Abstracts
Résumé
Parler d’esclavage moderne soulève des questions éthiques, religieuses, politiques et économiques. L’esclavage « traditionnel » est tellement complexe, pouvant même aller jusqu’à un esclavage « volontaire », aujourd’hui tout comme hier, que l’on a parlé de formes extrêmes de dépendance (Condominas 1998) pour définir cette catégorie sociale. L’histoire de l’Asie du Sud-Est a été sujette à la colonisation de territoires, suivant les affrontements d’États nations en formation qui, pour coloniser leurs terres, mettaient en esclavage les populations soumises. D’autres formes existaient, les serfs aux mains de seigneurs ou les esclaves pour dettes. Ces derniers peuvent être encore définis aujourd’hui comme des esclaves. D’une part, les autorités, malgré tous les efforts menés, ne peuvent éradiquer ce problème trop ancré culturellement et, d’autre part, les économies locales ont besoin de ces travailleurs-esclaves pour faire tourner leurs économies de manière compétitive, quitte à aller les chercher dans les pays voisins (la Thaïlande puise dans la main-d’oeuvre cambodgienne et birmane). Un paradoxe est évident. Comment supprimer l’esclavage alors que celui-ci est nécessaire à l’économie ? D’où il découle par exemple des difficultés de dialogue entre les États-Unis et la Thaïlande pour savoir dans quelle catégorie « Tier » mettre le Royaume de Thaïlande, qui malgré ses efforts pour lutter contre le trafic humain, mène une lutte plus déclarée qu’effective et est demeurée dans la catégorie infamante « Tier 3 » jusqu’au mois d’août 2016. Malgré les outils pertinents que représentent les ONG, les recherches, les commissions d’enquêtes et les sanctions (le « carton jaune » de l’Europe par exemple concernant les produits de la pêche venus de Thaïlande), cela ne suffit pas à éradiquer des pratiques tellement anciennes qu’elles sont inscrites dans la culture népotique de l’Asie du Sud-Est elle-même. Seules l’éducation et la pratique des petits pas permettront de remédier à ce problème, avec évidemment une redistribution des richesses, dont la lacune constitue un des piliers de l’archaïsme du Sud-Est asiatique.
Mots-clés :
- Ivanoff,
- Chantavanich,
- Boutry,
- esclavage,
- dépendance,
- tradition,
- économie,
- ONG,
- compétition,
- éducation,
- travailleur,
- népotisme,
- trafic
Abstract
Writing about modern slavery brings ethic, religious, political and economic questions. Traditional slavery is complex because it can be a form of « willing slavery », today as much as yesterday. This is one of the reasons why slavery can be described as an « extreme form of dependence » (Condominas 1998). Southeast Asia had been historically subject to the colonisation of territories as the result of conflicts between Nation-States in formation which, in order to colonize new lands, put the submitted populations into slavery. Other forms of slavery existed : slaves’ obedience to their landlords or to the person they were in debt bondage with, for instance. Debt bondage can be defined today as one of the most important forms of slavery. On the one hand, authorities, even with their best efforts, cannot eradicate this problem, which is culturally anchored ; and in the other hand, the local economies need these slave-workers to be competitive, and even fetch them in neighbouring countries such as Cambodia or Burma. The paradox is obvious. How can slavery be supressed if the economy is so dependent on slavery ? The dialogue is hence difficult between the United States and the Thai Kingdom, for instance, which makes real efforts to control human trafficking, with mixed results only. That is the reason why Thailand is still inscribed in the infamous Tier 3 category of the ASEAN classification of countries. Even though NGOs, researches, investing committees and sanctions (such as the « yellow card » given by Europe concerning Thailand’s sea production because of the unclear status of workers) take relevant actions, they cannot put an end to the ancient practices inscribed in the nepotic culture of Southeast Asia. Only mass education and a step-by-step approach, combined with a massive redistribution of wealth, will hopefully help to eradicate what is considered as one of the pillars of Southeast Asian archaism.
Keywords:
- Ivanoff,
- Chantavanich,
- Boutry,
- Slavery,
- Dependence,
- Tradition,
- Economy,
- NGOs,
- Competition,
- Education,
- Worker,
- Nepotism,
- Traffic
Resumen
Hablar de esclavitud moderna plantea cuestiones éticas, religiosas, políticas y económicas. La esclavitud « tradicional » es tan compleja, que incluso puede ir hasta la esclavitud « voluntaria », hoy como ayer, se ha hablado de formas extremas de dependencia (Condominas 1998) para definir esta categoría social. La historia del Sudeste asiático tiene como sujeto la colonización de territorios, que ha seguido las confrontaciones de Estados-naciones en formación quienes, con el fin de colonizar sus tierras, esclavizaban a las poblaciones sometidas. Estas últimas aún pueden ser definidas como esclavas. Por una parte, las autoridades, a pesar de los esfuerzos realizados no han logrado erradicar este problema cuya raigambre cultural es muy fuerte ; por otra parte, las economías locales tienen necesidad de dichos trabajadores-esclavos para poder hacer funcionar sus economías de manera competitiva, incluso yéndolos a buscar en los países vecinos (Tailandia recurre a la mano de obra camboyana y birmana). Una paradoja resulta evidente : ¿ cómo suprimir la esclavitud cuando ésta es necesaria para la economía ? Lo que entraña por ejemplo dificultades de dialogo entre los Estados Unidos y Tailandia para saber en qué categoría « Tier » situar al Reino de Tailandia, quien a pesar de sus esfuerzos por luchar contra el tráfico humano, ha llevado a cabo una lucha más declarativa que efectiva, que la había colocado en la infamante categoría « Tier 3 », al menos hasta el mes de agosto de 2016. A pesar de lo útiles que representan las ONG, las investigaciones, las comisiones de investigación y las sanciones (como la « tarjeta amarilla » que se impone en Europa a los productos pesqueros provenientes de Tailandia), no han sido suficientes para erradicar prácticas ancestrales inscritas en la cultura clientelista del Sudeste asiático. Solo la educación y el efecto incremental de pequeñas transformaciones permitirán encontrar un remedio a este problema, evidentemente acompañados de la redistribución de las riquezas, cuya ausencia constituye uno de los pilares del arcaísmo del Sudeste asiático.
Palabras clave:
- Ivanoff,
- Chatavanich,
- Boutry,
- esclavitud,
- dependencia,
- tradición,
- economía,
- ONG,
- competencia,
- educación,
- trabajador,
- nepotismo,
- trafico
Article body
Des formes modernes de « l’esclavage » en Asie du Sud-Est
En 2009, après la « découverte » – médiatique en tout cas – de ceux que l’on appelle les Rohingya quittant le Myanmar (où aucune forme de citoyenneté ne leur est reconnue) et devenant des boat people dont les gouvernements (en Thaïlande, Malaysia, Australie) ne savent que faire, la question des migrations internationales en Asie du Sud-Est a progressivement conduit la communauté internationale à s’intéresser à l’utilisation que l’on fait de cette main-d’oeuvre mobile et difficilement contrôlable. Bien que le phénomène ne soit ni nouveau, ni inconnu (Boutry et Ivanoff 2009), ce n’est qu’en 2014, à la suite d’une enquête menée et publiée par The Guardian, que la nature de pratiques qualifiées « d’esclavagistes » et les migrations sont articulées par les instances internationales pour « révéler » une des facettes du développement et du libéralisme à outrance : les migrants finissent pour beaucoup par travailler dans des conditions abusives ; ils sont souvent vendus et revendus, que ce soit sur les bateaux de la pêche hauturière thaïlandaise ou dans les réseaux de prostitution aux frontières. Parmi eux, des migrants, pour la plupart originaires du Myanmar (des Rohingya, mais surtout des Birmans issus de la majorité bama) et du Cambodge.
Ces migrants asservis par les grands systèmes de production capitalistes sont-ils de purs produits de l’ère post-industrielle menée par les pays du Nord ? Peut-on faire un rapprochement des dynamiques migratoires de l’Asie du Sud-Est et des systèmes (sociaux et économiques) qui les régissent avec des phénomènes culturels mieux connus dans la région ? Dans quel cadre s’inscrivent les pratiques « esclavagistes » modernes ?
