Volume 39, Number 3, 2015 Spéculations langagières Language Deals Especulaciones linguisticas Guest-edited by Alexandre Duchêne and Michelle Daveluy
Table of contents (17 articles)
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Présentation : spéculations langagières : négocier des ressources aux valeurs fluctuantes
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Pratiques juridiques et idéologies langagières dans un tribunal non officiellement multilingue
Katherine E. Hoffman
pp. 29–50
AbstractFR:
Au Maroc, les tribunaux demeurent le Saint Graal des militants amazighs qui souhaitent la légitimation institutionnelle du tamazight (langue berbère ou langue amazighe) et cherchent à mettre fin aux discriminations linguistiques et à la domination arabe dans les administrations. Les pratiques juridiques en langue vernaculaire tamazight ne sont régies par aucune politique étatique officielle, et c’est plutôt la langue arabe qui domine les affaires judiciaires. Pourtant, comme je le soutiens dans le présent article, l’ « État » emploie des individus, en particulier des juges et des officiers d’état civil, dont certains utilisent des variétés régionales de tamazight dans le cadre de leur travail, notamment pour enregistrer les mariages dans le cadre de tribunaux coutumiers ambulants, procédures qui ont fait l’objet de mes enquêtes sur le terrain et d’entrevues. Les pratiques et les idéologies langagières des juges méritent l’attention de quiconque souhaite étudier l’économie de la langue dans la politique marocaine, notamment en raison du statut élevé de ces représentants de l’État et du respect dont ils sont auréolés. Le personnel juridique obéit aux nécessités politiques en fonction de contraintes et de possibilités locales – notamment linguistiques – et, ce faisant, contribue à modeler l’ensemble des choix politiques en matière de langue au Maroc.
EN:
The courts have remained the Holy Grail for Amazigh activists in Morocco who seek institutionalized legitimacy for Tamazight (« Berber ») and an end to language discrimination and Arabic dominance in administrations. There is no official state policy for handling legal affairs in the indigenous Tamazight language ; Arabic instead dominates legal matters. Yet as I argue in this article, the « state » is comprised of individual civil servants, including judges and clerks, many of whom do use regional Tamazight varieties in the course of their work, including the task of registering customary marriages through mobile courthouses, which I examine here as the result of fieldwork and interviews. Judges’ language practices and ideologies merit our attention in any assessment of the political economy of language in Morocco, particularly given the high status and respect granted to these state representatives. Court personnel navigate political necessities according to local constraints and opportunities – including linguistic ones – and in so doing help shape the broader political economy of language in Morocco.
ES:
En Marruecos, los tribunales siguen siendo el Cáliz Sagrado de los militantes imazighen que desean la legitimación institución del tamazight (« lengua bereber o amazight ») y buscan poner fin a las discriminaciones lingüísticas y al dominio del árabe en la administración. Las prácticas jurídicas en lengua vernácula tamazight no están regidas por ninguna política estatal oficial y es la lengua árabe la que domina en los asuntos jurídicos. Sin embargo, como lo sostengo en el presente artículo, el « Estado » emplea individuos, particularmente jueces y oficiales del estado civil, algunos de los cuales emplean variedades regionales del tamazight en el cuadro de su trabajo, especialmente en el registro de los matrimonios en el marco de los tribunales consuetudinarios móviles, procedimientos que han sido el objeto de investigaciones de campo y de entrevistas. Las prácticas y las ideologías lingüísticas de los jueces merecen la atención de quienes desean estudiar la economía de la lengua en la política marroquí, especialmente debido al prominente estatus de los representantes del Estado y del respecto del que están aureolados. En personal jurídico se somete a las necesidades políticas en función de las presiones y las posibilidades locales – particularmente lingüísticas – y al hacerlo contribuye a modelar el conjunto de alternativas políticas en materia de lengua en Marruecos.
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Marchés linguistiques autochtones
Louis-Jacques Dorais
pp. 51–68
AbstractFR:
Cet article cherche à examiner le fonctionnement de quatre marchés linguistiques (selon la définition de Bourdieu) : trois en contexte inuit (Nunavut, Nunavik, Groenland) et un en milieu amérindien (chez les Hurons-Wendat). Nous essayons de comprendre jusqu’à quel point les langues indigènes constituent un capital dont la possession dote leurs locuteurs d’une agencéité économique et politique potentiellement moins efficace que celle des locuteurs des langues véhiculaires, renforçant ainsi les hégémonies issues du colonialisme. A contrario, nous nous demandons également si, au-delà des simples considérations économiques, les langues ne contribuent pas à accroître le capital symbolique de ceux qui les parlent (jouant ainsi un rôle anti-hégémonique), même quand ceux-ci constituent une minorité. En dernière instance cependant, une langue minoritaire peut-elle survivre sans le soutien d’une base économique et politique favorable ?
