Abstracts
Résumé
Les communautés non autorisées vivant au sein de la Réserve de la biosphère Montes Azules (REBIMA) sont au coeur d’enjeux éthiques et politiques qui nous mènent à interroger un certain nombre de présupposés quant à la place possible des peuples autochtones dans les projets de conservation. À partir d’un travail ethnographique mené dans la région depuis une vingtaine d’années, l’auteur identifie et explore trois de ces questions. La première concerne l’usage qui peut être fait d’une aire protégée comme réserve de virtualités tout autant que de ressources et comme espace où peuvent s’inscrire non seulement des pratiques traditionnelles, mais aussi des projets encore indéfinis. Il examine ensuite comment la mobilisation de l’idée d’une « écologie productive » par les membres de ces communautés est une manière d’entrer dans un rapport dialectique, mais ultimement déstabilisant, avec l’imaginaire du bon sujet autochtone de la conservation, omniprésent dans les mises en récit dominantes de la REBIMA. Finalement, l’auteur souligne que les projets productifs dont il est question dans cet article ne peuvent être confinés à des aspirations locales : ils s’inscrivent plutôt dans un dialogue plus large, notamment avec l’État mexicain, sur les droits aux ressources et la gestion des territoires.
Mots clés:
- Hébert,
- Chiapas,
- Réserve de la biosphère Montes Azules (REBIMA),
- conservation,
- projets politiques autochtones,
- communautés non autorisées,
- imaginaires sociaux,
- utopisme,
- pratiques productives
Abstract
The unauthorized communities living within the boundaries of the Montes Azules Biosphere Reserve (REBIMA) are at the heart of ethical and political issues that lead us to question a certain number of assumptions about the possible place of indigenous peoples in conservation projects. Based on ethnographic work conducted in the region over the past twenty years, the author identifies and explores three of these issues. The first concerns the use that can be made of a protected area as a reserve of virtualities as well as a reserve of resources, as a space where traditional practices can be included, but also projects not yet defined. He then examines how the mobilization of the idea of a « productive ecology » by the members of these communities is a way of entering into a dialectical, but ultimately destabilizing, relationship with the image of the good indigenous conservation subject, which is omnipresent in the dominant narratives of REBIMA. Finally, the author discusses how the productive projects referred to in this paper cannot be confined to local aspirations, but are part of a broader dialogue, particularly with the Mexican State, on resource rights and land management.
Keywords:
- Hébert,
- Chiapas,
- Montes Azules Biosphere Reserve (REBIMA),
- conservation,
- Indigenous political projects,
- non-authorized communities,
- social imaginaries,
- utopianism,
- productive practices
Resumen
Las comunidades no autorizadas que existen en el seno de la Reserva de la biosfera Montes Azules (REBIMA) están en el centro de retos éticos y políticos que nos conducen a interrogar cierto número de proposiciones sobre el posible lugar de los pueblos autóctonos en los proyectos de conservación. A partir de un trabajo etnográfico realizado en la región desde hace unos veinte años, identificamos y exploramos tres de dichas cuestiones. La primera se refiere al uso que puede darse a una área protegida como reserva de virtualidades tanto como de recursos, y como espacio en donde pueden inscribirse no solamente las prácticas tradicionales, sino también proyectos aun no definidos. Después examinamos cómo la mobilización de la idea de una «ecología productiva» de los miembros de esas comunidades es una manera de ingresar en una relación dialéctica, aunque finalmente desestabilizante, con el imaginario del Buen autóctono de la conservación, omnipresente en las narrativas dominantes de la REBIMA. Finalmente abordamos la forma en que los proyectos productivos que aquí tratamos no pueden ser confinados en tanto que aspiraciones locales, sino inscritos en un diálogo más amplio, principalmente con el Estado mexicano, sobre los derechos a los recursos y a la gestión de territorios.
Palabras clave:
- Hébert,
- Chiapas,
- Reserva de la biosfera Montes Azules (REBIMA),
- conservación,
- proyectos políticos autóctonos,
- comunidades no autorizadas,
- imaginarios sociales,
- utopismo,
- prácticas productivas
Article body
Introduction
Le 27 février 2018, plus de 600 représentants de communautés autochtones et d’organisations de la société civile de l’est de l’État du Chiapas se réunirent dans un village nommé Amador Hernández. Leur rencontre visait à dénoncer une nouvelle vague de criminalisation de personnes qui s’identifient à la fois comme paysans et comme Autochtones tzeltales ou tzotziles (Hébert 2012) occupant des territoires compris dans la Réserve de la biosphère Montes Azules (REBIMA[1]). L’enjeu est omniprésent dans la politique locale depuis que ce territoire de plus de 330 000 hectares a été délimité au coeur de la Selva Lacandona[2] et défini comme zone de conservation à la fin des années 1970. La création de la Zone lacandone en 1976, puis celle de la REBIMA en 1978, souleva l’indignation des premières organisations paysannes dans la région. Ces dernières critiquaient vivement le fait qu’un territoire aussi vaste puisse être hors limite pour les paysans mayas, d’autant plus que les titres fonciers en seraient dorénavant remis principalement à 66 familles lacandones qui l’administreraient par le biais du Conseil des biens communaux de la Zone lacandone[3]. Au fil des décennies, certains efforts ont été faits pour résoudre la question. Ils vont de pourparlers visant à régulariser la situation d’une partie des communautés tzeltales et tzotziles enclavées dans la REBIMA — dont les habitants étaient néanmoins qualifiés d’« envahisseurs » — à des offres gouvernementales visant à les relocaliser hors de la réserve. Mais, dans l’ensemble, les rapports entre les administrateurs de la REBIMA et les villages en son sein qu’ils ont fait déclarer illégaux sont demeurés très tendus depuis quatre décennies. Ils ont généralement pris la forme d’une répression judiciaire et militaire de cette occupation doublée d’une campagne de relations publiques dénonçant les pratiques des paysans comme destructrices de l’environnement.
Les représentants présents lors de la rencontre tenue à Amador Hernández réagissaient à la configuration la plus récente de cette répression. En juillet 2016, la police fédérale mexicaine se vit dotée d’une nouvelle mission, nommée « gendarmería ambiental [gendarmerie environnementale] ». Son objectif officiel est de « garantir et sauvegarder les aires naturelles protégées de juridiction fédérale, pour protéger le droit fondamental des personnes à jouir d’un environnement sain et durable » (Policía federal de México 2018). Jugeant que ses doléances envers les communautés sans titres tombaient exactement sous la juridiction de la police fédérale en raison de ses pouvoirs d’intervention élargis, le Conseil des biens communaux de la Zone lacandone déposa une plainte, demandant l’expulsion des paysans de la REBIMA. Ce n’était pas la première fois qu’une telle procédure était entamée, mais la pression combinée des gouvernements, de grandes organisations non gouvernementales (ONG) internationales de conservation et du Conseil des biens communaux de la Zone lacandone rendait la situation très difficile pour les personnes souhaitant continuer à occuper des terres qu’elles travaillaient parfois depuis des décennies. Comme cela avait été le cas à plusieurs autres occasions, seules les pressions des organisations paysannes et de la société civile — attirant l’attention sur les potentielles violations de droits humains liées à de telles expulsions — vinrent faire contrepoids à la répression.
