Comptes rendus

Jacques Pelletier, La gauche a-t-elle un avenir? Écrits à contre-courant. Québec, Éditions Nota Bene, 2000, 240 p.[Record]

  • Sébastien Arcand

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  • Sébastien Arcand
    Chaire en relations ethniques
    Université de Montréal
    C.P. 6128, succursale Centre-Ville
    Montréal (Québec) H3C 3J7
    Canada

Qui a dit que les intellectuels pratiquaient tous la trahison? Cela n’est certes pas le cas de Jacques Pelletier du moins, qui s’inscrit autant en porte-à-faux avec les idéologies de droite qu’à l’égard des idées pseudo-progressistes et gauchisantes qui marquent le Québec contem-porain. S’attardant aux enjeux qui découlent de la vie culturelle et idéologique québécoise, l’auteur se penche tout d’abord sur le paradoxe entre la désastreuse réalité socio-économique et l’incapacité de la gauche d’en formuler une critique satisfaisante. Empreint d’un ton parfois provocateur mais sans manquer de rigueur, cet ouvrage réactualise les débats gauche-droite et réussit à convaincre lorsqu’il dénonce l’ineptie d’une majorité d’intellectuels, voire leur copinage avec l’establishment politique. Sévère à l’endroit des discours et pratiques de l’air du temps donc, la réflexion critique proposée ici s’accompagne d’un « Que faire » pour que la gauche québécoise et l’engagement des intellectuels reprennent leurs lettres de noblesse. Celui qui se définit comme fidèle aux idées socialistes et à l’indépendance du Québec juge en effet nécessaire de revoir la voie em-pruntée par la gauche depuis la Révolution Tranquille pour la réinscrire au cœur d’un engagement intellectuel concret. Tout en admettant son penchant pour le renversement de l’ordre établi, Jacques Pelletier préconise plutôt un engagement politique et organisationnel classique fondé sur la création d’un parti politique. Cette solution, qui n’arrive pas malgré tout à prendre ses distances avec les structures en place, a au moins le mérite de ne pas pécher par excès d’idéalisme. Ainsi, la création d’un nouveau parti de gauche s’impose dès lors que les actions spontanées et spectaculaires (manifestations, actions directes) ou encore les actions limitées au champ intellectuel (revues, cercles d’études) sont jugées trop peu ouvertes et sujettes à dérapages. Au-delà de ces raisons, celle qui pèse le plus est liée à l’urgence d’instaurer une opposition à l’ensemble des partis politiques québécois qui sont engagés sur la voie du conser-vatisme. Les reproches ne se limitent toutefois pas à la sphère de la politique, et ce professeur de littérature est également critique à l’égard de certains travaux effectués par ses pairs dans la communauté universitaire québécoise. Il dénonce notamment l’approche révisionniste qui touche diverses disciplines comme l’histoire, la sociologie et la littérature. Refusant, par exemple, de voir dans l’époque de Duplessis plus qu’un libéralisme économique, Pelletier rejette les tentatives de relecture ou de réhabilitation de cette période de l’histoire du Québec et reconnaît d’emblée l’importance des transformations issues de la Révolution tranquille. C’est parce que cette dernière a mené à la création d’un État-providence apte à consolider un projet collectif global qu’il ne faut pas remettre en cause ses acquis mais plutôt y donner suite. La propension de nombreux intellectuels québécois à retourner sur les lieux de la Révolution tranquille masque en fait l’enjeu politique qui se dessine entre la poursuite d’un héritage à l’avantage du plus grand nombre et la volonté de certains d’asseoir leur domination de classe. C’est ici à notre avis que la critique est la mieux construite et que les arguments sont les plus percutants. Certes, sa connaissance du milieu universitaire y est pour quelque chose, mais peut-être encore plus, c’est cette volonté de réinscrire la gauche comme force politique majeure qui séduit ici. À une époque où il est de bon ton de consacrer la « Fin de l’histoire », il est rafraîchissant de s’apercevoir que certains refusent de démissionner. Loin de se limiter à la relecture de la Révolution Tranquille, l’auteur s’en prend aussi à la prégnance d’un mode d’engagement intellectuel, québécois comme français, qui se caractérise de plus en plus par un vedettariat artificiel et qui est condamné à un rôle de …