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À Judith que j’admire pour son courage de questionner sa race afin d’y trouver des obstacles qui obstruent son chemin.

Gérard Étienne, 23 octobre 2004[1]

Quand on vient d’un pays comme le Rwanda, mon bercail, où des gens de la même couleur et qui partagent tout : langue, culture, histoire ancestrale, gênes, et j’en passe, commettent des atrocités comme un génocide et des massacres non pas contre des peuples étrangers, mais contre les leurs pour ne pas dire leurs congénères, il est difficile de ne pas se poser des questions sur soi-même et sur les siens. C’est ainsi qu’en cherchant à faire sens de l’indicible qui a frappé mon pays en 1994, j’ai commencé à m’intéresser de façon particulière aux textes dans lesquels il est question de la politique africaine et du comportement des Noirs. Cette quête a pris un tournant décisif quand j’ai rencontré pour la première fois Natania, l’épouse de Gérard Étienne. Après une intervention qui ne portait pas sur l’oeuvre du regretté écrivain haïtien, mais qui s’interrogeait sur le traitement que les autorités noires infligent à leurs peuples ainsi que les crimes que les Noirs commettent contre d’autres Noirs, elle est venue me parler et m’a conseillé d’étudier l’oeuvre de son mari me disant que j’allais y trouver des réponses. L’instant d’après, j’ai acheté Le nègre crucifié, oeuvre sur laquelle a porté ma communication à une conférence en 2004, deux ans après le conseil de Natania Étienne. L’année 2004 marquait le dixième anniversaire du génocide des Tutsis et des massacres perpétrés contre des Hutus au Rwanda en 1994. L’émotion que je ressentais alors, mêlée à l’horreur que m’avait inspiré le travail d’analyse du roman du supplicié de Duvalier, me prenait à la gorge et dans mon intervention, je cherchais à prouver que peut-être nous, les Noirs, méritions parfois que l’on nous appelle du mot dévalorisant, insultant et déshumanisant de nègre. À la fin de ma présentation, comme s’il ressentait ma détresse et ma rage, Gérard Étienne, qui était présent, est venu me dire qu’il comprenait et m’a encouragée à continuer à questionner notre peuple, notre race. C’est à la suite de cette conversation que les propos mis en exergue de la présente étude se sont retrouvés dans un exemplaire du texte Le bacoulou, que j’avais acheté sur place ce jour-là. Mais si j’ai tenu à reproduire sa dédicace, c’est parce que les raisons pour lesquelles il a déclaré m’admirer sont les mêmes qui ont suscité mon intérêt pour ses romans : Le nègre crucifié d’abord et par la suite, Un ambassadeur macoute à Montréal, La romance en do mineur de Maître Clo,Le bacoulou et Au bord de la falaise. Dans chacun de ses romans, Étienne fait le portrait de personnages noirs aux comportements divers. Alors que certains sont décrits comme des êtres exemplaires qui luttent pour le bien-être et la transformation de leurs communautés, d’autres en revanche incarnent plusieurs des connotations injurieuses du mot devenu tabou et ont été qualifiés de « nègres-nègres » (Étienne, 1998 : 61) par le dissident haïtien. Ce constat fait, j’ai été convaincue que l’étude des oeuvres d’Étienne pourrait me procurer des réponses aux questions que je me posais au sujet de ma race. Les romans du corpus de la présente étude ont fait germer dans mon esprit cette question : comment du noir, qui était seulement une couleur avant les préjugés de race[2], on est arrivé au mot « nègre », avec toutes les connotations négatives qu’on lui connaît[3] ? Quelles sortes de personnes noires Étienne présente-t-il comme des modèles à suivre et quelle catégorie de Noirs considère-t-il comme étant l’incarnation de l’injure déshumanisante ? Comme ceux qu’il critique sont nombreux et se présentent sous divers aspects, j’ai essayé de les regrouper en trois catégories établies selon les récits narrés dans les textes susmentionnés :

  1. Le Noir qui maltraite ses semblables (les tortionnaires, les sanguinaires, les génocidaires, les maris qui maltraitent leur épouse, les pères cruels, etc.).

  2. Le Noir qui choisit de ne rien faire devant le mal (les peuples zombis).

  3. Le Noir dont le comportement avilit l’image de toute la race. Celui-ci se présente sous des formes multiples : « bacouloutisme », parasitisme, adhésion à des croyances malsaines[4], comportement hautain des personnes noires éduquées qui, parce qu’elles croient qu’elles sont supérieures aux autres, se considèrent comme appartenant à une autre race[5], etc.