Le premier élément pouvant être débattu relève de la notion même d’esclavage. La Convention relative à l’esclavage adoptée par la Société des Nations en 1926 définit celui-ci comme suit dans son article premier : « l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux ». La Convention supplémentaire de 1956 relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage oblige quant à elle les États parties à abolir, en plus de l’esclavage, les institutions et pratiques favorisant la « condition servile » : servitude pour dettes, servage, toute institution de mariage forcé et de traite des femmes et des enfants[1]. Ainsi, dans un document produit par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, il est expliqué que :
Le travailleur migrant dont le passeport a été confisqué par l’employeur, l’enfant vendu pour être livré à la prostitution et la « femme de confort » contrainte à l’esclavage sexuel ont tous ceci en commun qu’ils ont perdu au profit d’un tiers, soit un particulier, soit un État, le droit de choisir leur vie et d’en être maître.
Weissbrodt et al. 2002 : 7
D’un point de vue anthropologique, la notion d’esclavage a fait l’objet de différents travaux, dont l’ouvrage comparatif de Testart (2001) proposant une définition universelle de l’esclavage. Ce dernier balaie rapidement l’élément de droit de propriété sur l’individu, omniprésent dans la plupart des travaux relatifs à la condition d’esclave et central dans la définition proposée par les Nations Unies. Il lui substitue deux caractéristiques qu’il juge constitutives de l’esclavage : le statut juridique de l’esclave et l’exclusion d’une ou de plusieurs dimensions structurelles de la société esclavagiste (parenté, citoyenneté, etc.) dont il est victime. Nous nous trouvons là face à un premier écueil quant à l’utilisation de cette définition, dès lors que la grande majorité des pays à travers le monde a signé la Déclaration universelle des droits de l’homme (Nations Unies 1984) abolissant toute forme d’esclavagisme (selon les termes des Conventions de 1926 et 1956). Ainsi, les esclaves modernes n’en seraient plus car ils n’ont point de statut juridique. La situation s’approchant le plus de l’esclavage – historique – ainsi définie est par exemple celle des prisonniers américains, corvéables à merci et échangeables par les entreprises privées, en même temps qu’ils sont exclus du droit de vote (Peláez 2008). Mais rejeter telle ou telle pratique du fait qu’elle ne correspond pas aux définitions qui sont faites de l’esclavage stricto sensu, c’est fermer les yeux sur toutes les formes de servitude qui s’en rapprochent pourtant fortement, et s’interdire de les comprendre comme des réminiscences de systèmes plus anciens. C’est pourquoi le professeur G. Condominas (1998) préférait parler de « formes extrêmes de dépendance », impliquant d’emblée que les pratiques pouvant être considérées comme relevant de l’esclavage sont des formes « extrêmes » de relations de dépendance entre individus, culturellement, politiquement et socialement instituées. Plus important encore, c’est admettre un continuum entre les déclinaisons de certaines relations sociales, dont les formes de dépendance – souvent choisies par les individus – pouvant mener à la condition d’esclave. Remarquons en revanche que l’exclusion (sociale) reste un dénominateur commun pour les esclaves modernes dont nous allons traiter.
Si la question de l’esclavage reste « brûlante » encore aujourd’hui[2], c’est qu’elle renvoie à un certain nombre de pratiques dont l’Occident se sent le premier responsable et qui ne sont plus considérées comme socialement acceptables. Le prisme de la traite triangulaire et les travaux marxisants comme ceux de Meillassoux (1986) ont effectivement conditionné la compréhension de l’Occident sur la question de l’esclavage, et subséquemment sa posture sur les pratiques qu’il y associe (notamment dans le cadre des instances internationales telles que les Nations Unies), comme le trafic humain, le travail forcé, la prostitution, etc., et ce, où que ce soit dans le monde. Si l’on peut s’accorder sur l’aspect condamnable de ces pratiques (tout au moins dans le cadre légal des droits de l’homme, lui-même issu de l’histoire de l’Occident), il reste nécessaire de comprendre les systèmes qui les régissent pour mieux les combattre.
Loin d’être en mesure de présenter ici la complexité historique des formes de dépendances en Asie du Sud-Est, ne serait-ce même que pour les seules Birmanie et Thaïlande, nous laisserons les lecteurs se référer aux ouvrages de Turton (2000), Guérin et al. (2003) ou Salemink (2003), entre autres, pour avoir une vision plus nuancée de la relation entre dominés, dominants et le rôle de la frontière ou de la colonie. Concernant les relations de dépendance et l’esclavage en particulier, les ouvrages de Reid (1983) et de Condominas (1998) sont incontournables. Nous nous limiterons ici à identifier la pérennité de certains phénomènes culturels liés à différentes formes de dépendances : la dépendance des États à la main-d’oeuvre et la relation « centre-périphéries », la conception de dépendance dans le bouddhisme et ses conséquences sur les trafics, enfin l’équilibre entre dépendance et exclusion des géographies modernes (États, ethnorégions).
D’esclaves de guerre à trafiqués du développement : de la dépendance des États à la main-d’oeuvre
La colonisation et la redéfinition des rapports esclavagistes
Les faibles densités de population de l’Asie du Sud-Est précoloniale ont rendu le besoin en main-d’oeuvre crucial pour le développement des royaumes autant continentaux qu’insulaires. Ainsi, contrairement à l’Europe, l’objet de la guerre était d’accroître la main-d’oeuvre à la disponibilité des « États » plutôt que de réduire la population « ennemie » à néant. En particulier là où les terres arables étaient abondantes et souvent largement inexploitées, l’objet de la guerre était souvent la capture à grande échelle des populations rivales (Charney 2004 : 7-21). Ainsi, les hommes, plus que les grands territoires, ont été la clé du pouvoir en Asie du Sud-Est précoloniale. Le matériel épigraphique et les documents textuels dans toute la région décrivent des royaumes capables de se développer et se consolider lorsque leurs armées réussissent à capturer et asservir les populations voisines et à les transférer vers le centre politique du vainqueur (Warren 1978 ; Grabowsky 1999).
Par ailleurs, il est important de comprendre la notion d’esclavage en d’autres termes que ceux de l’Occident, dans la mesure où beaucoup d’esclaves étaient obtenus par des moyens « non violents » (par exemple la vente d’un enfant par ses parents). Beaucoup entraient en servitude pour dettes, une forme parfois volontaire de l’esclavage de laquelle l’endetté pouvait être affranchi après le remboursement de sa dette. Les esclaves pour dette étaient souvent plus nombreux que les captifs de guerre dans les États d’Asie du Sud-Est, à l’exemple du Siam des XVIIIe et XIXe siècles, où ils composaient probablement environ 50 % de la population totale (Reid 1983 : 10). Que ce soit au Siam ou en Birmanie, le roi était le propriétaire ultime de la terre et les esclaves constituaient une forme importante de propriété privée[3]. Par ailleurs, ils pouvaient, en fonction du maître auxquels ils étaient rattachés, bénéficier d’un statut supérieur aux sujets dits « libres ». C’était le cas en Birmanie par exemple, où les esclaves royaux ahmu-dan ou kyun taw, en fonction de la période dont il est question, ont été traités dans la loi comme des personnes de statut supérieur au hommes « libres » (Athi) et étaient exemptés de taxes d’État et d’autres prélèvements d’élite sur le travail (Aung Thwin 1983 ; Koenig 1990).
