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Comment peut-on donner un aperçu de la diversité des recherches sur le monde carcéral ? Une technique consiste à construire un reading, c’est-à-dire une compilation de textes ordonnés méthodiquement en plusieurs sous-parties introduites par des spécialistes du domaine d’études. Prison Readings se présente ainsi comme une introduction critique aux débats contemporains sur le monde carcéral, sélectionnant des extraits d’ouvrages, de rapports, de biographies ou des articles clefs en psychologie, en sociologie et en criminologie. L’ouvrage est organisé en cinq sections chacune préalablement introduite et commentée par Yvonne Jewkes et Helen Johnston, toutes deux criminologues.
La première partie de l’ouvrage offre une approche historique de la naissance de la prison comme mode principal de punition. Cette section accorde une place majeure à l’Angleterre victorienne en mobilisant des analyses historiques et des écrits anciens sur la vie dans les prisons anglaises de la fin du 18e au milieu du 19e siècle.
La seconde partie aborde les approches théoriques concernant l’organisation du monde carcéral de ces dernières décennies. Les extraits choisis se centrent sur l’organisation et la gestion des prisons, leur légitimité dans la société contemporaine, leur privatisation et questionne leur capacité à maintenir l’ordre et le contrôle mais surtout à amender, réhabiliter, réinsérer les détenus. On peut saluer la présence de deux articles de Richards Sparks concernant la légitimité des prisons et un de Roy D. King sur la naissance des « Supermax ».
La troisième partie concerne plus particulièrement la population carcérale, non pas seulement du point de vue statistique et démographique, mais en prenant également en compte l’expérience de l’incarcération de différents groupes composant cette population. Jewkes et Johnston mobilisent ainsi des articles concernant les hommes et la masculinité en prison, mais aussi les problèmes spécifiques concernant l’incarcération des femmes consommant des drogues, subissant des violences ou incarcérées avec des enfants en bas âge. On trouve également des articles s’intéressant à la sur-représentation des minorités ethniques, au racisme en détention, aux encadrements paramilitaires et à l’incarcération des enfants et des adolescents.
La quatrième partie explore les différents aspects de l’organisation de la « communauté carcérale ». Elle met en lumière les dimensions de l’expérience carcérale, les relations sociales entre détenus et entre ces derniers et le personnel. Cette section soulève des questions sur les conditions de vie carcérale et énonce les réponses qu’y apportent les détenus. Ici quelques textes incontournables de Gresham Sykes, Erving Goffman ou encore Thomas Mathiesen sont bien mobilisés.
La cinquième partie a la lourde tâche de faire un tour d’horizon des controverses et des problèmes contemporains concernant l’univers carcéral. Plusieurs articles, extraits du Prison Journal Service, traitent de l’exclusion sociale, du suicide et de l’automutilation, de l’économie de la drogue en prison, de la maladie mentale, des modes de contrôles de populations catégorisées « à risque », du travail en détention et des droits de détenus. Cette partie qui aurait mérité un reading à elle seule est moins convaincante dans le choix des textes et des auteurs comme dans celui des thèmes proposés, qui sont loin d’épuiser l’ensemble des controverses qui traversent le monde carcéral.
On regrettera aussi des extraits d’ouvrages parfois curieusement découpés : par exemple les quatre pages accordées à Michel Foucault extraites de son ouvrage Surveiller et punir sont loin de donner un aperçu satisfaisant de sa recherche, ce dont conviennent les auteurs qui nous invitent à consulter l’ouvrage original. Placé en ouverture du premier chapitre, ce texte tronqué sur « le corps du condamné » semble mobilisé comme argument d’autorité. On peut également regretter une approche très anglo-saxonne, réduite à quelques exceptions prés à des auteurs américains et britanniques, des oublis majeurs de sociologues, anthropologues et criminologues francophones dont notamment Guy Lemire, Claude Faugeron, Antoinette Chauvenet, Anne Marie Marchetti, Phillippe Combessie, Corinne Rostaing pour n’en citer que quelques-uns. Sans parler des recherches germanophones, lusophones ou hispanophones, on relève aussi quelques absences de taille parmi les recherches anglo-saxonnes : notamment celles de Donnald Clemmer ou plus récemment de Lorna Rhodes.
Si l’ouvrage demeure peu comparatif, s’il compile des écrits aux statuts, orientations théoriques et méthodologiques fort divergents sans forcément les mettre à jour, Prison Readings demeure un bon outil pour découvrir des auteurs difficilement accessibles à un public francophone et nous invite à approfondir nos connaissances du monde carcéral en retournant à la lecture des textes originaux.