![Cover fortheVolume 17, Number 1-2, Fall 2022](/en/journals/ateliers/2022-v17-n1-2-ateliers07741/coverpage.jpg 135w)
Les ateliers de l'éthique
The Ethics Forum
Volume 5, Number 1, Spring 2010
Table of contents (13 articles)
-
La moralité implicite du marché
Pierre-Yves Néron
pp. 4–22
AbstractFR:
Dans cet article, je mets en avant une approche de l’éthique du commerce centrée sur la notion de « moralité implicite du marché ». J’essaie d’identifier les grands traits de cette moralité implicite du marché en plus d’exposer les avantages d’adopter une telle approche pour penser les obligations des firmes. Pour ce faire, je tente, en m’inspirant de travaux récents de Joseph Heath, de mettre en lumière le rôle proprement normatif que peut jouer le concept de défaillances des marchés tel que développé dans la théorie économique. Je termine en examinant trois problèmes auxquels fait face l’approche proposée ici.
EN:
In this article, I put forward an approach to business ethics that focuses on the notion of “implicit morality of the market”. I therefore try to identify the main components of this implicit morality of the market and expose the advantages of taking such a stance to think about the obligations of firms. In order to do so, I try to shed some light, drawing on recent works by Joseph Heath, on the potential normative role of the concept of market failures as articulated in economic theory. I finish by examining three problems that this approach is facing.
Dossier : Imagination et éthique
-
Sous la direction de Christine Tappolet
-
Les vertus de l’imagination : introduction
-
Imagining Evil
Adam Morton
pp. 26–33
AbstractEN:
It is in a way easier to imagine evil actions than we often suppose, but what it is thus relatively easy to do is not what we want to understand about evil. To argue for this conclusion I distinguish between imagining why someone did something and imagining how they could have done it, and I try to grasp partial understanding, in part by distinguishing different imaginative perspectives we can have on an act. When we do this we see an often unnoticed asymmetry: we do not put the same demands on our understanding of wrongdoing as on that of most everyday, morally acceptable, actions.
FR:
Il est relativement facile d’imaginer des actes maléfiques, plus facile que ce que nous sommes prêts à supposer. Mais ce qui est ainsi facile à imaginer n’est pas ce que nous souhaitons comprendre à propos des actes maléfiques. Pour étayer cette conclusion, je distingue entre comprendre pourquoi quelqu’un fait ce qu’il fait et imaginer comment cette personne aurait fait une telle chose; j’essaie aussi de saisir ce qu’est la compréhension partielle, du moins en partie, en distinguant entre elles les différentes perspectives imaginaires d’un même acte. C’est ainsi qu’apparaît une asymétrie qui passe souvent inaperçue : nous n’imposons pas les mêmes exigences à l’égard de notre compréhension d’actes répréhensibles qu’à l’égard d’actions quotidiennes moralement acceptables.
-
Imagining Others
Heidi L. Maibom
pp. 34–49
AbstractEN:
It is often argued that the ability to imagine what others think and feel is central to moral functioning. In this paper, I consider to what extent this is true. I argue that neither the ability to think of others as having representational mental states, nor the ability to imagine being in their position, is necessary for moral understanding or moral motivation. I go on to argue that the area in which thinking about others’ thoughts and feelings appears to play the largest role is that of supererogatory actions. Being able to get on well with others seems to be importantly predicated on our ability to think about their thoughts and feelings and being able to take up their perspective. However, when it comes to grosser moral norms and restrictions, such as harm norms, there is little reason to think that thinking about others’ thoughts and feelings plays a central role in understanding such norms or being motivated by them.
FR:
Il est souvent argué que la capacité d’imaginer ce que les autres pensent et ressentent est au coeur du fonctionnement moral. Dans cet article, j’examinerai l’étendue de cette affirmation. Je soutiendrai que, ni la capacité de penser autrui comme possédant des états mentaux représentatifs, ni la capacité de s’imaginer dans leur position, ne sont nécessaires pour la compréhension morale ou pour la motivation morale. Je soutiendrai également que réfléchir aux pensées et aux sentiments des autres semble jouer un rôle plus important dans le domaine des actes surérogatoires. Être capable de bien s‘entendre avec les autres paraît découler, d’une manière importante, de notre capacité à penser leurs pensées et leurs sentiments et à adopter leur point de vue. Toutefois, quand il s’agit de normes morales et de restrictions moins précises, comme le sont les normes relié au tort moral, il y a peu de raisons de penser que réfléchir aux pensées des autres et à leurs sentiments jouent un rôle central dans la compréhension de ces normes ainsi que dans la motivation découlant de ces normes.
