L’éthique de l’environnement, telle qu’elle s’est développée en Amérique du Nord depuis la fin des années 1970, a toujours accordé une grande place aux questions concernant la nature et les fondements des concepts et des jugements de valeur, des questions traditionnellement associées à l’éthique fondamentale. Bien que cette discipline porte sur un enjeu d’éthique appliquée, soit celui de caractériser le type de relation que doivent entretenir les agents moraux avec leur environnement naturel, un de ses projets centraux—celui d’expliquer et défendre l’idée selon laquelle la nature a une valeur finale et de montrer que la reconnaissance de cette valeur a des conséquences éthiques importantes—soulève plusieurs questions qui dépassent le cadre habituel de l’éthique appliquée. Ces questions concernent la notion de valeur finale et le rôle qu’elle occupe en éthique, des enjeux qui ont intéressé autant des spécialistes d’éthique fondamentale que d’éthique de l’environnement. L’une de ces questions est celle de la relation entre les concepts de valeur finale et de valeur intrinsèque, c’est-à-dire celle de savoir si une chose peut avoir de la valeur pour elle-même (for its own sake) en vertu de ses relations, ou si elle ne peut avoir une telle valeur qu’en vertu de ses propriétés intrinsèques (ex. : Bradley, 2001 ; Green, 1996; Elliot, 1997; 1992; O’Neill, 1992; Thompson, 1990; Gunn, 1980). La réponse donnée à cette question a des conséquences directes sur la possibilité d’accorder une valeur finale à certains environnements en vertu de leur caractère sauvage, ou à certaines espèces en vertu de leur rareté. Une autre question concerne le débat entre monistes et pluralistes à propos des valeurs, et consiste à déterminer si toutes les valeurs se réduisent ultimement à une seule ou s’il existe plusieurs catégories de valeurs irréductibles les unes aux autres (ex. : Norton, 1995; Callicott, 1994; 1990; Varner, 1991; Stone, 1988; 1987). Cette problématique touche notamment l’enjeu de savoir jusqu’à quel point les considérations relevant de l’éthique des relations interhumaines, et celles relevant de l’éthique animale et environnementale peuvent et doivent être unifiées, ou si elles reposent sur des bases radicalement distinctes. Une autre question est celle du statut ontologique des valeurs et de la relation entre les propriétés de valeur et les états mentaux (préférences, émotions, attitudes) des évaluateurs et évaluatrices. Cette question est liée à l’enjeu de l’anthropocentrisme et à la question de savoir jusqu’à quel point et en quel sens les valeurs autour desquelles s’articule l’éthique de l’environnement peuvent et doivent être indépendantes des sensibilités humaines (ex. : McShane, 2011; Frierson, 2010; 2007; Elliot, 1996; 1992; Callicott, 1995; 1992a; 1992b; Rolston, 1994; 1981; Miller, 1982). Finalement, une des questions d’éthique fondamentale qui a suscité le plus d’intérêt en éthique de l’environnement concerne la nature des notions de tort et de bénéfice et le type d’entités auxquelles ces notions peuvent s’appliquer (ex. : Varner, 1998; 1990; Salthe et Salthe, 1989; Cahen, 1988; Taylor, 1986; 1981; Regan, 1983; Feinberg, 1974). Les réponses données à cette question ont des conséquences directes sur la possibilité de reconnaître une considérabilité morale (Goodpaster, 1993; 1979; 1978) aux animaux sensibles, aux êtres vivants non conscients et aux touts écologiques comme les communautés et les écosystèmes. Bien que les spécialistes d’éthique de l’environnement et d’éthique fondamentale démontrent un intérêt commun pour ces questions touchant la nature de la valeur, il est surprenant de constater la rareté de leurs d’échanges à ce sujet. Les deux champs de recherche ont encore aujourd’hui tendance à mener leurs investigations isolément, chacun se concentrant sur son propre réseau d’auteurs, tirant peu profit des contributions issues de l’autre domaine. C’est de ce constat qu’est née l’idée d’organiser l’atelier …
Appendices
Bibliographie
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