Abstracts
Résumé
Cet article présente des observations sur les éleveurs de rennes de la péninsule Seward, au nord-ouest de l’Alaska. Des entrevues avec les éleveurs offrent des données et des perspectives sur l’élevage d’aujourd’hui dans le contexte du métier d’éleveur qui leur a été transmis. L’auteur découpe l’histoire de la gestion des troupeaux dans la péninsule pour offrir un cadre de référence aux propos des éleveurs. Ces entrevues aident à comprendre comment les éleveurs conçoivent la présente crise de l’élevage et nous offrent des pistes pour saisir comment l’élevage du renne peut continuer à être pour eux un moyen d’existence important à l’avenir.
Mots clés:
- Schneider,
- Péninsule Seward de l’Alaska,
- élevage du renne,
- gestion des troupeaux de rennes,
- bois de renne,
- histoire orale,
- climat,
- motoneiges et progrès technologiques,
- caribou
Abstract
This paper presents observations of reindeer herders on the Seward Peninsula, in Northwest Alaska. The herders’ interviews provide information and perspectives on herding today in light of their heritage in herding. Major periods of administrative history are used to frame the herders’ comments. The herders’ interviews help us understand how they see the current crisis in herding and provide ways for us to understand how reindeer herding can continue to be important to them in the future.
Key words:
- Schneider,
- Seward Peninsula of Alaska,
- reindeer herding,
- reindeer management,
- reindeer antlers,
- oral history,
- weather,
- snow machines and evolving technology,
- caribou
Article body
Introduction
Cet article rend compte de l’expérience des éleveurs de rennes contemporains de la péninsule de Seward au nord-ouest de l’Alaska, région où fut d’abord introduit le renne dans cet État. À la différence de la plupart des autres secteurs de l’Arctique nord-américain, cette région accumule des données sur l’élevage du renne depuis 1892. Tout au long de cette histoire, la santé des troupeaux a subi des revirements importants et les éleveurs d’aujourd’hui affrontent des difficultés qui dépassent celles qu’eux-mêmes ou leurs prédécesseurs ont connues dans le passé. Les caribous ont réapparu en nombre record dans la péninsule, ils s’immiscent parmi les rennes, dispersent les troupeaux. Il en résulte que les éleveurs arrivent à peine à se rendre maîtres de leurs animaux et à suivre leurs déplacements[2].
Une équipe interdisciplinaire de chercheurs qui s’intéressent à la crise actuelle a demandé puis obtenu l’appui de la National Science Foundation pour étudier l’élevage du renne et les difficultés des éleveurs[3]. Un aspect de cette recherche repose sur la réalisation d’entrevues avec les éleveurs dans lesquelles il est question de la crise et des changements environnementaux et climatiques qui affectent les rennes. Dans le présent article, je parlerai de la « crise » actuelle ; il est toutefois important de souligner que ce sont les éleveurs possédant individuellement leurs troupeaux, ainsi que leurs familles, qui sont le plus directement touchés par la situation. Les autres membres de la communauté se réjouissent de l’abondance de viande fraîche de caribou, et la disparition des rennes ne les affecte pas aussi directement.
Rose Fosdick, coordonnatrice de la Kawerak Reindeer Herders’ Association (organisation qui représente les éleveurs dans cette région), a insisté pour élargir la portée des entrevues afin qu’elles couvrent la transmission du métier d’éleveur telle que la racontent les éleveurs d’aujourd’hui. Cette recommandation de Rose a permis de compléter les données historiques que l’on trouve dans les livres, les articles et l’histoire orale, en y ajoutant la perspective particulière de la génération actuelle d’éleveurs et en leur demandant en quoi leur expérience diffère de celle de leurs prédécesseurs. À ce jour, nous avons interviewé onze éleveurs (nous ne traiterons ici que de dix d’entre eux, car nous ne disposons pas du formulaire d’autorisation pour le onzième)[4]. Cinq entrevues supplémentaires sont prévues pour la dernière année du projet. En suivant la direction que nous a indiquée Rose, nous avons découvert que la présente génération d’éleveurs, quoique partageant certaines similarités avec les générations précédentes, se voit placée devant des possibilités et des contraintes qui sont fort différentes et qui méritent d’être étudiées, notamment à la lumière de la crise actuelle de l’élevage. Dans la présentation qui suit, ma façon de comprendre les éleveurs et l’héritage qu’ils ont reçu en matière d’élevage reflète profondément la conjoncture qui les affecte et ce qu’ils ont choisi de partager au cours des entrevues.
