Cet ouvrage décrit et analyse l’expérience et la contribution des femmes de pêcheurs de Nouvelle-Écosse dans les années 1990. Binkley montre comment le soutien et le travail (salarié, non salarié et domestique) de ces femmes permettent de maintenir en vie l’industrie des pêches. Elle analyse en profondeur les dynamiques internes des maisonnées dépendant des pêcheries, leurs stratégies d’adaptation à cette activité et la manière dont les femmes de pêcheurs contribuent au maintien social, économique et moral de leur famille, de leur communauté et de toute l’industrie. Elle compare les maisonnées de pêcheurs côtiers et hauturiers et analyse les conditions de vie particulières des femmes de ces différents types de maisonnée en raison du travail singulier de leurs maris. Après une présentation générale de la vie de ces femmes, Binkley explique les enjeux qu’elles affrontent : les pressions économiques sur la maisonnée, l’effet des absences prolongées de leurs maris, et l’adaptation personnelle, émotionnelle, professionnelle et sociale. La deuxième partie du livre aborde la vie quotidienne. L’auteure analyse les relations sociales que ces femmes doivent développer avec les autres membres féminins de leurs réseaux et avec leur communauté pour soutenir leur famille et comment leur travail, leurs tâches domestiques et l’éducation des enfants sont conditionnés par le travail des époux. Elles tentent d’intégrer leurs maris dans la vie domestique de la maisonnée, mais ce n’est pas toujours facile, surtout quand l’alcoolisme et la violence conjugale s’en mêlent. Les défis sont aussi économiques. Les femmes se tournent vers le travail salarié pour subvenir aux besoins de leur famille, car bien que ces maisonnées n’aient pas été affectées par le moratoire sur les espèces de fond, le seul revenu des maris ne suffit plus en raison de la crise des pêcheries de l’Atlantique Nord et de la chute des stocks de poisson. Ces changements transforment la dynamique de la maisonnée, et la nouvelle indépendance économique de ces femmes se répercute sur le couple, notamment pour ce qui concerne l’utilisation des revenus. Cette étude ne propose pas de nouveautés sur le plan théorique, mais jette une lumière intéressante sur les femmes et les rapports de genre dans un milieu mal connu. Toutefois, un travail d’analyse plus poussé aurait accru la portée de ce livre. En effet, les données statistiques sont traitées de manière conventionnelle ; l’analyse des différences entre les deux milieux (pêche côtière et pêche hauturière) est peu approfondie ; les conséquences sociales de la crise des pêches sont abordées en surface. Il en résulte que ces femmes de pêcheurs semblent des sujets passifs, résignées à une vie sur laquelle elles n’ont que peu de pouvoir. Une présentation du contexte social, économique et environnemental plus large dans lequel s’insèrent ces femmes aurait permis de mieux les comprendre, de mieux saisir le milieu dans lequel elles évoluent, leurs aspirations et les transformations récentes qu’occasionne le développement du tourisme. Ce livre demeure toutefois une étude de cas nécessaire et importante qui stimule la réflexion et saura capter l’attention de ceux qui s’intéressent aux questions de genre, à la maisonnée et aux dynamiques des pêches.
Mariane Binkley, Set Adrift. Fishing Families. Toronto, University of Toronto Press, 2002, 219 p., tabl., append., bibliogr., index.[Record]
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Sabrina Doyon
Département d’anthropologie
Université Laval
Québec (Québec) G1K 7P4
Canada