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INTRODUCTION

L’influence qu’a exercée la Division de la gestion de documents et des archives (DGDA) de l’Université de Montréal sur le plan national s’inscrit dans une grande collaboration entre Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et la DGDA. Cette collaboration entre BAnQ et l’Université de Montréal est presque naturelle. En effet, nous ne pouvons passer sous silence le fait que trois directeurs de la DGDA – Carol Couture, Claude Minotto et Diane Baillargeon – ont travaillé, certains avant, d’autres après, pour la Direction générale des Archives nationales (DGAN) de BAnQ. Comme vous le voyez, nos relations ne datent pas d’hier, et elles s’inscrivent de façon manifeste dans l’histoire de l’archivistique au Québec.

Pour aborder la question de l’influence de la DGDA sur l’archivistique québécoise, nous avons choisi quatre grands dossiers qui ont marqué l’histoire des relations entre la DGDA et la DGAN de BAnQ – les Archives nationales du Québec (ANQ) jusqu’en 2006. Ces dossiers, que nous partageons à des degrés divers, seront vus par ordre chronologique :

  1. L’ouvrage Les archives au XXe siècle, paru en 1982 ;

  2. La Loi sur les archives du Québec, adoptée en 1983 ;

  3. Le Groupe interdisciplinaire de recherche en archivistique, mieux connu sous son acronyme GIRA, fondé en 1987 ;

  4. La Conférence internationale de la Table ronde sur les archives, ou CITRA, tenue à Québec en 2007.

Dans au moins trois de ces dossiers, il est question de partenariat ou, à tout le moins, de collaboration entre la DGAN et l’Université de Montréal.

1. Les archives au XXe siècle, l’oeuvre de directeurs de la DGDA

Voilà certainement l’apport le plus considérable de la DGDA à l’archivistique québécoise, et c’est de loin aussi l’exemple qu’il nous est le plus facile d’apporter.

En effet, la parution de Les Archives au XXe siècle en 1982 constitue sans contredit un événement marquant dans le développement de l’archivistique au Québec. La Loi sur les archives était sur le point d’être adoptée, l’enseignement universitaire de la discipline archivistique faisait ses premiers pas, et de nombreux enseignants, étudiants et praticiens ressentaient le besoin d’avoir un ouvrage de référence à leur disposition, un ouvrage d’archivistique adapté à la réalité québécoise, qui prendrait en compte tout le cycle de vie des documents.

L’ouvrage de Couture, Rousseau et de leurs collaborateurs tombait bien, pourrait-on dire. La preuve en est que « Les archives deux X », comme on l’appelait familièrement entre nous, est pratiquement un succès de librairie, avec des ventes de plusieurs milliers d’exemplaires. Peu de temps après sa parution, le manuel a été traduit en anglais (1987), puis en espagnol (Mexique, 1988).

Pourquoi Les archives au XXe siècle a-t-il rencontré un tel succès au Québec et ailleurs dans le monde ? Sans doute parce qu’il s’agit d’un manuel au sens strict du terme. Selon Le Petit Larousse, un manuel se définit comme un « ouvrage didactique ou scolaire qui expose les notions essentielles d’un art, d’une science, d’une technique, etc. » (2001). Dans Wikipédia, on peut lire aussi qu’un manuel regroupe « l’essentiel des connaissances relatives à un domaine donné » (2015). Et c’est exactement cela que nous retrouvons dans cet ouvrage : l’essentiel des connaissances archivistiques utiles à la pratique du métier.

