Compte rendu

RASCAROLI, L., YOUNG, G. et MONAHAN, B. (2014). Amateur Filmmaking: The Home Movie, the Archive, the Web. New York, NY: Bloomsbury, 375 pages[Record]

  • Sébastien Brochu

…more information

  • Sébastien Brochu
    Candidat à la maîtrise en sciences de l’information, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal

Le constat à la base d’Amateur Filmmaking: The Home Movie, the Archive, the Web est que les films amateurs et les films de famille sont des objets riches et hétéroclites qui « hold key, albeit often hidden, places not only in the history of cinema, but also in the history of art, culture, and society » (p. 2). Faisant appel à des chercheurs en histoire, en communication et en études cinématographiques, qui sont néanmoins tous concernés par les problématiques archivistiques, le recueil met alors en lumière les qualités informationnelles et sensibles de ce type de films, fournit divers cadres d’analyse permettant de mieux comprendre leurs contextes et modalités d’utilisation, et propose quelques solutions pour les rendre plus facilement intelligibles et accessibles. Dans le résumé introductif, les directeurs du recueil suggèrent que les développements socioculturels, technologiques et scientifiques des années 1990 ont permis au film amateur d’acquérir une certaine légitimation documentaire, plus précisément d’être reconnu en tant que source d’information pertinente à propos de l’histoire et de la culture des peuples. Ils identifient trois développements clés : 1) la montée des cultural studies et des approches microhistoriques qui, dans l’intention de faire (re)connaître les visions alternatives et minoritaires de la société, mettent l’accent sur la singularité des individus, la marginalité, le quotidien et le privé ; 2) l’apparition des outils numériques qui facilitent les pratiques personnelles d’expression et de mémoire ainsi que leur partage ; 3) la relance des questionnements autour du concept d’« archive » initiée par Derrida avec son livre Mal d’archive en 1995. Ces trois éléments, à savoir la représentation des minorités et des hommes ordinaires, les technologies de représentation du soi et du nous et la nature éclatée de l’archive, s’imbriquent diversement dans les réflexions des vingt-trois auteurs du recueil qui interrogent chacun à leur manière, soit sur une base ontologique et épistémologique, soit à l’aide d’une étude de cas précis, la portée documentaire des films amateurs. Le principal intérêt archivistique d’Amateur Filmmaking est donc de fournir des assises théoriques et critiques permettant de penser les valeurs, les usages et les fonctions de ces objets en tant que documents d’archives, ce qui est un préalable essentiel à leur traitement. Les textes sont regroupés en cinq sections selon la perspective d’interrogation ou la modalité d’analyse choisie, et l’ensemble est complété d’une médiagraphie exhaustive des nombreux travaux et oeuvres cités (p. 329-357) ainsi que d’un index (p. 359-375). Bien qu’ils soient quelquefois assez homogènes, les textes d’une même section s’avèrent souvent disparates, révélant ainsi un léger problème d’organisation interne, mais aussi la complexité de l’objet étudié. Étant donné l’ampleur de l’ouvrage, nous ne présentons ici que les propositions susceptibles d’intéresser, dans une sphère assez vaste, ceux qui travaillent avec les archives audiovisuelles, amateurs, familiales ou personnelles. La première section, « Reframing the Home Movie », rassemble quatre articles soutenant chacun une approche théorique du cinéma amateur et de famille. Celui d’Odin opère d’abord comme une sorte de deuxième préambule au recueil. Suivant l’approche sémio-pragmatique, il emploie le concept d’« espace de communication », c’est-à-dire d’espace imposant des contraintes énonciatives (postures, manières de dire ou de voir, modes de pensée et modes de transmission), afin d’analyser l’évolution des contextes de réalisation et de réception des films de famille. Il suggère ainsi qu’entre 1945 et 1975, leur production s’inscrivait dans l’espace traditionaliste de la bourgeoisie patriarcale où le mode de vision du père régulait de façon idéalisée la mémoire commune. Il ajoute qu’à cette époque, le fait de se rassembler pour visionner et échanger autour des moments captés se révélait souvent plus important que ce qui était montré. Autrement …