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Villedieu Yanick, 2021, Le deuil et la lumière. Une histoire du sida. Montréal, Éditions du Boréal, 352 p.[Record]

  • Gilles Bibeau

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  • Gilles Bibeau
    Professeur émérite, Département d’anthropologie, Université de Montréal, Montréal (Québec), Canada

Ce livre raconte l’histoire du sida telle que Yanick Villedieu l’a vue se dérouler sous ses yeux au cours des quelque quarante dernières années. Journaliste scientifique à l’émission Les Années lumière — il en a été l’animateur de 1982 à 2017 — sur ICI Radio-Canada, Yanick Villedieu retrace, à travers cinquante courts chapitres, les grandes étapes de l’incroyable épopée scientifique que cette maladie pas comme les autres a déclenchée ; il évoque aussi les avancées progressives réalisées dans la prise en charge clinique des personnes séropositives ; enfin, il insiste sur les diverses formes que la mobilisation des personnes atteintes a prises au fil des années. Comme dans ses précédents ouvrages — Demain la santé (1976), La Médecine en observation (1991), Un jour la santé (2002), tous parus aux Éditions du Boréal —, Yanick Villedieu démontre dans ce nouveau livre son extraordinaire capacité à rendre compte, dans une langue claire et précise, des débats que le VIH/sida a engendrés dans le milieu des virologues, des épidémiologistes et des cliniciens ; il le fait en mettant de l’avant la collaboration entre les différents groupes de spécialistes travaillant sur le sida plutôt que leurs oppositions. Dès les premières pages, l’auteur démontre son intérêt pour la question de la prise en charge clinique des malades en présentant un événement survenu en 1982 à Montréal. Le Dr Réjean Thomas, qui est alors un jeune clinicien, rencontre un homme homosexuel dans la trentaine qui présente, au retour d’un séjour à New York, des symptômes qu’il croit être apparentés à « la maladie des Américains ». Le sida a alors fait irruption dans la vie du Dr Thomas pour ne plus jamais en sortir ; peu après, le Dr Thomas a mis sur pied une clinique spécialisée qui continue jusqu’à ce jour de soigner des personnes atteintes du VIH/sida. La note publiée en juin 1981 par le Center for Disease Control d’Atlanta marque, selon Villedieu, l’acte de naissance scientifique de la maladie dont souffrait ce premier patient du Dr Thomas. Comme tous les autres cliniciens, le Dr Thomas devra attendre jusqu’en 1985 pour disposer d’un premier test de dépistage des anticorps du VIH et jusqu’en 1987 pour pouvoir prescrire un premier médicament antirétroviral appelé AZT. Ce n’est qu’en 1995 qu’arrivent les trithérapies qui se sont vite révélées très efficaces. Malgré le formidable volume de recherches, aucun vaccin n’a cependant encore pu être mis au point. Yanick Villedieu poursuit son ouvrage en signalant que cette mystérieuse infection qui n’avait pas encore de nom était déjà présente à Montréal en 1982 et qu’elle suscitait une véritable panique dans les milieux gais. On ne savait en effet rien à l’époque au sujet de ses modes de transmission. Peu à peu, des chercheurs ont reconstitué les filières de contamination des personnes infectées en remontant vers le « patient zéro » ; quant à la source originelle du VIH, les routes empruntées par le virus pointèrent assez rapidement en direction de l’Afrique. En 1983, des chercheurs français de l’Institut Pasteur ont découvert un rétrovirus — baptisé LAV — qu’ils affirmèrent être à l’origine de l’effondrement du système immunitaire des malades du VIH/sida. Peu de temps après, l’Américain Robert Gallo annonça avoir isolé un rétrovirus baptisé HTLV‑III qu’il considérait être en cause dans la production de cette nouvelle maladie. Le LAV et le HTLV‑III, qui étaient en réalité le même virus, furent rebaptisés en 1986 « virus de l’immunodéficience humaine » ou VIH. Yanick Villedieu explique par le détail, et dans un style respectueux de tous les chercheurs, comment les équipes française et américaine finirent par se …