Le présent article propose une interprétation fondée sur des terrains ethnographiques menés dans les communautés tzeltales situées aux abords et à l’intérieur de la REBIMA. Ces terrains se sont étalés de 1996 à 2017 et, couvrant la moitié de la période d’existence de cette aire de conservation, nous semblent permettre de réfléchir à la manière dont cet espace, qui figure dans de multiples projets politiques, les façonne et en devient l’enjeu. Les conditions de ces terrains ont varié. Dans certains cas, ils se sont déroulés dans des communautés tzeltales situées aux abords de la REBIMA, dont certaines s’étendaient elles-mêmes informellement dans la zone tampon, en périphérie de la réserve. Les réseaux de parents, d’alliances politiques et d’échanges économiques qui relient les différents villages de la région des Cañadas, située au sud de l’aire protégée, et ceux établis à l’intérieur de ses limites firent en sorte qu’il fut possible de rencontrer des habitants de cette zone alors qu’ils étaient en transit pour sortir de la Selva Lacandona. Ce fut particulièrement le cas lors d’un séjour dans la région en 1996, alors que j’étais observateur pour une ONG de droits humains. Ce fut l’occasion de faire quatre mois d’observation dans la région. Dans les villages où j’ai séjourné, les contacts avec les hommes étaient généralement plus faciles qu’avec les femmes, mais les règles de patrilocalité ont fait en sorte que, lorsque j’accompagnais un homme hors de la communauté, nous étions souvent accueillis chez l’une de ses soeurs. Ainsi, de proche en proche, une partie de ma compréhension des réseaux d’alliances entre les communautés de la région s’est fondée sur l’implication d’hommes et de femmes. Par contre, les entretiens avec les leaders politiques ont généralement impliqué des hommes.
Durant des séjours plus courts faits entre 1998 et 2005, mes contacts avec les habitants de la REBIMA ont eu lieu dans le contexte de leurs rapports avec des ONG et groupes de défense des droits humains travaillant de près avec les Autochtones de cette partie du Chiapas. Il me fut possible, en 2010, de suivre de plus près les activités de l’un de ces organismes et de me rendre dans des communautés de la Zone lacandone. En outre, je pus assister à des ateliers soutenant les diverses expériences productives menées par les paysans de cette zone. Les personnes travaillant dans les ONG étaient tant des hommes que des femmes et ce fut l’occasion de prendre connaissance, par exemple, de projets productifs animés par des femmes et réalisés avec des femmes des communautés, comme les projets de four à pain et de culture de champignons. Après 2010, les contacts ont surtout pris la forme de discussions avec des habitants de la zone de passage à Ocosingo ou San Cristóbal de las Casas et avec des interlocuteurs travaillant au sein d’ONG actives dans la région.
Guidé par les échanges qui ont eu lieu au fil de ces contacts avec les habitants de la REBIMA et avec ceux qui oeuvrent au sein d’organisations régionales les appuyant, je m’intéresserai ici plus particulièrement à la manière dont l’idée de la conservation est réappropriée et redéfinie dans le cadre de cette occupation litigieuse du territoire. Il sera question des pratiques et des discours de ceux-là mêmes qui sont accusés de détruire « la fantasía de la selva hecha realidad [le fantasme de la jungle devenu réalité] » qu’est la REBIMA, selon un site officiel du Secrétariat de l’environnement et des ressources naturelles mexicain (SEMARNAT[4] [2019]). Cette exploration nous mènera à examiner trois propositions qui font souvent office de truismes dans les discussions concernant les rapports qu’entretiennent les peuples autochtones avec les zones de conservation : 1) la légitimité des revendications des peuples autochtones par rapport aux zones de conservation repose sur le fait qu’ils en ont été exclus à l’origine ; 2) c’est par leurs connaissances traditionnelles et leur connaissance intime du territoire que les peuples autochtones peuvent devenir des partenaires de la conservation ; 3) l’enjeu de leur accès à ces territoires est largement une question d’accès aux ressources et de préservation d’un mode de vie fondé sur un mode de subsistance particulier.
Le contexte particulier de la Selva Lacandona exige que nous fassions preuve de circonspection relativement à ces affirmations. Nous nous proposons donc de les examiner à la lumière de l’ethnographie locale dans les prochaines pages. Il sera question de l’importance que revêt l’acte de fonder de nouveaux villages dans la vie sociopolitique tzeltale. Nous nous attarderons particulièrement au fait que l’innovation — voire la rupture avec la tradition — peut jouer un rôle aussi grand que la transmission culturelle et la reproduction des identités dans l’appropriation autochtone de la conservation. Ceci sera notamment visible dans la discussion de l’approche dite ECEP (sigle de Économie coopérative et écologie productive) adoptée dans les communautés non autorisées[5] établies dans la Réserve de la biosphère Montes Azules.
Mises en récit d’une aire de conservation
Tel qu’il se présente aujourd’hui, le territoire de la REBIMA, de même que les autres portions de la Selva Lacandona qui lui sont adjacentes, peut être vu comme la résultante de multiples projets qui se sont entrecroisés depuis le XIXe siècle. Faire la description complète de cet écheveau dépasse largement le propos du présent article. Il est néanmoins important de rappeler que ce territoire a été historiquement convoité pour plusieurs raisons. Le capital s’y est d’abord intéressé pour les bois précieux (cèdre et acajou) pouvant être récoltés dans cette forêt tropicale (De Vos 1996). Dans les années 1940, la Selva Lacandona est devenue un lieu d’établissement pour les paysans autochtones. Ces derniers arrivaient principalement au terme de deux parcours. Certaines jeunes familles quittaient les fincas (parcelles) caféières de la région sous l’impulsion de leaders sociaux qui les motivaient à revendiquer des terres collectives (ejidos), un mouvement qui fut facilité par la transition de la production des fincas vers l’élevage, beaucoup moins exigeant en main-d’oeuvre (Bobrow-Strain 2010). D’autres arrivaient de communautés tzeltales, choles et tzotziles des Hautes-Terres du Chiapas comme Bachajón, Tumbalá ou Simojovel (Deverre 1980 : 161). Dans les années 1960, ce mouvement migratoire aurait été accéléré par le gouvernement mexicain, alors soucieux d’affirmer sa souveraineté sur ce territoire limitrophe où commençaient alors à s’installer des Mayas des Hautes-Terres guatémaltèques chassés par la guerre civile (Collier 1994). Les années 1970 furent celles de la mise en oeuvre du projet conservationniste sur ce territoire, qui déboucha sur la relocalisation de villages paysans autochtones hors de la zone et sur la création de la REBIMA elle-même.
