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Un idiolecte est défini dans le Petit Larousse comme « Ensemble des particularités langagières propres à un individu donné » ; on peut donc en déduire qu’un idiographe constitue l’ensemble des particularités d’écriture d’un individu donné. Cet essai est une brillante tentative d’analyser les particularités qui constituent la façon d’écrire de Lévi-Strauss. L’auteur a informatisé huit ouvrages : Tristes tropiques (2e édition), Le cru et le cuit, Du miel aux cendres, L’homme nu, La voie des masques (1re édition), La potière jalouse, Histoire de lynx, Regarder écouter lire pour pouvoir faire des statistiques. Neuf autres ouvrages – sans compter les articles – ont été consultés mais pas informatisés. C’est un travail tout à fait gigantesque. Le premier chapitre est consacré aux mots rares dans le lexique du parler ordinaire qu’emploie Lévi-Strauss. Il y en a beaucoup mais, comme le montre l’auteur, il n’y a rien de gratuit dans leur utilisation. Le second chapitre s’intéresse aux mots nouveaux introduits relativement récemment dans le langage courant ou dans des matières spécialisées que Lévi-Strauss s’approprie. Le plus intéressant dans ce chapitre est l’ensemble des néologismes créés par Lévi-Strauss selon des modalités spécifiques tirées du contexte relatif au texte même qu’il écrit. Le chapitre trois intitulé « La grammaire des noms » traite de la féminisation des noms, surtout animaux, et de la façon de leur attribuer un sexe ; de l’emploi des termes « mâle » et « femelle » et « homme » et « femme » ; de la préposition « entre » et de quelques autres ; des usages contrastés de « riche de » et « riche en » ainsi que de la manière d’employer certaines épithètes et des déterminants rares. Le chapitre suivant s’occupe des verbes ; locutions verbales ; négations ; inversions ; syntaxe interactive ; participes épithètes ; gérondifs ; la locution « après que » et les subjonctifs caducs. Le cinquième chapitre examine « Les affaires de style ». Lévi-Strauss fait abondamment usage de contrastes comme « opposition » et « inversion » ; il utilise des oxymorons et des paradoxes, des hybridations, des désarticulations, des métaphores, des allitérations ainsi que des expressions stylistiques personnelles et d’une série de ce que l’auteur appelle des bons mots qui sont des formules percutantes relatives au sujet traité. Le chapitre suivant est consacré à la manière dont Lévi-Strauss emploie, transcrit et adjective les noms propres, surtout ceux des diverses ethnies dont il disserte et les toponymes. Le chapitre VII se penche sur les « Mots d’ailleurs », qu’ils soient des parlers francophones géographiquement éloignés ou des emprunts de langues étrangères et de la façon qu’a Lévi-Strauss de les transposer. Le chapitre VIII s’intéresse à la façon extrêmement minutieuse et variée qu’a notre auteur de rendre les noms d’espèces, tant animales que végétales, qui sont mentionnées dans les mythes. Le chapitre suivant analyse les emprunts de Lévi-Strauss au vocabulaire de la linguistique, de la phonologie, de la musicologie et du droit – il ne faut pas oublier que Lévi-Strauss a aussi eu une formation en droit. Le chapitre X « Les images en mots » traite des images et des références à l’antiquité, au Moyen Âge, à Rousseau, Montaigne, Marx, Boas, soit tous ceux dont se réclame intellectuellement Lévi-Strauss. Ce chapitre se termine sur les légendes des illustrations – surtout celles de La voie des masques – qui comprennent quelques erreurs, peu graves, d’attribution. Curat résume tout ceci dans une brève conclusion qui se termine par une phrase que j’aurais bien aimé pouvoir écrire : « Pour mon compte, le plus grand compliment que, comme lecteur, je puisse faire à Lévi-Strauss, c’est d’avouer qu’à le suivre dans son “vagabondage géographique et mental (Des symboles et leurs doubles : 12)” la façon dont je lis un ouvrage d’anthropologie ou je regarde une salle de musée s’est transformée. Peut-être aussi un peu je l’espère, celle dont j’écris ».