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Les hijras en Inde et au BangladeshAnalyses à partir du désirSaria Vaibhav, 2021, Hijras, Lovers, Brothers. Surviving Sex and Poverty in Rural India. New York, Fordham University Press.Hossain Adnan, 2021, Beyond Emasculation: Pleasure and Power in the Making of Hijra in Bangladesh. Cambridge, Cambridge University Press.[Record]

  • Otávio Amaral

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  • Otávio Amaral
    École des hautes études en sciences sociales, Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud Campus Condorcet, 2, cours des Humanités, 93300 Aubervilliers, France
    otavioamaralc@hotmail.com

Parler de la diversité de genre nous renvoie impérativement à penser à la diversité de systèmes culturels présents dans le monde. Le système sexe/genre établi en Occident ne permet parfois pas d’interpréter la pluralité cosmologique d’autres sociétés. La binarité inhérente à cette perspective figée de la construction du Soi établit un rapport immuable entre corps et performance sociale. Si la littérature anglophone s’est intéressée, depuis les premiers écrits de Margaret Mead (1928, 1993) et Malinowski (1930), à la puberté et aux expériences sexuelles de quelques peuples océaniens, l’anthropologie francophone a mis longtemps à s’intéresser aux pratiques rituelles fondées sur les expériences homosexuelles (Herdt 1982). Maurice Godelier (1982) a eu le mérite de le faire en plaçant le thème de la construction de la masculinité au centre du débat anthropologique en France. Depuis quelques années, la diversité sexuelle et de genre occupe davantage une place essentielle dans les études ethnographiques contemporaines, notamment dans l’anthropologie francophone. Ce numéro thématique en est la preuve. En Inde, la présence des hijras, le fameux « troisième genre » — institutionnalisé dans le pays depuis un jugement de la Cour suprême en 2014 —, suscite de plus en plus l’intérêt des anthropologues. Quelques investigations plus récentes nous montrent que l’insertion de la catégorie hijra dans un parapluie épistémologique intitulé « transgender » complexifie les rapports entre les identités locales et globales, en faisant du dialogue entre héritage culturel sud-asiatique et mobilisation politique — particulièrement à travers les réseaux internationaux des ONG — un enjeu majeur de ce sujet (Hossain 2017 ; Hossain et Nanda 2020). Or, dans le milieu francophone, les hijras restent un thème embryonnaire et presque inexploré. Seuls une thèse, soutenue en 2011, à l’Université Paris Nanterre (Novello 2011) et un ouvrage publié en 2018 par les Presses de l’Université de Montréal (Boisvert 2018) abordent le sujet. En revanche, les anthropologues anglophones s’intéressent à cette communauté depuis les années 1990. Le livre classique de Serena Nanda (1999), Neither Man Nor Woman, inaugure le champ d’études sur les hijras avec une ethnographie menée dans une ville nommée fictivement Batispore, près de Mumbai. Quelques années plus tard, Gayatri Reddy (2005) publie sa thèse de doctorat sous forme de livre et insère la religion musulmane dans la discussion. Reddy a mené une ethnographie dans sa ville natale, Hyderabad (État de Telangana), une région essentiellement musulmane du Centre-Sud du pays et soutient que les hijras revendiquent une double appartenance religieuse (que l’auteure qualifie de « supra-religieuse/nationale »). En 2011, Emmanuelle Novello soutient une thèse portant sur les hijras de la capitale du pays, Delhi, qui, inspirée des analyses de Reddy, défend l’idée que la féminisation du corps est une pratique aboutissant à des fins organisationnelles au sein de la communauté locale. Quelques années plus tard, Mathieu Boisvert, professeur au Département de sciences des religions de l’Université du Québec à Montréal, publie les résultats d’une enquête s’échelonnant sur plusieurs années — tirée de quelques séjours ponctuels sur le terrain et d’une vingtaine d’entretiens approfondis — auprès des hijras de l’État du Maharashtra, notamment celles de Mumbai et de Pune. L’originalité du travail de Boisvert repose sur le caractère « religiologique » de son enquête, s’appuyant sur la réinterprétation par les hijras des rituels féminins hindous. À cela s’ajoute le fait majeur que Boisvert affirme que les hijras alimentent une dévotion envers les dieux locaux selon la région où elles habitent. Depuis la parution du livre de Boisvert, deux enquêtes ethnographiques ont été publiées en 2021. À la suite de la parution du livre de l’historienne Jessica Hinchy (2020), Governing Gender and Sexuality in Colonial India, qui …

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