Ce changement de statut fit entrer en scène une diversité d’acteurs intéressés par la Selva Lacandona, forêt à la biodiversité exceptionnelle, qui devint notamment un attrait touristique considérable dans la région. Les ONG environnementales internationales commencèrent à faire des pressions importantes sur le gouvernement mexicain pour qu’il intervienne contre l’agriculture sur brûlis pratiquée dans la zone tampon autour de l’aire de conservation, voire à l’intérieur de cette dernière. Leur activité s’élargit ensuite à la dénonciation de la récolte de bois de chauffe et à la chasse. Dans certains cas, le statut d’ONG de certaines organisations a été porté à l’attention comme étant un paravent dont la fonction est de rendre socialement acceptables des activités de bioprospection dans la Selva Lacandona. Au début des années 1990, par exemple, Conservation International, une organisation financée par des entreprises en biotechnologie, a obtenu le droit d’établir une station de recherche génétique à l’intérieur de la REBIMA (Choudry 2012 : 58–61). Par ailleurs, comme nous avons commencé à l’expliquer, cette réserve naturelle est le site de projets autochtones divers avec un contraste marqué entre les activités ethno-touristiques des Lacandons et les activités agricoles des autres groupes mayas occupant le territoire. Nos interlocuteurs tzeltales sont très critiques du rôle qu’ont joué les Lacandons dans la gestion de la REBIMA depuis quarante ans. Ils soutiennent que ces derniers ont été instrumentalisés pour justifier l’exclusion des paysans tzeltales, tzotziles et choles de la réserve. Cependant, il n’en reste pas moins que les Lacandons ont été des agents actifs dans la définition de leurs propres projets identitaires et économiques, s’avérant être des acteurs centraux de la région en devenant les icônes des « bons » bénéficiaires de la conservation telle qu’entendue par les ONG environnementales et le gouvernement mexicain (Lévesque 2005).
Les projets qui ont entraîné la création de villages illégaux sont eux-mêmes diversifiés. Nous pouvons minimalement les diviser en deux vagues principales. La première est celle des établissements qui ont eu lieu autour de la période de création de la réserve elle-même, entre 1976 et 1978, notamment San Gregorio, Ranchería Corozal et Salvador Allende. Les entretiens que nous avons menés révèlent des motivations complexes combinant un manque de terres causé par les difficultés administratives qui entravent l’expansion des ejidos déjà existants et une volonté d’autonomie par rapport à l’ascendant exercé par certaines familles dans les communautés quittées. La seconde vague principale est due aux familles qui se sont déplacées vers la REBIMA dans le contexte du soulèvement zapatiste au milieu des années 1990. Plus d’une vingtaine de ces villages ont été créés après 1994 dans différentes circonstances liées au conflit, allant de la recherche de sécurité à un opportunisme permettant d’avoir accès à de nouvelles terres. Les interprétations à cet égard varient selon les personnes à qui l’on parle, mais les récits convergent sur le fait que les terres de la REBIMA permettaient un nouveau départ.
Chacun des acteurs que l’on vient de mentionner fait sa propre mise en récit de ce qu’est la REBIMA. Chacun inscrit cette vision dans un cadre normatif concernant ce qu’elle pourrait ou ce qu’elle devrait être. Bien sûr, chacun produit des représentations quant aux intentions, motivations et actions des autres acteurs. Gouvernements, entreprises, Lacandons, paysans établis illégalement dans la réserve, ONG environnementales, organismes de droits humains, militants de la société civile, tous s’inscrivent dans une matrice de relations complexes par le biais desquelles ce territoire de conservation est construit. Pour les communautés tzeltales et tzotziles criminalisées, l’enjeu de cette lutte de sens n’est ni plus ni moins que leur survie. Elles ont compris, par ailleurs, que la cheville ouvrière de leur mise en récit est leur capacité ou non à faire reconnaître leurs pratiques agricoles comme participant d’une forme légitime de conservation, qu’elles nomment « écologie productive ».
L’écart de perceptions face à ces pratiques autochtones est cependant considérable. Avant de passer à une discussion plus pointue des manières dont ces pratiques interrogent certaines idées bien établies sur la place des peuples autochtones dans le domaine de la conservation, il importe de compléter cette mise en contexte par deux peintures diamétralement opposées des dynamiques à l’oeuvre dans la REBIMA. Ces dernières interagissent dans une constante dialectique dans le discours de nos interlocuteurs. Ils ne veulent pas être vus comme ayant un impact néfaste sur la nature, mais ne se rangent pas non plus du côté du récit conservationniste, voyant qu’il pose des limites considérables à l’exercice de leur autonomie et, plus fondamentalement, à leur capacité de tirer leur subsistance du territoire. La mise en récit conservationniste peut être illustrée par le discours de l’ONG environnementale internationale ParksWatch. La réponse autonomiste nous est fournie par un interlocuteur tzeltal travaillant dans une ONG locale en solidarité avec les habitants criminalisés de la REBIMA.
Selon la fiche informative produite par ParksWatch pour décrire l’état de la conservation dans la Réserve de la biosphère Montes Azules, la situation des établissements autochtones non autorisés se comprendrait de la manière suivante :
Les incursions dans la réserve remontent à l’année de la création de la réserve en 1978, même après que les terres aient été octroyées à la communauté lacandone. En 1994, le soulèvement armé de [l’Armée] zapatiste de libération nationale (EZLN[6]) eut lieu dans la région et l’instabilité sociale s’est accrue à mesure que des familles furent déplacées et que de nouveaux établissements non autorisés apparurent dans [la Réserve de la biosphère] Montes Azules. Certaines de ces familles allèrent vers la réserve pour échapper aux affrontements entre la guérilla et l’armée mexicaine, alors que d’autres y allèrent à cause de différences idéologiques entre communautés de la sous-région des Cañadas. Certaines personnes tirèrent avantage du manque de gouvernance dans la zone et envahirent des terres en prétendant être liées au mouvement armé et en ayant recours à l’intimidation en disant qu’elles avaient l’appui de l’EZLN. Il est important de souligner que, même si certaines personnes malhonnêtes ont profité de la situation pour s’approprier des terres, plusieurs Autochtones et même des communautés complètes ont souffert de la guérilla et de la misère et du manque de terres qui ont suivi.
ParksWatch 2004
Retenons de cette caractérisation que le déplacement de familles vers les terres de la REBIMA est attribué par l’organisme ParksWatch à une faiblesse problématique du contrôle étatique et à un manque de terres. En effet, les ONG de conservation ont été parmi les plus insistantes pour que le gouvernement mexicain augmente la répression des communautés non autorisées. Le portrait dessiné par un jeune Tzeltal impliqué dans le développement et la promotion des pratiques d’écologie productive au sein de la réserve offre cependant une lecture différente de la situation :
[Avant les années 1970] les gens se sont établis dans la Selva, des ejidos ont été créés et de plus en plus d’Autochtones (Indígenas) commencèrent à y vivre, avec des droits d’ejidos sur leurs terres. C’est alors que le gouvernement s’est rendu compte de son erreur, que très bientôt toutes les ressources naturelles de la Selva seraient sous le contrôle d’ejidos autochtones. Il était impossible pour une compagnie privée d’extraire des ressources de terres ejidales. […] Ne voulant pas perdre le contrôle de bois précieux, comme l’acajou ou le cèdre, le gouvernement a changé ses politiques et a donné le territoire à 66 familles de gens importés du Yucatán…
Entrevue, Ocosingo, avril 2010
Cette version de l’histoire de la REBIMA insiste sur le processus de captation des ressources par le gouvernement au profit du secteur privé qui est à l’oeuvre dans ce projet de conservation. Les enjeux ici ne concernent pas un manque de terres. Ils ne sont certainement pas non plus liés à une trop faible présence de l’État mexicain sur ce territoire. Ils relèvent plutôt de questions de justice distributive et de l’affirmation d’un principe d’autonomie communautaire cristallisé dans la figure de l’ejido. En somme, nous trouvons dans cet extrait un renvoi à l’idée phare de la Révolution mexicaine voulant que la terre et ses ressources doivent appartenir aux personnes qui la travaillent.
