FR:
La question de la disparition des langues, en particulier de celle des langues autochtones, a mobilisé de nombreux chercheurs dans les domaines de l’anthropologie, de la sociolinguistique et de l’aménagement linguistique. Le présent article propose une approche multidimensionnelle de la « disparition » des langues dans une perspective à la fois historique, politique et économique. À partir de données provenant de divers contextes linguistiques autochtones au Canada, il avance : (1) que la langue doit être considérée comme une pratique plutôt que comme un « objet » distinct que l’on pourrait isoler dans le temps et dans l’espace, ou comme une « espèce vivante » susceptible de « mourir » ; (2) que les ressources linguistiques s’inscrivent dans des configurations politiques et économiques et, de ce fait, ne peuvent être dissociées des contextes historiques et sociaux dans lesquels vivent les locuteurs ; (3) que la menace de déclin qui pèse sur certaines langues doit être envisagée en termes de continuité linguistique et culturelle plutôt que sous l’angle d’une « perte » ou d’une « disparition » ; et, enfin, (4) que la promotion des langues autochtones soulève un paradoxe fondamental, à savoir que les locuteurs qui se rallient autour d’une variété dialectale homogène et « standardisée » dans le but d’élargir l’espace institutionnel réservé à leur langue risquent d’exclure et de marginaliser ceux d’entre eux qui font usage d’une autre variété dialectale. Cet article souligne ainsi la complexité des enjeux sociaux et anthropologiques sous-jacents à la « modernisation » et à la reconnaissance des langues en péril dans les sphères institutionnelles.
EN:
The issue of language endangerment, particularly as it concerns Indigenous languages, has attracted a great deal of attention in anthropological, sociolinguistics and language planning research. This paper offers a multidimensional approach to language « endangerment », which draws on historical, political, economic and social perspectives. Based on data from a variety of Aboriginal language contexts in Canada, this paper argues (1) that language must be viewed as practice rather than as a discrete bounded « object » that can be fixed in space and time or as a living « species » that « lives » or « dies » ; (2) that linguistic resources are tied to political and economic arrangements, and as such, cannot be divorced from the historical and social contexts in which speakers live ; (3) that language endangerment needs to be viewed in terms of linguistics and cultural continuity rather than language « loss » or « death » ; and finally (4) that a key paradox arises in the promotion of Indigenous languages, namely, that speakers who rally around a homogeneous « standardized », language variety in order to gain more institutional space for their language risk excluding and marginalizing those speakers who use non-standard varieties. The paper thus highlights the social and anthropological complexity of language « modernization » and the promotion of endangered languages in institutional spheres.
ES:
La cuestión de la desaparición de las lenguas, sobre toda las lenguas autóctonas, ha movilizado muchos investigadores en diversas áreas de la antropología, la sociolingüística y la planificación lingüística. Nuestro artículo propone un enfoque multidimensional de la ‘desaparición’ de las lenguas desde una perspectiva a la vez histórica, política y económica. A partir de datos provenientes de diversos contextos lingüísticos autóctonos de Canadá, propone : 1) que lengua debe ser considerada como una práctica y no como un objeto singular que se puede aislar en el tiempo y en el espacio, o como una especie viva susceptible de ‘morir’; 2) que los recursos lingüísticos están inscritos en las configuraciones políticas y económicas y, por eso no es posible disociarlos de los contextos históricos, políticos y económicos en los que viven los locutores. 3) La amenaza de decadencia que pesa sobre ciertas lenguas debe visualizarse en términos de continuidad lingüística y cultural más que bajo el ángulo de una ‘pérdida’ o de una ‘desaparición’ , y en fin, 4) que la promoción de las lenguas autóctonas provoca el surgimiento de una paradoja fundamental, a saber, que los locutores que se congregan alrededor de una variedad dialectal homogénea y estandardizada con la intención de ensanchar el espacio institucional reservado a su lengua corren el riesgo de excluir y marginar a aquello que utilizan otra variedad dialectal. Este artículo subraya asimismo la complejidad de los desafíos sociales y antropológicos de la ‘modernización’ y del reconocimiento de las lenguas en peligro en las esferas institucionales.