Nous prétendons souvent qu’on ne peut comprendre le présent sans tenir compte du passé, mais il est tout aussi vrai que notre compréhension du passé subit l’influence du présent. Comme le fait remarquer Michel-Rolph Trouillot, « The past does not exist independently from the present » (1995 : 15). Cette étude repose sur des entrevues orales avec des éleveurs de rennes contemporains et met l’accent sur leurs descriptions des changements qui se sont produits dans trois secteurs clés de leurs activités : l’importance croissante accordée à la vie communautaire avec sa contrepartie, l’abandon progressif de la vie sur l’aire de pâturage des rennes ; le recours de plus en plus fréquent aux moyens de transport rapides pour accéder aux troupeaux ; enfin, les innovations qui affectent la distribution et la commercialisation des produits de l’élevage. Je soutiens ici que ces changements influent sur la réaction des éleveurs à la crise et qu’ils touchent à deux aspects essentiels de l’élevage du renne chez les Inupiat : la relation aux fluctuations des ressources et, malgré le changement, la continuité de leur héritage en matière d’élevage. Ces résultats ne sont pas nouveaux, ils ont valeur « d’illustration » et s’ils représentent surtout un développement des thèmes analysés par Stern (1980) et Simon (1998), ils confirment la fragilité de l’industrie du renne. La partie probablement la plus significative de cet article réside dans les commentaires des éleveurs que j’ai rapportés dans leurs propres termes, en les faisant figurer dans le cadre des thèmes généraux que j’ai, en tant qu’auteur, choisi de présenter. J’espère que la parole des éleveurs et leur façon d’exprimer les problèmes actuels saura intéresser ; j’espère aussi avoir réussi à fournir au lecteur les indications nécessaires pour lui faire comprendre leur point de vue.
Considérations théoriques
Alessandro Portelli, spécialiste italien de l’histoire orale, définit ainsi cette discipline : « In the end, we might define oral history as the genre of discourse which orality and writing have developed jointly in order to speak to each other about the past » (1997 : 5). Si je me réfère à Portelli ici, c’est parce que je crois que le processus qui consiste à lier les récits oraux à la publication des résultats est primordial pour la compréhension du passé. C’est aussi, dans cet article, l’aspect le plus sujet à une mauvaise interprétation. J’utilise ici le terme publication dans son sens le plus large pour y inclure aussi la production des divers médias. Ce qui importe ici est l’erreur toujours susceptible de se glisser dans l’analyse, l’interprétation et la présentation des données orales. C’est pourquoi ceux qui confient leur savoir par le biais des entrevues affirment parfois que les chercheurs qui enregistrent et rapportent leurs observations « ont compris de travers ».
Elizabeth Tonkin (1994) nous met en garde contre les difficultés qui se présentent lorsqu’on passe de « l’histoire vécue » à « l’histoire enregistrée » ; elle nous demande d’être très prudents et de tenir compte des personnes qui parlent et du contexte spatio-temporel. J’ajouterais une troisième étape à ce processus : « l’histoire telle qu’on s’y réfère », c’est-à-dire la signification attribuée aux documents et comment on en parle. Nous devons relever le défi de saisir une multitude de perspectives, à la fois ponctuelles et échelonnées dans le temps. Voilà qui exige que nous tendions vers des reconstructions de l’histoire qui soient multiples et variées. Marshall Sahlins nous avertit et nous lance un défi lorsqu’il écrit :
History is culturally ordered, differently so in different societies, according to meaningful schemes of things. The converse is also true : cultural schemes are historically ordered, since to a greater or lesser extent the meanings are revalued as they are practically enacted.
Sahlins 1985 : vii
Cela est partiellement vrai parce que notre compréhension de l’histoire est loin d’être statique. Nous construisons notre compréhension au fil du temps, nous relions le passé au présent, le présent au passé, et nous réévaluons le passé à la lumière de nouvelles informations. Selon les termes de Cohen, il n’existe pas une histoire, mais un processus continu, une « production de l’histoire » (Cohen 1994 : xvii).
Dans le contexte multiculturel, ce défi devient difficile à relever, car notre compréhension « d’étrangers » porte les oeillères de nos origines. C’est précisément ce dont traite l’article de Toby Morantz (ce numéro) lorsqu’elle se demande quelle est, pour les chercheurs occidentaux, la façon adéquate de se préparer à écrire l’histoire autochtone (voir aussi Cruikshank 1998 : 12). Les reconstructions des chercheurs qui nous ont précédés ont contribué à notre compréhension, malgré leurs limites, et les documents d’histoire orale, enregistrés en grande partie par des gens qui n’appartenaient pas à la culture étudiée, peuvent produire une multiplicité de perspectives, certaines personnelles, certaines culturelles, qui, éventuellement, corrigent et élargissent notre compréhension. La culture, comme l’histoire, possède une fluidité qui est le fait de ses membres, dont les observations, les actes et la façon de raconter varient de diverses façons et selon les contextes. Un de nos buts devrait être « […] a multi-dimensional product-a story no one person could have told » (Kline 1996 : 20). Somme toute, c’est peut-être la meilleure façon de combler le fossé entre « l’histoire vécue », « l’histoire enregistrée » et « l’histoire telle qu’on s’y réfère ». Et on ne peut mettre en question le fait que la perspective des éleveurs d’aujourd’hui mérite de faire partie du matériel documentaire en cours d’accumulation et que nous ayons la responsabilité de nous assurer que leurs voix soient représentées. C’est dans cet esprit que, après un aperçu sommaire de l’histoire de la gestion des troupeaux, je me servirai de l’expérience de dix éleveurs de rennes et des récits qu’ils m’ont livrés pour transmettre comment ils se situent dans l’histoire de cet élevage. Je me servirai de citations pour faire saisir comment chacun de ces éleveurs s’exprime sur les différents sujets abordés.