EN:
This article aims at examining how four linguistic markets (according to Bourdieu’s definition) actually operate, three of them in an Inuit context (Nunavut, Nunavik, Greenland), and a fourth one in an Amerindian environment (the Huron-Wendat). We try to understand up to what point indigenous languages should be considered as constituting a capital whose possession endows their speakers with a degree of economic and political agency potentially less efficient than that of speakers of vehicular languages, thus reinforcing hegemonies generated by colonialism. Conversely, we also examine if, beyond mere economic considerations, language does not contribute to increase the symbolic capital of its speakers, thus playing a contra-hegemonic part, even when these speakers belong to a minority. Finally however, is it possible for a minority language to survive in the absence of a supportive economic and political basis ?
ES:
Este artículo examina el funcionamiento de cuatro mercados lingüísticos (de acuerdo con la definición de Bourdieu), tres en contexto inuit (Nunavut, Nunavik, Groenlandia) y uno en el medio amerindio (con los Huron-Wendat). Tratamos de comprender hasta qué punto las lenguas indígenas constituyen un capital cuya posesión dota a sus hablantes de una agenceidad económica y política potencialmente menos eficaz que la de los hablantes de las lenguas vehiculares, reforzando así las hegemonías provenientes del colonialismo. A contrario, nos interrogamos asimismo si, más allá de las simples consideraciones económicas, las lenguas no contribuyen a acrecentar el capital simbólico de sus hablantes (jugando así un rol anti-hegemónico), incluso cuando éstos constituyen una minoría. No obstante, ¿ en última instancia una lengua minoritaria puede sobrevivir sin el apoyo de una base económica y política favorable ?
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Le plurilinguisme suisse à l’ère du capitalisme tardif : investissement promotionnel sur un capital national
Alfonso Del Percio
pp. 69–89
AbstractFR:
Cet article analyse les logiques régissant la valorisation par l’État de la diversité linguistique suisse sous des conditions de capitalisme tardif. Si les gouvernements helvétiques ont historiquement investi dans le plurilinguisme national, aujourd’hui la Suisse continue à miser sur le plurilinguisme afin de maintenir la position privilégiée occupée par son économie sur les marchés mondiaux. Pour pouvoir mettre à profit ce capital historique, l’État suisse adapte cependant l’argument du plurilinguisme aux marchés-cibles, ce qui aboutit à une hiérarchisation des formes de « diversité » en Suisse. Afin d’expliquer le rôle de la diversité dans les politiques économiques de la Suisse contemporaine, de comprendre quelle forme de diversité est considérée comme ayant une valeur ajoutée, et enfin de saisir les intérêts qui influencent la valeur attribuée à la diversité, j’analyse les pratiques promotionnelles menées par l’État suisse dans le cadre d’un séminaire promotionnel organisé en Allemagne visant à attirer des entrepreneurs et des capitaux allemands sur le territoire suisse. L’analyse se concentre particulièrement sur le rôle du plurilinguisme comme élément clé dans la stratégie de marketing international de la Suisse et sur l’adaptation stratégique de cet argument promotionnel aux publics ciblés.
EN:
This article analyzes the logics governing the Swiss state’s valorization of Swiss linguistic diversity under conditions of late capitalism. If Helvetic governments have historically invested in national multilingualism, contemporary Switzerland continues to focus on multilingualism to maintain the privileged position occupied by its economy on global markets. However, in order to be able to capitalize on this historical capital, the Swiss state adapts the argument of multilingualism to the markets it addresses, which leads to a hierarchization of the forms of « diversity » in Switzerland. In order to explain the role of diversity in the context of the current economic policies and activities of the Swiss state, to understand which form of diversity is considered as a source of added value, and finally to understand the interests influencing the value attributed to diversity, I analyze the promotional practices conducted by the Swiss state in Germany, aiming to attract German entrepreneurs and capitals to Switzerland. I particularly focus on the role of multilingualism as a key feature of the international marketing strategy of Switzerland and highlight the strategic adaptation of that argument to the targeted publics.