Pour les archivistes du XXIe siècle, rappelons que Les archives au XXe siècle est structuré en trois parties :

  1. Une partie sur l’archivistique fondamentale, intitulée « Archives et société » ;

  2. Un manuel de gestion des documents d’activité, intitulé « Archives et administration » ;

  3. Une partie consacrée à la gestion des archives définitives, intitulée « Archives et recherche ».

Comment peut-on considérer ce manuel aujourd’hui ? Nul ne contestera le fait qu’il est dépassé sur le plan technologique, ses auteurs ne pouvant raisonnablement anticiper le bouleversement des pratiques causé par la gestion des documents numériques. Mais plusieurs éléments méthodologiques, notamment les chapitres sur le traitement des documents actifs, semi-actifs et inactifs, s’avèrent toujours valables et, après une légère adaptation, peuvent être utilisés par les archivistes du XXIe siècle.

Ce manuel est la première manifestation du rôle de la DGDA sur le plan national. Carol Couture et Jean-Yves Rousseau ne se sont pas contentés d’assumer la gestion des affaires de la DGDA au quotidien : ils sont allés plus loin en rédigeant cet ouvrage et la communauté archivistique leur en est redevable.

2. La Loi sur les archives du Québec

Bien sûr, nous ne soulignons pas toutes les contributions de la DGDA aux dossiers d’envergure nationale. Mais, nous savons de source sûre que Carol Couture, alors directeur de la DGDA, a joué un rôle non négligeable dans la préparation et l’adoption de la Loi sur les archives du Québec de 1983. Nous sommes presque dans le monde nébuleux des légendes professionnelles… Mais, nous croyons savoir que Carol Couture s’entretenait régulièrement avec le conservateur des Archives nationales du Québec d’alors, Robert Garon. Si Carol Couture n’a pu faire adopter une certaine terminologie, il a sans aucun doute exercé une influence majeure sur la principale obligation de la Loi sur les archives de 1983 : celle qui prescrit aux quelque 3 000 organismes publics du Québec d’élaborer et de tenir à jour un calendrier de conservation.

C’est d’ailleurs cette obligation, libellée à l’article 7, qui a apporté – et apporte encore – à cette loi toute son originalité et qui en fait un modèle dans le monde. C’est également cette obligation qui a permis à une génération d’archivistes d’arriver sur le marché du travail et de jouer un rôle de sensibilisation auprès du personnel des organismes publics.

3. Le Groupe interdisciplinaire de recherche en archivistique (GIRA)

Ce groupe de recherche a été fondé en 1987 par Carol Couture, Jean-Yves Rousseau et Jacques Ducharme. Il convient de mentionner que Jacques Ducharme – aucun lien de parenté avec Daniel Ducharme, archiviste à BAnQ – travaillait aux ANQ à l’époque. Encore un…

Mais le lien entre BAnQ et l’Université de Montréal va plus loin puisque, peu de temps après sa création, le GIRA s’est élargi, augmentant le nombre de ses membres à six, avec l’ajout de Normand Gouger, de Denys Chouinard et de Marcel Lajeunesse. Les deux derniers n’ont pas besoin de présentation : ils ont été longtemps associés à la DGDA et à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) de l’Université de Montréal. C’est moins le cas aujourd’hui pour Normand Gouger. À l’époque de la fondation du GIRA, il était directeur du Centre de Montréal des Archives nationales du Québec, aujourd’hui désigné sous le nom de BAnQ Vieux-Montréal. À l’instar de Jacques Ducharme, Normand Gouger a quitté ce monde beaucoup trop tôt.

Depuis 1990, le GIRA organise un symposium tous les quatre ans. Le dernier s’est tenu en novembre 2014, dans le cadre du Congrès des milieux documentaires. Cela fait sept symposiums en tout, sept événements qui ont porté sur l’ensemble des aspects de l’archivistique, de la profession d’archiviste à ses fondements en passant par ses différentes mutations. Et chacun de ces symposiums a donné lieu à des publications qui sont devenues des ouvrages de référence dans notre domaine.

Vous me direz que le GIRA est surtout l’oeuvre de l’EBSI. Nous vous répondrons : sans doute, mais le groupe de recherche est aussi redevable à la DGDA, qui en représente en quelque sorte la source.