Si, la plupart du temps, la pensée d’Étienne oscille entre les deux postulats évoqués plus haut, force est de reconnaître qu’il y a des instances où il n’est pas facile de se prononcer sur l’intention de certaines de ses remarques au sujet des Noirs. On se demande alors s’il est en train de les défendre ou de les critiquer. Tels sont quelques axes de réflexion que je vais essayer d’explorer dans les lignes qui suivent.

D’emblée, je voudrais expliquer pourquoi j’ai retenu pour cette étude les romans que j’ai cités plus haut. À mon avis, dans ces cinq oeuvres, l’auteur a le courage de mettre en question son pays et sa race en dénonçant la corruption et les crimes perpétrés par les autorités haïtiennes contre leur peuple et en critiquant certaines pratiques culturelles courantes. Cela a été bien résumé dans l’article « Archéologie du politique dans l’oeuvre de Gérard Étienne », d’Ibrahim Ouattara, qui a écrit au sujet du roman Le nègre crucifié :

[C’est] un texte politique qui décrit les violences et les exactions monstrueuses commises à l’encontre des opposants politiques, qui critique l’impérialisme américain et le support qu’il a apporté à un régime politique inhumain ; qui stigmatise les conditions d’existence des masses populaires, les traitements indignes infligés aux enfants, etc.

2003 : 123

Étienne, ayant été lui-même victime des politiciens haïtiens, n’a eu de cesse de clamer, avec rage et indignation, son ressentiment à leur égard. D’après les propos de Mark W. Andrews :

Transformé par son expérience de l’injustice, Gérard Étienne en serait devenu un témoin acharné dont la parole violente, trop imprégnée d’atrocités vécues, troublerait la sérénité belle-lettriste de ses lecteurs distingués, peu habitués à ces sortes d’emportement

2003 : 25

Les « lecteurs distingués » me rappellent l’autre acte audacieux du dissident haïtien, le fait qu’il n’a pas hésité à s’attaquer à l’intelligentsia noire qui, une fois arrivée en haut de l’échelle sociale, se met à renier sa race et à se couvrir de ce « masque blanc » dépeint par Frantz Fanon dans son oeuvre Peau noire, masques blancs. Le roman Au bord de la falaise en présente un exemple intéressant avec le protagoniste de Dany T., ce médecin qu’Étienne qualifie de « guérisseur », le rabaissant et le ramenant ainsi à un niveau inférieur, celui d’une personne qui n’est pas digne de porter le titre de médecin. L’autre fait que l’on ne pourrait passer sous silence est le regard désapprobateur qu’il porte sur le vaudou, pourtant la religion officielle en Haïti[6]. À ce sujet, Amy J. Ransom, dans son article « Ce zombi égaré est-il un Haïtien ou un Québécois ? Le vaudou chez les écrivains haïtiano-québécois », a remarqué : « Dans les autofictions de Gérard Étienne, “les vaudouisants et les bocors [sorciers vaudou]” sont carrément les duvaliéristes et les tontons macoutes contre lesquels luttait le protagoniste du Nègre crucifié, un “révolutionnaire” » (2009 : 67). À ce sujet, Yves Chemla a noté : « À la différence des indigénistes, pour le narrateur du roman Le Nègre crucifié, le vaudou n’est jamais considéré comme la pratique religieuse permettant de retrouver l’unité du pays » (2003 : 61).

L’univers romanesque d’Étienne m’interpelle du fait qu’il est constitué de personnages et de thèmes qui me rappellent certains faits quotidiens du monde noir réel. Peut-on nier l’existence, encore actuelle, de ceux que l’auteur haïtien appelle les politiciens vaudouisants, la masse populaire zombifiée, les intellectuels qui se dénigrent ou se censurent parce qu’ils ont peur de choquer « la sérénité belle-lettriste de [leurs] lecteurs distingués », pour reprendre les propos de Mark W. Andrews ? (2003 : 25) Il n’y a qu’à prêter attention aujourd’hui à ce qui se passe en Haïti, ou entre la République démocratique du Congo et le M23[7] (Mouvement du 23 mars) dont on soupçonne les liens avec le Rwanda, pour se rendre compte que l’univers romanesque d’Étienne n’a pas perdu de sa pertinence. Il continue aussi de m’interpeller parce que je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi Étienne et bien d’autres écrivains de race noire ont tant employé le vocable « nègre » pour désigner certains de leurs personnages romanesques noirs. Ce terme tant employé par les auteurs négro-africains[8], mais qui demeure jusqu’à présent la pire insulte qui puisse être adressée à une personne de couleur noire[9], a été abondamment, voire exagérément utilisé par Étienne dans les oeuvres qui précèdent la parution de son roman Au bord de la falaise[10]. Et quoique le mot injuriant n’apparaisse pas dans ce dernier texte, l’invective d’Étienne contre les peuples noirs n’y manque pas.