Ainsi, les esclaves provenaient à la fois des populations environnantes et de la société elle-même. Les relations de dépendance entre les sociétés esclavagistes telles qu’au Siam ou en Birmanie et leurs « périphéries » étaient par ailleurs basées sur une vision hiérarchisée opposant généralement les sociétés des plaines (rizicultrices et à État) aux minorités ethniques montagnardes (pratiquant plus souvent l’essartage). Les Kha (par opposition aux Tai du Laos et du Siam), les Phnong au Cambodge et les Moi au Vietnam, tous considérés comme « barbares » par les populations lettrées des plaines, procuraient à ces dernières une partie des esclaves (Guérin 2001 ; Guérin et al. 2003). Rappelons ici que le terme kha, par exemple, signifiait lui-même « esclave » en laotien. Néanmoins, ces sociétés montagnardes n’étaient pas seulement victimes de l’esclavage : les Karen dans l’Est de l’actuelle Birmanie (Turton 1998 : 417) ou les Jaraï des hauts plateaux du Vietnam (Guérin et Padwe 2011 : 250) participaient eux-mêmes à la traite pour le compte des Shans (pour les Karen), des Khmers et des Lao (pour les Jaraï). L’esclavage est par ailleurs de plus en plus conçu comme vecteur d’échanges culturels entre les populations de l’Asie du Sud-Est, à l’image de l’art birman inspiré de l’épopée du Ramayana à travers les captifs ramenés d’Ayutthaya (Beemer 2009). Enfin, certaines populations manipulèrent l’esclavage pour leurs propres dynamiques identitaires[4]. Il existe aussi la situation de populations « tombant en esclavage » pour se reconstruire ou conserver une ethnicité vacillante (cas des Mlabri dominés par les Hmong[5], ou des porteurs sur les routes transisthmiennes devenus esclaves de temples puis se transformant en Moklen, par exemple[6]). D’autres encore se mettent volontairement sous la domination d’un taukay (patron-entrepreneur) pour conserver leur liberté[7] (cas des Moken, nomades marins de l’archipel Mergui qui ont accepté une certaine forme d’esclavage pour survivre).
Les pouvoirs coloniaux, autant britanniques que français, en même temps qu’ils développèrent une configuration géopolitique « sur carte » (Winichakul 2005 [1994]) de l’Asie du Sud-Est, s’attelèrent à éradiquer les pratiques esclavagistes[8] au sein des nouvelles frontières. D’une organisation de type mandala propre aux États précoloniaux – aux sphères d’influence géographiquement et historiquement mouvantes et imbriquées – les États-nations de la période postcoloniale héritèrent d’un pouvoir centralisé et théoriquement absolu sur leurs frontières. La hiérarchisation interethnique propre aux relations centre-périphérie, bien qu’elle subsiste, tend à se fondre dans une stratification plus large en termes socioéconomiques (riches/pauvres, élite urbaine/masse paysanne) et religieux (bouddhisme/islam notamment) opérant tant au sein des États-nations qu’entre eux. Les dominants (politiques, économiques) d’aujourd’hui (Bamar de la majorité birmane, Thaïs du centre, Khmers[9]) se considèrent néanmoins comme les « vrais » descendants des premiers empires (Ava, Sukhothai ou Angkor pour l’Asie du Sud-Est continentale). C’est le cas des Laotiens du Nord-Est de la Thaïlande, séparés de leur matrice après que la France ait imposé une frontière, qui représentèrent vite un réservoir de main-d’oeuvre pour le développement économique de la Thaïlande. Il en est ainsi des Malais musulmans du Sud de la Thaïlande, prisonniers ou citoyens de seconde zone dans la nation thaïlandaise à majorité bouddhiste ; des Thaïs dans le sud de la Birmanie ; des minorités vivant dans la « fédération birmane », etc. Ces populations furent « oubliées » ou « négociées » dans les démarcations westphaliennes des frontières, privant même certains de la citoyenneté (cas des Rohingya en Birmanie par exemple). Ils sont devenus des proies pour le développement.
Nouvelles économies, nouvelle main-d’oeuvre et permanences historiques
Les Khmers (et les Laotiens) organisaient de véritables marchés aux esclaves pour leurs voisins (Léger 1998 ; Thomas 1998 ; Turton 1998 ; Boutry et Ivanoff 2009). Et comme aujourd’hui encore, les Khmers n’hésitaient pas à « vendre » leurs concitoyens les plus mal éduqués et les plus fragiles (Lejard 2011, 2014). Les marchés d’esclaves ne se sont jamais taris, au Cambodge du moins, les classes sociales les plus pauvres se transformant en anciens Phnong (les esclaves préférentiels d’autrefois). La différence ethnique qui permettait de « classer » les esclaves et les non esclaves a disparu au profit d’une division sociale. Les Khmers, coincés entre deux puissants voisins, Siam et Vietnam[10], ont dû s’adapter et fournir ces deux pays en esclaves pour conserver une paix relative. C’est toujours le même état d’esprit qui préside à la mise en place des réseaux de trafic d’esclaves à l’intérieur d’une économie de marché où domine la Thaïlande. C’est le cas du marché de Rong Klua en Thaïlande (province de Sakeo), situé le long de la frontière à proximité de la ville khmère de Poipet. Bien que le marché soit en Thaïlande, tous les travailleurs y sont Khmers, par centaines de milliers : enfants de familles défavorisées provenant de la ville de Poipet, familles expropriées, pauvres. Parmi le flot des travailleurs réguliers (souvent exploités) se trouvent également des dizaines de milliers de candidats à l’émigration vers la Thaïlande, une population toute désignée à l’exploitation par les trafiquants d’hommes, que ce soit pour le compte des usines de Bangkok ou de la pêche hauturière (UNODC 2009 : 13 ; Lejard 2014). La construction d’une opposition « historique » entre la Thaïlande et la Birmanie au XXe siècle (Chachavalpongpun 2005) va également modeler la relation dominant-dominé au sein de la pêche hauturière thaïlandaise. Alors que les Birmans du « centre » (des Bamar de la Basse-Birmanie) sont les premières victimes du travail forcé sur les bateaux thaïlandais, les Môns également originaires de Birmanie bénéficient d’une place privilégiée dans cette économie, en général comme contremaîtres (sur les bateaux) ou maîtres d’oeuvres (sur les chantiers) (Boutry 2014b). Cette différentiation s’opère sur la proximité culturelle des Môns aux Thaïs débutant avec la fuite des Môns sous les attaques des rois Birmans[11], qui trouvèrent refuge pour certains au sein même de la royauté au Siam.
La forme d’esclavage moderne la plus importante étant le travail forcé, on voit la contradiction dans les modèles de gouvernance occidentaux qui veulent imposer normes, transparence et libération de l’individu en même temps qu’une rentabilité maximale dans les pays tiers (délocalisation, main-d’oeuvre bon marché, etc.). En effet, la mobilité des hommes en Asie du Sud-Est continentale aussi bien que dans l’archipel est étroitement liée aux formes modernes d’esclavage. Les gens abandonnent leurs lieux d’habitation pour chercher de meilleures opportunités économiques, une protection contre les conflits armés ou pour trouver un environnement plus clément. Malheureusement, certains d’entre eux se retrouvent dans des situations de quasi-esclavage une fois qu’ils sont éloignés des filets de protection sociaux existant chez eux. Car vers qui se retourne le travailleur « libre » s’il n’a plus d’organisation ni même de famille ? C’est le processus même du déracinement, facilitant donc l’exclusion, décrit à propos de l’esclavage « historique » (Patterson 1982).
Le nouveau millénaire a été témoin de diverses formes d’esclavages ou de servitude pour dettes. Les migrants du Myanmar et du Cambodge sont embauchés dans le secteur de la pêche, mais certains sont devenus des travailleurs forcés obligés de travailler dans des conditions indécentes, recevant de bas salaires ou pas de salaires du tout alors qu’ils demeurent en haute mer (Boutry et Ivanoff 2009 ; Hodal et al. 2014). Les travailleurs du sexe sont endettés. Les enfants et les membres des minorités ethniques sont toujours plus vulnérables. Des femmes sont forcées à des mariages non consentis, par exemple des femmes Shan mariées à des Chinois, ou des Vietnamiennes mariées à des Coréens. En dépit de leur désir de se marier au départ, elles sont trompées par des réseaux sans scrupule qui les vendent à d’autres réseaux ou les forcent à vendre leurs corps. Les enfants peuvent être trompés ou forcés à devenir des travailleurs en Indonésie, des soldats au Myanmar et aux Philippines ou des mendiants au Cambodge, sans parler de la pornographie infantile dont ils sont victimes. Tous ces groupes font l’expérience de la violation de leurs droits et de l’extrême exploitation résultant de leur statut instable, les empêchant de bénéficier de protections légales ou de droits. Certains sont victimes du trafic humain. Les défis résident dans la limitation des mécanismes de protection au niveau local aussi bien que régional. La pression des régimes de protection pour les réfugiés politiques et les migrants économiques ne semble pas améliorer leur situation.
