Abstracts
Résumé
Le point de départ de ma proposition est que la responsabilité est un terme plus approprié que la vertu pour désigner les exhortations au devoir civique dans l’ère contemporaine. De même, à défaut de voir l’implication citoyenne comme l’expression de la rationalité individuelle ou de la conscience morale dans la sphère publique, je propose de comprendre la responsabilité comme une matrice discursive et gouvernementale qui perpétue des modèles comportementaux bien spécifiques. J’entends ainsi démontrer que la responsabilité est devenue une modalité indispensable du « gouvernement de la conduite » au sein d’une rationalité néolibérale. En plus de constituer une série de dispositions morales qui remédierait aux failles et aux lacunes de l’individualisme (néo)libéral, la responsabilité se matérialise dans les incitations à une citoyenneté active et participe de ce fait à la rationalisation du retranchement de l’État de la sphère sociale. Comme l’illustrent des courants aussi divers que le néoconservatisme, le communautarisme et l’économie sociale, la responsabilité se présente moins comme une solution de rechange aux créneaux du néolibéralisme qu’une série de techniques et de standards comportementaux visant à compléter et renforcer l’application élargie d’une logique micro-économique. Je montrerai que le recours à la notion de responsabilité est particulièrement visible dans les politiques d’aide sociale et au sein des nouveaux partenariats entre l’État, le milieu communautaire et les communautés locales. En effet, l’aide étatique est de plus en plus conditionnelle à la démonstration de certaines dispositions morales et psychologiques comme la volonté, la ténacité et la probité. L’article se divise en quatre parties. La première s’attarde à définir brièvement la « gouvernementalité », concept initialement développé par Michel Foucault. La deuxième se penche sur des travaux plus contemporains, notamment ceux du sociologue britannique Nikolas Rose qui se préoccupe de la responsabilité en tant que modalité gouvernementale au sein du néolibéralisme. La troisième partie met en relief les particularités du néolibéralisme américain. En vue de cerner les pratiques et discours associés à la responsabilité de façon plus précise, la dernière partie examine l’un des principaux programmes d’aide sociale aux États-Unis, l’Aid to Families with Dependent Children (AFDC), devenu le Temporary Assistance for Needy Families (TANF) en 1996, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui.
Abstract
Our point of departure is that responsibility is a more appropriate term than virtue to designate the contemporary exhortations to civic duty. Instead of seeing civic engagement as a means to express individual rationality or moral conscience in the public sphere, this paper suggests that we should understand responsability as a discursive and governmental matrix that perpetuates specific behavioral standards. More specifically, the article aims to show that responsability has become an indispensable instrument of rule within a neoliberal rationality of government. As well as pointing to a range of moral dispositions that can offset neoliberalism’s shortcomings, the notion of responsibility is mobilised in the repeated public calls to active citizenship and plays a strategic role in the discursive justification of the state’s withdrawal from the social sphere. As illustrated by strands of thought as diverse as neoconservatism, communitarianism and social economy, responsibility is less an alternative to neoliberal tenets than a series of techniques and behavioral standards that complement and reinforce the extension of a microeconomic logic to all spheres of human activity. The appeals to responsibility are particularly visible in contemporary social policies and in the strategic partnerships between the state, community organisations and local communities. Indeed, state assistance has become increasingly conditional on the demonstration of aptitudes and moral qualities like earnestness, tenacity and willpower. The article proceeds in four parts. The first part briefly defines governmentality, a concept initially developed by Michel Foucault. The second part explores Nikolas Rose’s work on advanced liberalism and takes a look at contemporary articulations of responsibility. The third part examines the specificities of American neoliberalism. In order to identify the practices and discourses linked to the notion of responsibility, the final part of the article looks at one of the main social programs in the United States, namely the Aid to Families with Dependent Children (AFDC), renamed the Temporary Assistance for Needy Families (TANF) in 1996, from the early 1980s to our day.