Abstracts
Résumé
Ce texte évoque l’influence marquante que la direction et le personnel du Service des archives de l’Université de Montréal ont eu sur l’auteur, apprenti-archiviste au tournant des années 1970-1980. En plus de connaissances de la discipline archivistique et d’expériences professionnelles, il retient de son passage au Service le développement d’amitiés durables ainsi que d’un réseau professionnel.
Abstract
The text discusses the strong influence the management and personnel of the archives service of the University of Montreal have had on the author when he was an apprentice-archivist in the 1970s and 1980s. In addition to learning the discipline and gaining professional experience, he recalls the development of lasting friendships and a professional network within the Service.
Article body
INTRODUCTION
Nous célébrons les 50 ans d’un grand service d’archives ; cette table ronde sur L’influence de la Division de la gestion de documents et des archives (DGDA) sur la pratique archivistique au Québec est constituée d’anciens employés et stagiaires d’ancienneté variable par rapport à notre objet d’admiration. Nous avons tous été convié à faire un saut dans le temps et il s’y mêle forcément toutes sortes de sentiments. Pour ma part, cette invitation m’a fait plonger d’un surplomb de 40 ans, à l’origine de ma modeste carrière d’archiviste et au début de ma vie personnelle d’adulte, lorsque j’avais 23 ans. Une grande émotion m’a submergé avant que je puisse me résoudre à écrire ce texte, ne sachant trop par quel bout de la lorgnette traiter du sujet. Les aspects professionnels et personnels sont grandement imbriqués, en raison de l’influence du Service des archives de l’Université de Montréal (le SAUM comme nous disions entre nous) et des personnes que j’y ai rencontrées sur ma pratique archivistique ultérieure. Les souvenirs abondent. Ce qui en ressort, c’est à la fois l’apprentissage d’un métier, la passion pour l’archivistique et ses liens avec le temps, la mémoire et l’histoire, mon intérêt particulier pour les archives privées ainsi que la constitution d’un réseau d’amitiés professionnelles et personnelles. Par ailleurs, ces souvenirs qui remontent, cette reconnaissance pour ce qui m’a été donné au SAUM, arrivent au moment où, la retraite en vue, l’heure est au bilan, ce qui ajoute à l’émotion.
1. Témoignage
J’ai été recruté à l’été 1976 par le directeur François Beaudin alors que j’allais commencer ma scolarité de maîtrise en histoire. Il m’a enseigné le cours Méthodologie archivistique (HST 2050) au programme du bac en 1975 et il m’a donné la piqûre de l’archivistique, tout comme les stages et contrats qui ont suivis aux archives de la Congrégation de Notre-Dame. Pour la petite histoire de l’enseignement de l’archivistique, Jacques Ducharme a repris le cours HST 2050 en 1976, au départ de François Beaudin. Les conversations que nous avions eues dans le cadre du travail (et ailleurs) sur les concepts, principes et pratiques archivistiques l’ont sans doute convaincu de mon intérêt et de ma détermination. Il m’a fait confiance. J’ai été son auxiliaire d’enseignement avant qu’il me propose de donner moi-même ce cours, ce que je fis de 1978 à 1982, et plus tard encore, à l’hiver 1987.
