Abstracts
Résumé
La République dominicaine et Haïti, depuis leur naissance, d’abord en tant que colonies de deux puissances coloniales antagoniques (l’Espagne et la France), puis en tant que républiques libérées du colonialisme et de l’esclavagisme brutal au début du XIXe siècle, vivent dans une tension constante. L’histoire de ces deux petits pays partageant la même île et qui ensemble ne mesurent que quelque 77 000 kilomètres carrés, rapporte que cette tension irrésolue et liée principalement à la question de la migration des Haïtiens vers la partie est de l’île fait partie inhérente de la politique économique depuis l’occupation américaine de 1915-1934. Elle est maintenue et nourrie par les élites économiques et politiques des deux pays au service du capital multinational. Elle est utilisée pour camoufler les enjeux économiques, pour contrôler la mobilité des travailleurs esclaves et légitimer les accrocs aux respects des droits humains sur l’île. Le massacre des Haïtiens et des Dominicains noirs en 1937 et l’arrêt du Tribunal constitutionnel dominicain en 2013 enlevant leur nationalité à des milliers de Dominicains d’origine haïtienne doivent être interprétés à partir d’une même logique économique : se débarrasser du surplus de population jugée indésirable sous la couverture de la souveraineté politique et ethnique. Mais cette notion archaïque de souveraineté est démasquée, car la résistance est sortie de sa peur paralysante, et l’exploité se découvre sujet de droits et réclame sa place légitime.
Mots-clés :
- Gabriel,
- Haïti,
- République dominicaine,
- nationalité,
- migration,
- frontière,
- surpopulation relative,
- souveraineté politique et ethnique,
- génocide,
- esclavage contemporain,
- droits humains,
- sujet de droits,
- multiculturalisme,
- transnationalisme
Abstract
Haiti and the Dominican Republic live in constant tension with each other : right from the beginning, first as two colonies of the competing colonial powers (Spain and France), and then as two republics freed from colonialism and brutal slavery at the beginning of the 19th century. The history of these two little countries, which share the same island comprising no more than 77 000 square kilometers, results in this unresolved tension. It is linked particularly to the question of the migration of Haitians to the East of the island because of the political economy, which emerged with the American occupation of 1915-1934. It is maintained and nurtured by the political and economic elites of both countries, which are subservient to big multinational capital. This tension is used to mask the economic stakes involved, to control the mobility of slave labor and to ignore, or legitimate the encroachments on human rights on the island. The massacre of Haitians and black Dominicans in 1937 and the decision in 2013 by the Dominican constitutional tribunal to strip the nationality of thousands of Dominicans of Haitian origin are to be interpreted according to the same economic logic. It is a way to get rid of surplus populations considered undesirable under the cover of political and ethnic sovereignty. However, this archaic notion of sovereignty has been unmasked because resistance has broken free of its paralyzing fear and the timid among the exploited discovered that they are subjects of rights and demand their legitimate place.
Keywords:
- Gabriel,
- Haiti,
- Dominican Republic,
- Nationality,
- Identity,
- Immigration,
- Border,
- Relative Overpopulation,
- Political and Ethnic Sovereignty,
- Genocide,
- Contemporary Slavery,
- Human Rights,
- Subject of Rights,
- Multiculturalism,
- Transnationalism
Resumen
La República Dominicana y Haití, desde su creación, primero en tanto que colonias de dos potencias coloniales antagónicas (España y Francia), después en tanto que repúblicas liberadas del colonialismo y de la esclavitud brutal a principios del siglo XIX, viven en una tensión constante. La historia de esos dos pequeños países que comparte la misma isla y que juntos sólo ocupan unos 77 000 kilómetros cuadrados, nos indica que esa tensión no resuelta y principalmente ligada a la cuestión de la migración de haitianos hacia la parte este de la isla forma parte inherente de la política económica desde la ocupación americana de 1915-1934. Tensión mantenida y nutrida por las élites económicas y políticas de los dos países al servicio del capital multinacional. Es utilizada para camuflar los desafíos económicos, para controlar la movilidad de los trabajadores esclavos y para legitimar los desgarrones a los derechos humanos en la isla. La masacre de haitianos y dominicanos negros en 1937 y el fallo del tribunal constitucional en 2013 privan de su nacionalidad a miles de dominicanos de origen haitiano, deben interpretarse a partir de la misma lógica económica : deshacerse del surplus de población juzgada indeseable bajo la cobertura de la soberanía política y étnica. Pero esta noción arcaica de soberanía ha sido desenmascarada, ya que la resistencia ha abandonado su temor paralizante y el miedoso explotado se descubre sujeto de derechos y reclama su lugar legítimo.