ES:
Este artículo analiza la lógica que gobierna la valorización por parte del estado suizo de la diversidad lingüística suiza bajo las condiciones del capitalismo tardío. Si los gobiernos helvéticos han invertido históricamente en el multilingüismo nacional, la Suiza contemporánea continúa centrándose en el multilingüismo para mantener la posición privilegiada que ocupa su economía en los mercados globales. Sin embargo, para poder capitalizar este capital histórico, el estado suizo adapta el argumento del multilingüismo a los mercados a los cuales se dirige, lo que conduce a una jerarquización de las formas de « diversidad » en Suiza. Para explicar el papel que desempeña la diversidad en el contexto de las actuales políticas y actividades económicas del estado suizo, para comprender qué forma de diversidad se considera como una fuente de valor añadido, y por último para entender los intereses que influyen el valor que se atribuye a la diversidad, analizo las prácticas promocionales llevadas a cabo por el estado suizo en Alemania, con el objetivo de atraer empresarios y capitales a Suiza. Más concretamente, me centro en el papel del multilingüismo como característica clave de la estrategia de marketing internacional de Suiza y pongo de relieve la adaptación estratégica de este argumento a los públicos meta.
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La « diversité » comme capital : la re-conceptualisation néolibérale de la différence linguistique et sociale
Bonnie Urciuoli
pp. 91–114
AbstractFR:
Dans les discours néolibéraux sur le travail, les travailleurs sont imaginés comme des faisceaux de compétences, certaines étant dites « formelles » (le savoir et les techniques), d’autres « informelles » (les aptitudes et les caractéristiques sociales). Dans cette conception, tout attribut pensé en termes de travail productif, même les différentes formes de se comporter socialement, peut être considéré comme une compétence. En particulier, les marqueurs de différences sociales peuvent être considérés comme des compétences, y compris les marqueurs raciaux, ethniques et linguistiques, pour autant qu’on puisse supposer qu’ils apportent une valeur à l’entreprise. Des différences que l’on pourrait par ailleurs interpréter comme des indications de race, d’ethnicité ou d’identité nationale sont ré-imaginées comme des propriétés appartenant à des individus. De plus, les salariés sont rendus responsables de la conversion de leurs propres marqueurs de désavantage social en marqueurs de valeur ajoutée. De manière générale, les différences langagières et raciales/ethniques fonctionnent de manière complémentaire dans le monde du travail issu de la globalisation : les différences linguistiques opèrent comme des compétences « formelles » et les caractéristiques sociales identitaires de la « diversité » comme des compétences « informelles ».
EN:
In neoliberalized labor discourses, workers are imagined as bundles of skills, some « hard » (knowledge and techniques) and some « soft » (social abilities and characteristics). In such imagining, any attribute that can be imagined in terms of productive labor can be cast as a skill, including forms of social being. In particular, forms of social difference can be imagined as skills, including racial/ethnic markedness and language markedness, so long as they can be cast as providing corporate value. Forms of difference that would otherwise be interpretable as indices of race, ethnic or national identity are reimagined as properties belonging to individuals. Moreover, workers are in effect responsible for recasting their own markers of social disadvantage as markers of added value. By and large, language and race/ethnic differences operate in complement to each other in globalized labor regimes : language difference operating as « hard » skills and social identity forms of « diversity » operating as « soft » skills.
ES:
En los discursos neoliberales sobre el trabajo, los trabajadores han sido imaginados como haces de competencia, algunas « tangibles » (el conocimiento y las técnicas), otras « intangibles » (las aptitudes y las características sociales). Para ese tipo de concepción, todo atributo que se pueda concebir en términos de trabajo productivo puede ser calificado de competencia, incluyendo las formas del ser social. De manera particular, las formas de diferencia social pueden ser imaginadas como competencias, incluyendo los marcadores raciales, étnicos y lingüísticos, en la medida en que se supone que agregan un valor a la empresa. Las formas de diferencia que se podrían interpretar como marcadores de la raza, la identidad o la identidad nacional se re-imaginan como una propiedad de los individuos. Además, los asalariados están encargados de transformar sus propios marcadores de la desventaja social en indicadores con valor agregado. En forma general, las diferencias lingüísticas y raciales/étnicas funcionan de manera complementaria en los regímenes globalizados del trabajo : las diferencias lingüísticas operan como competencias « tangibles » y las formas de identidad social de la « diversidad » como competencias « intangibles ».