La mise en coupe des populations se poursuit de facto avec les volontés de développer économiquement sans arrêt la région, avec les corridors, les Triangles, Quadrilatères et toutes les autres figures géométriques du développement qui fleurissent dans la nouvelle AEC (Asean Economic Community) et dessinent ainsi les grandes lignes de fuite (au sens propre et figuré) grâce auxquelles se construiront les nouvelles filières illégales de marchands d’hommes. Pourtant, au plus haut niveau des États et de la communauté internationale, le discours officiel des pays en développement est que ce dernier permettra de résorber ce phénomène d’esclavage moderne (comme il doit résorber la violence dans le sud malais de la Thaïlande depuis des décennies). Rien n’est moins sûr, car plus le développement est pressant, et plus la concurrence se déchaîne : le besoin de main-d’oeuvre sera donc toujours présent. Car la main-d’oeuvre, tout comme pour les royaumes d’autrefois, reste l’or des nations d’aujourd’hui. Le port en eaux profondes de Dawei en Birmanie, qui veut relier le complexe industriel de Chon Buri en Thaïlande au commerce maritime sans passer par le détroit de Malacca, va devenir un axe important de cette nouvelle cartographie de l’esclavage, même si les routes que prendront les esclaves modernes seront plus sinueuses que les routes officielles (raison pour laquelle l’Archipel Mergui, l’un de nos terrains de recherche, se trouve le long d’une nouvelle filière de traite humaine, notamment de Birmans et Rohingya).
Dépendance et exclusion dans les pratiques esclavagistes aujourd’hui
Des enfants et des femmes dans les pratiques esclavagistes modernes
Parmi les esclaves modernes, la situation qui choque tout particulièrement est celle des enfants. Pourtant, ceux-ci sont vendus à travers toute l’Asie du Sud-Est, employés dans les usines, achetés pour leur virginité par des gangs maffieux mais aussi vendus par des parents complaisants. Quand en Birmanie en 1998 nous vîmes des enfants-esclaves construire des temples, portant des dizaines de kilos de pierres sous la pluie incessante des jours entiers, les autorités (chef de village, bonzes, contremaîtres, propriétaires, militaires) nous expliquaient que les citoyens birmans faisaient acte de compassion en leur permettant de se nourrir, d’une part, et qu’on ne pouvait rien faire pour leur mauvais karma, d’autre part. Ils devaient racheter des mérites. Pour ne prendre que le cas de la Birmanie, tout être qui naît bouddhiste hérite de trois dettes, créant une relation de dépendance à vie, envers le Bouddha, ses parents et ses maîtres (professeurs, ou maîtres spirituels). Le principe du kye’zu’shin, le « maître de la gratitude », autrement dit le créditeur moral et religieux autant qu’économique (Boutry 2015), se répercute sur tous les niveaux d’interactions d’un individu birman avec la société. Cela explique en partie la possibilité de « sacrifier » un enfant pour le bien (économique au moins) du foyer. L’esclavage des enfants que l’on force à mendier est celui qui marque le plus les touristes et donc celui qu’il faut éradiquer en priorité. Bangkok a décidé de chasser tous ses mendiants, notamment les enfants qui se trouvaient aux mains de gangs violents qui allaient jusqu’à défigurer les enfants pour inspirer la pitié. Dans les années 1990-2000 le phénomène a semblé disparaître, les autorités ayant tout fait pour contrôler ce trafic (pour le bien de leur économie touristique). Mais les enfants sont revenus dès la crise économique de 1997.
Le travail des enfants est une pratique traditionnelle dans de nombreuses sociétés. Il faut comprendre l’esclavage à travers le prisme culturel. Le Cambodge est le pays qui fournit le plus d’enfants mendiants car leur pays a été dévasté par la guerre durant des dizaines d’années et il est aujourd’hui « mis aux enchères », ses terres étant vendues à de grandes compagnies, jetant sur les routes de nombreux paysans. Beaucoup d’enfants se retrouvent seuls et s’organisent (Poipet-Rong Klua par exemple ; voir Lejard 2014), mais d’autres sont envoyés de force pour mendier selon des modalités variées. Des parents cambodgiens vendent ou louent leurs enfants handicapés à des agents qui les emmènent en Thaïlande pour mendier. En novembre 2014, les autorités thaïlandaises ont identifié 144 mendiants étrangers parmi lesquels 39 étaient de Bangkok (Chaiyot Yongcharoenchai 2014). Des tests d’ADN ont été conduits pour vérifier si les adultes les accompagnants étaient leurs parents biologiques. La Mirror Foundation, une ONG thaïlandaise travaillant sur la question des enfants mendiants, a indiqué que les enfants handicapés avaient été vendus par des parents pauvres à des agents pour un prix variant de 1 500 à 3 000 bahts[12]. Certains de ces enfants étaient loués ou vendus, mensuellement ou annuellement. Les enfants handicapés étaient forcés, et les agents récoltaient l’argent.
C’est une relation holiste à la société, mêlant religion et dépendance, qui permet aujourd’hui encore aux parents de laisser leurs fils faire ce qu’ils veulent (car quoi qu’ils fassent, ils rapportent des mérites aux parents) et d’accepter moralement de vendre certaines filles (puisqu’elles ne peuvent rapporter que des biens matériels). Même si les temples ont recueilli beaucoup d’orphelins et ont permis d’alphabétiser de nombreux pauvres, ils ont bloqué le système social et les clivages entre classes sociales et leurs interactions dynamiques. L’exploitation des femmes (et souvent enfants) thaïlandaises dans le commerce sexuel à travers des réseaux spécialisés repose sur les mêmes fondements culturels. Après 1975, les femmes thaïlandaises ont commencé à travailler dans l’industrie du sexe à l’étranger. Typiquement, elles offraient des services sexuels pour des clients masculins européens ou asiatiques. Les agents connectés au trafic international s’arrangeaient pour que ces femmes émigrent et trouvent un travail. Certaines sont entrées dans l’industrie volontairement. Les autres ont été trompées quand on leur a fait croire qu’elles auraient du travail et des opportunités à l’étranger qui ne seraient pas en relation avec l’industrie du sexe. L’accroissement du tourisme en Thaïlande a fait que certains étrangers ont ramené des femmes thaïlandaises en Europe et aux États-Unis. Outre de réels couples mixtes, les étrangers sont parfois aussi de simples agents associés au trafic international. En plus, certaines femmes indépendantes voyagent seules pour trouver travail et mari. La migration des femmes thaïlandaises s’est accrue dans les années 1980. Certaines femmes ont cherché des emplois légaux dans le secteur du divertissement ou même dans le secteur du sexe. D’autres femmes voyagent pour trouver des maris étrangers. Souvent, ces « fiancées sur catalogue » (dans le cas allemand), sont essentiellement des arrangements pour des rencontres entre étrangers et thaïlandaises qui sont abusées par une agence de voyage demandant des frais pour une ou les deux parties (Chantavanich et al. 2001a : 7-8).
Mais là encore, la Thaïlande produit autant qu’elle reçoit son lot d’esclaves modernes. Ainsi, des femmes étrangères viennent également en Thaïlande pour répondre à la demande de l’industrie du sexe. Les femmes et les filles des pays voisins – incluant les minorités ethniques du Yunnan (province de la Chine) – travaillent directement ou indirectement avec des établissements spécialisés en Thaïlande. Certaines sont vendues par leurs parents ou des proches à des agents qui les emmènent dans des bars à karaoké, des restaurants, des cabinets de massage et autres lieux de divertissement qui offrent des services sexuels à leurs clients. Beaucoup sont des enfants prostitués (Chantavanich et al. 2001b).