Pour nos interlocuteurs tzeltales, il va de soi que la communauté paysanne autochtone peut à la fois être une unité productive et contribuer à la protection de l’environnement. Cette idée rejoint un premier défi théorique posé par les établissements non autorisés dans la REBIMA à un certain sens commun concernant les rapports entre les peuples autochtones et les initiatives de conservation. Selon cette conception, la légitimité de la participation autochtone à ces projets serait avant tout justifiée par le fait que la création de zones de conservation menace de transformer les populations locales en réfugiées de la conservation ou, à tout le moins, d’entraver des pratiques (traditionnelles) déjà existantes sur le territoire.
Une réserve de possibles
Un présupposé commun à de nombreux écrits portant sur les rapports entre les peuples autochtones et les aires protégées veut que le principe d’antériorité de l’occupation du territoire soit un élément clé dans la reconnaissance de ces derniers comme parties prenantes dans la conception et la gestion de ces espaces. La recommandation 24 du World Parks Congress de 2003, par exemple, revendiquait une prise en compte accrue des peuples autochtones en affirmant que
Plusieurs aires protégées du monde empiètent […] sur les terres, les territoires et les ressources de peuples autochtones et traditionnels. Dans plusieurs cas, la création de ces aires protégées a affecté les droits, les intérêts et les modes de subsistance des peuples autochtones et traditionnels et des conflits en ont résulté.
World Parks Congress 2003
À n’en pas douter, certains aspects de cet énoncé s’appliquent aux communautés non autorisées de la REBIMA. Dans la déclaration publiée à la suite de la rencontre du 27 février 2018 entre les centaines de représentants de communautés autochtones et d’organisations de la société civile de l’est de l’État du Chiapas, visant à dénoncer les menaces d’expulsion contre les villages de San Gregorio, Ranchería Corozal et Salvador Allende, les participants affirmèrent que les programmes environnementaux du gouvernement étaient au service de la privatisation des territoires autochtones et portaient atteinte aux « droits des premiers peuples [pueblos originarios] du Mexique, qui sont les occupants légitimes [de ces territoires] en raison de l’héritage de [leurs] ancêtres appartenant à la culture maya » (ARIC Unión de Uniones 2018). Ainsi, dans une perspective macrohistorique, il est possible de voir la REBIMA comme une terre enlevée aux descendants des Mayas. L’argument porte et s’arrime aux instruments de droits autochtones internationaux telles la Convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Considérer la question à la lumière d’un horizon historique plus rapproché nous permet cependant de faire ressortir certaines dimensions importantes de l’occupation de la REBIMA. Cette aire protégée ne fait pas qu’empiéter sur quelque chose qui était « déjà là », comme des intérêts, des droits et des activités de subsistance autochtones. Elle constitue également, pourrions-nous dire, un empiétement sur des projets autochtones. Le complexe enchevêtrement des mises en récit de cet espace que nous avons évoqué plus haut a tendance à nous faire voir la REBIMA à travers la même lorgnette que celle mobilisée par le World Parks Congress, c’est-à-dire comme un territoire surdéterminé par diverses formes d’occupations autochtones, par l’intervention de l’État, par des ONG environnementales, par le capital qui le transforme en valeur d’échange, etc. Mais l’ethnographie nous suggère que ce territoire peut également être envisagé comme étant sous-déterminé, comme un territoire de possibilités, voire comme un espace utopique.
Les recherches de terrain menées par Christian Deverre (1980) dans les années 1970 ont bien mis en évidence le fait que la migration de Tzeltales, de Tzotziles et de Choles des Hautes-Terres du Chiapas vers la Selva Lacandona pour y fonder de nouveaux villages ne pouvait être expliquée de manière satisfaisante par un manque de terres. Deverre notait alors que « la colonisation [de la Selva par les paysans mayas] marqu[ait] une rupture définitive à la fois spatiale et sociale avec la communauté d’origine » (ibid. : 165). Plusieurs pratiques traditionnelles sont remises en question par cette migration, en particulier la gérontocratie rigide qui était un pilier de l’organisation sociale dans les communautés mayas des Hautes-Terres. Ce motif de la « refondation » communautaire par la colonisation de nouveaux espaces est présent à la mémoire des personnes que nous avons rencontrées dans la Selva. Dans les années 1960 et 1970, l’inscription spatiale de cette aspiration impliquait un passage des Hautes-Terres à la Selva. Depuis, cet acte collectif de gens qui se mobilisent pour « améliorer leur sort », comme le disait l’un de nos interlocuteurs de Ranchería Corozal, a impliqué dans certains cas un passage des communautés des Cañadas à de nouveaux établissements dans la REBIMA.
Dans les entrevues que nous avons menées avec des organisateurs communautaires tzeltales, cette vision de la communauté comme sujet politique luttant pour améliorer ses conditions de vie était souvent présente. L’action de revendiquer des droits « en tant que communautés » (« como pueblos ») primait sur les actions ancrées dans d’autres subjectivités politiques, souvent de manière très explicite. Cette précision servait tant à critiquer l’individualisme qu’à prendre une certaine distance par rapport à des identités stratégiquement utiles, mais perçues comme abstraites. En particulier, l’identification à la « société civile » ou à une organisation politique donnée est souvent présentée comme un moyen plutôt que comme une fin en elle-même (Hébert 2012).
Certains auteurs, suivant la proposition de Blaser (2004), ont utilisé l’expression « projets de vie » pour parler du genre de « souhaitables » politiques dont il est question ici (Escobar 2008 ; Sosme Campos et Casados González 2016 ; Torres Sandoval, Montejo Sánchez et Cruz González 2019). Ces projets peuvent être compris comme ayant une portée émancipatoire tout en étant inscrits dans une manière d’être et dans un territoire donnés. Cette expression est utile mais rend peu les dynamiques de refondation et de ré-imagination de la tradition qui semblent avoir accompagné la création de nouveaux villages tzeltales dans la Selva Lacandona en général et dans la REBIMA en particulier. La Selva ne nous a pas été présentée comme un espace où il serait possible de renouer avec quelque chose de perdu. Dans les discours et dans la pratique, elle s’est plutôt avérée être un espace d’appropriation nouvelle et de réinvention. J’utiliserai ici l’expression « réserve de virtualités » (Zournavi 2003) pour désigner ce rapport politique à l’occupation de l’espace. Elle me semble utile dans la mesure où elle permet de mettre en évidence une dimension importante de la politique autochtone au Chiapas, qui comporte non seulement des revendications liées à l’expression et à la réappropriation de manières d’être, mais aussi des revendications explicitement liées au droit de faire advenir des mondes qui ne sont pas encore (Hébert 2016). Après 1996, les zapatistes ont beaucoup insisté sur cette dimension de leur militantisme en se montrant attachés à la création de possibles politiques beaucoup plus qu’à la réalisation d’un plan prédéterminé. Cette posture a non seulement eu des échos dans la Selva Lacandona, mais aussi dans les manières de penser le changement politique profond dans une ère réfractaire aux projets utopiques critiqués comme propices aux dérives autoritaires.