Dans le récit que l’on se fait de sa vie, il y a des moments marquants, des moments de vertige : l’été 1976 est pour moi celui de tous les possibles. Il se dégageait une harmonie entre mes aspirations individuelles et celles, collectives, qui animaient le Québec d’alors, surtout après cette Saint-Jean sur le Mont-Royal dont je garde de vifs souvenirs[1]. Histoire, mémoire et archives étaient au rendez-vous. Au lendemain de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Montréal (ça ne s’oublie pas !), le lundi 2 août 1976, je me suis présenté, un peu intimidé, dans le bureau de François Beaudin. Je m’en souviens comme si c’était hier, la lumière était belle, l’accueil un peu solennel, mais le regard et le sourire chaleureux, par celui qui était à quelques semaines de devenir le Conservateur des Archives nationales du Québec. Une sympathique et étourdissante tornade nommée Denis Plante, alors technicien en bibliothéconomie, allait faire irruption dans le bureau du directeur pour m’emporter, le long des corridors, jusqu’aux locaux de la micrographie où planaient toujours une odeur d’ammoniaque. Je suis entré au SAUM à titre d’aide-technique en micrographie, dans un emploi d’été pour étudiant. J’ai littéralement « pédalé » sur l’impressionnante caméra pour reproduire, sous la férule de Marcel Laguë, les documents du fonds du Secrétariat général de l’Université. À la reprise des cours, Jacques Ducharme m’a demandé si le traitement du Fonds Famille Bégon m’intéressait. C’est ainsi qu’à l’automne 1976 et à l’hiver 1977, à titre d’archiviste contractuel à temps partiel, je me suis cassé les dents sur mon premier « vrai fonds d’archives », les Bégon, avec mon collègue Tony Giger, et sous l’aile tutélaire de Jacques Ducharme. Il s’agit d’un fonds constitué sur quatre siècles par les membres de cette grande famille française et acquis par l’Université de Montréal (UdeM), principalement pour éviter qu’il ne soit dispersé sur le marché des grandes signatures parmi lesquelles on trouvait rois de France, cardinaux et autres grands personnages. L’acquisition de ce fonds était un cas d’école en soi au sujet de la prévalence de l’intégrité d’un fonds par rapport à la portée territoriale de son contenu et de son intérêt pour la recherche localement ; un cas d’éthique archivistique international. Quel défi de traiter un fonds familial français d’Ancien Régime constitué sur quatre siècles ! L’historien Marc Perrichet, professeur à l’Université de Caen, l’un des rares chercheurs intéressés par ce corpus, a débusqué pendant quelques séjours annuels nos erreurs de classement avec les innombrables François et Michel (I, II, III, IV, etc.) Bégon sur plusieurs générations. Que de discussions passionnantes sur les problèmes que posaient le classement et la description de ce fonds d’archives. Imaginez ! L’application du respect des fonds sur tous ces créateurs d’une même famille et familles apparentées, sur une pareille durée.
J’ai aussi été membre de la Commission des archives, une expérience qui m’a donné un autre point de vue exceptionnel sur les politiques et les pratiques archivistiques à l’UdeM. Nommé en 1979 à titre d’étudiant, j’y suis demeuré jusqu’en 1982. C’est un aspect de la pratique archivistique à l’Université de Montréal qui a rayonné dans d’autres milieux : des créateurs et utilisateurs des documents d’archives participent à la gestion et à la conservation de l’information organique et consignée de leur institution. Un forum où s’expriment aussi bien les besoins de l’administration et de la recherche, le service des archives recueillant divers points de vue sur ses politiques et la réglementation. C’était également le temps des retraites fermées pour des marathons d’adoption de règles de conservation de séries ou de types de documents accumulés, parfois depuis la fondation des unités. Que de souvenirs de discussions passionnantes à propos de telles ou telles règles ! Par exemple, je me rappelle de la règle portant sur les bordereaux de prêt de la bibliothèque de l’Université, sur support papier évidemment, conservés sur des décennies et en plusieurs dizaines de mètres linéaires. J’ai aussi vu arriver Jean-Pierre Wallot, alors vice-doyen à la recherche de la Faculté des arts et des sciences, à la Commission. Je me souviens de ce qui avait frappé tous les membres à son sujet : aussitôt installé pour sa première réunion, sa contribution était déjà remarquable, comme s’il avait été là depuis des lustres. Ses avis reflétaient évidemment le point de vue de l’historien soucieux de préserver les traces d’information utiles, dans un esprit prospectif, mais aussi pragmatique. Il a défendu l’intérêt pour la recherche des bordereaux de prêt de la Bibliothèque en faisant valoir qu’ils pourraient constituer un des corpus pour l’étude des courants d’idées, sur une période donnée, dans l’enseignement d’une discipline. Si je me souviens bien, Carol Couture, alors directeur du SAUM et cheville ouvrière de la Commission, avait dû soumettre à nouveau la règle de conservation avec des critères de tri. On peut affirmer que Jean-Pierre Wallot, qui allait devenir un visionnaire Archiviste national du Canada quelques années plus tard (1985-1997), a fait une partie de ses classes d’archivistique à la Commission des archives de l’Université de Montréal.