C’est donc à cause de l’usage si fréquent de cette insulte dégradante adressée aux Noirs dans ses romans que j’ai voulu commencer cette étude en essayant de répondre à la question suivante :

« Engueuler » et « insulter » : Gérard Étienne défenseur et détracteur de son peuple ?

Dans un témoignage confié à Jean Jonassaint, Étienne affirme que lorsqu’il a écrit Le nègre crucifié, son premier roman, il y avait en lui la volonté d’engueuler le public haïtien, pire encore, de l’insulter[11]. Ces termes « engueuler » et « insulter » qu’il a choisis pour exprimer la colère qu’il ressentait à ce moment-là m’ont semblé significatifs. À ce sujet, observons les propos qu’Étienne a confiés à Jean Jonassaint :

Le Nègre crucifié (mon premier roman), il est évident qu’en l’écrivant mon public cible était le milieu haïtien : il y avait chez moi une volonté, qui faisait partie de ce projet-là, d’engueuler pour la première fois ce public. Le mot est peut-être fort, mais je voulais « insulter » le public haïtien, à aucun moment je n’ai pensé à d’autres publics

Jonassaint, 1986 : 61

Il faut nuancer l’emploi des verbes « engueuler » ou « insulter » : il y a dans l’idée d’engueuler une sorte de relation particulière ou affective, qu’elle soit professionnelle, amicale ou familiale, entre celui qui engueule et celui qui est engueulé. L’un des synonymes d’engueuler est « réprimander », or quand on réprimande quelqu’un, on le fait généralement dans le but de le mener ou de le ramener dans le droit chemin. En revanche, dans le terme « insulter », il n’y a pas dans son sens cette nuance de relation particulière ou d’affection sous-entendue que l’on trouve dans les verbes « engueuler » ou « réprimander ». La relation affective présente dans le désir de corriger et de ramener quelqu’un dans le droit chemin renvoient à l’idée que l’on n’est pas contre la personne à laquelle on fait des remontrances, alors qu’insulter quelqu’un suppose que l’on est contre cette personne, car l’intention derrière l’insulte est de blesser celui ou celle qu’on injurie.

Pensée positive pour les Noirs ?

Quoique les textes d’Étienne analysés ici mettent au centre du récit des personnages principaux qui sont des êtres malveillants (hormis celui du roman Le nègre crucifié), ils ne sont pas moins dépourvus de portraits de femmes et d’hommes noirs intègres, qui combattent pour le salut de leurs frères et soeurs de race. On y trouve principalement des passages qui évoquent le courage de la communauté haïtienne qui, au terme de chaque récit, vient en aide aux victimes de l’oppresseur, mais aussi des personnages qui, même quand ils ne viennent pas au secours de la victime, lui servent de soutien moral, tel le vieux sage dans Le nègre crucifié, roman dans lequel il y a pourtant une absence quasi totale d’aide au supplicié. Le crucifié n’a autour de lui que d’autres malheureux morts-morts ou morts-vivants, réduits à l’impuissance par la terreur et la tyrannie qui pèsent sur eux. Tandis que la communauté, dans d’autres textes, vient en aide à celui qui est victime d’agression, dans Le nègre crucifié, elle n’est qu’un peuple sans courage, un peuple zombi en proie à l’oppression de ses dirigeants. Cependant, même dans ce roman où l’espoir paraît dérisoire, tout n’est pas perdu. En effet, le héros en révolte contre ses tortionnaires ou la tentative du peuple d’enlever le fils du président (Étienne, 1989 : 74) sont des signes positifs. L’évocation des noms de personnes réelles, telles que Jacques Stephen Alexis (Ibid. : 89), Serge Alfred, Justin Léon (Ibid. : 137), tous les trois assassinés, et Lucien Lemoine, exilé (Ibid. : 139), témoigne aussi de l’admiration qu’éprouve Étienne pour ses compatriotes qui ont lutté pour la transformation de leur pays. Un léger espoir se trouve aussi évoqué dans des passages comme ceux-ci :

  1. Parmi les prisonniers, il y a des intellectuels. Il y a Jacques Stephen Alexis. Que son âme rejoigne celle de Marx. Il y a des poètes, des cordonniers, des menuisiers, des personnes qui font du syndicalisme. Il y a des paysans qui entendent parler de politique pour la première fois. Il y a des voleurs de grand chemin. Il y a aussi des lieutenants qui craignent de parler aux prisonniers (Ibid. : 89).