Voir les terres de la REBIMA comme une réserve de virtualités, un espace de possibles politiques, s’accorde bien avec la manière dont a été décrit le rapport au devenir collectif entretenu par les Tzotziles et les Tzeltales. Cette expression nous éloigne de l’impression que les groupes qui investissent cette zone de conservation, en particulier ceux qui l’ont fait en se revendiquant du zapatisme au milieu des années 1990, le font avec un plan précis en tête, une utopie prédéfinie à réaliser. Cette approche, en fait, a plutôt été celle des concepteurs de la REBIMA elle-même, qui relevait d’une utopie conservationniste de la nature intouchée (Garforth 2018) et d’un processus de mise en oeuvre obéissant à une planification étatique abstraite qui a peu pris en compte les réalités locales (Paz 1994 ; De Vos 2002). Les processus émergents dont il est question ici s’appuient sur une logique d’autodétermination et de droit à se construire une vie meilleure, selon des paramètres qui restent souvent à définir. Pour Gary H. Gossen (1999), le terme approprié pour parler de ces projets collectifs mayas qui émergent dans la pratique serait celui de destin. Il renvoie non pas à une prédestination, et encore moins à un plan à plaquer sur le monde, mais plutôt à un processus constamment en émergence. Dans cette perspective, le « destin » de la communauté n’est pas quelque chose qui lui arrive. Il est la résultante de la « lucha » (la « lutte »), comme disent nos interlocuteurs, de ces activités menées au quotidien qui impliquent tant le travail productif que la participation aux structures civiles et religieuses de la communauté.
Nous verrons dans la prochaine section que cette lucha concerne en outre des enjeux liés à la production agricole et alimentaire pour les communautés tzeltales dont il est question ici. Elle prend notamment la forme d’innovations productives. Compte tenu des déplacements de populations qui ont eu lieu dans la région, soit des Hautes-Terres froides vers les Cañadas plus tempérées, puis vers la Selva Lacandona tropicale de la REBIMA, les innovations dans le domaine des techniques productives et dans le rapport plus large à l’environnement se sont souvent faites par la force des choses et dans la discontinuité. Ces innovations procèdent également d’initiatives qui émergent des communautés et qui se développent en dialogue avec diverses propositions faites par des ONG locales et des organisations de solidarité de la société civile. En fait, les personnes que j’ai rencontrées sur le terrain pouvaient généralement faire un récit très précis de la manière dont telle ou telle innovation technique avait été adoptée par la communauté : la technique de production du fourrage pour les bovins a été développée en partenariat avec une ONG d’Ocosingo ; l’adoption de toilettes sèches a été inspirée par des contacts avec des militantes écologistes allemandes ; la production de champignons est une initiative de tel groupe de femmes. Chaque pratique semble avoir sa généalogie, retraçant jusqu’au nom des personnes qui l’ont développée dans le village. « Pourrais-tu nous trouver un manuel de médecine vétérinaire ?, me demanda un jour un homme habitant à l’intérieur de la REBIMA. Nous aimerions améliorer l’élevage de nos poules ici. » Ces exemples mettent en évidence le caractère émergent des projets autochtones déployés sur les territoires occupés dans la REBIMA. Des transformations importantes, comme l’abandon de la pratique millénaire de l’agriculture sur brûlis, par exemple, s’opèrent à la jonction des savoirs tzeltales, des ressources externes disponibles par le biais d’organismes de la société civile travaillant en solidarité avec les occupants de la REBIMA et des pressions conservationnistes exercées par le gouvernement mexicain et les ONG environnementales qui accusent les paysans tzotziles et tzeltales de détruire la forêt. Ainsi, la réserve de virtualités qu’est la REBIMA n’est pas une page blanche sur laquelle il serait possible de marquer la refondation des communautés sans contraintes. Elle n’est pas non plus un éden où l’on va pour retrouver la tradition. Elle n’est pas un territoire connu où l’on retourne, mais plutôt un espace présentant de nouveaux possibles où l’on va s’installer pour tenter de négocier une vie meilleure.
La refondation par l’action
Notre intérêt pour les nouveaux établissements paysans dans la REBIMA a d’abord été piqué par une conversation avec un aîné tzeltal au milieu des années 1990. Sa communauté vivait des problèmes importants, exacerbés à la fois par les divisions survenues quelques années plus tôt à propos de la volonté ou non de suivre l’EZLN dans son soulèvement et par la répression militaire qui a suivi les évènements de 1994. Cette communauté luttait, semble-t-il, contre l’ensemble des fléaux susceptibles de l’affliger. Elle avait été créée dans les années 1970 dans une zone dite de tierra fría (terre froide), en altitude. Trop élevée dans le bassin versant, sa situation géographique posait des problèmes d’approvisionnement en eau potable. Trop froide, elle rendait très difficile la culture du haricot noir, une denrée pourtant centrale à l’alimentation maya. Au moment de sa création, la communauté avait bénéficié d’importants appuis gouvernementaux. On avait subventionné la plantation de caféiers dans le village et construit une piste d’atterrissage pour l’approvisionnement de cette localité qui n’était pas reliée au réseau routier.
Au moment de mon entretien avec l’aîné, le village était divisé en deux factions — une prozapatiste et une progouvernementale — alignées sur les positions des deux principaux groupes familiaux qui constituaient la communauté. Le café était sorti du village à dos d’âne, par des sentiers abrupts et rocailleux très difficiles à négocier avec une charge. Une partie de la récolte était acheminée à grands frais et en petits volumes vers des marchés de la région, pour ne rapporter que de maigres revenus. Une autre partie était échangée aux villages voisins contre des haricots. Mon interlocuteur, visiblement, n’était pas optimiste quant aux perspectives auxquelles sa communauté et lui faisaient face : « Tu sais, me dit-il, il existe là-bas, près de la frontière du Guatemala, une terre vierge de 14 000 hectares. Elle est uniquement habitée par des Autochtones. » Il me dit que si les choses continuaient de la sorte, ici, avec la pauvreté et les conflits, la portion des habitants du village avec qui il était allié et lui-même iraient s’installer sur ces terres : « Nous nous préparons, ajouta-t-il, nous apprenons présentement à cultiver le blé, nous apprenons à faire du pain » (entretien, communauté tzeltale, février 1996).
L’association entre le déplacement vers des terres (et une vie) meilleures et une transformation fondamentale de la production est particulièrement importante pour aborder l’innovation liée à l’occupation non autorisée de la REBIMA par des familles autochtones. Elle interroge particulièrement un second présupposé qui sous-tend souvent les discussions sur les rapports possibles entre les peuples autochtones et les aires protégées, celui voulant que leur contribution à la gestion de ces aires soit d’abord fondée sur leurs connaissances traditionnelles et leurs pratiques ancestrales. Dans le cas de la Selva Lacandona, ce présupposé vient opérer une distinction entre deux types d’occupation autochtone du territoire, avec un jugement sans ambiguïté quant à la valeur de chacune en matière de conservation des écosystèmes. Les bons sujets de la conservation sont les groupes (généralement les Lacandons) qui ont une
[…] relation personnelle avec leur environnement et dont la cosmovision ne fait pas de la nature un simple objet, mais plutôt un monde complexe de composantes vivantes qui le plus souvent sont personnifiées et définies dans les mythes locaux, sur la base de l’expérience de multiples générations.