Aperçu sommaire de l’histoire de la gestion des troupeaux
Henry Elliott, qui représentait le Trésor américain aux îles Pribilof de 1872 à 1874, fut le premier à recommander l’introduction du renne en Alaska (Simon 1998 : 93). Sheldon Jackson, General Agent à l’Éducation, et le capitaine Michael Healy, du Service des vedettes de la douane américaine, préparèrent et effectuèrent le transport des rennes à Port Clarence sur la côte de l’Alaska (Stern et al. 1980 : 17 et Simon 1998 : 93). Des éleveurs tchouktches et ensuite saami formèrent les premiers éleveurs autochtones à la Teller Reindeer Station (Simon 1998 : 101-102). À mesure qu’ils acquéraient de l’expérience et que les troupeaux croissaient, ces éleveurs autochtones reçurent leurs parts de rennes dans le but de constituer leurs propres troupeaux.
Au début, les missionnaires effectuèrent la supervision administrative des troupeaux. Ils souhaitaient que les familles s’installent dans les villages afin de les voir fréquenter l’église et pour que leurs enfants puissent se rendre en classe. En même temps, ils désiraient encourager une industrie qui fournirait nourriture et revenu aux habitants. L’élevage exigeait que les hommes suivent les rennes sur les terres : la vie dans les villages n’était pas pour eux. La tension qui a résulté de cet appel à une vie centrée sur la communauté en dépit des déplacements nécessaires pour suivre les rennes a perduré tout au long de l’histoire de cet élevage (Burch 1975 : 31).
Les troupeaux de rennes relevèrent de la propriété individuelle jusqu’aux années vingt, moment où le gouvernement décida d’établir des « troupeaux collectifs » (« Joint Stock Ownership System ») dont la propriété fut impartie à un groupe d’éleveurs, et dont la responsabilité fut partagée entre des hommes qui étaient employés et payés en parts de rennes pour surveiller le troupeau (Stern et al. 1980 : 49-50). Contrairement à la période précédente où l’on pratiquait l’élevage « de proximité » (les familles vivaient continuellement avec les rennes), à la période collective ce sont des employés qui veillaient sur les troupeaux de façon plus relâchée. La différence entre l’élevage de proximité et l’élevage collectif est importante, car elle marque la mutation d’une organisation où l’éleveur passe tout son temps auprès de ses propres animaux vers un système d’éleveurs salariés dont le travail consiste à suivre un troupeau dont la propriété est mixte : outre les rennes (ou parts de rennes) que ces salariés possédaient en propre, ce troupeau comprenait de nombreux autres rennes.
Cette organisation se maintint jusque dans les années trente et quarante. À partir de là, la surpopulation animale, l’épuisement de la couverture de lichen et probablement d’autres facteurs, comme la gestion des troupeaux et du territoire, les maladies, le climat et la présence du caribou, menèrent à la décimation de la population de rennes. Certains éleveurs attribuent à l’arrivée du caribou dans la péninsule la cause principale de cette catastrophe. Simon indique aussi qu’il y eut, pendant les années quarante, une série d’hivers consécutifs où la glace empêcha les rennes de trouver le fourrage nécessaire à leur survie (Simon 1998 : 246)[5]. Les troupeaux qui n’avaient jamais été si nombreux furent réduits à la population la plus faible qu’on ait connue. Stern et ses collaborateurs rapportent la population annuelle des rennes d’Alaska : dans leurs statistiques, le déclin le plus dramatique se situe entre 1943, où ils dénombrent 128 750 têtes, et 1948, où ils n’en comptent plus que 32 623 (Stern et al. 1980 : 102-103). Malheureusement, je ne dispose pas de données précises pour la péninsule de Seward.
Les troupeaux décimés, le gouvernement abandonna sa politique d’élevage collectif et, au cours des années quarante, il commença à louer des rennes à des éleveurs particuliers. Avec les dispositions du Reindeer Act de 1937, l’administration gouvernementale de l’élevage du renne était passée du Territorial Governor’s Office de l’Alaska à la Division du Bureau of Indian Affairs (BIA) de l’Alaska. À partir de 1944, le BIA mit sur pied un programme de « remboursement en nature » par lequel il prêtait des bêtes à des éleveurs potentiels qui devaient rembourser le gouvernement en têtes de bétail à mesure que leur troupeau s’accroissait (Stern 1980 : 184 et 192 ; Simon 1998 : 306).
Dans la suite de ce texte, je me réfère aux trois périodes décrites ci-dessus en ces termes : la période d’introduction et d’apprentissage ; la période d’élevage collectif et la période de « remboursement en nature » ou de « reprivatisation » du BIA. Trois des éleveurs interviewés font remonter la tradition familiale de l’élevage à la période d’apprentissage, trois éleveurs la font remonter à la période de collectivisme et quatre à la période de reprivatisation du BIA. Les trois premiers mentionnent un parent ou des grands-parents qui étaient éleveurs à la période la plus ancienne. Et trois éleveurs ont connu, étant jeunes garçons ou filles, l’expérience de la vie dans les camps de rennes pendant la période collective. C’est donc entre la période d’élevage collectif et la période de reprivatisation du BIA que la comparaison est la plus significative.