  2. Un officier de la garde du président s’arrête à deux mètres de ma croix. Il y a dans son regard de la haine et de la pitié… (Ibid. : 144).

  3. À certains moments, on dirait qu’ils ont pitié de moi, ces sans aveu de nègres-macoutes, qu’ils ne sont pas d’accord avec la décision de leur chef (Ibid.).

Toutes ces citations témoignent de l’espoir que l’auteur entretient pour Haïti, malgré la colère et le désespoir qui caractérisent son récit. La première citation mentionne le nom de Jacques Stephen Alexis, qui, selon les propos susmentionnés, est un être que le narrateur apprécie manifestement. On peut s’en rendre compte dans la prière qu’il fait pour l’âme de celui qui revient plusieurs fois dans l’oeuvre d’Étienne : « Que son âme rejoigne celle de Marx ». En plus des personnes renommées pour leur bravoure, l’auteur a tenu à montrer que toutes les couches de la population haïtienne étaient représentées dans les prisons du régime tortionnaire. S’il n’a pas donné les raisons pour lesquelles poètes, cordonniers et menuisiers étaient incarcérés, on peut deviner tout au moins que les « personnes qui font du syndicalisme » sont en prison parce qu’elles ont milité contre le régime sanguinaire. Quant aux voleurs de grand chemin, ils rappellent le légendaire Robin des Bois, qui volait aux riches pour redonner aux pauvres. La dernière phrase de la première citation est confirmée dans les passages 2 et 3 qui reviennent sur l’idée que même parmi les soldats du régime tortionnaire, il y en avait dont le coeur n’était pas tout à fait éteint. Ils manifestent un semblant de compassion pour les prisonniers et leur regard laisse deviner une vague désapprobation à l’égard des actes de leur gouvernement. Ainsi, même dans un récit aussi sombre que celui du Nègre crucifié, où le narrateur homodiégétique n’exprime que des pensées négatives sur le pays et la nation qui l’ont abandonné, le regard positif posé sur certains compatriotes communique à la fin du roman une note d’espoir : « Une dernière fois, je regarde le ciel. JE N’AI JAMAIS VU AUTANT D’ÉTOILES DANS MA VIE[12] » (Ibid. : 154).

Après Le nègre crucifié, roman qui est né de la rage ressentie contre un gouvernement tortionnaire et un peuple qui, au lieu de se solidariser contre la tyrannie de ses dirigeants, a sombré dans l’inertie, Étienne a écrit d’autres textes dans lesquels il a exprimé des pensées favorables ou défavorables à l’égard des Noirs. J’ai retenu pour mon étude Unambassadeur macoute à Montréal, Au bord de la falaise qui est une réécriture de La femme muette, Le bacoulou et La romance en do mineur de Maître Clo. Chacun de ces ouvrages contient une trame narrative construite autour d’un personnage noir auquel l’auteur adresse une série de reproches. Mais comme dans Le nègre crucifié, des cas particuliers de Noirs courageux sont évoqués, qui témoignent non seulement de l’espoir que le dissident haïtien place dans son peuple, mais aussi de son admiration pour le courage de ceux qui osent lutter contre toute forme d’injustice et contre toutes les forces du mal. C’est le cas d’Alexis (Un ambassadeur macoute à Montréal), d’Adrienne, de Richard Beausoleil (La romance en do mineur de Maître Clo) ainsi que de la communauté haïtienne dans les quatre romans susmentionnés.