Quant à la DGAN de BAnQ, elle est toujours représentée au GIRA, par la personne de Daniel Ducharme. Lui aussi a, d’ailleurs, un lien avec la DGDA puisqu’il y a fait son stage alors qu’il était tout jeune diplômé de l’EBSI, en 1986.

4. La Conférence internationale de la Table ronde sur les archives (CITRA) à Québec

Comme vous le savez sans doute, la CITRA était jusqu’à tout récemment l’instance décisionnelle du Conseil international des archives entre les grands congrès qui se tiennent tous les quatre ans. La CITRA se tenait donc chaque année pendant les trois années précédant le congrès. Elle réunissait de 200 à 300 personnes, essentiellement des directeurs d’institutions nationales d’archives et des représentants des différentes branches de l’ICA, acronyme anglais qui désigne le Conseil international des archives.

En 2007, la CITRA s’est tenue à Québec et, bien que cet événement n’ait pas été de la même ampleur que le congrès international de Montréal en 1992, il a nécessité une logistique complexe, assumée par un comité à deux têtes : d’un côté, BAnQ, avec Daniel Ducharme et Martin Lavoie, et de l’autre, Bibliothèque et Archives Canada, avec Céline Gendron. Cet événement a demandé près de trois ans de travaux et a été couronné de succès.

Si nous terminons ce texte en mentionnant cet événement, c’est qu’il a rejailli sur l’archivistique québécoise au niveau national. Comment ? C’est dans le cadre de cette CITRA qu’a été présentée la Déclaration québécoise sur les archives et qu’a été discutée pour la première fois la possibilité qu’elle serve de modèle à la rédaction d’une Déclaration universelle sur les archives. Et l’idée de cette déclaration a fait son chemin… En 2009, à Malte, le Conseil international des archives a adopté la Déclaration universelle sur les archives, qui a été inspirée par le modèle québécois.

Mais quel est le lien avec la DGDA ? C’est simple : au moins trois personnes de l’Université de Montréal ont joué un rôle actif dans cette CITRA 2007 :

  • Carol Couture, devenu conservateur et directeur général des archives à BAnQ au moment de la fusion des ANQ et de la Bibliothèque nationale du Québec en 2006 ;

  • Claude Minotto, alors directeur de la DGDA, qui a fait partie du comité de la CITRA à titre de membre externe, en plus de faire office de maître de cérémonie lors de la séance de clôture de l’événement ;

  • Denys Chouinard, autrefois chef des archives historiques de la DGDA, qui s’est rendu à Québec pour présenter la Déclaration québécoise sur les archives.

La CITRA 2007 était certes un événement international, mais ses retombées sur le plan national ont été tangibles. Rappelons que c’est durant cette conférence que l’Association des archivistes du Québec a souligné son 40e anniversaire, lors d’une soirée organisée à Québec. Plusieurs archivistes présents à la CITRA ont participé à cette soirée toute spéciale.

Encore une fois, l’organisation de la CITRA 2007 illustre bien les liens de collaboration qu’entretiennent BAnQ et l’Université de Montréal depuis plusieurs décennies.

CONCLUSION

Ce texte a effectué un survol de quatre dossiers qui, chacun à leur façon, ont exercé une influence sur le développement de l’archivistique au Québec. La Division de la gestion de documents et des archives de l’Université de Montréal peut être fière de ce qu’elle a accompli au cours des 50 dernières années. Et au nom de la Direction générale des Archives nationales de BAnQ, je suis fière aussi de la collaboration qui a été la nôtre au cours de toutes ces années.

Nous avons toujours cru à l’importance des réseaux et du partage d’expertise. C’est stimulant, c’est enrichissant et c’est surtout nécessaire : nécessaire pour relever les défis qui nous attendent. Nous espérons que nous les relèverons ensemble, en collaborant, en travaillant à des dossiers communs afin que l’archivistique québécoise continue de jouer un rôle de modèle dans le monde francophone.