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Dans l’ouvrage Anthropology and Public Service : The UK Experience, Jeremy MacClancy relève le défi de parler « emploi » et « avenir » auprès de titulaires d’un doctorat en anthropologie n’ayant pas embrassé une carrière académique dès la fin de leurs études. Cet ouvrage est instructif, analytique et riche des six différents parcours de vie qui le composent et qui illustrent parfaitement la « réalité » des choix de carrières non linéaires une fois l’obtention d’un doctorat en anthropologie.
Nous ne sommes pas en présence d’un ouvrage alarmiste ou accusateur. Au contraire, ce dernier se veut explicatif et bienveillant. Dès la préface, nous comprenons que l’ouvrage n’est pas une façade relatant des faits existants afin de pousser la relève vers la sortie. Il s’agit plutôt d’un ouvrage dont la recherche profonde est travaillée et légitime, dans lequel les données sont concrètes et dans lequel les réflexions à l’égard des futurs diplômés sont pédagogiques et incontestablement expérimentables. En effet, MacClancy qui, à la lecture de l’ouvrage, a très à coeur cette thématique, nous explique d’abord, dans son chapitre introductif, les enjeux et les défis des jeunes diplômés grâce à son étude qualitative menée auprès de onze anciens étudiants (ayant ou non le titre de docteur) qui n’exercent pas en milieu académique. Il retrace à la fois le parcours de ses répondants et dialogue avec l’histoire de la discipline et ses relations avec les secteurs gouvernementaux ou avec les organisations non gouvernementales (ONG) (nommés « public service » dans l’ouvrage). Il précise qu’au sein du gouvernement britannique, ce sont trois ministères en particulier qui ont ouvert leurs portes aux anthropologues, mais aussi aux sciences sociales en général, et ce, en vue d’améliorer l’élaboration des politiques publiques.
Une fois le sujet minutieusement introduit, l’ouvrage donne la parole à six anthropologues qui retracent leurs parcours professionnels variés et atypiques. 1) Mils Hills a été le premier anthropologue à travailler pour le ministère de la Défense avant d’être professeur d’université. 2) Benjamin R. Smith a d’abord acquis son expérience dans une ONG en Australie oeuvrant auprès des Aborigènes avant d’être engagé par l’État aux Affaires internationales. 3) Robert Gregory est un anthropologue qui est directement allé sur le marché du travail et qui a développé des outils à la frontière entre l’anthropologie et les milieux de pratique. 4) Dominic Bryan et Neil Jarman, engagés comme conseillers auprès du gouvernement d’Ireland du Nord, nous expliquent les différents types de solutions à adopter selon les problèmes et les contextes. 5) Peter Bennett nous explique son parcours et ses réflexions de gouverneur de prison et d’unités d’intervention spécialisée. 6) Rachael Gooberman-Hill, anthropologue médicale, a à la fois travaillé sur des projets de recherche et des projets gouvernementaux avant d’être professeure d’anthropologie dans un département des sciences de la santé à l’Université de Bristol. Tous ces parcours professionnels et toutes ces expériences de vie témoignent d’une réflexivité importante chez ces chercheurs sur leur pratique (ou non) de l’anthropologie au quotidien dans leur travail. Tour à tour, ils évoquent comment ils ont postulé au hasard pour le gouvernement qui recrutait des chercheurs. Ils mettent en exergue les avantages de leur parcours académique en anthropologie ainsi que les difficultés inhérentes à oeuvrer dans ce type d’environnement de travail. Tous les chapitres sont à la fois des récits de vie et des outils empiriques pour analyser les apports des anthropologues au secteur public.
Le titre de l’ouvrage peut donner l’impression d’un contenu « classique », c’est-à-dire d’une myriade de textes visant à retracer uniquement les résultats de différents travaux menés par des anthropologues employés par le secteur public. Ce n’est pas le cas. Les expériences relatées parlent effectivement de recherche, mais au lieu d’un discours alarmiste sur la difficulté d’épouser une carrière universitaire, les auteurs font part de leurs expériences concrètes de vie et nous partagent leurs craintes et les défis auxquels ils ont dû faire face. Malgré tout, ils disent se sentir utiles à la société. Au final, le plus important n’est pas la linéarité d’une carrière universitaire à titre d’anthropologue, mais ce que la discipline peut apporter dans divers secteurs d’activité en termes de capacité d’adaptation, de compréhension de l’Autre, de méthodologie et de réflexivité.
MacClancy a choisi le cas du Royaume-Uni, mais cet ouvrage est un premier pas vers la documentation et l’analyse des défis du monde universitaire actuel en général et dépeint la réalité du marché du travail lorsque les anthropologues choisissent de ne pas (ou ne peuvent pas) poursuivre comme enseignant chercheur. La lecture de cet ouvrage n’est pas ardue et s’adresse à un large public curieux de connaitre, à travers différents parcours de vie, la façon dont l’anthropologie et le secteur public coconstruisent la société.