Vásquez Sánchez 2018 : 127
Inversement, d’autres groupes de paysans autochtones (tzeltales, tzotziles, choles) sont présentés comme des vecteurs de déforestation, d’introduction de l’élevage (ganaderización) et de conflits pour la terre. À la différence près qu’ici ce sont des Autochtones qui sont pointés du doigt et accusés de destruction environnementale, ce schéma correspond assez bien aux caractérisations que l’on pourrait attendre d’un conservationnisme romantique. Les habitants des communautés non autorisées de la REBIMA sont tout à fait conscients des effets concrets qu’ont ces discours sur leur situation. Au fil de mes séjours, ces derniers ont relaté de multiples récits de répression et d’interventions visant à démanteler leurs villages.
En août 2008, par exemple, un agent de la Commission nationale des aires naturelles protégées (CONANP[7]) est arrivé dans l’une de ces communautés en hélicoptère, accompagné d’une cinquantaine de soldats. Il a demandé qu’une assemblée soit organisée et, au cours de cette dernière, a tenté de convaincre les habitants d’accepter une compensation financière et de quitter leurs terres. Le gouvernement leur offrait des terres « avec tous les services », en disant que l’occupation non autorisée actuelle ne leur offrait « aucune sécurité et aucun futur ». La communauté refusa son offre et, quelques mois plus tard, les militaires revinrent au village avec quatre hélicoptères cette fois. Les habitants échappèrent à l’arrestation en se sauvant dans la forêt :
S’ils sont pris, les gens comprennent que le gouvernement ne les laissera pas sortir de prison tant qu’ils n’auront pas signé les documents pour céder leurs terres. Tout devient plus compliqué pour eux s’ils se font prendre… Ils seront obligés d’échanger leurs terres contre leur liberté, et après ils n’auront plus rien…
Entretien avec un responsable communautaire, Ocosingo, 2010
Les récits qui circulent à propos du traitement des personnes expropriées n’ont rien pour rassurer. En août 2007, les habitants de trois communautés — Nuevo Israel, Buen Samaritano et San Manuel — furent arrêtés par les militaires. L’armée décida de les relocaliser temporairement dans les baraques de la base militaire de La Trinitaria. Cette mesure marqua considérablement l’imaginaire local, car ces installations, comme les autres campements militaires de la région, ont la réputation d’être d’importants lieux de prostitution (Ramos Martínez et Pérez Moreno 2009) : « Ils amenèrent les gens au bordel de La Trinitaria », me dit un organisateur communautaire tzeltal en 2010. Le coût potentiel de la criminalisation de ces occupations est donc une menace avec laquelle les habitants des communautés non autorisées vivent en permanence.
Ces exemples illustrent le fait que, si le territoire de la REBIMA est vu comme un lieu de possible refondation par les personnes qui s’y sont installées sans autorisation, particulièrement après 1994, il n’en reste pas moins qu’il est un espace de contraintes. Celles-ci, comme nous venons de le voir, sont certes juridiques et policières, mais elles sont également discursives. Tant que l’imaginaire du bon sujet autochtone de la conservation restera défini dans les termes que nous venons de citer, il est évident pour plusieurs de nos interlocuteurs que les chances de voir la situation des habitants non autorisés de la REBIMA être régularisée sont très faibles. Le forum citoyen tenu en février 2018 dans le village d’Amador Hernández témoigne d’un effort pour attirer l’attention de la société civile nationale et internationale sur les risques posés par la militarisation de la Selva Lacandona, sur la criminalisation des communautés et les violations des droits humains qui lui sont associées. Cette rencontre a également été l’occasion de renforcer la présentation de l’aire de conservation de la REBIMA comme une forme de privatisation des territoires mayas. Il s’agit là d’une action tournée vers les autorités ayant pour but de protéger les personnes visées par la répression.
Sur le terrain, et au quotidien, cette quête de légitimité a pris une autre forme. Elle est certainement complémentaire à la protection des droits humains des occupants criminalisés de la REBIMA mais elle agit sur un autre registre, qui rejoint plusieurs éléments que nous avons amenés jusqu’à maintenant. Il concerne une série d’innovations dans la production qui ont, certes, comme objectif d’améliorer la situation des communautés, mais qui visent également à rendre problématique la distinction opérée entre les divers sujets autochtones de la conservation. Ainsi, face au discours dichotomique qui oppose les Autochtones ayant une « relation personnelle » et millénaire avec leur environnement aux Autochtones (paysans) dont les pratiques sont présentées comme « détruisant » cet environnement, les colons tzeltales et tzotziles de la REBIMA viennent proposer un troisième terme : l’Autochtone qui invente et adopte de nouvelles pratiques, l’Autochtone s’engageant dans un processus délibéré de construction d’un projet productif qui vient améliorer ses conditions de vie tout en étant respectueux du milieu qu’il habite.
Pour répondre à l’autorité et au poids politique des grandes ONG internationales de conservation, les Tzeltales ont eux-mêmes investi la « forme ONG ». C’est par l’une de ces organisations consacrées à la promotion des droits autochtones et offrant un appui agronomique et vétérinaire aux communautés que l’idée d’« écologie productive » a été promue et diffusée dans la région en général et dans les communautés non autorisées de la REBIMA en particulier. Nous avons déjà mentionné que l’un des aspects peut-être les plus impressionnants de cette approche visant à réinventer la production paysanne dans la REBIMA a été l’abandon de la pratique de l’agriculture sur brûlis. Elle a été remplacée depuis 1996 par des techniques de compostage en vertu desquelles les résidus provenant de l’éclaircissement de la forêt sont laissés sur le tapis de la milpa (la parcelle cultivée), ce qui a pour effet de contribuer à contrer l’épuisement des sols occasionné par les jachères trop courtes forcées par le manque de terres.
Les expériences d’écologie productive menées par les communautés de la REBIMA impliquent plusieurs pratiques articulées les unes avec les autres. L’une des plus controversées, sans doute, est l’élevage. L’une des communautés que j’ai visitées, par exemple, entretenait une centaine de têtes de bétail. Les détracteurs de cette approche parlent de la « rancherisation » de la Selva Lacandona et la dénoncent comme un vecteur de déforestation depuis plusieurs décennies déjà (Fuentes Aguilar et Soto Mora 1992). Je n’ai pas ici les données pour juger dans quelle mesure tel est le cas. Par contre, je constate que la forme particulière qui est donnée à cette manière de produire tente, à tout le moins, de répondre aux critiques qui lui sont faites. Mes interlocuteurs tzeltales, par exemple, notent qu’utiliser l’élevage comme source de revenus réduit le besoin de déboiser pour cultiver la milpa. Ils attirent également l’attention sur les mesures qu’ils ont prises pour diminuer considérablement l’étendue des pâturages. Au lieu de laisser le bétail paître, ils ont mis en place des banques de protéines : les pieds des plants de maïs, de même que diverses espèces herbacées cultivées dans un jardin communautaire, sont déchiquetés et donnés comme fourrage au bétail.
