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Les associations sont omniprésentes dans de nombreux pays africains. Elles étaient jusqu’à présent, dans la littérature anthropologique, davantage considérées comme « acteurs sociaux » ou comme relevant du contexte d’analyse sur des thèmes tels que l’individuation ou le développement, que comme un objet d’étude à part entière. C’est un des premiers mérites de cet ouvrage que d’avoir porté un regard anthropologique sur cet objet, qui recouvre des réalités sociales, mais aussi des cultures locales, dans des configurations très hétérogènes. Aussi, si l’on peut penser que cette hétérogénéité de l’objet explique en partie le caractère tardif de l’entreprise, elle contribue à son intérêt dans la mesure où les auteurs ont « assumé » cette hétérogénéité.
L’ouvrage a été nourri par un colloque portant sur le même thème, organisé à Bamako en 2003 par l’Agence Universitaire de la Francophonie et l’IRD. Quatre champs d’intervention des mouvements associatifs ont été abordés : le patrimoine culturel, l’identité, la santé et le développement.
Les enjeux sont assez spécifiques à chacun des autres domaines abordés. Dans le champ de la santé, où les mouvements associatifs sont nombreux et hétérogènes, des propositions de typologie et de caractérisation sont discutées. Les associations sont abordées en tant que constituant un « espace moral » porteur de revendications éthiques et susceptibles de dérives néo-corporatistes, et leur impact sur le rapport des individus aux soins est mis en relation avec leurs discours inscrits dans une histoire institutionnelle. La question de la « mise en tourisme de la culture » est essentielle à propos du patrimoine, dont l’approche accorde une place centrale à la construction de la notion d’authenticité, éventuellement en l’opposant à l’aliénation. Concernant le rapport à l’identité, abordé principalement en termes de stratégies, la juxtaposition d’analyses de mouvements associatifs de migrants africains en Afrique et hors d’Afrique et de mouvements religieux dans un pays africain a une réelle valeur heuristique. Le rapport entre associations et développement est traité notamment autour de l’articulation locale des valeurs mondialisées, et du positionnement économique des « ONG de développement » entre État et marchés, s’intéressant particulièrement à l’échec de leurs initiatives.
L’ouvrage revendique une accessibilité destinée à favoriser les relations entre le monde des associations et le monde universitaire. Plusieurs textes de synthèse, tels que l’introduction de M. C. Diop sur l’actualité de la notion de développement en Afrique ou la remarquable introduction sur l’identité de R. Deliège ont d’ailleurs une réelle valeur pédagogique.
L’ouvrage suscite de nombreuses réflexions. La vitalité des associations, leur capacité à être porteuses d’innovations, soulignées dans cet ouvrage, sont-elles le reflet de la réalité? Les modèles de compréhension proposés semblent s’appliquer difficilement aux ONG, qui semblent parfois contournées dans les contributions, probablement parce que leur compréhension nécessite une approche de l’espace transnational qui déplace certains cadres d’analyse. Comment définir alors les limites ou les marges de la notion de « mouvement associatif », qui semble correspondre tout au long de l’ouvrage à une entité ayant une forme tantôt juridique, tantôt sociale, peut-être culturelle, parfois locale?
Il reste beaucoup à faire pour comprendre la dimension culturelle des associations. Cette dimension pourrait être analysée de plusieurs manières, notamment en considérant les associations comme la mondialisation d’un mode d’organisation sociale incarné dans de multiples formes locales « créolisées », comme des lieux d’expression de valeurs ou de significations qui ne peuvent être exprimées localement dans d’autres lieux, ou comme des points d’entrée et d’accès aux échanges culturels internationaux et à une forme « d’être social mondial ». L’organisation des inter-relations entre divers types d’associations (forment-elles un « système » local et à quelles conditions?) et avec d’autres intervenants locaux – notamment professionnels – est un thème à explorer. Reste aussi, entre autres, à comprendre dans quelle mesure les mouvements communautaires créent une ou des formes de culture associative dans les domaines abordés, comme par exemple celui de la santé, leur donnant une connotation politique, éthique ou identitaire, ou développant des références « hybrides » mondiales et locales, professionnelles et profanes ou alternatives, aux plans matériel, social ou symbolique.
Si l’ouverture de l’ouvrage à des terrains extra-africains apporte une valeur ajoutée, on pourra regretter que l’ouvrage ne discute pas la dimension propre à l’Afrique des analyses proposées – et d’ailleurs que, comme trop souvent dans les publications en français, il n’entende de l’Afrique que son aire francophone, ici presque réduite à l’Afrique de l’Ouest, donnant au titre, certes percutant, un caractère excessivement ambitieux. Par la diversité des domaines abordés notamment au travers des études de cas, et grâce aux contributions ayant une portée théorique, cet ouvrage ouvre de nombreuses pistes de réflexion, qui appellent de nouveaux travaux, et mérite une large diffusion dans les milieux associatifs et de recherche.