Présentation[Record]

  • Louis-Jacques Dorais and
  • Frédéric Laugrand

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  • Louis-Jacques Dorais
    Département d’anthropologie
    Faculté des sciences sociales
    Pavillon Charles-de Koninck
    1030, avenue des Sciences-Humaines
    Université Laval
    Québec (Québec) G1V 0A6
    Canada

  • Frédéric Laugrand
    Département d’anthropologie
    Faculté des sciences sociales
    Pavillon Charles-de Koninck
    1030, avenue des Sciences-Humaines
    Université Laval
    Québec (Québec) G1V 0A6
    Canada

Ce numéro d’Anthropologie et Sociétés reprend sept communications présentées lors d’un atelier éponyme tenu à Québec à l’automne 2006. Le premier objectif de cet atelier était de regrouper un certain nombre de spécialistes reconnus, de jeunes chercheurs et d’étudiants, afin de discuter de l’élaboration d’une problématique théorique et méthodologique visant à renouveler les études sur la parenté, le genre et les rapports avec le monde« supranaturel ». Cette problématique devait contribuer à l’élaboration d’une théorie généralisante permettant de penser et d’analyser à l’intérieur d’un même paradigme trois types de phénomènes – les relations parentales, le sexe social et les médiations religieuses – qui ont relevé jusqu’ici de trois champs bien différents de l’anthropologie et des sciences humaines en général. L’atelier voulait également rendre hommage à Bernard Saladin d’Anglure, un chercheur toujours très actif, maintenant professeur émérite de l’Université Laval. Ce spécialiste des populations inuit – qui fêtait en 2006 son 70e anniversaire et ses 50 ans de recherche dans l’Arctique – a été parmi les premiers à explorer de façon systématique les liens entre genre, parenté et pratiques chamaniques. Ses concepts de « troisième sexe social » (un chevauchement des genres qu’on retrouve chez beaucoup de praticiens des médiations religieuses) et « d’atome familial » (un modèle microcosmique de la société, composé d’un couple de parents et d’un couple d’enfants) ont fait école et inspiré d’autres chercheurs en sciences humaines (on trouvera une entrevue avec Bernard Saladin d’Anglure en fin de numéro). Dans son article « Du foetus au chamane, la construction d’un “troisième sexe” inuit » (1986), dont nous avons repris le titre pour l’atelier et pour ce numéro, Saladin d’Anglure a montré que chez les Inuit, le foetus (qui peut changer de sexe à la naissance) comme le chamane chevauchent les frontières des genres, tout en transcendant aussi les limites entre le monde humain et celui des esprits. Ce double chevauchement exerce une influence sur la place de l’individu dans sa parenté. Sexe, structure parentale et contacts avec le monde « supranaturel » doivent donc être pensés à l’intérieur d’un même paradigme plutôt que comme des phénomènes séparés. Cette prise en compte simultanée des trois phénomènes susmentionnés ne va pourtant pas de soi. En effet la pratique anthropologique, comme celle des autres sciences sociales, a toujours eu tendance à considérer l’étude des systèmes parentaux, de la religion et, plus récemment, du sexe et des rapports de genre comme trois domaines distincts. C’est ainsi qu’on parle d’anthropologie de la parenté, d’anthropologie religieuse et d’anthropologie des sexes. Même si, dès les débuts du 20e siècle, Marcel Mauss énonçait le concept de fait social total – qu’il appliquait aux Inuit dans son célèbre essai sur les « Variations saisonnières des sociétés Eskimos » (Mauss 1906) –, considérant que les phénomènes sociaux (dont la parenté et la religion) formaient un tout indissociable qu’il fallait analyser dans son ensemble, peu d’anthropologues et de sociologues semblent avoir suivi ses conseils jusqu’au bout. Malgré les efforts de chercheurs qui, comme Louis Dumont (1983), ont préconisé une anthropologie holiste ou qui, comme Philippe Descola (1990, 2006), ont réactualisé la notion de cosmologie pour penser l’ordre du monde, les grands schèmes et les modes d’identification, les théories sur la parenté, la religion ou les rapports de genre (sans parler de celles sur l’économique, le politique, etc.) se sont développées chacune de son côté. Sur la base de riches ethnographies, qu’on pense aux recherches de Gerardo Reichel-Dolmatoff, les spécialistes de l’Amazonie demeurent ceux qui sont allés le plus loin dans l’élaboration d’une problématique intégrant ces différents champs. À la suite des travaux de Philippe Descola, …

Appendices