Palabras clave:
- Gabriel,
- Haiti,
- Dominican Republic,
- Nationality,
- Identity,
- Immigration,
- Border,
- Relative Overpopulation,
- Political and Ethnic Sovereignty,
- Genocide,
- Contemporary Slavery,
- Human Rights,
- Subject of Rights,
- Multiculturalism,
- Transnationalism
Appendices
Références
- Alexandre G., 2013, Pour Haïti, pour la République dominicaine. Interventions, positions et propositions pour une gestion responsable des relations bilatérales. Port-au-Prince, C3 Éditions.
- Alfonso H.D., 2013, La migración haitiana en el Caribe, una propuesta para la acción. Santo Domingo, Centro Bonó.
- Badie B., 1994, « Flux migratoires et relations transnationales » : 27-39, in B. Badie et C. Wihtol de Wenden (dir.), Le défi migratoire, questions de relations internationales. Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques.
- Balaguer J., 2013 [1983], La Isla al revés, Haití y destino dominicano, 12e édition. Santo Domingo, Editora Corripio.
- CIDH – Comisión interamericana de derechos humanos, 2015, Situación de derechos humanos en República dominicana, consulté sur Internet (http://www.oas.org/es/cidh/informes/pdfs/ RepublicaDominicana-2015.pdf) le 15 avril 2016.
- De Gobineau A., 1853-1855, Essai sur l’inégalité des races humaines, consulté sur Internet (http://classiques.uqac.ca/classiques/gobineau/ essai_inegalite_races/essai_inegalite_races_1.pdf) le 10 juin 2016.
- De Senarclens P., 1998, Mondialisation, souveraineté et théories des relations internationales. Paris, Éditions Amand Colin.
- El Movimiento de Mujeres Dominico-Haitiana (MUDHA), site Internet (http://www.kiskeya-alternative.org/mudha/) consulté le 31 mars 2016.
- Frías P.V., 2013, Éxodo. Un siglo de migración haitiana hacia República dominicana. Santo Domingo, Editorial Santuario.
- Labelle M., S. Larose et V. Piché, 1983, « Émigration et immigration : les Haïtiens au Québec », Sociologie et Sociétés, 15, 2 : 73-88.
- Lamoureux D., 2013, « “Le droit d’avoir des droits”. Que faisons-nous politiquement lorsque nous revendiquons des droits » : 41-57, in F. Saillant et K. Truchon (dir.), Droits et cultures en mouvements. Québec, Les Presses de l’Université Laval.
- Lister E.L., 2014, « Dimensiones del antihaitianismo dominicano : colonialismo, colonialidad y explotación » : 233-262, in I. Hernández (dir.), República dominicana y Haití : El derecho a vivir. Santo Domingo, Fundación Juan Bosch, Inc.
- Lozano W. et F. Baez Evertsz, 2011, « Politiques migratoires de la globalisation. Le cas de l’immigration haïtienne en République dominicaine » : 303-319, in A. Corten, L’État faible. Haïti et République dominicaine. Montréal, Mémoire d’encrier.
- Martig A., 2015, « De l’esclavage comme image et métaphore. Enjeux sociaux et moraux de la lutte contre “le travail esclave” au Brésil » : 175-199, in F. Saillant et J.-P. Santiago (dir.), Images, sons, et récits des Afro-Amériques. Paris, Éditions des Archives contemporaines.
- Pantaleón J.M.C., 2012, La nacionalidad dominicana. Santo Domingo, Editora Nacional.
- Péan L., 2014, Béquilles, continuité et ruptures dans les relations entre la République dominicaine et Haïti. Port-au-Prince, C3 Éditions.
- Saillant F., 2014, Le mouvement noir au Brésil (2000-2010). Réparations, droits et citoyenneté. Louvain-la-Neuve, Québec, Éditions Academia-L’Harmattan, Les Presses de l’Université Laval.
- Service jésuite aux migrants-Haïti, 2016, « Revue de la semaine du 20 au 26 juin », consulté sur Internet (www.facebook.com/notes/service-jésuite-aux-migrants-haïti/revue-de-la-semaine-du-20-au-26-juin/1021355141253084) le 29 janvier 2017.
- Tremblay N.-A. et R. Cousso (Réal.), 2015, Citoyens de nulle part [documentaire]. Québec, République dominicaine, Haïti, 52 min.
- Tribunal constitucional de la República dominicana, « Sentencia TC/0168/13 », disponible sur Internet (https://www.tribunalconstitucional.gob.do/node/1764) le 2 mars 2017.
- Verhaeren R.-E., 1990, Partir ? Une théorie économique des migrations internationales. Grenoble, Presses universitaires de Grenoble.