-
L’imagination et les biais de l’empathie
Martin Gibert and Morgane Paris
pp. 50–65
AbstractFR:
L’empathie est un mode émotionnel qui associe le point de vue d’autrui à des sensations physiologiques. Ce phénomène a tendance à être plus important envers certaines personnes qu’envers d’autres. Or, il existe parfois de bonnes raisons morales de promouvoir une empathie plus égalitaire. Notre hypothèse de psychologie morale est qu’il est possible d’utiliser l’imagination, et en particulier sa dimension volontaire et sa transparence aux émotions, pour corriger certains biais empathiques.
EN:
Empathy is an emotional mode associating the point of view of other people to physiological sensations. This phenomena tends to be more significant with certain people than others. And yet, there are sometimes good moral reasons to promote a more egalitarian empathy. Our hypothesis of moral psychology is that it is possible to use imagination – and in particular its volontary dimension and its openness to emotions – to modify certain empathic biaises.
-
Faussetés imaginaires
Yvan Tétreault
pp. 66–82
AbstractFR:
Les récits de fiction comportant une moralité déviante posent parfois problème quant à la détermination de ce qui est « vrai dans l’histoire ». Si par exemple on a aucune difficulté à considérer comme vrai dans le monde imaginaire que « Giselda a tué son bébé », les choses sont différentes lorsqu’il s’agit d’imaginer une situation dans laquelle nos valeurs morales sont remises en question. Confronté à un récit comportant l’énoncé « Giselda a fait la bonne chose en tuant son bébé, après tout, c’était une fille », on aura tendance à questionner l’autorité de l’auteur : celui-ci peut bien penser que l’infanticide féminin est moralement justifié, mais en fait c’est faux, même dans l’histoire. Les conditions qui donnent lieu au phénomène ont été articulées de diverses façons, l’objectif étant habituellement de parvenir à une formulation qui dépasse le cadre plus étroitement moral. On invoque par exemple une distinction plus générale entre l’évaluatif et le descriptif. Après avoir caractérisé plus précisément les notions d’imagination et d’imaginabilité, j’examinerai brièvement la littérature sur le sujet et défendrai une solution reposant sur les règles de modification de l’extension et de l’intension des prédicats imaginaires. D’après cette analyse, ce qui se produit dans les récits moraux déviants s’explique par un principe plus général qui s’applique autant à l’évaluatif qu’au descriptif.
EN:
Morally deviant fictional narratives can be problematic with regards to what is “true in the story.” Although one has no difficulty in imagining as fictionally true that “Giselda killed her baby,” one has a different reaction when it comes to imagining the cancellation of one’s own moral values. When confronted with a narrative featuring the claim that “In killing her baby, Giselda did the right thing, after all, it was a girl,”one’s response is likely to involve the questioning of the author’s authority: indeed the author may think that female infanticide is morally right, but that is false, even in the story. The conditions giving rise to this sort of phenomenon have been differently articulated, typically with the aim of going beyond the moral/non-moral divide. A more general contrast between evaluative and descriptive claims is often suggested. After characterizing with more precision the notions of imagination and imaginability, I will briefly review the litterature devoted to this topic, and argue in favor of a solution based on rules for modifying the extension and intension of imaginary predicates. According to this account, what takes place in morally deviant narratives is to be explained through a more general principle that applies to both evaluative and descriptive claims.
-
Le médecin-écrivain, l’éthique et l’imaginaire
Marc Zaffran
pp. 83–100
AbstractFR:
Les médecins qui écrivent sont nombreux à travers le monde, mais les relations entre expérience professionnelle des soignants et écriture de fiction sont plus largement étudiés et reconnus dans le monde littéraire et médical anglophone que dans l’espace francophone. À travers l’examen de quatre romans d’un médecin-écrivain français publiant depuis 1989 et à la faveur d’un entretien inédit, cet article s’interroge sur la manière dont l’expérience professionnelle d’un praticien peut nourrir ses fictions et y transmettre les conceptions de l’auteur sur l’éthique du soin.
EN:
There are many physician writers worldwide, but the ties that bind a health professional's experience to his/her fiction writing have been studied more extensively in the English-speaking Literary and Medical world than in its French language counterpart. Based on an examination of four novels written by a French physician writer, first published in 1989, and on an exclusive interview with the author, this paper addresses the ways throug which a caregiver's professional experience feeds his fictions and how they, in turn, carry the author's views of healthcare ethics.