Notons qu’il n’est pas question ici de production écologique mais bien d’écologie productive, un choix discursif qui vise à inscrire ces pratiques dans un paradigme d’attention portée à l’environnement. Par contre, ce terme marque une distance par rapport au conservationnisme officiel. Il met en évidence le fait que les pratiques adoptées doivent servir les besoins des communautés. Pour cette raison, il devient complexe de définir le rapport entre l’écologie productive et la conservation dans la REBIMA. Manifestement, nous sommes loin ici d’un paradigme dans lequel les connaissances traditionnelles sont considérées comme le fondement de la participation autochtone à la vie d’une aire de conservation. D’un autre côté, il existe un rapport dialogique implicite (et parfois explicite) entre les nouvelles pratiques productives adoptées par les habitants des communautés non autorisées de la REBIMA et les représentations négatives de l’impact de ces établissements sur la forêt qui circulent. Cette résonnance contient, en elle-même, une critique des attentes des conservationnistes à l’égard des peuples autochtones. Les pratiques associées à l’écologie productive visent à apaiser les critiques et la répression qu’elles demandent, mais elles contribuent également à laisser poindre concrètement une autre forme de protection de la nature, compatible avec la production et, surtout, avec l’autonomie paysanne.
Conserver ou faire advenir
Il est possible d’observer, dans les communautés de la Selva Lacandona, la grande diversité des stratégies adoptées face à la marginalisation sociale et économique. Nous avons déjà mentionné que depuis longtemps des débats importants existent au sein même des villages à propos du choix de se rapprocher du gouvernement pour bénéficier des programmes nationaux et internationaux de développement ou de refuser ces derniers en soutenant qu’ils constituent des leviers de cooptation. Au cours des vingt-cinq dernières années, les programmes gouvernementaux et les structures autonomes, telles les caracoles et juntas de buen gobierno zapatistes (Fitzwater 2019), se sont développés et proposent des possibles politiques aux communautés. Depuis 1997, tant le gouvernement que les zapatistes ont fait des offres de relocalisation aux habitants des villages non autorisés de la REBIMA. Le premier leur a surtout proposé des compensations financières plutôt que de nouvelles terres, mais il n’en reste pas moins que ces incitatifs ont motivé certaines familles à déménager hors de l’aire protégée. Les zapatistes, pour leur part, n’ont pas pris position en faveur du maintien des villages dans la zone de conservation. Ils ont préféré répondre à ceux qui demandaient leur appui en leur offrant de nouvelles terres dans les zones que l’EZLN s’est « réappropriées » dans d’autres parties des Cañadas. Nous n’avons pu documenter de cas où de telles offres ont été acceptées, mais cette possibilité nous a tout de même été présentée comme une option plausible et un véritable engagement pris par les zapatistes. À ces propositions de relocalisation, nous pouvons également ajouter les options migratoires. En effet, les réseaux migratoires des habitants ruraux se sont considérablement développés depuis les années 1980 au Chiapas. Ils s’étendent maintenant bien au-delà des contacts facilitant le déplacement vers les centres urbains de l’État. L’expérience familiale et le capital social accumulé au fil de décennies de mobilité économique rendent maintenant réaliste le fait d’envisager des déplacements plus complexes vers d’autres régions du Mexique, voire vers les États-Unis (Villafuerte Solís et García Aguilar 2014).
Il faut convenir que chacune de ces solutions de rechange à l’occupation de terres dans la REBIMA présente des inconvénients importants. Les relocalisations gouvernementales nous ont été présentées par nos interlocuteurs comme des « pièges ». Une association de trop près avec les zapatistes est également vue comme problématique dans la mesure où même si plusieurs des personnes à qui nous avons parlé se disent favorables aux idées centrales du mouvement, elles disaient préférer garder leurs distances par rapport aux moyens d’action privilégiés par les zapatistes. La migration, quant à elle, demeure un choix aux résultats incertains, mais qui implique généralement une rupture avec le mode de vie paysan. Au vu des risques auxquels sont exposées les personnes qui persistent à occuper les villages non autorisés de la REBIMA, ces options sont néanmoins tout de même envisagées par certains. Alors, pourquoi persister à vivre dans une aire de conservation ?
Dans les deux sections précédentes, nous avons insisté sur l’importance de l’innovation, voire de la refondation communautaire dans l’expérience historique des Tzeltales de la Selva Lacandona. Pour ce faire, nous avons mis en évidence le fait que, malgré une apparente surdétermination de ce territoire soumis à de multiples projets conservationnistes, touristiques, entrepreneuriaux, et même aux projets identitaires d’autres groupes autochtones comme les Lacandons, les Tzeltales que nous avons rencontrés voyaient dans l’espace de la REBIMA une réserve de virtualités, où il serait possible de travailler (« lutter ») pour faire advenir un destin commun plus favorable que si l’on était resté dans les villages des Cañadas. Nous avons déjà cité Deverre (1980), qui soulignait l’importance de prendre en compte les dimensions paysannes tout autant qu’autochtones des aspirations des Mayas ayant quitté les communautés des Hautes-Terres pour venir s’établir dans la Selva Lacandona.
Formulant la chose autrement, Philippe Descola parle également de son expérience avec les Tzeltales, dont les aspirations ne semblaient pas concorder avec l’image des Autochtones en harmonie avec leur environnement forestier entretenue par cet auteur, idée qui persiste dans l’imaginaire du bon sujet autochtone de la conservation :
[…] il s’agit là d’une des raisons qui m’ont mené à ne pas poursuivre mes recherches ethnographiques chez les Tzeltales de Taniperlas : j’ai été frappé par le sentiment de mal-être qui les envahissait lorsqu’ils s’aventuraient dans la jungle environnante, de même que par leurs efforts visant à recréer un village typique de l’Altiplano dans un environnement qui ne s’y prêtait pas. C’est alors qu’il me parut préférable d’aller vivre dans la forêt amazonienne, dans un village où les habitants cohabitaient avec la jungle sans angoisse.
Descola 2003 : 199
Les mouvements politiques ruraux du Mexique ont certainement connu une réaffirmation des identités autochtones depuis la fin des années 1980 (Beaucage 2000). Le Chiapas s’inscrit tout à fait dans cette tendance et les affirmations de Deverre et Descola doivent être nuancées à cet égard. Dans la Selva Lacandona, l’indignation face à la cooptation de certains dirigeants paysans régionaux a joué un rôle important dans la décision de délaisser la voie de la représentation institutionnelle et, en partie, de délaisser les subjectivités politiques que proposaient les organisations paysannes officielles (Legorreta Díaz 1998). Parallèlement, la conjoncture nationale et internationale est devenue propice à la manifestation d’identités autochtones bien plus que paysannes (Díaz Polanco et Sánchez 2002), tant à cause des instruments de droit développés que des réseaux de solidarité tissés dans la société civile par le néozapatisme (Khasnabish 2008). Cependant, au-delà de la dichotomie « Indiens ou paysans » que posait Deverre en boutade, ces identités continuent d’être enchevêtrées dans la Selva Lacandona et on aurait tort d’en sous-estimer la composante paysanne simplement parce que le vocabulaire politique de ces communautés s’est transformé. Dans les Cañadas, comme nous en avons discuté ailleurs, les identités mobilisées varient en fonction des contextes de revendications politiques (Hébert 2012).