Le travail et la dette aujourd’hui
Le trafic humain est une action détournée à l’encontre d’une personne, l’empêchant de se déplacer pour des raisons économiques ou politiques (travailleurs illégaux, réfugiés politiques), et qui la conduit à se mettre dans une dépendance totale. Le choix conscient des candidats à l’émigration est d’entrée de jeu inscrit dans une relation de dépendance par les filières de trafiquants (dette de voyage, de la famille qui a payé le voyage, suppression du passeport et, à l’arrivée, un travail qui n’était pas prévu). L’individu qui n’est plus maître de son sort est en quelque sorte la caricature de la précarisation du travailleur « libre » tant vantée par les pays libéraux qui voudraient débrider l’économie de ses carcans éthiques et corporatistes (syndicats, réseaux d’entraide) pour fluidifier l’économie.
Même si un Birman décide de s’engager dans la pêche, par exemple, alors qu’il connaît les conditions de travail déplorables, il ne part pas pour être revendu plusieurs fois par des brokers, des « recruteurs » pour les conserveries, des compagnies de pêche et, en fin de course, par les policiers eux-mêmes. Il arrive que ceux-ci organisent des « ventes » de prisonniers à rapatrier sur les routes menant aux camps, véritables marchés aux esclaves modernes. Ces « esclaves » sont les migrants illégaux capturés et envoyés dans des camps de transit[13]. La dynamique sociale spécifique de la dette en Asie du Sud-Est est corollaire du développement et des relations sociales et puise ses origines, non pas dans des systèmes familiaux, de vente ou d’appartenance d’individus à la manière féodale, mais bien plus dans une forme de stratégie qui passe par une soumission au népotisme qui peut aller jusqu’à une véritable dépendance[14].
C’est dans cette structure sociale, où la relation patron-client est essentielle à la survie individuelle et culturelle, que les populations ont souvent conscience de leur action, même si parfois il faut aller jusqu’à l’excès (la mise en esclavage volontaire). C’est le cas de Nway Nway, birmane de Yangon séduite, comme des milliers d’autres, par l’opportunité d’un travail mieux rémunéré en Malaysia ou en Thaïlande, qui, bien qu’avertie des risques potentiels, fonce tête baissée vers l’exploitation. L’urbanisation croissante, l’ouverture du pays et les nouveaux moyens de communication attirent des milliers de Birmans vers les villes, et en particulier vers Yangon, la capitale économique. Les journaliers agricoles se mettent à rêver d’emplois « propres »[15] dans les usines, et bien sûr mieux payés. Mais quitter la campagne pour la ville, c’est rompre le lien avec les réseaux d’entraide ainsi que les liens de dépendance, donc de protection, qu’entretiennent les journaliers avec les paysans, par exemple (Boutry 2015). L’urbain, c’est également l’omniprésence de l’argent, là où l’accès à la nourriture, à l’eau ou encore aux soutiens socioreligieux (funérailles, donations, noviciat) est négocié en échange de services ou de travail à la campagne, s’il n’est pas gratuit. La dépendance est recherchée, du fait qu’elle permet une forme de protection et surtout d’inclusion dans des réseaux. Le travail des trafiquants, qui opèrent pignon sur rue à Yangon, est à moitié fait. Nway Nway, interviewée une première fois en janvier 2014, est partie en avion pour Kuala Lumpur. Avant même le départ en avion, son passeport n’était plus entre ses mains, mais dans celles des agents qui lui promettaient un permis de travail. En mai 2015, elle nous relata n’avoir eu le droit que de jeter un oeil dessus à l’immigration de l’aéroport de Kuala Lumpur, pour se faire tamponner son visa touristique valide un mois. Deux mois après son arrivée dans une usine de fabrication de composants électroniques, à travailler 7 jours sur 7, 15 heures par jour, debout, Nway Nway n’avait toujours pas reçu un ringgit (monnaie locale). Bien que le remboursement de sa dette de voyage s’éternise (l’accord était d’un mois sans rémunération), Nway Nway, sans passeport (et même avec un visa périmé), supportant mal des conditions de travail harassantes, décide de retourner en Birmanie. Partie en avion légalement, elle revient en voiture, passant illégalement la frontière terrestre de Mae Sot avec une nouvelle dette de voyage.
Une histoire d’exclusions
De Nway Nway, et de la plupart des candidats à l’émigration privés d’une inclusion à un tissu social, aux Rohingya finissant dans les camps de trafiquants à la frontière de la Thaïlande et de la Malaysia, tout est histoire d’exclusion. Or, cette exclusion n’est pas vivable, peu importe l’échelle concernée : l’individu déraciné de sa campagne, ou l’ensemble des musulmans de l’ouest de la Birmanie exclus de la nation. En effet, la communauté musulmane d’Arakan, dont le terme Rohingya tend à devenir l’ethnonyme, n’est pas reconnue parmi les 135 ethnies officielles sanctionnées dans la loi de 1984. Les musulmans n’ont donc pas l’accès à la citoyenneté, et sont depuis des générations « prisonniers » de leur Township de résidence. Objets d’une politique de répression et d’isolationnisme de la part des gouvernements qui se sont succédés depuis le coup d’État du général Ne Win en 1962, les Rohingya n’ont eu de cesse d’émigrer. Pour une population totale estimée à 2 millions, seulement 800 000 d’entre eux vivent sur le territoire birman, les autres étant répartis principalement entre la Malaysia et le Moyen-Orient[16].
Avant même d’atteindre un pays tiers, il faut faire le voyage, qui est particulièrement risqué. Le recrutement est géré par des passeurs du village[17]. Les migrants sont emmenés à bord de petits bateaux pour être embarqués sur des chalutiers amarrés au large, qu’il faut atteindre en passant d’abord par le contrôle de la marine. Alors qu’auparavant il fallait payer l’équivalent de 20 USD par personne aux autorités, depuis 2012[18] le passage est gratuit. Ensuite, les Rohingya, entassés dans les cales des chalutiers par des Arakanais bouddhistes et des Birmans, naviguent pendant deux à trois jours, si la traversée se passe bien, en direction de la région frontalière malayo-thaïlandaise. Naufrages (Burke 2012), passagers morts de faim et affrontements à bord des bateaux (Pearlman 2015) sont monnaie courante. Le traitement qu’ils reçoivent sur les côtes des pays où la mer les rejette dépend de la « compassion » des autorités[19] : au mieux ils sont rejetés à la mer, au pire ils tombent dans les mains de trafiquants qui les rançonnent, généralement à travers la famille du migrant, qu’elle soit encore en Arakan ou déjà à destination. Ceux démunis de relations et qui ne peuvent payer sont revendus, s’ils ne sont pas déjà morts. Le scandale de la découverte de fosses communes comptant des dizaines de corps de migrants bengalis et rohingya dans un camp de trafiquants d’êtres humains à la frontière malayo-thaïlandaise en mai 2015 a obligé les pays de l’ASEAN à se réunir pour finalement n’aboutir sur aucune décision concrète (Davies 2015).
La constitution des États-nations modernes a créé des zones d’inclusion et d’exclusion dont la « géographie » diffère en fonction des individus concernés. Les potentiels esclaves sont en priorité ceux exclus de ces géographies. On peut prendre comme exemple les Môns : exclus pendant plusieurs décennies de pouvoir militaire – au même titre que toutes les autres minorités – d’une Birmanie avant tout pensée comme bamar, ils retrouvent leur place dans la zone frontalière (le borderland des Anglo-Saxons), profitant avant tout du trafic des Birmans du centre, tout comme des Rohingya, qui constituent la majorité des marins asservis sur les bateaux (Boutry à paraître). Les Khmers du marché de Rong Klua en Thaïlande se retrouvent dans un espace krom – i.e. « khmer » dans l’esprit des Cambodgiens vivant ou travaillant en Thaïlande (Lejard 2014). Les Birmans du sud de la Birmanie, bien qu’exilés de l’autre côté de la frontière (au sud de la Thaïlande) trouvent également leur place au sein de l’ethnorégion que forme la Péninsule malaise (nord de la Malaysia, sud de la Thaïlande et sud de la Birmanie) à travers des réseaux de patron-client (autrement dit, de dépendance) dont la géographie n’a que faire des frontières nationales (Ivanoff 2014 ; Boutry 2015). En revanche, les plus pauvres des Birmans du centre, déracinés pour diverses raisons de l’ensemble national, ou encore les Rohingya proprement exclus du sol, n’ayant pas d’accès (par des connaissances ou des réseaux) aux sous-ensembles ethnorégionaux, se retrouvent dans l’illégalité (en termes de relation à l’État) et dans l’illégitimité (sociale et/ou ethnique). Les trafiquants se livrent à la prédation au sein de ces groupes « oubliés ».