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L’immigration francophone comme marché : luttes et tensions autour de la valeur des langues officielles et du bilinguisme en Acadie, Canada
Isabelle Violette
pp. 115–133
AbstractFR:
Cet article a pour objectif d’analyser les tensions qui émergent de l’articulation de logiques nationalistes et économistes dans la mise en place d’un marché de l’immigration destiné à la francophonie canadienne, et plus particulièrement telles qu’elles se manifestent sur le terrain acadien néo-brunswickois. Il est argumenté que : 1) les pratiques de recrutement et de sélection de l’État canadien favorisent des parcours migratoires axés sur une idéologie individualiste néolibérale de la langue ; et que 2) cela suscite des conflits au sein du milieu d’accueil au vu du rôle de vitalisation des communautés minoritaires attribué à l’immigration francophone. Les stratégies promotionnelles adoptées par les acteurs officiels font du bilinguisme un argument de distinction vendeur sur le marché de l’immigration, ce qui attire une part d’immigrants francophones cherchant à acquérir l’anglais comme voie d’accès aux économies mondialisées. Prenant appui sur un débat entourant la langue de scolarisation, il est montré que la valorisation du bilinguisme comme capital individuel chez ces immigrants se heurte à la position nationaliste militante pour laquelle le partage du français implique une allégeance envers la minorité acadienne.
EN:
This paper analyzes the tensions that stem from the articulation of nationalist and economist logics in the establishment of an immigration market intended for Francophone Canada, and more specifically as they appear in Acadian New Brunswick. It argues that : 1) the State’s recruitment and selection of economic immigrants promotes migration based on a neoliberal ideology of language ; and that 2) this generates conflict within the host community given that Francophone immigration is expected to contribute to its linguistic revitalization. Official bilingualism is put forward by institutional actors as a selling argument on the immigration market and thus results in attracting Francophone immigrants mainly eager to acquire English. By analyzing a debate on the language of schooling, we show that the immigrants’ capitalization of bilingualism destabilizes the nationalist activist stance for which sharing French implies a certain linguistic loyalty toward the Acadian minority.
ES:
Este artículo tiene como objetivo analizar las tensiones que surgen de la articulación de las lógicas nacionalistas y económicas en el establecimiento de un mercado de la inmigración dirigido a la francofonía canadiense, y en particular a la manera en que éstas se manifiestan en la arena de los neo-habitantes de la provincia de Nuevo-Brunswick. Se argumenta que : 1) las prácticas para reclutar y seleccionar del Estado canadiense favorecen los recorridos migratorios centrados en una ideología individualista neoliberal de la lengua ; y que 2) eso suscita conflictos en el medio de acogida en vista del rol de revitalización que las comunidades minoritarias atribuyen a la inmigración francófona. Las estrategias de promoción adoptadas por los actores oficiales convierten al bilingüismo en un argumento vendedor de distinción en el mercado de la inmigración, lo que atrae a una parte de inmigrantes francófonos que buscan adquirir el inglés como vía de acceso a las economías globalizadas. Apoyándose en el debate en torno de la lengua de escolarización, se muestra que la valorización del bilingüismo como capital individual entre los inmigrantes se confronta con la posición nacionalista militante par la cual compartir el francés implica la lealtad hacia la minoría acadiense.
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Une division sociale du travail linguistique : enseigner le tamoul comme langue d’origine à Montréal, Québec
Sonia N. Das
pp. 135–152
AbstractFR:
Les politiques nationalistes et internationales exercent des influences diverses sur la valeur économique et le capital social rattachés à des variétés de tamoul, enseignées comme deux langues d’origine différentes dans les écoles des communautés sri-lankaise et indienne et les écoles publiques de langue française et de langue anglaise à Montréal (Québec). En réinterprétant la division locale du travail linguistique en milieu scolaire francophone et anglophone à Montréal, les immigrants indiens et les réfugiés sri-lankais poursuivent chacun de leur côté différentes stratégies pour financer deux programmes d’enseignement de langue d’origine distincts et s’associent avec différents partenaires pour les mettre sur pied. Alors que les Sri-Lankais veulent conserver une variété littéraire du tamoul perçue comme dépositaire de leur patrimoine culturel et liée à leur prétention d’authenticité culturelle, les immigrants indiens veulent pour leur part moderniser leur variété plus familière du tamoul afin de s’ouvrir aux marchés internationaux et de favoriser la mobilité sociale de ses locuteurs en leur permettant de rejoindre une modernité mondiale. Ces différentes évaluations d’une langue minoritaire mettent en relief les dynamiques concurrentielles et collaboratives du néolibéralisme.