Aux archives de l’Université de Montréal, je poursuivais aussi mes recherches de maîtrise sur une série d’affidavits de Pierre Guy, dans la collection Baby, logée alors dans ses propres aires de conservation et de consultation, immeuble Z, une rallonge à l’ouest du pavillon principal[2]. J’y ai développé une amitié avec une autre collègue, de regrettée mémoire, Denise Pélissier, archiviste et restauratrice.
Rétrospectivement, nous pouvons affirmer que le Service des archives de l’Université de Montréal d’alors a été, pour moi et quelques autres, un véritable espace épiphanique. Un lieu qui fait école et une école qui fait des disciples. J’avais le sentiment que, tant pour l’archivistique québécoise que pour le jeune apprenti archiviste que j’étais, les choses se passaient là ! Sur un plan personnel, j’ai su en ce lieu que je devenais archiviste et j’y ai fait mon apprentissage, ma formation. J’ai appris aussi en enseignant l’archivistique (serait-ce pensable aujourd’hui ?), stimulé et encouragé par un tel entourage, par les échanges, lectures et activités faites au SAUM ainsi que par mon implication à l’Association des archivistes du Québec.
2. L’influence d’une pratique
Le fondamental de l’archivistique québécoise, de l’approche intégrée, de l’archivistique tout court, Les Archives au XXe siècle, par Carol Couture, Jean-Yves Rousseau et leurs collaborateurs Jacques Ducharme et Denise Pélissier, n’a pas été écrit à partir d’un lieu abstrait, mais dans la pratique de l’archivistique à l’Université de Montréal. Il en est de même des autres publications marquantes, articles, ouvrages, collectifs et instruments de recherche. Ce qui y est écrit est ce qui se pratiquait au SAUM : c’est la première, la plus grande influence sur la fondation de ce qu’il est convenu d’appeler l’archivistique québécoise. Il en est de même pour la formation en archivistique au niveau universitaire qui commence de manière structurée en 1982-1983, tant à l’Université de Montréal qu’à l’Université du Québec à Montréal, et qui est largement tributaire de la même pratique. Une pratique déjà transmise avant 1982, dans l’enseignement de François Beaudin, Jacques Ducharme et moi-même au Département d’histoire de l’Université de Montréal.
Je m’en voudrais de ne pas ajouter le nom d’un autre archiviste qui n’est pas de l’Université de Montréal, mais qui est de la même école que Jean-Yves Rousseau et Jacques Ducharme, ceux que l’on appelait les « p’tits gars » de Soeur Boisvert : Gilles Janson. Ils avaient travaillé tous les trois aux archives des religieuses hospitalières de Saint-Joseph à l’Hôtel-Dieu. Gilles était déjà aux archives de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) à l’époque, où j’y ai poursuivi, en quelque sorte, mon apprentissage, de 1978 à 1981. Il a été le maître d’oeuvre de l’une des plus formidables collections de fonds d’archives privées en milieu universitaire au Canada, nourrie par les domaines d’activités de plusieurs institutions phares de l’histoire du Québec, absorbées par l’UQAM lors de sa fondation en 1969. Il faut souligner que cette même pratique des archives à l’Université de Montréal et les ouvrages fondateurs qui y ont été écrits nourriront le programme de certificat en archivistique implanté par Gilles Janson, Marcel Caya, Yves Brossard et moi-même au Département d’histoire de l’UQAM en 1982.