Dossier : L’éthique et l’impact des politiques publiques sur la santé
-
Sous la direction de Michel Désy
-
Pourquoi l’éthique de la santé publique devrait-elle s’intéresser à l’impact des politiques publiques sur la santé ? Introduction
-
The Political Ethics of Health
Daniel Weinstock
pp. 105–118
AbstractEN:
This paper seeks to provide an overview of some of the main areas of debate that have emerged in recent years at the interface between theories of justice and health care. First, the paper considers various positions as to what the index of justice with respect to health ought to be. It warns on practical and principled grounds against conceptual inflation of the notion of "health" as it appears in theories of distributive justice. Second, it considers how various standards according to which goods ought to be distributed in a just society apply to debates within health care.
FR:
Le présent article vise à fournir un aperçu de certains des principaux débats qui ont émergé ces dernières années entre les théories de la justice et la réflexion sur les soins de santé. L’article examine tout d’abord des arguments qui prennent position sur la définition de la justice dans des contextes de santé. Une mise en garde se fondant sur des motifs pratiques et théoriques est ensuite émise à l’encontre d’une inflation conceptuelle de la notion de « santé » telle que celle-ci apparaît dans les théories de la justice distributive. L’article examine en second lieu comment divers standards relatifs à la redistribution juste des biens s’arriment aux débats en soins de santé.
-
Allergies and Asthma: Employing principles of social justice as a guide in public health policy development
Jason Behrmann
pp. 119–130
AbstractEN:
The growing epidemic of allergy and allergy-induced asthma poses a significant challenge to population health. This article, written for a target audience of policy-makers in public health, aims to contribute to the development of policies to counter allergy morbidities by demonstrating how principles of social justice can guide public health initiatives in reducing allergy and asthma triggers. Following a discussion of why theories of social justice have utility in analyzing allergy, a step-wise policy assessment protocol formulated on Rawlsian principles of social justice is presented. This protocol can serve as a tool to aid in prioritizing public health initiatives and identifying ethically problematic policies that necessitate reform. Criteria for policy assessment include: 1) whether a tentative public health intervention would provide equal health benefit to a range of allergy and asthma sufferers, 2) whether targeting initiatives towards particular societal groups is merited based on the notion of ‘worst-off status’ of certain population segments, and 3) whether targeted policies have the potential for stigmatization. The article concludes by analyzing three examples of policies used in reducing allergy and asthma triggers in order to convey the general thought process underlying the use of the assessment protocol, which public health officials could replicate as a guide in actual, region-specific policy development.
FR:
L’épidémie en croissance d’allergie et d’asthme pose un défi important en matière de santé des populations. Cet article a pour but de contribuer au développement de politiques pour contrer la mortalité due à ces maladies en démontrant comment les principes de justice sociale peuvent guider les initiatives en santé publique par la réduction des causes d’allergies et de l’asthme,. À partir des principes Rawlsiens de justice sociale, il devient possible d’élaborer un protocole d’évaluation de ces politiques à l’attention des décideurs en santé publique. Ce protocole peut être utilisé comme un outil dans l’évaluation des priorités d’initiatives en santé publique et dans l’identification de problèmes éthiques de politiques mises en place. Les critères d’évaluation de ces politiques comprennent les points suivants : 1) une intervention spécifique en santé publique doit procurer un bénéfice en santé également répartis dans une population de patients atteints d’allergie ou d’asthme ; 2) si les initiatives ciblent un groupe particulier, ce groupe doit comporter principalement des populations défavorisées, et 3) les politiques ciblées ne doivent pas avoir un effet stigmatisant. L’analyse de trois politiques différentes en charge de lutter contre les déclencheurs des allergies et de l’asthme sera présentée dans le but de tester l’efficacité du protocole introduit dans cette étude.
-
Autonomy Promotion in a Multiethnic Context: Reflections on some normative issues
Michel Désy
pp. 131–139
AbstractEN:
The concept of health promotion enshrined in the Ottawa Charter grants an important place to autonomy. However, it is not clear that health broadly defined and autonomy are related in the sense intended by the authors of the Charter. Moreover, promotion of autonomy towards groups who do not consider it as a core value remains a problem. This paper presents a concept of autonomy and promotion that provide a partial answer to this problem. Examples of public policy in a multiethnic context are given to illustrate how the proposed conception of autonomy promotion differs from more coercive policies.
FR:
La conception de la promotion de la santé consacrée dans la Charte d’Ottawa accorde à l’autonomie une place centrale. Or, il n’est pas clair que la santé définie au sens large et l’autonomie soient liées au sens où semblent l’entendre les auteurs de la Charte. De plus, la promotion de l’autonomie auprès de groupes qui ne la considèrent pas comme une valeur centrale reste à justifier. Le présent texte présente une conception de l’autonomie et de sa promotion qui permet de répondre à ce dernier problème. Des exemples de politiques publiques en contexte pluriethnique sont donnés afin d’illustrer comment la conception de la promotion de l’autonomie proposée se démarque de politiques plus coercitives.