À cause du déclin actuel des troupeaux, on peut probablement parler de la présente crise comme de l’avènement d’une nouvelle période. De nos jours, les troupeaux font l’objet d’une propriété individuelle et l’élevage dit « extensif » [open herding] est la méthode préférée de gestion. La gestion peut comprendre un large spectre d’activités qui va de la surveillance des animaux sur le territoire, en tentant de les protéger des caribous et des prédateurs, jusqu’au dénombrement et à la manutention [handlings]. Les interviewés désignent avec le terme « handlings » le travail de l’éleveur qui rassemble ses animaux dans les corrals pour les dénombrer, les marquer à l’oreille, les castrer, prélever leurs bois, pour une surveillance vétérinaire et pour les abattre. Lorsque les bestiaux sont parqués dans les corrals, les membres de la communauté continuent à jouer un rôle actif dans la boucherie, la coupe des bois, la castration et le dénombrement.
L’éventail des activités qui figure sous le mot « gestion » a son importance puisqu’il reflète la façon dont les éleveurs parlent de l’instabilité des troupeaux et de leur participation personnelle dans l’élevage à quelque moment que ce soit. Par exemple, un éleveur peut juger que, pour une année donnée, il n’y aura pas d’avantage économique à procéder au rassemblement des animaux dans les corrals, même s’il sait que malheureusement les faons ne seront pas marqués à l’oreille. Il espère cependant pouvoir procéder au rassemblement des bêtes dans les années à venir. En consultant la figure 1, on notera également que parmi les éleveurs interviewés, cinq possédaient, au moment de l’entretien, suffisamment de bétail pour justifier une activité ou l’autre qui relève de la gestion. Quatre avaient pu réunir leurs animaux dans les corrals et effectuer les tâches souhaitées. Dan a travaillé pour l’Extension Service de l’Université d’Alaska et avec l’Association des éleveurs de rennes à Kawerak, organisation autochtone à but non lucratif de cette région de l’Alaska, jusqu’à sa retraite (Karmun in Sabo 1997 : 104). Johnson est aussi retraité. Tom aurait aimé pouvoir réunir ses bêtes mais ne pouvait en justifier la dépense à ce moment-là. Herb et Merlin n’ont plus d’animaux à gérer.
Tension croissante entre le village et le territoire
Pendant toute l’histoire de l’élevage du renne en Alaska, il a existé une tension croissante entre le besoin pour l’éleveur de suivre son troupeau au pâturage et l’attrait d’une vie au sein de la communauté où l’école, l’église et les services médicaux sont accessibles (Burch 1975 : 31). Le projet conçu par Sheldon Jackson avait pour but de procurer à tous une stabilité alimentaire, mais celui-ci désirait aussi les voir fréquenter l’église et l’école. Ces tensions se ressentaient moins lors de l’enfance de Dan, durant laquelle la pratique courante consistait probablement à retirer les enfants de l’école pendant la saison où l’on parquait les bêtes dans les corrals. En revanche, lorsque Johnson et Nathan devinrent à leur tour éleveurs, l’obligation d’acquérir des connaissances scolaires était plus forte.
L’un des souvenirs les plus mémorables de Dan est celui des corrals à Theresa Creek. Et, comme il l’affirme, il était alors courant de retirer les enfants de l’école pour une période allant jusqu’à deux mois.
Et c’était chaque hiver qu’ils s’occupaient des rennes, faisaient la manutention. C’était autour, juste après le nouvel An. Nos hommes se rendaient à un endroit qui s’appelle Theresa Creek. C’est à environ 75 milles au sud-ouest de Deering et dès qu’ils avaient pelleté la neige du corral et qu’il ne restait plus de neige, les familles désertaient Deering. Croyez-le ou non, ils emmenaient les enfants avec eux, les enfants qui allaient à l’école, ils les retiraient de l’école et ils partaient pour le camp… Comme je l’ai déjà dit, on retirait les enfants de l’école, parce que ça faisait partie de la culture de faire participer les enfants, qu’ils apprennent comment tout ça se faisait.
Mais à l’époque où Johnson et Nathan grandirent, le conflit entre l’école et l’élevage était plus tangible.
Johnson se rappelle :
Je suis resté en deuxième année pendant combien d’années... suis devenu un éleveur de renne permanent. Je pense que c’est mon but, c’est ma manière de penser, mon esprit est comme ça, je pouvais lire dans les animaux, pas dans les livres comme celui-ci.
Nathan, se rappelant son enfance, observe :
L’école commence en novembre, mais ne finit jamais parce qu’on doit aller au camp des rennes en avril, jamais fini la 6e, 7e ou 8e année. […] Nous allons au camp des rennes en avril, c’est là que l’école s’est arrêtée.
Au début, les frères et soeurs de Nathan ont aussi partagé la vie du camp des rennes, mais quand ils furent plus âgés, leur mère resta à la maison, au village, avec ses frères et soeurs qui allaient à l’école.
Et lorsque Nathan eut 15 ans :
[...] je demande à mon père d’aller à l’école secondaire Mt. Edgecumbe, et mon père a dit : « non, j’ai besoin de ton aide », alors je reste à la maison et j’aide mon père.