Mon apprentissage et mes premières expériences, mis à part les travaux à la Commission des archives, portaient davantage sur les fonds d’archives de sources non institutionnelles et de statut privé. Mais, le cadre théorique était global et le cycle de vie des documents était pris en compte ; une bonne pratique de développement d’une collection de fonds d’archives privées doit s’inscrire encore aujourd’hui dans ce cadre, même si les moyens d’intervenir en amont chez les créateurs de fonds d’archives varient. Dans le développement d’un programme d’archives privées, on ne peut pas se borner à recevoir passivement les accroissements de documents d’archives. Il faut trouver, dans la mesure de nos ressources, des outils pour améliorer la qualité des versements en favorisant l’implantation d’une politique de gestion des documents au sein des organismes donateurs d’archives. C’est ce que nous essayons de faire au Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa (CRCCF) avec nos organismes donateurs d’archives. Cette approche globale de l’archivistique, partagée par Inge Alberts, professeure à l’École des sciences de l’information de l’Université d’Ottawa et diplômée de l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal, a permis au CRCCF de développer un partenariat en ce sens avec nos organismes versants tels l’Association des traducteurs et interprètes de l’Ontario et la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada. On y remarque l’influence de l’Université de Montréal sur la pratique archivistique.
Ce cadre théorique, ces concepts et ces principes, c’est au SAUM que je les ai intégrés et mis en pratique. Cet apprentissage et l’expérience acquise ensuite, comme archiviste et gestionnaire, dans des institutions telles le Centre canadien d’architecture et le CRCCF, ont également nourri mon enseignement. Si on peut parler d’une école de Montréal en archivistique, par la pratique de la DGDA, les manuels et les programmes de formation qui en sont sortis, son influence est certainement présente partout au Québec, aussi du côté de l’Outaouais, notamment à Bibliothèque et archives Canada, à l’Université d’Ottawa et à l’Université du Québec en Outaouais.
3. Archives privées, histoire et recherche
Le programme d’archives privées au SAUM sous la conduite de Jacques Ducharme m’a profondément marqué. Ce programme était nourri par la connaissance de l’histoire de l’institution et des communautés qu’elle dessert d’abord, puis par la connaissance de l’histoire du Canada français et du Québec dans laquelle elle s’insère, ensuite, par la connaissance de ses acteurs principaux ou exemplaires et le développement du réseau interpersonnel correspondant. Enfin, le programme se définissait par des liens avec le milieu de la recherche, particulièrement les chercheurs qui prennent en compte la durée et qui conduisent des études rétrospectives, ce qui implique la discipline historique évidemment, mais aussi bien d’autres : sociologie, science politique, sociolinguistique, droit, études littéraires, etc.
Je me souviens des débats des années 70 et de l’irritation que nous causait l’ouvrage L’histoire et ses méthodes de La Pléiade, cantonnant le domaine des archives dans une science auxiliaire de l’Histoire. Il y avait aussi ceux qui opposaient l’archivistique au domaine des bibliothèques, vaste sujet de l’histoire des archives depuis le Moyen-Âge. Nous voulions l’émancipation de la discipline, de la profession ! Maintenant que c’est fait, et que des ponts ont même été solidement dressés avec les autres sciences de l’information, la bibliothéconomie et la muséologie, je crois qu’il faut revenir à l’histoire dans la formation en archivistique afin de comprendre plus globalement l’information et son contexte.
Le combat était le bon : l’archivistique n’est pas une science auxiliaire de l’histoire, elle est une science de la mémoire, une sorte d’archéologie active des traces d’information laissées par l’activité humaine. En retour, elle doit être une science du contexte historique, au niveau de l’institution, du rôle des acteurs en son sein et au sein de l’ensemble d’une collectivité. On ne peut pas penser la gestion de l’information sans le sens que donne l’histoire. Quand on passe au tamis les caractéristiques des diverses sciences de l’information, ce qu’il reste en propre aux archives et à l’archivistique, le plus essentiel, c’est le contexte.
