PrésentationVers une anthropologie de l’interculturel[Record]

  • Bob W. White,
  • Lomomba Emongo and
  • Gaby Hsab

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  • Bob W. White
    Département d’anthropologie, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3J7, Canada
    bob.white@umontreal.ca

  • Lomomba Emongo
    Département d’anthropologie, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3J7, Canada
    lomomba.emongo@umontreal.ca

  • Gaby Hsab
    Département de communication sociale et publique, Faculté de communication, Université du Québec à Montréal, C.P. 8888, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3P8, Canada
    hsab.gaby@uqam.ca

Dans les métropoles des pays industrialisés, même dans celles déjà marquées par une histoire d’immigration ancienne, on retrouve de plus en plus de langues, de religions et de nationalités. S’il est vrai que nous sommes entrés dans l’ère de la « super-diversité » (Vertovec 2007), il est également vrai que les majorités et les groupes minoritaires vivent de plus en plus des « vies parallèles » (Cantle 2005). Dans les métropoles de la migration, nous observons de nouvelles formes d’inégalité économique et sociale (Bauman 1989 ; Chicha et Charest 2012 ; Eid et Labelle 2013) et selon Nate Silver (2015), les villes les plus diversifiées sont également celles qui montrent le plus de ségrégation. Cette « diversification de la diversité » ébranle les assises politiques et morales des sociétés d’accueil et exige de tenir compte de la cohabitation potentiellement conflictuelle des différentes visions du monde et des pratiques relationnelles en milieu urbain. Elle appelle à renouveler la notion de « Cité » non seulement comme espace public, mais aussi comme espace de rencontre non dénué de tensions (Maalouf 1998). Dans ce sens, l’étude de ces dynamiques à l’échelle urbaine appelle à renouveler la notion d’« interculturel », un terme qui est à la source de plusieurs malaises et controverses (Emongo et White 2014), mais dont la nouvelle Cité ne peut pas faire l’économie. La Cité, lieu physique (territoire) mais aussi espace symbolique (organisation politique), a toujours été l’endroit permettant l’émergence de nouvelles communautés politiques. Ce lieu d’inspiration grecque – c’est-à-dire un lieu intentionnellement délimité par une certaine communauté de citoyens libres et autonomes – est aujourd’hui en mutation. Les principes les plus chers à la Cité – égalité entre citoyens, liberté d’expression, délibération raisonnée, etc. – sont remis en cause par de nouvelles situations qui nous laissent sans repères : des personnes immigrantes qualifiées mais sans emploi ; des controverses autour de symboles sacrés des uns ou des autres ; des malaises sur la présence de la religion dans la sphère publique (Adelman et Anctil 2011) ; des propos haineux à l’égard de personnes porteuses de différences ; des attentats terroristes, pour ne mentionner que les situations les plus évidentes. Du local au global, cette mutation de la Cité moderne, de plus en plus présente dans l’imaginaire à l’échelle planétaire, suscite de nouvelles interrogations d’ordre épistémologique, ethnographique, et systémique. D’où le thème du présent numéro : « L’interculturel dans la Cité ». La Cité telle que nous la connaissons aujourd’hui en Occident remonte à la Cité-État grecque (IXe siècle avant J.-C.). Celle-ci est avant tout un territoire délimité par un rempart physique et déterminé par une organisation politique. En théorie, la Cité-État grecque se veut une communauté de libre adhésion, un lieu du vivre-ensemble rationnellement organisé en vue du bien commun (Platon, La République, - 372). La Cité moderne s’inspire de cette tradition au long cours mais ré-émerge dans la philosophie des Lumières (XVIIIe siècle), notamment à travers les idées de liberté, d’égalité entre tous les êtres humains, de droits attachés à l’individu, de triomphe de la raison par la délibération. Sous l’appellation générique d’État-nation, conséquence des Traités de Westphalie (en 1648), la Cité moderne suppose grosso modo que l’État procède de la libre volonté des populations formant déjà une nation. Aujourd’hui, la Cité moderne appelée l’État-nation connaît des boulever-sements de taille. En Europe par exemple, elle se remodèle en un territoire transnational, doté d’attributs de souveraineté de type étatique classiques, tout en veillant à ne pas empiéter sur la souveraineté des États membres. Dans certains pays de démocratie moderne, des minorités nationales interpellent l’État-nation à travers …

Appendices