Alors que nous pouvons clairement indiquer que les écoles sont un des facteurs prépondérants de sédentarisation dans les villages, nous devons aussi tenir compte du rôle de la décision administrative des années vingt de créer des sociétés à gestion collective. Ainsi, les éleveurs possédaient des parts de rennes dans une société, et celle-ci employait des éleveurs qui, eux, gardaient les rennes. Cela signifiait qu’on pouvait posséder des parts de rennes sans avoir besoin d’être au pâturage avec les animaux. Cette politique eut notamment pour effet de consolider les troupeaux, situation qui se prêtait davantage à la vie au village, puisque les éleveurs n’avaient plus besoin de s’éloigner et de vivre sans arrêt avec les troupeaux. Dans la plupart des régions, ce mode de fonctionnement se modifia après le déclin des années trente et quarante, lorsqu’on en revint à la propriété individuelle du cheptel. C’est l’époque qu’ont connue Johnson et Nathan et dont ils parlent. Cela peut expliquer en partie pourquoi Johnson s’est senti obligé de partir aux pâturages avec son oncle et Nathan avec son père. Paradoxalement, ils ont davantage éprouvé l’obligation de coopérer à l’élevage familial en suivant les troupeaux que certains de leurs parents plus âgés qui avaient grandi à une époque où l’on employait des gardiens salariés pour veiller sur les grands troupeaux collectifs.
Aujourd’hui, toutes les opérations d’élevage se font à partir des villages et les éleveurs sont rarement absents de la maison pour plus d’un jour, sauf à l’occasion du travail dans les corrals qui requiert plus de temps. Ils peuvent se permettre ce mode de vie grâce à la technologie moderne.
Évolution de l’élevage et de la technologie
Les motoneiges[6] font partie des améliorations techniques qui permettent aux éleveurs d’exercer leur métier à partir de la maison. Stern rapporte qu’en 1969 tous les éleveurs actifs de la péninsule de Seward possédaient des motoneiges (1980 : 214). Nous avons trouvé des dates similaires : Nathan s’est procuré une motoneige en 1965, Clifford en 1969 et Ted en 1978. Avant l’apparition de ce véhicule, les éleveurs se déplaçaient en traîneaux à chiens et campaient parmi les troupeaux. Johnson et Nathan ont tous les deux fait de l’élevage à cette époque et ils ont connu l’époque de transition radicale que l’introduction de la motoneige inaugura. Le grand avantage de la motoneige sur les chiens est la vitesse, qui revêt une importance stratégique pour atteindre les troupeaux et pour les protéger des prédateurs, particulièrement des loups. Un hiver, Nathan a tué plus de 100 loups ; 14 étaient en meute et il les a abattus à l’automne, mais ils avaient déjà tué 19 rennes en moins d’une demi-heure. Nathan se rappelle :
Un bien que d’avoir une motoneige à ce moment-là, mais il y [avait] à peine de la neige... Quand il n’y a pas beaucoup de neige, il est pas mal difficile d’attraper les loups avec une motoneige parce que lorsqu’ils traversent un ruisseau tu ne peux pas les suivre, tu ne peux pas traverser le cours d’eau d’un seul coup avec une motoneige. Quand tu finis par traverser, les loups sont déjà loin. Mais, quand il y a de la neige, tu peux te débarrasser des loups tout de suite.
Les éleveurs rapportent qu’au cours des dernières années, il y a eu moins de neige à l’automne et ils affirment ne pas avoir pu se servir de leurs motoneiges aussi efficacement que d’habitude. En plus des difficultés qu’ils éprouvent à manoeuvrer sur un terrain peu enneigé, les véhicules s’usent plus rapidement. Merlin note :
À l’automne, y neige pas, il fait tellement chaud depuis je ne sais combien d’années maintenant. Vraiment changé... Avec les motoneiges, tu ne peux pas tellement te promener quand il n’y a pas de neige. Pendant les années soixante, il y avait beaucoup de neige en octobre, septembre-octobre, et là tu pouvais te déplacer vraiment vite. Pendant les années quatre-vingt, tout a changé ; il y avait quasi pas de neige ; il pleuvait, c’était mouillé et ça a coûté cher en pièces de rechange pour les motoneiges.
Il existe des données météorologiques qui appuient les commentaires de Merlin sur les années soixante et quatre-vingt, mais pour esquisser un tableau général des précipitations neigeuses, il faudrait pousser l’analyse (voir Schneider et al. à paraître).
Pour ce qui est de l’élevage l’été, certains éleveurs ont choisi de se déplacer en hélicoptère ou en avion, deux modes de transport très coûteux. Clifford, qui possède un petit troupeau, remarque néanmoins :
Je suis descendu à 155 têtes, mais je peux dire une chose, je pourrais le dire à n’importe qui, ça coûte aussi cher de mener 155 têtes que 1500, les coûts restent les mêmes. […] Mais pour ce qui est de l’hélicoptère qui sert à rassembler les rennes pendant l’été, le prix est monté à 300 $ de l’heure, à sec. Ce que je veux dire par à sec, c’est que nous devons fournir en plus le carburant et les coûts de location ont augmenté, alors, au fond, la seule raison que j’ai de vouloir le faire, c’est que je peux marquer les faons et les étiqueter à l’oreille, et, comme ça, j’espère voir mon troupeau augmenter à l’avenir.
Ce que Clifford souligne, c’est que les coûts énormes pour suivre et rassembler les rennes ne dépendent pas tant du nombre de têtes que des moyens de transport qu’il faut utiliser pour y avoir accès et des frais qui découlent du fonctionnement de l’équipement. Le fin mot de l’affaire pour Merlin Henry, c’est la rentrée de fonds prévue sur la vente de la viande et des bois. Lorsqu’il a commencé à perdre des rennes à cause des caribous, ce fut très difficile pour lui de payer les pièces de rechange et de conserver sa machinerie en bon état.