Cette dimension était très présente dans nos discussions d’alors. Jacques Ducharme était féru de l’histoire de l’Université et de ses acteurs ; d’histoire tout court. J’ai eu notamment l’occasion de rencontrer avec lui Léon Lortie et Armand Frappier dans le cadre du programme d’histoire orale qu’il avait amorcé et auquel j’ai collaboré un temps. Son approche méthodique des acquisitions privilégiait une vraie communication avec les donateurs, de manière en faire ressortir toute l’information, tant le contexte qu’une vision de l’ensemble des activités des personnes et des organismes dont témoignent les documents d’archives.
Ce que j’y ai appris, je l’ai transmis dans les principes qui ont guidé, au départ, le développement de la collection du Centre canadien d’architecture en ce qui concerne les acquisitions de fonds d’architectes canadiens, québécois et montréalais surtout, entre 1980 et 1985. C’est aussi avec cette vision enracinée du programme d’archives privées pratiqué à l’Université de Montréal et à l’UQAM que je suis arrivé au Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa en 1987.
Les principes et critères que nous avons établis au cours des dernières années pour le développement de la collection en sont aussi les témoignages. Au CRCCF, où la collection de fonds d’archives privées couvre un tel nombre de domaines d’activités qu’elle se confond avec l’ensemble d’une collectivité, la connaissance de l’histoire du Canada français, du Québec et des collectivités francophones du Canada et de l’Amérique du Nord est une condition essentielle à ce que nous faisons.
Il s’agit d’un modèle assez unique en matière d’archives privées en milieu universitaire. Les archives sont l’un des volets d’activités de notre Centre de recherche. Il fonctionne en synergie avec la recherche, les publications et les autres activités de diffusion des savoirs. En 2006, sous le directorat de Jean-Pierre Wallot, cinq chantiers de recherche ont été définis en fonction d’axes forts du développement de la collection de fonds d’archives, avant et après les transformations identitaires et institutionnelles du tournant des années 1970, de Canada français aux francophonies ontariennes et canadiennes :
-
Littérature et théâtre ;
-
L’éducation en français ;
-
Institutions et associations de langue française au Canada et en Ontario ;
-
La langue franco-ontarienne ;
-
Francophonie et identité dans la région de la capitale nationale.
Depuis, ces chantiers ont accueilli plusieurs projets de recherche, certains émanant de chercheurs directement associés au CRCCF (comme Construction d’une mémoire française à Ottawa : savoirs communautaires et réseaux sociaux avec le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada) et d’autres résultant de partenariats avec des projets en cours (comme Les voix du français, de la sociolinguiste France Martineau, dans le cadre des Grands travaux de recherche concertés, auquel a également participé la DGDA de l’Université de Montréal). Ces chantiers de recherche orientent nos stratégies d’acquisitions et nos priorités de traitement.
Les enjeux et défis que posent la conservation et la mise en valeur des fonds d’archives privées demeurent : ils faisaient déjà le sel de nos discussions à la fin des années 1970, au SAUM, et ils ont conduit plus tard à l’harmonisation des politiques d’acquisition, notamment au sein du Groupe d’archivistes de la région de Montréal en 1982. Depuis, les questionnements sur le rôle social des organismes à l’égard de leurs propres archives à valeur de recherche permanente, le rééquilibrage entre les programmes consacrés aux archives institutionnelles et privées, les réflexions sur la centralisation et la régionalisation des archives, les définitions de l’importance locale, régionale et nationale, de l’intérêt des divers fonds d’archives, leur représentativité (et par rapport à quoi) et leur exemplarité, ont trouvé certains apaisements et certaines réponses. Mais plusieurs questions demeurent, notamment sur fond de défis constants en termes de ressources financières. La complexe réalité des archives, fidèle miroir de la complexité de l’humanité qui les crée, nous a appris que les solutions d’avenir se trouvent, en bonne partie du moins, dans les partenariats entre les créateurs, les conservateurs et les utilisateurs de cette mémoire documentaire, plutôt que dans le découpage des champs et juridictions, en apparence logique, mais inadapté à la nature particulière de notre objet, de plus en plus multiforme, sinon dématérialisé.
