Abstracts
Résumé
Dans cet article nous nous proposons de questionner la présence excessive de scènes de transgression dans les pièces de Pier Paolo Pasolini et de Rainer Werner Fassbinder. Il s’agit pour les deux auteurs de problématiser la notion de transgression — notion paradigmatique de la pratique théâtrale de la fin des années 1960 (Living Theatre, Théâtre Panique, etc.), sa puissance proprement théâtrale tout comme sa pertinence politique. Dans cette étude nous nous proposons ainsi de dégager les modalités dramaturgiques grâce auxquelles ces textes entreprennent un véritable effort de problématisation et de critique (et non pas de condamnation) de la notion de transgression.
Pour cela, il s’agit tout d’abord de comprendre la notion de trangression dans son rapport à l’économie du pouvoir. Cette dernière est, chez Fassbinder, explicitement répressive. La trangression, selon lui, participe en effet de la contestation de toute instance répressive qu’elle soit d’ordre institutionnelle, psychologique ou culturelle. Elle est une violence émancipatrice qui permet à la fois libération politique et libération sexuelle. Or c’est justement cette superposition des plans politique et libidinal qui constitue le lieu de la problématisation fassbinderienne de la transgression, puisque les stratégies dramaturgiques employées par l’auteur allemand nous montrent que la fable révolutionnaire trouve son origine dans la pulsion de mort.
La transgression prend place dans une autre économie du pouvoir chez Pasolini : elle est, selon le paratexte ou les déclarations des protagonistes de ses pièces, ce qui permet de défaire le processus d’uniformisation à l’oeuvre dans la société de consommation. La scène théâtrale devient alors le lieu de l’exposition de l’anormalité, où advient le sacré irréductible dans l’univers profane de la marchandise. Or la dimension sacrée de l’acte transgressif est problématique, au sens où elle témoigne de son inactualité et de la menace de formalisme qui pèse sur lui : il ne doit pas alors être montré scéniquement, il doit plutôt rester une puissance, une virtualité pour ne pas entrer à son tour dans le circuit de la consommation.
Abstract
This article intends to examine Rainer Werner Fassbinder's and Pier Paolo Pasolini's attempt of problematisation about the agency of transgression in performing arts, and the dramaturgic means the two playwrights use to that purpose. Even though Fassbinder's plays make transgression appear as an emancipatory violence against political as well psychological repressive authorities, their structure reveals that the revolutionary narration is intrinsically tied to the death drive. In others words, performing transgression means also performing destruction.
Transgression in Pasolini's political theatre takes part in resisting against the consumer society, since it defies contemporary standardization processes. Moreover, the sacred is explicitly involved in that action, because this one breaks up with the profane sphere of the society of affluence. Yet its scenic performance causes mainly a scandale which in fact only satisfies the audience's need to be offended. In this case, trangression is converted into theatrical formalism. That's why one must not perform trangression: in spite of its political strength it has to remain a pure virtuality.
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