-
De l’incitation à la mutualisation : pourquoi taxer ?
Xavier Landes
pp. 140–155
AbstractFR:
Cet article évalue, du point de vue moral, les justifications possibles pour le recours à la taxation en vue de promouvoir des comportements « sains ». L’objectif est de démontrer qu’un tel instrument recevrait une meilleure justification, c’est-à-dire plus en accord avec des principes égalitariens respectueux de la liberté individuelle, s’ils s’inscrivaient dans une logique de mutualisation. Pour ce faire, les arguments du bien-être individuel et de l’efficience sociale sont discutés afin d’en pointer les fécondités et limites. Au travers de leurs limites, ces arguments introduisent naturellement à une troisième manière d’appréhender le problème, sous l’angle de la mutualisation. Ce principe représente moins une remise en cause radicale des arguments précédents qu’une reformulation du recours à l’efficience sociale et une limitation du champ d’application des appels au bien-être individuel. Il repose sur deux idées. La première est que la référence à une notion de responsabilité, même affadie, est nécessaire. De plus, celle-ci doit être conçue comme partagée entre producteurs et consommateurs ainsi que limitée au domaine financier. La seconde est que la mutualisation ne peut être déconnectée d’intuitions égalitariennes formulées de manière générale.
EN:
This article assesses, from the moral point of view, the possible justifications in the recourse to taxation for promoting “healthy” behavior. The objective is to demonstrate that such an instrument would receive a better justification, i.e. more in tune with egalitarian principles respectful of individual freedom, if it expressed a logic of mutualisation. In that light, arguments pertaining to individual well-being and social efficiency are discussed in order to point out their effectiveness and limitations. Through their limitations, they naturally introduce a third way to apprehend the problem, in terms of mutualisation. This latter principle is less a radical questioning of precedent arguments than a reformulation of the efficiency notion and a restriction of the scope of claims to individual well-being. It is based on two ideas. The first is that the reference to a notion of responsibility, even a mild one, is necessary. Furthermore, this responsibility should be conceived as being shared between producers and consumers, and should also be limited to the financial domain. The second is that mutualisation cannot be disconnected from general egalitarian intuitions.
-
Managing Antimicrobial Resistance in Food Production: Conflicts of interest and politics in the development of public health policy
Bryn Williams-Jones and Béatrice Doizé
pp. 156–169
AbstractEN:
Antimicrobial resistance is a growing public health concern and is associated with the over- or inappropriate use of antimicrobials in both humans and agriculture. While there has been recognition of this problem on the part of agricultural and public health authorities, there has nonetheless been significant difficulty in translating policy recommendations into practical guidelines. In this paper, we examine the process of public health policy development in Quebec agriculture, with a focus on the case of pork production and the role of food animal veterinarians in policy making.We argue that a tendency to employ strictly techno-scientific risk analyses of antimicrobial use ignores the fundamental social, economic and political realities of key stakeholders and so limits the applicability of policy recommendations developed by government advisory groups. In particular, we suggest that veterinarians’ personal and professional interests, and their ethical norms of practice, are key factors to both the problem of and the solution to the current over-reliance on antimicrobials in food production.
FR:
La surutilisation et l’utilisation inappropriée d’antimicrobiens chez les humains et en agriculture ont accentué le phénomène de développement de résistance aux antimicrobiens par de nombreux agents pathogènes. Cette situation cause provoque un important problème de santé publique. Bien que les autorités agricoles et de santé publique reconnaissent l’ampleur du problème, elles éprouvent néanmoins une grande difficulté à traduire les recommandations en lignes directrices applicables. Au cours de cet essai, nous examinons le processus de développement des politiques de santé publique en agriculture au Québec, en mettant l’accent sur le cas de la production porcine et le rôle des vétérinaires dans l’élaboration de ces politiques. Nous sommes d’avis que la tendance technoscientifique d’utilisation des analyses de risques des antimicrobiens ne tient pas compte des intérêts fondamentaux, soit sociaux, économiques et politiques, des parties prenantes principales. Elle limite ainsi l’applicabilité des recommandations des politiques publiques développées par des groupes consultatifs. En particulier, nous suggérons que les intérêts personnels et professionnels des vétérinaires, ainsi que leurs normes éthiques, sont à la fois les facteurs principaux du problème, et la solution à la dépendance excessive aux antimicrobiens dans la production alimentaire.