée avec raison pour les genres. Afin d’illustrer son propos, Tuvel considère la réaction du public américain au coming out de Caitlyn Jenner en tant que femme trans et la compare au scandale entourant Rachel Dolezal, une femme née de parents blancs qui s’identifie comme étant Noire. Tandis que la première a généralement été célébrée pour son courage, la seconde a été presque unanimement stigmatisée et qualifiée d’imposteure. Le but principal de Tuvel est de déterminer si ces réactions diamétralement opposées au transgenrisme et au transracialisme sont justifiées. L’article de Tuvel aborde de façon claire des questions difficiles et nous permet de les percevoir d’un nouvel oeil. La valeur inhérente au texte de Tuvel est une des deux raisons qui ont motivé cette traduction, l’autre étant l’intense controverse que le texte a suscitée. L’histoire de cette controverse fournit une étude de cas intéressante pour l’éthique de la publication dans le domaine de la philosophie et des sciences humaines. L’article In defense of transracialism a été publié le 25 avril 2017 dans Hypatia: A journal of feminist philosophy, un périodique de philosophie féministe des plus prestigieux. L’article est passé par le processus ordinaire d’évaluation anonyme par les pairs. Quatre jours plus tard, le 29 avril 2017, une lettre ouverte commence à circuler en ligne pour protester contre la publication de ce texte. La lettre accumule plus de 800 signatures en une semaine, dont celles de deux philosophes féministes faisant partie du jury de la thèse de doctorat de Tuvel, soit Lisa Guenther et Lori Gruen, mais aussi celles d’éditrices de périodiques féministes telles que Shannon Winnubst. Plusieurs figures importantes du féminisme universitaire, dont la célèbre Judith Butler, une pionnière du féminisme queer, signent la lettre. Les signataires demandent la rétraction de l’article, des excuses publiques et une révision des politiques de publication d’Hypatia. Quelles raisons sont avancées pour expliquer cette réaction, que je qualifierai de « solution thermonucléaire »? Laissons les signataires présenter leurs accusations : À ces accusations, on ajoutera, le 1er mai 2017, que l’article affiche également une « attitude anti-noir » (anti-Blackness). À ce moment, la lettre ouverte a déjà rassemblé quelque 500 signatures. Ces accusations sont graves : l’article fait du tort aux personnes marginalisées et ignore leurs contributions universitaires. Ce sont également des accusations vagues. De quels torts s’agit-il ? Quelles sont les raisons permettant de croire que l’article cause les torts en question ? Comment l’article cause-t-il ces torts exactement ? Quelles sont les contributions universitaires qui ont été ignorées ? De quelles auteures s’agit-il ? En quoi une considération sérieuse de leurs ouvrages aurait-elle pu éviter les torts en question ? Ces questions sont importantes, …
INTRODUCTION À LA CONTROVERSE ENTOURANT LA PUBLICATION DE L’ARTICLE « POUR DÉFENDRE LE TRANSRACIALISME »[Record]
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VINCENT DUHAMEL
DOCTEUR EN PHILOSOPHIE ET PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE AU COLLÉGIAL