Book ReviewsComptes rendus de livres

Emilia Philippot et François Dareau (dir.), Picasso – Figures. Paris, Nashville et Québec, Musée national Picasso-Paris, Frist Art Museum de Nashville et Musée national des beaux-arts du Québec, 2021, 173 pages[Record]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Université d’Ottawa

Présentée en 2021 à Nashville puis à Québec au Musée national des beaux-arts du Québec, l’exposition Picasso – Figures convoque des perspectives éminemment anthropologiques axées sur la représentation de la femme, l’étude du genre, l’anthropologie du corps, mais aussi l’anthropologie de l’art, puisqu’à ses débuts, à l’aube du XXe siècle, l’artiste espagnol puisait une partie de son inspiration dans l’art primitif venu d’Afrique (p. 26). C’est la grande originalité de ce livre d’art richement illustré portant sur un artiste à propos duquel pratiquement tout (et son contraire) aurait été dit. Et pourtant, le mot « anthropologie » n’apparaît nulle part dans le texte. Ce même Musée national des beaux-arts du Québec avait déjà consacré une exposition mémorable autour des céramiques et poteries de Pablo Picasso (1881-1973), en 2004 (Bourassa et al. 2004). Le contenu de cette nouvelle exposition Picasso est phénoménal ; qui plus est, la manière inusitée de la présenter au grand public constitue également un phénomène sociologique : que de précautions pour présenter et contextualiser un artiste classé comme un apôtre du machisme et un misogyne ! Ces mises en garde n’avaient pas lieu autrefois. La réception (dans les quotidiens du Québec) de cette exposition Picasso mérite d’être brièvement rappelée, même si le catalogue n’y fait évidemment pas écho. Voici quelques citations éloquentes publiées au lendemain du vernissage : « Figures est une exposition comme on se doit d’en monter en 2021 », peut-on lire sur le site du quotidien La Presse (Clément 2021), ce qui ferait presque de cet évènement un fait social au sens durkheimien, dans la mesure où l’on met en évidence une contrainte, à savoir l’obligation de montrer les oeuvres tout en dénonçant leur créateur et ses excès. Au même moment, dans un article intitulé « La misogynie exposée » paru dans le Journal de Montréal, Cédric Bélanger (2021) s’interroge sur ce que le public et les critiques pourraient penser de ces oeuvres et du peintre : « Quand le Musée national des beaux-arts du Québec a su qu’il pourrait exposer 76 oeuvres du légendaire Pablo Picasso en exclusivité canadienne, l’euphorie a vite fait place au questionnement : comment présente-t-on, en 2021, des chefs-d’oeuvre créés par un artiste ouvertement misogyne ? ». Dans l’article du quotidien Le Devoir du 19 juin 2021, c’est la dimension woke (c’est-à-dire, moralement condamnable) qui est introduite dès le titre par Nicolas Mavrikakis (2021) : « Un Picasso à la fois machiste et woke au MNBAQ ». L’ouvrage se subdivise en six parties. D’emblée, les co-auteurs Emilia Philippot et François Dareau soutiennent que « Les débats féministes qui animent actuellement nos sociétés invitent à reconsidérer l’oeuvre de Picasso sous le prisme de ces nouvelles approches et sensibilités » (p. 18). Ainsi, le catalogue aborde la figure de l’androgyne chez Picasso, que « peu d’historiens de l’art » auraient étudié, sauf dans quelques thèses de doctorat, en anglais (p. 22). Différents exemples comme ces toiles du jeune Picasso montrant des arlequins féminisés sont expliqués (p. 24). En plus de présenter l’artiste, l’exposition consacrait un panneau biographique individuel pour chacune des principales compagnes de Picasso, en mettant en évidence leurs conflits, la violence, les traumatismes et la tragédie personnelle de chacune. Les oeuvres choisies ne se voulaient pas les plus emblématiques ou les plus célèbres du peintre ; ici, pas de « Demoiselles d’Avignon » ni de « Guernica », oeuvres évoquées mais non exposées pour cet évènement. L’angle retenu sera plutôt le corps et, en particulier, le portrait de la femme aimée : Fernande Olivier, Éva Gouel, Olga Khokhlova, Marie-Thérèse Walter, Dora Maar, Françoise Gilot et Jacqueline Roque, …

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