Le personnage d’Alexis, dont le nom a sans doute été choisi délibérément pour rappeler celui de Jacques Stephen Alexis, l’être réel et non juste un personnage romanesque, est au centre du récit d’Un ambassadeur macouteà Montréal. Alexis, représentant des « nègres sans titre, des nègres paysans, des nègres travailleurs saisonniers, porteurs de rage… » (Étienne, 2011 : 47), est celui qui, aidé par ceux que le narrateur appelle des petits Blancs, cause la chute de l’ambassadeur macoute et de ses acolytes. On se souvient de la prière que le narrateur du Nègre crucifié prononce pour l’âme de Jacques Stephen Alexis en lui souhaitant de rejoindre celle de Marx. Alexis, dans Un ambassadeur macoute à Montréal, est aussi marxiste que son homonyme dans la vie réelle. Christiane Ndiaye a bien montré l’importance de Jacques Stephen Alexis dans l’oeuvre d’Étienne :

Notons […] que l’intertexte qui semble peser le plus lourdement sur les romans d’Étienne est celui de Jacques Stephen Alexis. Il s’inscrit non seulement par des allusions directes au « général soleil » (Ambassadeur, 204), par exemple, et à l’écrivain lui-même (Pacotille, 185, 191, 212), mais dans le nom même du personnage principal d’un Ambassadeur macoute à Montréal. Alexis Accius est, en quelque sorte, « prédestiné » (par son nom) à accomplir des actes hors du commun : « il n’a pas de choix » autre que de tuer l’ambassadeur macoute pour venger, symboliquement, la mort « du martyr entre tous, l’ami, le guide, Jacques Stephen Alexis » (Pacotille, 171)

2003 : 73

En plus du grand défenseur des petits, Jacques Stephen Alexis, d’autres personnages noirs sont représentés de façon positive par l’écrivain dissident dans les oeuvres de notre corpus. On peut citer, à titre d’exemple, la communauté haïtienne de Montréal qui, pour porter secours à la protagoniste du roman, s’est solidarisée et est devenue un groupe homogène. C’est en raison de cette unité inébranlable qu’elle peut être considérée comme un « personnage » à part entière. La protagoniste à laquelle cette communauté est venue en aide est Anna dans Au bord de la falaise. Anna est une femme noire maltraitée et séquestrée au domicile conjugal par son mari qu’elle a aidé à monter dans l’échelle sociale. Le conjoint ingrat, une fois sa réussite assurée, au lieu de traiter son épouse et compatriote avec égard et reconnaissance, s’est fait passer pour un célibataire dans le but de conquérir l’amour d’une femme blanche dont il espérait intégrer la famille. Un cas semblable est dépeint dans la nouvelle Le bacoulou, mais les pourparlers dans la communauté n’aboutissent pas à la décision de se liguer contre le malfrat et de le dénoncer sur la place publique, en dehors du cercle restreint des Haïtiens, car un acte pareil ferait ombrage au « bacouloutisme » historique haïtien (Étienne, 1998 : 33). Voici la manière dont le narrateur de la nouvelle Le bacoulou explique et défend « le bacouloutisme » historique :

Je n’ai moi aucun problème avec le bacouloutisme qui est à l’origine de notre histoire en tant que peuple. J’y vois même un trait de génie. Il fallait le faire : imiter la signature d’un maître blanc pour fuir les habitations où l’on se faisait fouetter, couper les oreilles, les doigts, les jambes, au moindre écart de conduite. Il fallait le faire : écrire des documents alors qu’on vous croyait bête, idiot, même pas monolingue. Il fallait le faire : se réfugier dans les montagnes à peine débarqué dans l’enfer de Saint-Domingue, alors qu’on ne connaissait pas la géographie du pays, qu’on ne connaissait pas la langue des bandes qui empêchaient les propriétaires d’esclaves de dormir en brûlant leurs plantations, en foutant le poison dans leurs puits d’eau. C’était ça, tonnerre de Dieu, le bacouloutisme

Ibid. : 32-33

Ce « bacouloutisme » historique est différent de celui qui est pratiqué par Serge Lespérance, le mythomane sans vergogne de la nouvelle Le bacoulou. Quoique ce personnage aux « mensonges éhontés » (Ibid. : 31) soit critiqué par les membres de sa communauté, ces derniers ne peuvent se résoudre à le dénoncer publiquement, car cela causerait des ennuis à la diaspora haïtienne. De plus, d’après les membres de cette communauté, Marlène Samedi, l’épouse de Serge Lespérance, le bacoulou en question, ne mérite pas la protection de ses compatriotes. Cette dernière fait plutôt partie des Noirs qui sont décrits négativement par Étienne. Marlène Samedi est donc écartée du tableau positif qu’Étienne a peint des femmes haïtiennes pour se retrouver classée, non pas parmi les malfrats, mais parmi les Noirs critiqués pour le reniement et le dénigrement de leur race. Bien qu’elle soit mariée à un homme qui vit à ses dépens, elle n’est pas admirée comme Anna, l’héroïne d’Au bord de la falaise, ou Adrienne, de La romance en do mineur de Maître Clo. Anna est une héroïne, car grâce à son travail difficile et à ses sacrifices, elle a permis à son mari de réussir, alors que ce dernier, en guise de remerciement, est devenu son tortionnaire. Quant à Adrienne, la couronne d’honneur lui revient pour les mêmes raisons qu’Anna, excepté que ce n’est pas de son mari dont elle s’occupe, mais de son frère. Il y a d’autres figures emblématiques dont Étienne offre une représentation positive, comme Tony Sévère, l’enseignant modèle et intransigeant dont il est question dans Le bacoulou, Richard Beausoleil, dans La romance en domineur de Maître Clo, qui lutte pour que la communauté ne rapporte pas les méfaits d’un des leurs à la police ou aux agents de l’immigration.