Le problème de l’esclavage dans les géographies postnationales
L’avènement des États-nations pendant et après la colonisation a profondément remodelé la nature de l’esclavage. La majeure différence se situe peut-être dans le fait qu’historiquement « ce n’est jamais le fait qui [définissait] l’esclave, c’est le droit » (Testart 2001 : 20), alors que l’esclave moderne en Asie du Sud-Est n’a justement plus de statut, ni social ni juridique. Alors que les grands royaumes se pillaient entre eux et pillaient leurs voisins d’esclaves à incorporer à leurs sociétés respectives, la fin de l’esclavage légal a relégué les esclaves modernes aux confins d’une géographie « postnationale » (Horstmann 2002), puisant ses fondements dans la définition des frontières par les colonisateurs. Cette géographie s’exprime par le poids de certains pays dont la puissance économique (grâce à l’aide internationale, par exemple, ou à leurs choix durant l’époque dite « bipolaire ») se construit au détriment des voisins moins puissants et sur le déclin au moment de la colonie (le Cambodge par exemple) – ceux-là mêmes dont les populations alimentent les filières. Il y a aussi les pays qui ont pris les « chemins de traverse », comme la Birmanie (avec « la voie birmane vers le socialisme »), mais qui se retrouvent en « queue du peloton » socialement et économiquement de la région selon les normes occidentales. Ce dernier pays est donc un réservoir infini de main-d’oeuvre à mettre en esclavage facilement avec la bénédiction des autorités, car la corruption est la condition essentielle de l’esclavage moderne. La répression ne suffit pas à entraver le trafic humain, car les racines de la corruption sont trop profondes, à l’instar du népotisme qui est une condition sine qua non de la survie des pays. Or, la main-d’oeuvre reste le nerf du développement de la région qui suit des modèles dictés par l’Occident, qui prône pour sa part la libération de l’individu. C’est pourquoi la cartographie des migrants, donc en partie celle de l’esclavage, se reconstitue autour de nouveaux territoires assimilés depuis longtemps à des appropriations qui ne dépendent pas des politiques : l’espace krom en Thaïlande, les gouvernements réduits aux frontières (par exemple le Cambodge après l’invasion vietnamienne du pays), les économies qui s’enrichissent aux points de passage en Birmanie et ailleurs (casinos, trafics, etc.). Ainsi, les ressorts culturels de l’esclavage – la dépendance de l’individu à la société et aux réseaux de clientélisme, la religion, les clivages sociaux et l’exclusion – perdurent et s’opposent à l’individualisation prônée par le modèle occidental.
L’esclavage lui-même continue d’être un moteur de résistance sociale et même ethnique aux « géographies nationales »[20]. Il s’inscrit dans une perspective historique du développement des États et de leurs idéologies. La classification permet de mettre hors norme des groupes entiers et de les faire tomber au plus bas de l’échelle sociale et/ou ethnique. Ce n’est pas innocemment que lors du conflit opposant les « Jaunes » aux « Rouges » en Thaïlande, ces derniers endossèrent l’appellation phrai, à savoir « esclaves ». Car en déclarant qu’il y avait de « vrais Thaïs », les Jaunes, urbains, issus de la plaine centrale, ils sous-entendaient qu’il existe des « faux » Thaïs, donc des êtres inférieurs, les Rouges. Ainsi les « chemises Rouges » se donnèrent le nom de phrai durant la révolte de 2009-2010 (Leveau et al. 2010). En termes ethniques, tout comme la fuite des Moken du sud de la Birmanie de l’esclavage sur le littoral malais – évènement qui devint fondateur dans leur identité de nomades marins (Ivanoff 2004) –, l’exclusion des musulmans d’Arakan et leur départ massif de la Birmanie consécutif à cette exclusion président à l’avènement du label ethnique Rohingya : victimes de trafics humains, rejetés par de nombreux pays, les Rohingya puisent les racines de leur identité dans l’esclavage moderne (Boutry à paraître). L’esclavage met donc en lumière, en creux, l’existence de groupes ethniques et sociaux intégrés dans les nations, mais qui se distancient de l’idéologie nationale. Il a permis aux contours de certaines ethnies de se former et aux stratégies d’autres de se développer. En fuyant les États centralisateurs, ils se sont opposés à la « civilisation » et ont donc été victimes de razzias d’esclaves, qui sont en quelque sorte le prix de leur liberté.
Conclusion : d’hier à aujourd’hui, l’esclavage et les changements de paradigmes
Si l’ASEAN a pris conscience que son principal problème concernant son développement économique est celui de la mobilité des travailleurs que les grands travaux en prévision vont provoquer, elle doit encore apprendre à tenir compte de la réalité et reconnaître la question de l’esclavage moderne comme un défi à relever impérativement. La communauté internationale a poussé certains pays à s’attaquer à ce problème du fait que c’est elle qui détermine les classifications des pays où l’on peut investir ou non, selon la notation attribuée à sa gouvernance. L’ASEAN essaie donc de rattraper son retard et de comprendre les pratiques multiséculaires qui ont conduit la région à devenir un réservoir d’esclaves « modernes », ce qui est un premier pas.
La période actuelle est celle de la légalisation, mais tant que celle-ci ne sera pas mise en oeuvre et surveillée, il ne pourra pas y avoir de changement en profondeur. Ce que cela va faire, c’est permettre de garantir les investissements (passer de la catégorie Tier 3 à Tier 2, en Thaïlande par exemple). Il y a donc un problème de forme et de fond. Le problème de fond est celui des ONG, des travailleurs sociaux, des chercheurs, des enquêtes de terrains, de la société civile, qui doivent pouvoir faire remonter aux décideurs les véritables chiffres et situations.
Ensuite il faudra veiller à ce que ces analyses soient prises en compte, ce qui est, comme partout, le pas le plus difficile à franchir pour les politiques quelles qu’elles soient. Si certains pays en ont la capacité, grâce à leur niveau de développement, comme la Thaïlande, d’autres comme le Cambodge et la Birmanie, sont encore loin d’avoir la capacité de faire appliquer des règlements ou des lois issus d’analyses de terrain. Voilà où se réside l’opportunité pour l’ASEAN de se transformer en une région prospère. C’est de sa capacité à éradiquer, au moins à limiter, l’esclavage moderne que dépendra son acceptation complète dans l’économie mondiale. Elle devra y mettre toutes ses forces, même si les vestiges fonctionnels que représentent le népotisme et la corruption constituent des entraves importantes à cette éradication.
La prise de conscience est faite, l’action politique et juridique doit suivre. C’est là que la recherche de terrain peut aider.
Appendices
Notes
-
[1]
Conférence de plénipotentiaires des Nations Unies pour une convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage qui s’est déroulée à Genève (Suisse) du 13 août au 4 septembre 1956.
-
[2]
« L’article 4 de la Déclaration universelle garantit que “Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.” Cependant, l’esclavage n’est pas mort. De nombreux cas de formes d’esclavage très différents sont signalés : travaux forcés, travail des enfants, travail forcé des migrants, travail forcé et esclavage à des fins religieuses » (http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/ themes/international-migration/glossary/slavery/, disponible en date du 7 février 2017. Les italiques sont les nôtres).
-
[3]
Voir Nunbhakdi (1998) et Turton (2000) et pour le système sakdina en Thaïlande, et Aung Thwin (1983) pour une discussion sur le système des kyun (serfs, esclaves) et ahmu-dan et kyun taw (artisans du roi) en Birmanie.
-
[4]
Par exemple les relations entre peuples nomades de la périphérie et sédentaires dominants du centre, tour à tour les esclaves les uns des autres ; voir Brun et Miroschedji (1998-1999).
-
[5]
Voir Ivanoff (2005).
