Notes de lecture

CHÉNETIER-ALEV, Marion, L’oralité dans le théâtre contemporain : Herbert Achternbusch, Pierre Guyotat, Valère Novarina, Jon Fosse, Daniel Danis, Sarah Kane, Saarbrücken, Allemagne, Éditions universitaires européennes, 2010, 576 p.[Record]

  • Marie-Christine Busque

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  • Marie-Christine Busque
    Université du Québec à Montréal

La réflexion à laquelle nous convie Marion Chénetier dans son livre L’oralité dans le théâtre contemporain ouvre une perspective nouvelle à l’égard du fait théâtral contemporain en posant le concept de l’oralité comme une voie possible de la réinvention du dramatique. Fruit d’une recherche doctorale poussée, la thèse de Chénetier éclaire des oeuvres dramatiques contemporaines s’inspirant d’une certaine poésie sonore et qui, en exploitant ouvertement la matérialité de la langue à la recherche d’autres vecteurs de signification, font écho à la crise du sens qui caractérise l’ère moderne. Dans son étude, l’auteure propose les notions de rythme et de sonorité, essentielles à l’appréhension de l’oralité dans les textes, pour affirmer la théâtralité même de la parole, et de fait, ancrer celle-ci de nouveau dans l’expérience sensible. Ainsi, ces « voix de l’écriture » que sont celles de Achternbusch, Guyotat, Novarina, Fosse, Danis et Kane se veulent toutes, sous la loupe de Chénetier, agissantes et performatives, et travaillent à faire du spectacle de la parole l’objet du drame. Par conséquent, le concept de l’oralité, tel que défini par l’auteure, conduit à l’idée d’une corporéité du texte. L’ouvrage de Marion Chénetier s’articule autour de trois grands chapitres qui envisagent la notion de l’oralité selon une approche théorique et méthodologique rigoureuse. Contrairement à la voix au théâtre qui a fait l’objet de nombreuses publications, l’oralité est un concept relativement récent qui demande dans un premier temps qu’on en délimite l’espace et les composantes spécifiques. L’étude s’ouvre donc sur un chapitre liminaire particulièrement dense où l’auteure se livre à un éclaircissement théorique du concept. Aussi, en admettant que la recherche sur l’oralité ne fait que commencer, Chénetier prend le parti de toujours préciser le sens des mots-clés qu’elle emploie tout en s’attachant à forger une définition souple du concept d’oralité. Sans prétendre faire le tour de la question, sa thèse constitue ainsi un apport important à la recherche en tentant de cerner ce concept et ses manifestations dans les oeuvres. Le projet ambitieux de Marion Chénetier n’est pourtant pas sans soulever quelques interrogations. De fait, le lecteur est placé devant un paradoxe. Le titre même de l’ouvrage, L’oralité dans le théâtre contemporain, présente une ambiguïté en cela que la chercheuse se propose d’étudier l’oralité non pas du point de vue de la représentation, mais bien de l’écriture. La nécessité de distinguer « oral » et « oralité » s’impose alors rapidement, ce à quoi s’emploie Chénetier en traçant la genèse de la notion d’oralité en plus de circonscrire d’autres concepts parfois très proches tels que la voix et le style. Elle remarque ainsi que parmi les différentes acceptions de l’oralité, le concept a migré de l’idée de prononcer à haute voix à une notion relevant plutôt d’une certaine manière de s’exprimer. L’auteure départage donc les deux termes en les opposant, chargeant le premier de désigner l’ensemble des productions de la voix et réservant le second au champ des manifestations écrites. Tout au long de son analyse, Chénetier emploiera les néologismes « oraliser » et « oralisation » pour témoigner du passage de l’écrit au dit. Ainsi mise à jour, la notion d’oralité ne se limite donc plus à la sphère de la bouche ou du « parlé » : En posant ceci, l’auteure affirme non seulement la matérialité du texte en mettant l’accent sur la dimension rythmique de la langue et sur la sonorité de la parole, mais évacue également la question de la voix en la distinguant complètement de la notion d’oralité. En effet, Chénetier soutient, et cela correspond à une de ses hypothèses principales, que l’oralité est ce qui vient pallier …

Appendices