PrésentationLe Métis comme catégorie sociale : Agencéité et enjeux sociaux[Record]

  • Denis Gagnon and
  • Hélène Giguère

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  • Denis Gagnon
    Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse, Université de Saint-Boniface, 200, avenue de la Cathédrale, Winnipeg (Manitoba) R2H 0H7, Canada
    degagnon@ustboniface.ca

  • Hélène Giguère
    Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse, Université de Cadiz, Plaza Hauries, 4, 6B, 11405 Jerez de la Frontera, Cadiz, Espagne
    helene.giguere@gmail.com

Le 17 avril 2014, la Cour d’appel fédérale du Canada a statué que les Métis étaient des « Indiens » au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Le même mois de la même année, les membres de la Communauté métisse du Domaine du Roy-Seigneurie de Mingan demandaient à la Cour supérieure du Québec de reconnaître qu’ils sont des Métis au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Pourquoi les Métis ont-ils demandé ces reconnaissances constitutionnelles ? Quelles seront les conséquences de ces jugements ? Pourquoi le gouvernement du Québec refuse-t-il de reconnaître l’existence de communautés métisses sur son territoire ? Pourquoi les Métis tiennent-ils à cette identité qui est une des plus discriminées dans l’histoire du Canada ? L’objectif de notre introduction à ce numéro n’est pas de répondre à ces questions. Nous ne citons ces causes juridiques que pour souligner toute l’importance et l’actualité des enjeux touchant la catégorie sociale de Métis. Si nulle part ailleurs l’identité métisse n’est judiciarisée comme au Canada, de plus en plus de communautés métisses dans le monde luttent pour la reconnaissance de leur identité distincte et se heurtent aux mêmes résistances. Pourquoi cette obstination à marginaliser ou même nier l’existence de ces communautés d’ascendance mixte qui ont émergé dans le contexte de la colonisation et ont survécu à l’homogénéisation des identités nationales et autochtones ? Et si le « problème » métis était une question de confusion de catégories ? Un problème qui consiste à prendre le nom pour la chose nommée et à confondre l’élément et sa catégorie ? Et si les catégories, essentielles pour penser le monde, faisaient défaut lorsqu’il s’agit de « penser » le Métis ? Et si le Métis, menace au mythe de l’unité nationale, n’était pas « bon à penser » dans le sens lévi-straussien du terme ? Les nations ne peuvent imposer, ni supprimer, ni instrumentaliser la catégorie sociale de Métis, car elle naît des collectivités elles-mêmes afin de répondre aux besoins des individus. Pour cette raison, dans plusieurs régions du monde, des communautés que l’on peut associer à cette catégorie sont impliquées dans des enjeux sociaux complexes qui touchent à l’identité et aux droits collectifs. L’objectif de ce numéro est de présenter une série d’études de cas impliquant la catégorie sociale de Métis dans diverses régions du monde afin de favoriser une analyse comparative des modalités de production intellectuelle et d’activation de cette catégorie. La comparaison de ces études de cas permet d’approfondir les dimensions sociales, politiques et culturelles de cette catégorie tant sur le plan institutionnel qu’individuel et collectif, et d’identifier des outils épistémologiques, méthodologiques et conceptuels adaptés à l’exploration et à la compréhension des identités issues de cette catégorie dans le respect de leur diversité. L’originalité des dix études de cas présentées ici tient à ce qu’elles explorent certains de ces enjeux sociaux en partant du point de vue des groupes, collectivités ou communautés concernés plutôt que des catégories sociales existantes qui se montrent souvent réfractaires à l’analyse aux niveaux microsocial et microculturel. Cette approche émique se base sur les catégories, concepts et stratégies que les groupes minoritaires développent eux-mêmes à partir d’éléments de leur choix qu’ils sont libres d’utiliser ou non selon les circonstances et selon leurs besoins ponctuels. Ces catégories sont plus souples et malléables que les catégories étiques figées et structurées dans la définition même des identités nationales. Ce numéro brise aussi le long silence de l’anthropologie en études métisses qui règne depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Pour réussir ce passage risqué de l’étude du métissage aux études métisses …

Appendices