-
[6]
Ce qui nous ramène à la question des « chocs » qui permettent l’expression d’une ethnicité en devenir, comme l’exprime Godelier (2009).
-
[7]
Voir Ivanoff (2004).
-
[8]
Voir par exemple Means (2000) pour la Haute-Birmanie, Guérin et Padwe (2011) chez les Jaraï, et Major (2012) pour l’ensemble des colonies de la Couronne.
-
[9]
Voir Martin (1995).
-
[10]
Le royaume du Siam occupe Angkor en 1351, déportant ainsi une large partie de la population en esclavage, provoquant des conflits répétés entre les deux royaumes. Au cours du XVIIe siècle, le Vietnam s’affirme comme une nouvelle puissance que les Khmers utiliseront pour réduire la domination siamoise. Néanmoins, l’avance vers le sud des Vietnamiens fera progressivement perdre aux Khmers les provinces du delta du Mékong.
-
[11]
De 1057, date de la première conquête de la Basse-Birmanie par le roi Anawratha, jusqu’au XVIe siècle, sous le règne du roi Bayin Naung.
-
[12]
1 euro = 38 bahts.
-
[13]
« Environ 105 000 réfugiés du Myanmar résident dans les camps à la frontière, dans les villes de Mae Hong Son, Tak, Kantchanaburi et Ratchaburi. La Thaïlande, qui n’a pas ratifié la Convention sur les Réfugiés de 1951, les considère comme des personnes déplacées, évitant ainsi l’implication directe du Haut Commissariat aux Réfugiés » (Bangkok Post et Mizzima 2016, notre traduction, disponible sur Internet (http://www.bangkokpost.com/print/1030081/) le 10 juillet 2016.
-
[14]
D’où le choix du mot par Condominas (1998).
-
[15]
Par opposition à l’image du journalier agricole pieds et mains dans la boue des rizières (Boutry et al. 2016).
-
[16]
La population rohingya totale est estimée à 2 millions d’individus, dont environ 800 000 en Arakan, 200 000 au Bengladesh, un demi-million au Moyen-Orient, 30 000 en Malaysia et quelques milliers en Thaïlande (Oh 2013 : 2).
-
[17]
Les données qui suivent sont basées sur des entrevues menées par les auteurs dans le nord de l’Arakan (Birmanie) entre 2013 et 2015.
-
[18]
Au mois de mai 2012 également, les affrontements entre Rohingya (musulmans) et Arakanais bouddhistes (pour leur part reconnus comme une ethnie birmane) connurent un renouveau à la suite du viol d’une bouddhiste soi-disant perpétré par des Rohingya, contraignant plus d’une centaine de milliers d’individus (à 90 % rohingya) à vivre dans des camps. Consécutivement à cette vague de violence qui s’étendit à d’autres communautés bouddhistes et musulmanes du pays, la mobilité des Rohingya n’en a été que plus contrôlée (Boutry 2014a).
-
[19]
« Nous les ravitaillons en vivres, nourriture et eau, si nous trouvons qu’ils en manquent. Nous les aidons à réparer leurs moteurs de bateau si nécessaire, et nous les repoussons en mer. […] D’un point de vue humanitaire, nous nous sentons désolés pour ces boat-people » (ISOC officer in Chaviwan 2009 : 9).
-
[20]
Le geo-body de la nation décrit par Winichakul (2005 [1994]).
Références
- Aung Thwin M., 1983, « Athi, Kyun-Taw, Hpaya-Kyun. Varieties of Commendation and Dependence in Pre-Colonial Burma » : 64-89, in A. Reid (dir.), Slavery, Bondage and Dependency in Southeast Asia. St Lucia, New York, University of Queensland Press, St Martin’s Press.
- Bangkok Post et Mizzima, 2016, Myanmar, UNHCR to Ensure Safe Return of Refugees, 7 juillet 2016, Bangkok Post, consulté sur Internet (http://www.bangkokpost.com/print/1030081/) le 10 juillet 2016.
- Beemer B., 2009, « Southeast Asian Slavery and Slave-Gathering Warfare as a Vector for Cultural Transmission. The Case of Burma and Thailand », Historian, 71, 3 : 481-506.
- Boutry M. et J. Ivanoff, 2009, La monnaie des frontières. Migrations birmanes dans le sud de la Thaïlande : structure des réseaux et internationalisation des filières. Bangkok, IRASEC.
- Boutry M., 2014a, « L’arakanisation d’Arakan : les racines d’un nouvel exode ? », L’Espace politique, 24, 3, consulté sur Internet (http://espacepolitique.revues.org/3290) le 1er septembre 2015.
- Boutry M., 2014b, « The Burmese “Adaptive Colonization” of Southern Thailand » : 69-82, in F. Bourdier, M. Boutry, O. Ferrari et J. Ivanoff (dir.), From Padi States to Commercial States. Reflections on Identity and the Social Construction of Space in the Borderlands of Cambodia, Vietnam, Thailand and Myanmar. Leiden, IIAS-ICAS.
- Boutry M., 2015, Trajectoires littorales de l’hégémonie birmane (Irrawaddy, Tenasserim, Sud Thaïlande). Bangkok, IRASEC, Les Indes Savantes.
- Boutry M., 2016, (en collaboration avec Pyae Sone, Tin Myo Win and Sung Chin Par), Land Dynamics and Livelihoods in Peri-Urban Yangon. The Case of Htantabin Township. Yangon, GRET.
- Boutry M., à paraître, « The Backdoors of Resistance : Identities in the Malay Peninsula’s Maritime Borderlands », in A. Horstmann (dir.) Routledge Handbook on Asian Borderlands. Abingdon-on-Thames, Routledge.
- Brun P. et P. de Miroschedji, 1998-1999, « Cahier I - Avant-Propos au thème 2 – Évolution des structures et dynamiques sociales » ; « Cahier I - Thème 2 – Évolution des structures et dynamiques sociales », Cahiers des thèmes transversaux ArScAn : 49-52.
- Burke J., 2012, « At Least 130 Burmese Refugees Drown in Shipwreck », The Guardian, 31 octobre 2012, consulté sur Internet (http://www.theguardian.com/world/2012/oct/31/ burma-refugees-die-shipwreck-violence) le 5 août 2015.
- Chachavalpongpun P., 2005, A Plastic Nation. The Curse of Thainess in Thai-Burmese Relations. Lanham, University Press of America.
- Chaiyot Yongcharoenchai, 2014, « Young Lives for Sale », Bangkok Post, 29 juin 2014, consulté sur Internet (http://www.bangkokpost.com/print/417880/) le 12 juillet 2015.
- Chantavanich S. et al., 2001a, Female Labour Migration in South-East Asia : Change and Continuity. Bangkok, Asian Research Center for Migration Institute of Asia Studies, Chulalongkorn University.
- Chantavanich S. et al., 2001b, The Migration of Thai Women to Germany. Bangkok, Asian Research Center for Migration Institute of Asia Studies, Chulalongkorn University, International Organization for Migration.
- Charney M., 2004, Southeast Asian Warfare, 1300-1900. Leiden, Brill.
- Chaviwan S., 2009, « Asylum Seekers Told to Look Elsewhere », Spectrum, 2, 7 : 8-9, reproduit dans le Bangkok Post, 25 janvier 2009, disponible sur Internet (https://www.pressreader.com/thailand/bangkok-post /20090125/282510064450915) le 7 février 2017.
- Condominas G., 1998, Formes extrêmes de dépendance en Asie du Sud-Est. Contributions à l’étude de l’esclavage. Paris, Éditions de l’EHESS.
- Davies M., 2015, « Rohingya Crisis : Nothing from Nothing », New Mandala, 1er juin 2015, consulté sur Internet (http://asiapacific.anu.edu.au/newmandala/2015/06/01/ rohingya-crisis-nothing-from-nothing/) le 26 juillet 2015.
- Godelier M., 2009, Communauté, société, culture. Trois clefs pour comprendre les identités en conflits. Paris, CNRS Éditions.
- Grabowski V., 1999, « Forced Resettlement Campaigns in Northern Thailand during the Early Bangkok Period », Journal of the Siam Society, 87, 1-2 : 45-86, disponible sur Internet (http://www.siamese-heritage.org/jsspdf/1991/ JSS_087_0g_Grabowsky_ForecedResettlement CampaignsInNThailand.pdf) le 10 octobre 2016.
