Comptes rendus

Françoise Dussart, The Politics of Ritual in an Aboriginal Settlement. Kinship, Gender and the Currency of Knowledge. Washington et Londres, Smithsonian Institution Press, 2000, 269 p., bibliogr., index.[Record]

  • Sylvie Poirier

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  • Sylvie Poirier
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Parmi les nombreux ouvrages sur la vie rituelle et la cosmologie des Aborigènes australiens, et leurs liens avec les systèmes de parenté et les rapports de genres, celui de Françoise Dussart offre une contribution originale et sagace qui guide le lecteur au coeur de la complexité, de la vitalité et de la dynamique des rituels australiens dans le contexte contemporain. L’ouvrage est le fruit de près de vingt ans de recherches ethnographiques à Yuendumu, une communauté warlpiri du Désert Central, là même où quelques décennies auparavant des anthropologues comme Meggitt et Munn avaient conduit leurs recherches. L’ethnographie est riche et détaillée, résultat d’une relation soutenue et intime avec les femmes warlpiri et leurs familles qui l’ont guidée dans son apprentissage de leur monde, et dans sa compréhension de la sphère rituelle et des rapports sociaux, ainsi que des transformations induites par 40 ans de vie sédentaire. Chacun des six chapitres analyse différents aspects des politiques du rituel, soit les droits d’accès, de transmission et de mises en acte des rituels, et les responsabilités qui s’y rattachent. Le lecteur est ainsi conduit à travers des processus complexes qui orientent et orchestrent la production, l’utilisation, la circulation et la négociation des savoirs rituels, selon les genres, les groupes d’âge, les réseaux de parenté ou les groupes résidentiels. Les savoirs rituels incluent des récits, des dessins, des chants et des danses, tous indubitablement et intrinsèquement liés à des lieux et des êtres mythiques du territoire warlpiri. Certains de ces savoirs sont sous responsabilité féminine, d’autres sous responsabilité masculine, alors que d’autres sont mixtes ; l’ouvrage nous apprend toutefois que les distinctions sur ce point sont beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît. Avec l’ouvrage de Dussart, notre compréhension des rapports de genre en Australie et du rôle et du statut des hommes et des femmes dans la sphère rituelle, thème abondamment débattu et controversé, acquiert un nouvel éclairage. Si, chez les Warlpiri, la descendance patrilinéaire est mise en évidence, toute la démarche analytique de Dussart concourt à démontrer que le rôle et le statut des femmes dans la circulation et la célébration des savoirs rituels ne sont pas moindres que ceux des hommes. L’auteur insiste aussi sur le fait que les rapports de genre ne peuvent être compris qu’à la lumière des affiliations territoriales et cosmologiques, de l’appartenance aux réseaux de parenté et aux groupes résidentiels, lesquelles orientent les motivations des acteurs sociaux et rituels, hommes et femmes. Dans le domaine rituel, si la compétition, la coopération, l’échange et la négociation existent parmi et entre hommes et femmes, comme membres de groupes de parentèle, ils sont par ailleurs souvent absents entre hommes et femmes, comme membres d’une catégorie de genre. Il est également nécessaire, ajoute Dussart, de distinguer entre le pouvoir rituel, exercé par les hommes et les femmes, et les rituels puissants qui relèvent le plus souvent du domaine masculin. Par le biais de la sphère rituelle, hommes et femmes travaillent ensemble et séparément à la reproduction de l’ordre cosmologique, à la pérennité des lieux et des êtres mythiques ainsi qu’à l’équilibre toujours précaire de l’ordre social et des rapports sociaux. Le premier chapitre présente le Jukurrpa (généralement traduit par Dreaming), soit l’ordre cosmologique et la Loi, le Présent Ancestral, ainsi que les diverses significations de ce concept pour le moins complexe. Suit ensuite une analyse de l’organisation sociale et territoriale du système de parenté et du système de sous-sections. Le chapitre 2 propose une catégorisation des rituels Warlpiri sur la base de distinctions de genre, d’accessibilité, de restriction et de valeur, soulignant au passage les fonctions sociales multiples de certains cycles …