EN:
Nationalist policies and international politics inform the economic value and social capital attributed to varieties of Tamil taught as different heritage languages in Indian and Sri Lankan community schools and across French and English-medium public schools in Montreal, Quebec. In reimagining the local sociolinguistic division of labour between francophone and anglophone educational domains, Indian immigrants and Sri Lankan refugees pursue alternative sources of funding and institutional partnerships to implement two distinct heritage language education curricula in this city. Sri Lankans seek to preserve a literary style of Tamil to serve as a repository of their patrimony and validate claims of cultural authenticity, whereas Indians seek to modernize colloquial styles of Tamil that promise them access to new markets, facilitate speakers’ mobility, and affirm their claims of global modernity. Articulating these different valuations of a minority language exposes the competitive and collaborative dynamics of neoliberalism.
ES:
Las políticas nacionalistas e internacionales ejercen diversas influencias sobre el valor económico y el capital social ligados a las variedades de tamil enseñadas como dos lenguas maternas diferentes en las escuelas de las comunidades esrilanquesas e hindú y las escuelas públicas de lengua francesa y de lengua inglesa en Montreal (Quebec). Al reinterpretar la división local del trabajo lingüístico en el medio escolar francófono y anglófono de Montreal, los inmigrantes hindús y los refugiados esrilanqueses siguen cada uno por su lado diferentes estrategias para financiar dos programas diferentes de enseñanza de la lengua nativas y para establecerlos se asocian con diferentes coparticipes. Mientras que los esrilanqueses buscan conservar una variedad literaria del tamil percibida como depósito de su patrimonio cultural y ligada a una pretensión de autenticidad cultural, los inmigrantes hindús desean modernizar su variedad, más común, del tamil con el fin de abrirse a los mercados internacionales y favorecer la movilidad social de sus hablantes, permitiéndoles unirse a una modernidad mundial. Esas evaluaciones distintas de una lengua minoritaria ponen de relieve las dinámicas concurrentes y colaborativas del neoliberalismo.
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Langue et insertion professionnelle de migrants africains à Barcelone : une étude ethnographique
Eva Codó
pp. 153–172
AbstractFR:
Cet article examine les processus d’insertion professionnelle d’un groupe de cinq jeunes migrants africains vivant dans la région métropolitaine de Barcelone (Catalogne, Espagne) dans la perspective du rôle et de la valeur de leur répertoire multilingue. Relatant un engagement ethnographique à long terme avec ces cinq personnes, cet article présente leurs trajectoires personnelles et professionnelles, et analyse les facteurs qui ont contribué à leur accès (ou non) à l’emploi. On y soutient que, dans le contexte actuel de crise économique et dans l’espace local de la ville de Sarrona, il n’y a pas d’opportunités d’emploi. Le catalan apparaît comme un capital symbolique dans le réseau local d’entraide lié à une ONG qui procure le logement et la nourriture, mais ne permet pas pour autant d’obtenir un travail. À travers ses discours et ses pratiques, cette ONG dévalorise les ressources linguistiques « non-locales » des migrants, y compris la connaissance de langues d’usage planétaire comme l’anglais et le français. De fait, l’ONG gomme idéologiquement les autres langues. Seuls les migrants qui se sont aventurés en dehors de l’univers « sécurisé » de l’ONG et de ses réseaux, ceux qui ont fait des études universitaires, ont trouvé des emplois dans l’hôtellerie à Barcelone, qui leur donnent une autonomie personnelle.
EN:
This paper examines the processes of labour insertion of a group of five young African migrants who live in the metropolitan region of Barcelona (Catalonia, Spain) from the perspective of the role and value of their multilingual repertoires. Drawing on a long-term ethnographic engagement with them, it presents their personal and professional trajectories, and analyses the factors that have contributed to their (un)employment. It argues that, in the current context of economic crisis and in the local space of the city of Sarrona, there exist no employment opportunities for them. Catalan appears as symbolic capital in the local networks of support linked to an NGO that provides housing and food, but is unable to help with employment. Through its discourses and practices, this NGO devalues their « non-local » linguistic resources, even global capitals like English or French, and ideologically erases their other languages. Only those migrants who have ventured outside the « safe » environment of the NGO and its networks, both with tertiary education, have found jobs in the hospitality sector in Barcelona that grant them personal autonomy.