Alors ça devient très difficile pour les gens comme moi, comme éleveur de rennes ; tu ne peux plus faire d’argent avec les rennes, comme vendre la viande de renne ou décorner [couper les bois]. Je ne pouvais plus faire cette sorte d’argent et je ne pouvais plus entretenir ma motoneige. Je ne pouvais plus acheter de pièces, plus du tout... Avec 800 à 1 000 rennes, tu peux tout faire fonctionner avec l’argent que tu fais sur les rennes pendant l’année.
Quel que soit le calcul des coûts, l’argent comptant est devenu un outil important pour la gestion et le déplacement des rennes, et l’on doit déplacer les rennes, soit pour les regrouper et les abattre sur le pâturage, soit pour les diriger vers un corral dans l’intention de faire boucherie, de prélever les bois et pour d’autres tâches encore comme l’étiquetage des oreilles et la castration.
L’usage de chaque nouvelle technologie dépend du comptant dont les éleveurs disposent pour payer les pièces de rechange et l’essence ou pour louer avions et hélicoptères. Pertti Pelto (1973), dans son étude des Skolt Lapp (Saami) montre que depuis l’introduction des motoneiges, la mainmise sur l’économie se déplace des éleveurs locaux vers les sources extérieures qui leur fournissent carburant et pièces de rechange. Pour se procurer ces biens, les éleveurs doivent disposer de comptant, et ainsi ils deviennent dépendants de leurs fournisseurs. De « locale » qu’elle était, l’économie est devenue « délocalisée ». L’argent comptant a pris aussi de l’importance sur d’autres plans.
Évolution des produits de l’élevage
Les rennes ont d’abord été introduits comme source de viande, mais très tôt les éleveurs inupiat ont reconnu la valeur de plusieurs autres parties de l’animal. Les tendons ont servi pour la couture des peaux, la peau pour la confection des parkas et celle des pattes pour la partie supérieure des bottes de peau ou mukluks[7].
Dan Karmun rappelle qu’autrefois les gens travaillaient aux corrals, recevaient de la viande et des sous-produits comme des peaux pour les matelas, le cuir des pattes pour les mukluks et les tendons pour la couture :
Et, comme je l’ai dit, il est très important dans notre culture d’utiliser un tas de sous-produits, tu sais, pour faire les mukluks, tu utilises la peau des pattes de rennes pour les différentes formes de mukluks pour les éleveurs et leurs familles aussi. Puis les tendons servent à faire toutes sortes de fil pour coudre les mukluks. Puis les femmes d’ici utilisaient la peau des pattes de renne pour faire du troc ou pour échanger, après avoir fait les mukluks, c’était notre manière de faire quelques dollars en plus, ou elles s’entendaient avec le marchand local pour vendre ces produits et faire des provisions de farine, de sucre, de café et des choses comme ça. Et il y a toujours une idée d’échange quand il s’agit d’utiliser les produits du renne. Puis, bien sûr, les travailleurs qui travaillaient dans les corrals et aux rassemblements gagnaient quelques parts de rennes dans la compagnie. Et ils étaient payés de cette façon, mais il y en avait beaucoup parmi eux qui préféraient recevoir de la viande pour survivre pendant l’hiver jusqu’au printemps où ils auraient d’autres activités et ils trouveraient des animaux différents ou autre chose qui améliorerait, tu sais, la vie de la famille à ce moment-là.
Nathan payait d’habitude ceux qui l’aidaient 10 $ de l’heure, en faisant remarquer toutefois que son père payait ses employés en viande de renne.
Mon père les payait avec de la viande, parce nous n’avions pas de caribous à ce moment-là... Quand c’était le moment des corrals et celui de l’abattage, mon père payait avec une quantité de viande par jour. Quand ils travaillent trois jours, il leur donne par exemple une carcasse... Ils aiment la viande.
Aujourd’hui, la viande et les bois sont les principaux produits qu’on tire du renne. La viande est toujours utilisée comme forme de paiement contre un coup de main dans les corrals, mais elle est aussi vendue. Les éleveurs reçoivent les commandes et ils en vendent aux magasins et aux gens des autres villages. Pour ce qui est des bois, chaque éleveur les met en marché individuellement auprès d’acheteurs asiatiques, soit que ces derniers se rendent dans les corrals, soit qu’ils reçoivent les livraisons de bois à domicile. Comme le souligne Merlin Henry, certains éleveurs ont appris exactement ce que les acheteurs recherchent et ils savent quand prélever les bois, comment les conserver et les expédier.
Quand j’ai repris le commerce du renne, j’ai commencé à étudier les cornes [bois] des rennes pour pouvoir faire davantage d’argent en vendant les cornes aux Coréens. Comme la marque « A », c’est là que tu fais le plus d’argent avec les cornes. Alors j’ai dû... apprendre quand décorner [prélever les bois] et je me trouvais avec les rennes tous les jours avec ma motoneige, à tourner autour, à regarder les cornes, et quand je jugeais qu’elles étaient prêtes, je devais les emmener au corral. Alors, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à appeler l’Association, comme Rose et les acheteurs de cornes, et que je leur ai dit je suis prêt à aller décorner... Ils recherchent la partie molle, quand vous coupez les cornes avec un couteau, c’est du nid-d’abeilles de part en part, comme les rayons d’une ruche, ce n’est pas dur, c’est mou. Ça, c’est de la corne de marque « A ».