- Guérin M., 2001, « Essartage et riziculture humide. Complémentarité des écosystèmes agraires à Stung Treng au début du XXe siècle », Aséanie, 8 : 35-55.
- Guérin M., A. Hardy, N. VanChinh et S. TanBoonHwee, 2003, Des montagnards aux minorités ethniques. Paris, Bangkok, Éditions L’Harmattan, IRASEC.
- Guérin M. et J. Padwe, 2011, « Pénétration coloniale et résistance chez les Jarai. Revisiter le rôle des colonisés dans la mise en place des frontières en Indochine », Outre-mers, revue d’histoire, 370-371 : 245-272.
- Hodal K., C. Kelly et F. Lawrence, 2014, « Revealed : Asian Slave Labour Producing Prawns for Supermarkets in US, UK », The Guardian, 10 juin 2014, consulté sur Internet (https://www.theguardian.com/global-development/2014/jun/10/supermarket -prawns-thailand-produced-slave-labour) le 26 juin 2014.
- Horstmann A., 2002, « Dual Ethnic Minorities and the Local Reworking of Citizenship at the Thailand-Malaysian Border », CIBR Working Papers in Border Studies, consulté sur Internet (http://www.qub.ac.uk/research-centres/ CentreforInternationalBordersResearch/Publications/WorkingPapers/ CIBRWorkingPapers/Filetoupload,174412,en.pdf) le 4 août 2016.
- Ivanoff J., 2004, Les Naufragés de l’Histoire. Les jalons épiques de l’identité moken. Paris, Éditions Les Indes Savantes.
- Ivanoff J., 2005, « Introduction. Nomads Wanted : A Critical Commentary on the Origins of Three Ethnic Groups (Moken, Yumbri, and Negritos) Encountered by Hugo Bernatzik during His Travels in Southeast Asia » : XV- XLV, in H.A. Bernatzik, Moken and Semang, 1936-2004. Persistence and Change. Bangkok, White Lotus.
- Ivanoff J., 2014, « Extension of Traditional Nomadic Routes in Globalization : A Danger for Whom ? Disappearing Ethnies or Revival of Ethnicity », « Conference to Commemorate International Migration Day », Bangkok, 17-18 décembre 2014, Bangkok Migration, Security and Development, Asian Research Center for Migration, Institute of Asian Studies.
- Koenig W., 1990, The Burmese Polity, 1752-1819. Politics, Administration, and Social Organization in the Early Kon-Baung Period. Ann Arbor, University of Michigan, Center for South & Southeast Asian Studies.
- Léger D.A., 1998, « L’esclavage en pays bahnar-lao (Centre Vietnam) » : 101-163, in G. Condominas (dir.), Formes extrêmes de dépendance. Contributions à l’étude de l’esclavage en Asie du Sud-Est. Paris, Éditions de l’EHESS.
- Lejard T., 2011, « Poipet, ville à la “frontier” », conférence « La ville asiatique contemporaine », The Fourth International Conference of the Réseau Asie-Pacifique. Paris, 14-16 septembre 2011.
- Lejard T., 2014, « Un rhizome khmer à la frontière khméro-thaïlandaise : une étude sur les travailleurs illégaux de Rong Klua et de Poipet », L’Espace politique, 24, 3, consulté sur Internet (DOI : 10.4000/espacepolitique.3188) le 31 août 2015.
- Leveau A., O. Ferrari, N.Arunotai et J. Ivanoff, 2010, Thaïlande. Aux origines d’une crise. Bangkok, IRASEC.
- Major A., 2012, Slavery, Abolitionism and Empire in India, 1772-1843. Liverpool, Liverpool University Press.
- Martin M.-A., 1995, Les Khmers Daeum, « Khmers de l’origine ». Société montagnarde et exploitation de la forêt. De l’écologie à l’histoire. Paris, EFEO.
- Means G.P., 2000, « Human Sacrifice and Slavery in the “Unadministered” Areas of Upper Burma during the Colonial Era », Sojourn : Journal of Social Issues in South East Asia, 15, 2 : 184-221.
- Meillassoux C., 1986, Anthropologie de l’esclavage. Le ventre de fer et d’argent. Paris, Presses universitaires de France.
- Nations Unies, 1948, Déclaration universelle des droits de l’homme. New York, Service de l’information des Nations Unies, disponible sur Internet (http://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/UDHRIndex.aspx) le 7 février 2017.
- Nations Unies, 1956, « Conférence de plénipotentiaires des Nations Unies pour une convention supplémentaire relative l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage. Tenue à Genève (Suisse) du 13 août au 4 septembre 1956. Acte final et Convention supplémentaire ». Genève, Nations Unies, disponible sur Internet (http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/Supplementary ConventionAbolitionOfSlavery.aspx) le 7 février 2017.
- Nunbhakdi S., 1998, « Étude sur le système de sakdina en Thaïlande » : 459-481, in G. Condominas (dir.), Formes extrêmes de dépendance. Paris, Éditions de l’EHESS.
- Oh S.A., 2013, « Rohingya Boat Arrivals in Thailand : From the Frying Pan into the Fire ? », ISEAS Perspectives, 11 : 1-6.
- Patterson O., 1982, Slavery and Social Death : A Comparative Study. Cambridge, Harvard University Press.
- Pearlman J., 2015, « How Migrants Stranded at Sea off Indonesia Resorted to “Stabbing Each Other” to Survive », The Telegraph, consulté sur Internet (http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/asia/indonesia/11611501/How-migrants-stranded-at-sea-off-Indonesia-resorted-to-stabbing-each-other-to-survive.html) le 3 août 2015.
- Peláez V., 2008, The Prison Industry in the United States : Big Business or a New Form of Slavery ?, El Diario-La Prensa, New York, Global Research, consulté sur Internet (http://www.globalresearch.ca/the-prison-industry-in-the-united-states-big-business-or-a-new-form-of-slavery/8289) le 21 août 2016.
- Reid A. (dir.), 1983, Slavery, Bondage and Dependency in Southeast Asia. St Lucia, New York, University of Queensland Press, St Martin’s Press.
- Salemink O., 2003, The Ethnography of Vietnam’s Central Highlanders. A Historical Contextualization, 1850-1990. Londres, Honolulu, Routledge, Curzon Press, University of Hawai’i Press.
- Société des Nations, 1926, Convention relative à l’esclavage, Genève, le 25 septembre 1926/Slavery Convention, Geneva, September 25th, 1926. Genève, Kundig, disponible sur Internet (http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/ Pages/SlaveryConvention.aspx) le 7 février 2017.
- Testart A., 2001, L’esclave, la dette et le pouvoir. Paris, Éditions Errance.
- Turton A., 1998, « Thai Institutions of Slavery » : 411-457, in G. Condominas (dir.), Formes extrêmes de dépendance. Contributions à l’étude de l’esclavage en Asie du Sud-Est. Paris, Éditions de l’EHESS.
- Turton A., 2000, Civility and Savagery. Social Identity in Tai States. Richmond, Curzon Press.
- UNODC, 2009, Border Liaison Offices in Southeast Asia 1999-2009. Ten Years of Fighting Transnational Organized Crime. Bangkok, UNODC Regional Centre for East Asia and the Pacific.
- Warren J., 1978, « Who Were the Balangingi Samal ? Slave Raiding and Ethnogenesis in Nineteenth-Century Sulu », Journal of Asian Studies, 37 : 477-490, disponible sur Internet (http://researchrepository.murdoch.edu.au/18180/1 /who_were_the_balangingi.pdf), le 10 octobre 2016.
- Weissbrodt D. et La Société anti-esclavagiste internationale, 2002, Abolir l’esclavageet ses formes contemporaines. New York, Genève, Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, disponible sur Internet (http://www.ohchr.org/Documents/ Publications/slaveryfr.pdf) le 7 février 2017.
- Winichakul T., 2005 [1994], Siam Mapped. A History of the Geo-Body of a Nation. Chiangmai, Silkworm Books.