ES:
Este artículo examina los procesos de inserción laboral de un grupo de cinco migrantes africanos jóvenes residentes en la región metropolitana de Barcelona (Cataluña, España) desde la perspectiva del papel y el valor de sus repertorios multilingües. El largo trabajo etnográfico realizado con ellos nos permite el análisis de sus trayectorias personales y profesionales, así como de los factores que han contribuido a su (falta de) aceso al mercado laboral. Se afirma que en el contexto actual de crisis económica y en el espacio local de la ciudad de Sarrona, en la que residen, no existen, actualmente, posibilidades de empleo. La lengua catalana aparece como capital simbólico clave en su red de apoyo personal vinculada a una ONG local, que les proporciona manutención y alojamiento, pero que no les facilita el acceso a un puesto de trabajo. En los discursos y prácticas de la ONG mencionada se observa una clara devaluación de los recursos lingüísticos « no locales » de los migrantes, que suelen incluir lenguas de alcance global como el inglés y el francés, así como el « borrado » ideológico de sus otras lenguas. Sólo aquéllos migrantes que se han aventurado fuera del entorno « seguro » de la ONG y de sus redes, ambos con estudios universitarios, han conseguido trabajo en el sector de la hosteleria en Barcelona, lo que les permiten gozar de una mayor autonomía personal.
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Quand légitimité rime avec productivité : la parole-d’oeuvre plurilingue dans l’industrie de la communication
Alexandre Duchêne and Mi-Cha Flubacher
pp. 173–196
AbstractFR:
L’objectif de cet article est de mettre en évidence la manière dont les processus de légitimation des langues et des locuteurs s’articulent à des logiques de productivité économique. En partant d’une recherche ethnographique conduite dans un centre d’appels – terrain emblématique de l’économie néolibérale – situé dans une ville ouvrière bilingue en Suisse, nous montrerons que les compétences langagières des travailleurs font l’objet d’une célébration en termes économiques (du point de vue du repositionnement industriel de la municipalité et de la productivité des centres d’appels). En effet, dans l’industrie de la communication, où la parole est la matière première du travail et où le marché visé est national, le plurilinguisme des travailleurs (dans notre cas le français, l’allemand et l’italien) est considéré comme un instrument central de la productivité. Cependant, cet idéal plurilingue se confronte à une réalité du bassin de travail, qui s’avère moins plurilingue qu’escompté, obligeant les entreprises à reconfigurer les exigences langagières, allant dans le sens d’un monolinguisme germanophone et d’un bilinguisme français-italien. Cette situation induit alors une hiérarchisation au sein des classes ouvrières entre monolingues et bilingues et entre monolingues germanophones et monolingues francophones et italophones. L’instrumentalisation économique du plurilinguisme est alors fortement reliée à des enjeux de classes sociales et de stratification sociale, profitant avant tout aux institutions de pouvoir. L’adossement du plurilinguisme à une logique de marché et de transformations industrielles conduit, quant à lui, à reproduire les rapports de pouvoir entre les langues et les locuteurs, tout en maintenant les travailleurs les plus fragilisés économiquement dans des positions sociales précaires.
EN:
The aim of this article is to highlight the articulation of the legitimisation processes of languages and their speakers around the logic of economic productivity. Drawing on an ethnographic study in a call centre, an emblematic site of the neoliberal economy, located in a working-class town in Switzerland, we show how the language competences of workers are the object of a celebration in economic terms (for the industrial repositioning of the town and for the productivity of the call centres). In fact, in a specific sector of economic activity (industry of communication), where language has become the primary work resource and where the national market is targeted, the multilingual competences of the workers (in our case in French, German, and Italian) are considered a central instrument of productivity. Yet, this multilingual ideal does not correspond to the pool of workers really available, which turn out to be less multilingual than expected, thus forcing the companies to reconfigure their language demands towards a German monolingualism and a French-Italian bilingualism. This situation introduces then a hierarchy within the working class between monolinguals and bilinguals, and between German-speaking monolinguals and French- and Italian-speaking monolinguals. The economic instrumentalization of multilinguals is then strongly related to issues of social class and social stratification from which institutions of power mainly profit. In turn, the tying of multilingualism to market logic and to industrial transformations leads to a reproduction of power relations between languages and their speakers, all the while keeping the economically most instable workers in precarious social positions.
