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Simon Scott, 2023, Truly Human. Indigeneity and Indigenous Resurgence on Formosa. Toronto/Buffalo/London, University of Toronto Press, 366 p.[Record]

  • Olivier Lardinois

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  • Olivier Lardinois
    Faculté de théologie Saint-Bellarmin, Université Fujen, Institut Ricci de Taipei, Taipei, Taïwan

Voilà un ouvrage qui passionnera le lecteur intéressé par la complexité et l’originalité du vécu contemporain des Autochtones de Taïwan, plus spécifiquement celui des sous-groupes ethniques montagnards Truku et Sediq. L’ouvrage de Scott Simon, qui définit sa méthode de recherche comme une « amitié anticoloniale qui prend son temps pour être avec les gens ordinaires et partager le plus possible leur vie » (p. 66), vise à décrire et à analyser comment les Autochtones truku et sediq « formulent leur identité propre en se positionnant par rapport aux autres » (p. 24). Un premier chapitre présente en détail, statistiques à l’appui, l’histoire et la situation présente des Autochtones de Taïwan en général. L’auteur n’évite pas d’évoquer ici quelques points sensibles comme les taux élevés d’alcoolisme et de suicide frappant ces populations, ainsi que la corruption passée et présente d’une part de l’élite politique autochtone qui est souvent la première à profiter des mesures de discrimination positives et des largesses de l’état à l’égard de ses minorités. Autre point important évoqué dans cette première partie, que l’on retrouvera traité plus en profondeur plus loin : la contribution de l’Église presbytérienne locale à la formation de leaders autochtones qui ont largement contribué à la (re)naissance des identités truku et sediq. Simon utilise aussi ce chapitre pour présenter et motiver deux options méthodologiques complémentaires à celles déjà exposées dans son introduction, soit « ne pas se focaliser sur les formes d’oppression vécues » afin de ne pas enfermer les Autochtones « dans le rôle de victimes » (p. 55) ; prendre une distance face à la question de la « multiculturalité de la société taïwanaise » dont « les cartographies ethniques » constituent un « héritage idéologique colonial » sino-japonais « utilisé à des fins politiques », tant par les différents pouvoirs en place que par les élites autochtones elles-mêmes (p. 57-61). Les chapitres centraux du livre sont constitués de cinq essais fort bien documentés qui traitent chacun d’un concept clé différent des cultures truku et sediq : samat (terme générique utilisé pour désigner les animaux de la forêt), mgaya (l’action de chasser des têtes), utux (les esprits), lnlungan (le coeur), tminum (tisser). Parmi ces cinq chapitres, les plus intéressants sont ceux consacrés à la chasse comme apprentissage de la vie éthique pour les hommes (chapitre 2), au respect du gaya/waya sous la conduite des ancêtres et de Dieu comme garant d’une vie heureuse et paisible (chapitre 4), ainsi qu’au (re)tissage de la mémoire du passé pour renforcer son identité ethnique et son courage à faire face aux défis présents et futurs (chapitre 6). Tout au long de cet exposé en cinq chapitres, l’auteur accorde une attention particulière au lourd traumatisme vécu par les Truku et les Sediq lorsque, entre 1895 et 1945, Taïwan fut soumise à la colonisation militaro-capitaliste de l’Empire nippon. L’impression générale donnée par la lecture de l’ouvrage est celle d’un vécu social truku et sediq dans lequel une peur innée d’être soumis, divisés, déportés, contrôlés, administrés, manipulés, utilisés et/ou exploités, héritée d’un passé fort douloureux et tumultueux encore assez récent, tend le plus souvent à se manifester sous la forme d’un individualisme exacerbé peu ouvert à la confiance envers autrui, au dialogue et à la coopération. Ce pessimisme ambiant est heureusement temporisé par l’optimisme de l’auteur et de certains de ses informateurs, qui sont convaincus que l’étude du gaya/waya des Truku et des Sediq (terme désignant à la fois leur sagesse, leur code moral et leur mode de vie) peut nous aider à devenir plus « humain » et plus « respectueux de la nature dont nous sommes partie …