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Aída Gálvez, Gloria Alcaraz, María Mercedes Arias, Sandra Yudy Gutiérrez, Alba Doris López, El mañana que ya entró. La fecundidad en los pueblos indígenas de Antioquia. Antioquia, Editorial Universidad de Antioquia, 2002, 149 p.[Record]

  • Jacinthe Brisson

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  • Jacinthe Brisson
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Les questions de respect des droits indigènes et de la différence culturelle sont au coeur de nombreuses préoccupations actuelles en anthropologie du développement. En s’intéressant à la dynamique de la fécondité des peuples indigènes kuna, zenu et embera ayant élu domicile à Antioquia (Colombie), l’ouvrage proposé par Gálvez et al. s’inscrit dans ce sillage. L’alliance de l’anthropologie avec le domaine de la santé a ainsi donné naissance à une monographie qui, en se penchant sur les notions de genre et d’ethnicité, discute des inadéquations posées par les politiques et programmes en matière de contrôle des naissances. En abordant la notion de changement social, cette étude soutient que la maternité, tout en étant liée au prestige social féminin, constitue une stratégie afin d’assurer la survie de groupes ethniques dits « en voie d’extinction ». Le processus d’accès à la modernité, rappellent les auteures, est un processus inégalitaire et destructeur. Depuis la Conquête, les populations indigènes ce sont vues déracinées de leurs territoires, puis contraintes d’accepter de nouvelles manières de penser et d’agir. Au moment présent, une telle réalité se manifeste à travers les relations asymétriques qu’elles entretiennent avec les non-indigènes et la communauté internationale. Au cours des dernières décennies, le nombre croissant de politiques et programmes de développement s’étant déployé auprès de ces populations en témoigne amplement. Comme ce fut le cas dans de nombreux pays, ceux-ci ont souvent eu pour objet le contrôle des naissances. Certains soutiennent que de telles interventions, parfois critiquées pour leur « côté impérialiste » (Bonfil, p. 61), ont pour but d’assurer la disparition des populations indigènes et le triomphe de l’homogénéité. Auprès des populations locales, ces politiques et programmes ont ainsi donné lieu à l’élaboration de diverses stratégies afin d’assurer leur reproduction sociale. Selon une telle perspective, le rejet de toutes techniques de contrôle des naissances constituerait une forme de résistance culturelle ayant comme objectif la réaffirmation identitaire. Ainsi, le fort taux de natalité des communautés indigènes ne relèverait pas principalement de la méconnaissance des moyens contraceptifs et serait plutôt un puissant instrument pour lutter contre la domination des valeurs occidentales. Selon les auteures, une telle hypothèse est également justifiable si l’on s’en tient à l’importance de la complémentarité entre hommes et femmes et à l’acquisition du prestige social. Le mariage, véritable manière d’assurer cette complémentarité, devient indubitablement une première voie pour accéder à ce prestige. Alors que les hommes parviennent à celui-ci par le contrôle des ressources matérielles et le pouvoir politique, les femmes s’octroient le leur en assurant la continuité culturelle. En plus d’être des agentes de socialisation par excellence, les femmes accèdent au prestige social par l’intermédiaire de leur corps. Tout comme on honore généralement la Madre Tierra (Terre Mère) pour les bienfaits qu’elle génère, les femmes sont également objets de rituels et de célébrations, ce qui témoigne de l’importance de leur rôle au sein de la vie sociale. En ce sens, contrairement à ce qui est parfois soutenu, les résultats auxquels mène cette étude démontrent que la maternité ne ferait donc pas des femmes des sujets passifs de la société, pas plus que des « victimes » de la culture qui les entoure. En ayant recours à la comparaison entre les différentes populations indigènes, cette étude démontre également que l’environnement dans lequel elles évoluent est lui-même en perpétuel changement. D’autre part, chaque groupe possède sa propre interprétation de la réalité et des situations auxquelles il se trouve confronté. Au fil du temps, certains groupes, multipliant leurs contacts avec la population non indigène, sont donc parvenus à incorporer de nouveaux paramètres économiques et culturels à leurs pratiques. Voilà qui a favorisé …