ES:
El objetivo de este artículo es evidenciar la manera en que los procesos de legitimación de las lenguas y de los hablantes se articulan con lógicas de productividad económica. A partir de una investigación etnográfica realizada en un centro de atención telefónica – campo emblemático de la economía neoliberal – situado en una ciudad obrera bilingüe en Suiza, mostraremos que las competencias lingüísticas de los trabajadores son objeto de una celebración en términos económicos (desde el punto de vista del reposicionamiento industrial de la municipalidad y de la productividad de los centros de atención telefónica). Efectivamente, en la industria de la comunicación, en donde el habla es la materia prima del trabajo y en donde el mercado que interesa es nacional, el plurilingüismo de los trabajadores (en nuestro caso, francés, alemán e italiano) es considerado como un instrumento central de la productividad. Sin embargo, este ideal plurilingüe se confronta a la realidad de la zona de trabajo, que en realidad es menos plurilingüe que se supone, y obliga a las empresas a reconfigurar las exigencias lingüísticas, en el sentido de un monolingüismo germanófono y de un bilingüismo francés-italiano. Esta situación induce una jerarquización en el seno de las clases obreras entre monolingües y bilingües y entre monolingües germanófono y monolingües francófonos o italófonos. La instrumentalización económica del plurilingüismo está pues fuertemente ligada a los desafíos de las clases sociales y de la estratificación social, lo que beneficia sobre todo a las instituciones. El respaldo del plurilingüismo con lógica de mercado y de transformación industrial lleva a reproducir las relaciones de poder entre las lenguas y los hablantes, manteniendo al mismo tiempo a los trabajadores más económicamente frágiles en posiciones sociales precarias.
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Les frontaliers sur le marché linguistique luxembourgeois : quelques pistes de réflexion (note de recherche)
Anne Franziskus
pp. 197–215
AbstractFR:
Dans cette note de recherche sont proposées quelques pistes de réflexion sur la forte présence de frontaliers dans le marché de l’emploi luxembourgeois et la demande complexe en compétences linguistiques exigées par les entrepreneurs. Il existe en effet un décalage entre les besoins de la part des entreprises et les compétences disponibles de cette main-d’oeuvre. Plus concrètement, l’article s’appuie sur une étude ethnographique menée dans trois entreprises : un supermarché, une entreprise de distribution de bureau de matériel et une entreprise informatique. Tout d’abord la perspective des responsables quant aux exigences qu’ils posent à leur main d’oeuvre est présentée. Ces discours montrent que le luxembourgeois est la langue la plus convoitée pour les entreprises ancrées dans le contexte local. Ensuite sont mises en évidence les stratégies de compensation mises en oeuvre pour pallier le manque de main d’oeuvre compétente en cette langue. Finalement, le décalage entre les discours managériaux et le vécu des employés frontaliers et les tensions qui existent au sein de l’entreprise sont décrits par le biais du cas d’une entreprise de distribution.
EN:
In this research note are presented several aspects regarding the presence of a high number of cross-border workers in the Luxembourgish labour market and the complex requirements in linguistic resources on behalf of employers. There is indeed a gap between the needs of employers and the linguistic resources available among this particular labour force. I use an ethnographic study conducted in three workplaces – a supermarket, a distribution company selling office material and an IT company – to analyse some of the issues that underlie cross-border employment in Luxembourg. I first present the management’s expectations with regard to potential employees’ language resources. These discourses suggest that Luxembourgish is the language most needed to account for the desire to be served in the local language by Luxembourgish nationals. I then show the compensation strategies put into place by managers to account for the lack of competent labour force in this language. I end by focusing on the retailing company to show the discrepancies between the managers’ discourses and the way cross-border workers experience their everyday life at work. My ethnographic fieldwork suggests that relations between Luxembourgish nationals and cross-border workers are characterised by tensions related to the (non)use of Luxembourgish by the latter.