Ainsi qu’il en a été question dans la section précédente, il existe aussi un rapport dialectique entre les discours et pratiques des habitants des communautés non autorisées de la REBIMA et les critiques conservationnistes qui leur sont adressées. Les habitants répondent à ces dernières en proposant une réconciliation entre écologisme et production paysanne. Mais l’objectif n’est pas de se fondre dans le moule de bons sujets de la conservation. Comme nous le soulignons, le rapport avec le discours conservationniste est dialectique et les innovations que nous avons évoquées visent tant à trouver une légitimité face aux attentes de la conservation envers les habitants autochtones des zones de conservation que de travailler à changer ces attentes elles-mêmes. Nous avons vu que les projets qui animent nos interlocuteurs sont mus par l’idée d’un devenir commun et meilleur. Ils sont également motivés par l’aspiration de faire advenir un idéal qui, lui, a une forme plus définie : celle de l’ejido libre.
Dans un extrait cité plus haut, nous avons déjà vu poindre une mise en récit où la création de la REBIMA est présentée comme une mesure prise par le gouvernement mexicain pour miner le contrôle que pouvaient exercer les ejidos naissants de la Selva Lacandona dans les années 1970 sur les ressources naturelles de la région. Un parallèle est souvent fait, par ailleurs, par nos interlocuteurs entre ce coup de force local venu soustraire une partie de la Selva Lacandona aux paysans et la réforme de l’article 27 de la Constitution mexicaine, qui a affaibli leurs droits fonciers. Avant cette réforme faite en 1992 dans le cadre des négociations qui allaient mener à l’adhésion du Mexique à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), l’ejido hérité de la Révolution mexicaine était considéré comme une propriété inaliénable contrôlée par les paysans qui en étaient titulaires (nommés ejidatarios). La réforme de l’article 27 retira cette caractéristique d’inaliénabilité pour laisser aux ejidatarios la soi-disant « pleine liberté pour décider de leur propre destin » (Juárez Ortega 2017). Cette réforme a abondamment été évoquée comme l’un des éléments déclencheurs du soulèvement zapatiste de 1994 (voir Barry 1995 et Núñez Rodríguez 2004, par exemple). Dans les communautés de la Selva Lacandona, dont les luttes pour l’obtention de droits éjidaux étaient encore de mémoire récente, voire étaient toujours en cours dans les années 1990 (Hébert 2003), elle toucha une corde particulièrement sensible.
Nos interlocuteurs des communautés non autorisées de la REBIMA ont fréquemment évoqué la dépossession rendue possible par la réforme de l’article 27, qui ouvre la porte à la vente des terres communales. Ils dénoncent particulièrement le fait que celle-ci transfère le droit sur les ressources des communautés à « la Nation », qui s’arroge le privilège de les donner en concession. En d’autres termes, les projets politiques poursuivis au moyen des invasions de terres dans la REBIMA sont concernés par l’amélioration des conditions productives des communautés comprises au sens large, incluant la réaffirmation, et la réalisation, de ce qui a été nommé « l’utopie du municipe libre » (Rojas 2010), au coeur d’une vision profondément décentralisée de l’État mexicain.
Cet éclairage remet en perspective l’idée voulant que l’établissement de communautés dans la REBIMA soit une question d’accès aux ressources et aux terres. S’il ne s’agit que de subsistance, d’autres options s’offrent aux paysans tzotziles et tzeltales. Cette revendication de l’accès aux ressources plonge ses racines plus profondément dans l’imaginaire social des paysans mexicains, dans l’idée d’un pays conçu comme une fédération de communautés libres et souveraines, conception opposée au pouvoir centralisé (ou étranger) dont la REBIMA est devenue le symbole pour plusieurs de nos interlocuteurs. Ainsi, l’innovation dont il est question dans ces communautés non autorisées n’est pas que technique. Elle interpelle et remet en question l’ensemble de la gouvernance de ce territoire en travaillant à réaliser l’utopie paysanne du municipe (ou de l’ejido) libre.
Conclusion
Cet article s’est donné comme objectif d’explorer les manières dont l’établissement et la persistance de communautés non autorisées dans la REBIMA interrogent plusieurs idées reçues à propos des rapports possibles entre les peuples autochtones et les aires de conservation. Les modèles dominants de la conservation ont d’abord été fondés sur l’exclusion des populations locales. Lorsque ces dernières ont été admises à nouveau dans ces zones, y compris dans le cas d’aires protégées autochtones, ce fut généralement sous la condition que les habitants se comportent comme de bons sujets de la conservation, selon des définitions généralement exogènes, évoquant l’« Indien écologique » de Shepard Krech (2000).
L’exemple que nous avons considéré ici présente à notre avis trois particularités qui mènent à reconsidérer ces modèles. Premièrement, nous avons vu que les revendications des paysans autochtones de la Selva Lacandona relèvent autant, sinon davantage, d’une affirmation d’un droit à bénéficier d’une « réserve de virtualités », d’un espace dans lequel peuvent s’inscrire les projets actuels et futurs des paysans que de l’affirmation d’une antériorité macrohistorique de l’occupation maya du territoire.
Par ailleurs, nous avons vu que les projets des communautés non autorisées se définissent dans la pratique, de manière émergente. Ils prennent également forme en étroite combinaison avec les discours dominants, dont celui de la conservation. Ceci étant dit, l’intention n’est pas de se fondre dans le modèle du bon sujet autochtone de la conservation, mais plutôt de le transformer tout en se laissant transformer par lui. L’usage du vocabulaire de l’écologie productive représente à notre avis une telle contreproposition pratique, éthique et politique face à la glorification du stéréotype lacandon perpétué par les gestionnaires de la REBIMA.
Finalement, les habitants des communautés non autorisées de la Réserve de la biosphère Montes Azules nous rappellent que la négociation d’un espace de conservation n’est pas qu’une question de gouvernance locale. Elle peut impliquer, comme cela semble être le cas ici, des luttes de sens entre des visions distinctes de l’État. Ici, l’utopie du municipe (ou de l’ejido) libre implique beaucoup plus qu’une question locale d’accès aux ressources. Elle met en jeu une réflexion normative non seulement sur le cadre de gestion de la REBIMA, mais aussi au-delà. Nos interlocuteurs sur le terrain affirment bien ne pas faire partie du mouvement zapatiste, mais ils se sont tout de même inspirés de sa vision du changement social : du bas vers le haut, de la communauté vers la globalité.
Appendices
Notes
-
[1]
Reserva de la biosfera Montes Azules.
-
[2]
Forêt tropicale de l’État mexicain du Chiapas.
-
[3]
Bienes comunales de la Zona Lacandona (BCZL).
-
[4]
Secretaría de Medio ambiente y Recurros naturales.
-
[5]
Dans cet article, j’ai préféré maintenir l’appellation utilisée par les détracteurs des occupations paysannes — soit « communautés non autorisées » plutôt que « communautés autonomes » — afin de garder le conflit politique causé par cette occupation du territoire à l’avant-plan. L’autonomie est certes, pour elles, une ambition, mais il existe une conscience du fait qu’elle est loin d’être acquise. Ce regard extérieur semble souvent intériorisé et ce fait se reflète dans la manière dont les gens parlent plus souvent de leur établissement comme d’une occupation « qu’ils disent illégale » que comme d’une « occupation autonome ».
-
[6]
Ejército zapatista de liberación nacional.
-
[7]
Comisión nacional de áreas naturales protegidas.
Références
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