En parlant de nid-d’abeilles, Merlin se réfère à la texture de la tranche du bois qui ressemble à un rayon de miel, avec son tissu mou et gorgé de sang. Après les avoir coupés, on conserve les bois la partie tranchée vers le haut afin qu’ils ne se vident pas de leur sang.
Il est difficile de trouver des statistiques valables sur la valeur marchande totale de la viande et des bois de nos jours, mais je crois qu’il est juste de dire que le total des ventes de bois se rapproche de celui des ventes de viande, et peut-être même les dépasse. En 1978 déjà, Jack Luick prédisait que le « greatest cash income » pourrait provenir de la récolte des bois frais (dans Stern 1980 : 355). La vente des bois montre combien l’industrie de l’élevage du renne a évolué depuis les premiers temps où ce qu’on tirait du renne ne servait essentiellement qu’à satisfaire divers besoins locaux en aliments et en vêtements.
Conclusion
Les éleveurs contemporains sont étroitement liés à leurs communautés, ils dépendent de la technologie moderne et doivent travailler dans le contexte de l’économie monétaire. Au coeur de ces changements, peut-être à cause de ceux que nous venons de décrire, il est possible de saisir comment l’expérience cumulée des éleveurs actuels et de leurs prédécesseurs influe sur leur réaction à la présente crise. D’abord, l’attitude des éleveurs est empreinte d’un sens aigu de la réalité. Comme leurs ancêtres qui, par le passé, ont dû réagir à la décimation des troupeaux, ces éleveurs s’adaptent à d’autres ressources et à d’autres sources de revenu et, comme leurs ancêtres, ils se préparent pour l’avenir. Certains, comme Tom et Clifford, veulent marquer leurs faons afin d’essayer de repérer leurs rennes. Tom et d’autres éleveurs espèrent préserver leurs pâturages afin qu’un jour leurs enfants puissent jouir d’un revenu décent grâce à l’élevage. D’autres, comme Merlin et Herb, espèrent pouvoir rétablir leur troupeau lorsque les caribous auront quitté la péninsule.
Tous les éleveurs interrogés à ce jour ont entendu parler des pertes dévastatrices des années trente et quarante ou en ont fait l’expérience lorsqu’ils étaient enfants. Les aînés les leur ont racontées et leur expérience leur a montré que les caribous arrivent et repartent et qu’ils doivent être patients pour que la situation s’améliore. Nous pouvons nous faire une idée de la précarité qui n’a cessé d’accompagner l’industrie du renne en observant comment les éleveurs et leurs familles ont été impliqués dans l’élevage. La figure 2 présente les éleveurs rencontrés (le nom de leur village est entre parenthèses) et un résumé de leur vie.
Ces données nous montrent des pertes, mais nous y observons aussi une continuité. Trois éleveurs font remonter leur héritage d’éleveur à leurs grands-parents, six à leurs parents, et un seul est éleveur de première génération. Nous voyons que les éleveurs choisirent de retourner à l’élevage après les pertes des années trente et quarante et qu’ils trouvèrent les moyens de le faire pendant la période de reprivatisation. Ceux qui ont perdu leurs troupeaux espèrent le départ prochain des caribous et la possibilité de rétablir leurs troupeaux. Quant à ceux qui possèdent encore des rennes, ils souhaitent pouvoir repérer avec précision les déplacements des caribous sur leurs pâturages et diriger leurs rennes dans des « endroits sûrs » pour les mettre à l’abri des caribous. Jusqu’ici, aucun des éleveurs interrogés ne se berce d’illusions quand à la survie des troupeaux si les caribous continuent à envahir leurs territoires. Leurs aînés les en ont bien avertis et les éleveurs l’ont répété à plusieurs reprises au cours des entretiens. Cela m’amène à conclure que les éleveurs inupiat conçoivent la présente crise comme faisant partie d’un portrait plus global de fluctuation des ressources ; ils acceptent la situation et s’y adaptent. Heureusement, les caribous, les mammifères marins et les poissons sont à la portée de tous, de sorte que cette crise ne prend pas les proportions d’une lutte pour la vie. Mais, évidemment, cette situation entraîne des pertes financières importantes pour certains éleveurs.
Malgré l’existence de périodes sans rennes, les éleveurs conçoivent leur métier d’éleveurs dans sa continuité, fruit d’une expérience qui traverse les générations. Les adaptations au changement que notre discussion des trois thèmes a mises en évidence (accroissement de la vie centrée sur le village, nouvelle technologie et mise en marché de plusieurs produits) ne sont pas perçues comme des défis pour l’expérience commune mais plutôt comme des tentatives de réponse à des situations opportunes afin de maximiser les possibilités de l’élevage.