ES:
En esta nota de investigación propongo algunas pistas de reflexión sobre la fuerte presencia de fronterizos en el mercado de trabajo luxemburgués y la compleja demanda en competencia lingüísticas que exigen las empresas. Existe en efecto un desfase entre las necesidades de las empresas y las competencias disponibles de mano de obra. Concretamente, me apoyo en un estudio etnográfico realizado en tres empresas : un supermercado, una empresa de distribución de materiales de oficina y una empresa informática. Por principio presento el punto de vista los responsables en lo que se refiere a las exigencias que piden a sus trabajadores. Esos discursos muestran que el luxemburgués es la lengua más cotizada por las empresas arraigadas en el contexto local. Después, muestro las estrategias de compensación implementadas para compensar la falta de mano de obra competente en dicha lengua. Finalmente, describo, basándome en el caso de la empresa de distribución, el desfase entre el discurso empresarial y las experiencias de los empleados fronterizos así como las tensiones que existen en el seno de la empresa.
Hors-thème / Off Theme / Al margen
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Le cimetière des « Éléphants noirs » : une étude anthropologique des matchs truqués relatifs aux paris dans le baseball taïwanais
Jérôme Soldani
pp. 217–235
AbstractFR:
Des affaires judiciaires de matchs truqués liés aux paris touchent régulièrement la ligue taïwanaise de baseball professionnel depuis le milieu des années 1990. Elles impliquent chaque fois un grand nombre de joueurs et d’entraîneurs, des personnalités politiques locales et des membres de la police. L’acte de tricherie constitue une rupture du contrat moral qui lie les joueurs professionnels à leurs supporters. Ces joueurs sont le plus souvent désignés par l’animal emblématique de leur club auquel est attachée l’épithète « noir », qui souligne la perception négative de ces agissements et les relie implicitement aux organisations criminelles qui contrôlent le milieu des paris. Ces pratiques de corruption sont imbriquées aux réseaux étendus d’interconnaissance dans lesquels les joueurs s’inscrivent. Ces derniers se trouvent ainsi pris entre plusieurs espaces d’obligations sociales et sous la menace d’une radiation à vie de la ligue. Une analyse des matchs truqués relatifs aux paris permet d’appréhender comment les valeurs morales structurent la pratique du baseball à Taïwan et la façon dont elles sont négociées.
EN:
Court cases of betting-related match fixing regularly affect Taiwanese professional baseball league since the mid-1990s. They involve a large number of players and coaches, local politicians and members of the police. The act of cheating is a breach of the social contract between the professional players to their supporters. These players are usually designated by the emblematic animal of the club to which is attached the epithet « black » which emphasizes the negative perception of these acts and implicitly linking them to criminal organizations that control gambling. Corrupt practices are embedded in extensive networks in which players fit. Players are thus engaged between several areas of social obligations and under the threat of a lifetime ban from the league. An analysis of betting-related match fixing allows to understand how moral values shape the practice of baseball in Taiwan and how they are negotiated.
ES:
Casos judiciales del amaño de partidos ligado con las apuestas afectan regularmente a la liga taiwanesa de béisbol profesional desde mediados de los años 1990. Dichos caso implican regularmente un gran número de jugadores, entrenadores, personalidades políticas locales y miembros de la policía. El acto de hacer trampa constituye una ruptura del contrato moral que liga a los jugadores profesionales con sus aficionados. A dichos jugadores se les designados con el animal emblemático de su club, al cual se la agrega el epíteto « negro », con lo que se subraya la percepción negativa de sus actos y los relaciona implícitamente con las organizaciones criminales que controlan el ámbito de las apuestas deportivas. Esas prácticas corruptas se imbrican a las amplias redes de contactos en las cuales los jugadores se inscriben. Estos últimos se encuentran atrapados entre varios espacios de obligaciones sociales y bajo la amenaza de una exclusión de por vida de la liga. Un análisis de los partidos amañados permite cerner cómo los valores morales estructuran la práctica del béisbol en Taiwán y la manera en que esos valores se negocian.
Comptes rendus thématiques / Thematical Book Reviews / Reseñas temáticas
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Achour-Kallel Myriam, 2015, Le social par le langage. La parole au quotidien. Tunis, Paris, IRMC, Karthala, 232 p., bibliogr., tabl., illustr.
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Bornand Sandra et Cécile Leguy, 2013, Anthropologie des pratiques langagières. Paris, Armand Colin, coll. U, Sciences humaines et sociales, 202 p., bibliogr., index, glossaire
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Canut Cécile et Catherine Mazauric (dir.), 2014, La migration prise aux mots. Mise en récits et en images des migrations transafricaines. Paris, Éditions du Cavalier Bleu, 288 p.
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