Quels modèles pour les collections de fonds d’archives privées aujourd’hui ? Dans ces années 1976-78, je me souviens avoir transporté avec Jacques Ducharme et Denis Plante, dans les dédales du pavillon principal de l’Université de Montréal, des fonds d’archives, manuscrits littéraires surtout, conservés jusqu’alors dans ce qu’on appelait le Trésor de la Bibliothèque (en fait une cage remplie de vieux classeurs rouillés au sous-sol). L’heure était à la centralisation des collections, dans les universités francophones en tous cas, portée, entre autres, par une profession qui s’affirmait : les archives seront mieux traitées dans un service d’archives que dans une bibliothèque sans archivistes, c’était vrai et, sans archivistes compétents, c’est toujours vrai. Mais, maintenant que des archivistes bien formés se retrouvent partout, il peut y avoir d’autres modèles que le modèle mixte « archives institutionnelles-archives privées » privilégié jusqu’à maintenant en milieu universitaire. Les collections de fonds d’archives privées au sein de centres de recherche, concentrant une forte masse critique de chercheurs, partageant des objets et des corpus complémentaires, peut en être un et des plus prometteurs ; je pense évidemment au CRCCF, mais aussi au partenariat entre les chercheurs du Centre Anne-Hébert et le Service des bibliothèques et des archives de l’Université de Sherbrooke qui conserve le fonds d’archives de la grande écrivaine. Les réflexions sur les archives privées poursuivies à l’Université de Montréal − je pense aux articles de Diane Baillargeon et à d’autres, entre 2004 et 2007 − gardent leur pertinence. Je nous lance l’invitation à poursuivre la réflexion et à produire d’autres études.
CONCLUSION
Ce que j’ai appris au SAUM est inestimable. J’ai fréquenté le Service encore bien des années après y avoir fait mes premières armes, toujours bien accueilli. Les amitiés professionnelles et personnelles que je m’y suis faites m’ont accompagné et, dans certains cas, sont toujours présentes. Certaines personnes ont été pour moi des mentors, à des moments décisifs de ma carrière ; outre Jacques Ducharme, je pense en particulier à Jean-Yves Rousseau. Les liens avec le milieu des archives de l’Université de Montréal dans mon parcours sont incontournables et parfois étonnants ! Je ne mentionnerai que les exemples des regrettés Jacques Grimard, professeur à l’EBSI, qui a commencé sa carrière d’archiviste au CRCCF en 1974, et Jean-Pierre Wallot, mon professeur d’histoire dans les années 1970 et mon directeur au CRCCF de 2001 à 2006. Ces deux personnalités qui ont marqué le milieu des archives au Canada et au Québec sont aussi étroitement liées à l’Université de Montréal.
Plusieurs autres collègues pourraient témoigner de l’impact de la DGDA à travers les activités qui y ont été menées ainsi que des personnes d’exception qu’elle a attirées au fil de ces 50 ans. Oui, les Archives de l’Université de Montréal furent pour moi une formidable école ! Un espace « épiphanique » dont je ne doute pas qu’il apporte de pareilles révélations pour bien d’autres, aujourd’hui et dans l’avenir.
Appendices
Notes
-
[1]
La fête de la St-Jean 1976 a réuni plus de 300 000 Québécois pour le spectacle « 1 fois 5 » sur le mont Royal. http://ici.radio-canada.ca/breve/59683/il-y-a-40-ans-spectacle-culte-etlaquo-1-fois-5-etr
-
[2]
Le pavillon principal est nommé Roger-Gaudry et la rallonge est connue sous le nom de pavillon Claire-McNicoll.