Le travail de l’élevage peut cesser pour un temps comme cela s’est produit au cours des années trente et quarante, mais si des membres de la famille qui ont connu l’élevage dans le passé rétablissent le troupeau, alors l’héritage a la possibilité et la capacité de se transmettre. Les liens de père à fils et à fille nourrissent l’intérêt pour l’élevage et stimulent la perception des possibilités qu’il offre, même si l’expérience de chacune des générations est différente à plusieurs points de vue. Dans certains cas, la transmission familiale du métier d’éleveur apporte avec elle l’expérience, le savoir et l’habileté nécessaires pour devenir un éleveur prospère. Cela comprend la connaissance du comportement du renne, celle du territoire et de sa végétation, de même que l’habileté requise pour travailler avec les rennes lors des rassemblements. Dans d’autres cas, ce lien filial peut représenter pour les plus jeunes quelque chose de moins concret, mais être perçu comme une perspective possible. Si autrefois l’élevage a su pourvoir aux besoins de leurs parents ou de leurs grands-parents, il pourrait en être de même pour eux. Je crois que les éleveurs avec qui je me suis entretenu partagent aussi cette opinion, confortée par les résultats des éleveurs qui ont repris l’élevage après les premiers effondrements des troupeaux. C’est ce qu’indiquent les efforts de quelques éleveurs pour préserver leurs pâturages en vue de les transmettre à leurs enfants et le témoignage des éleveurs qui accordent une grande valeur au fait que leurs enfants fassent l’expérience de l’élevage.
L’historiographie occidentale a tendance à diviser l’histoire en périodes bien définies et bien découpées. Dans le présent article, j’ai échafaudé des grandes périodes pour servir de repères, mais j’espère avoir démontré quelque chose de plus important : les Inupiat perçoivent le large éventail de l’histoire de l’élevage du renne comme des leçons d’adaptation complexes, qui ne sont pas vraiment divisibles en périodes mais qui représentent une ressource, mine de réponses aux occasions favorables et aux contraintes qui se présentent.
Article inédit en anglais, traduit par Michelle Mauffette.
Appendices
Notes
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[1]
Je désire remercier Rose Fosdick pour sa révision d’une version préliminaire de cet article de même que Greg Finstad et Knut Kielland, dont les connaissances et l’expérience ont rendu cette recherche possible. Les éleveurs ont généreusement partagé leurs savoirs et je leur en suis reconnaissant. Mes remerciements vont aussi à Michelle Mauffette pour sa traduction et à Claire Alix qui l’a adaptée. J’assume l’entière responsabilité des erreurs qui auraient pu se glisser dans cet article.
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[2]
Les rennes et les caribous se ressemblent sur bien des aspects, mais ils présentent quelques différences que Greg Finstad, qui a travaillé avec les rennes pendant de nombreuses années, décrit ainsi : « La morphologie du renne et du caribou diffère en ce que le renne possède des jambes plus courtes et qu’il a le corps en tonnelet, alors que le caribou a les flancs plats. Le pelage du renne est de couleur variable et présente une plus grande densité de follicules pileux. Il a le museau plus court et la face concave plutôt qu’arrondie. Quant au comportement, celui du renne est plus calme. Les rennes ont tendance à se regrouper s’ils sont dérangés, ils s’habituent facilement aux humains et s’adaptent rapidement aux activités comme l’élevage. Chez le renne, la période de rut, en automne, commence un mois plus tôt que chez le caribou, et la mise bas se produit fin avril plutôt qu’en juin » (Finstad, communication personnelle, 27 novembre 2002).
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[3]
Il s’agit du programme Reindeer Herding in Transition : Feedback between Climate, Caribou and Local Communities in Northwest Alaska.
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[4]
Ce texte repose donc sur des entrevues réalisées avec dix éleveurs d’Alaska entre 2000 et 2002 et sur une présentation de l’un d’eux (Dan Karmun) aux enseignants de la Nordale School à Fairbanks (mars 2002).
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[5]
La glace se forme lorsque, après une pluie ou un dégel, un regel survient, créant une croûte dure sur la neige. Dans les cas les plus graves, l’eau s’infiltre jusqu’au sol et le lichen gèle quand revient le froid.
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[6]
N.d.T. : Le terme « motoneige » est ici un peu restrictif, l’auteur utilisant le terme « snowmachine » qui est plus large et sous-entend d’autres types de véhicules à chenilles adaptés à la neige.
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[7]
Les mukluks sont les bottes traditionnelles ; la semelle est faite de phoque barbu, l’empeigne et les montants de peau de renne ou de caribou. Ces bottes d’usage courant sont légères et imperméables et elles étaient indispensables pour les hommes comme pour les femmes
Références
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- Portelli A., 1997, The Battle of Valle Giula : Oral History and the Art of Dialogue. Madison, University of Wisconsin Press.
- Sabo G., 1997, Communities of Memory : The Lives and Adventures of Nomeites Old and New... Nome, publié par George Sabo.
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- Simon J. J. K., 1998, Twentieth Century Inupiaq Eskimo Reindeer Herding on Northern Seward Peninsula, Alaska. Thèse de doctorat, Department of Anthropology, University of Alaska, Fairbanks.
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- Stern R., E. Arobio, L. Naylor et W. Thomas, 1980, Eskimos, Reindeer and Land. Fairbanks, Agricultural Experiment Station, School of Agriculture and Land Resources Management, University of Alaska.
- Trouillot M. R., 1995, Silencing the Past. Power and the Production of History. Boston, Beacon Press.
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