À côté de ces Noirs, Étienne décrit une autre catégorie de personnages, qu’il appelle les « nègres-nègres ». On comprend qu’il ne pouvait y avoir d’autres motifs que l’insulte dans ce double emploi du mot « nègre ». C’est à cet usage emphatique que fait sans doute référence Joël Des Rosiers quand il dit : « “Nègre” dans l’oeuvre de Gérard Étienne loin de briller comme un soleil, le mot tonne comme une malédiction. » (1996 : 33) Parmi ceux que l’écrivain révolutionnaire[13] a nommés les « nègres-nègres » et les « nègres-mulâtres » (Étienne, 1998 : 61) peuvent être classés les dirigeants noirs criminels et corrompus comme Duvalier[14] et ses tontons macoutes, les bacoulous comme Serge Lespérance ou les menteurs en tous genres, les guérisseurs comme Dany T. (Au bord de la falaise), les Noirs intellectuels dont l’unique préoccupation est le succès ainsi que les Noirs bourgeois qui renient et dénigrent leur race. Tels sont les types de Noirs, me semble-t-il, contre lesquels Étienne s’est érigé dans ses textes littéraires.

Ceux pour qui est clamé le cri de honte, le désaveu

Revenons un peu sur ce que j’ai dit dans l’introduction au sujet des raisons qui m’ont poussée au départ à étudier les oeuvres d’Étienne. Parmi ces raisons se trouve la question suivante : comment du noir, qui était seulement une couleur avant les préjugés de race, on est arrivé au mot « nègre » avec toutes les connotations négatives qu’on lui connaît [15]? Les chercheurs, tels que Frank Snowden, Léon-François Hoffmann, Sylvie Chalaye, pour n’en citer que quelques-uns, qui ont étudié l’évolution de l’image du Noir dans la littérature et dans les sociétés occidentales, montrent généralement des causes exogènes aux communautés des Noirs. Ce n’est pas le cas chez Étienne dont l’oeuvre romanesque semble suggérer que les raisons derrière l’image négative des Noirs peuvent également être endogènes, c’est-à-dire que les causes de cette négativité proviennent aussi des communautés noires, et non pas toujours de l’extérieur. Il est vrai qu’il a dénoncé l’ingérence des pays occidentaux, tels que la France, le Canada et les États-Unis[16], dans les affaires politiques d’Haïti, mais sa plus grande préoccupation est indéniablement le mal que les Noirs font aux autres Noirs. Il a également beaucoup insisté sur certains comportements et certaines actions de ces derniers. À ce sujet, des exemples de Noirs qui maltraitent leurs semblables, qui les renient ou les dénigrent devant des humains d’autres couleurs, notamment les Blancs, abondent dans ses textes. Son premier roman, Le nègre crucifié, dans lequel il dénonce la tyrannie du régime de Duvalier qui l’a torturé, mais aussi où il témoigne de sa déception à l’égard du peuple haïtien qui est resté inactif devant une telle injustice, reste l’exemple le plus éminent. J’ai montré dans mon article, intitulé « Gérard Étienne : du cri de rage à la sérénité esthétique » (Sinanga-Ohlmann, 2011 : 224-238), que de ses premiers textes à ceux écrits plus tard dans sa vie, le langage de l’auteur haïtien s’est adouci. Force est de reconnaître cependant que du point de vue thématique, les Noirs dont le comportement avilit la réputation de toute la race n’ont cessé d’être une préoccupation pour Étienne. Ainsi, on constate des variantes dans les thèmes des oeuvres de notre corpus dont la date de publication va pourtant de 1974 (Le nègre crucifié) à 2008 (Monsieur le président). Ce sont ces variantes thématiques que je voudrais maintenant aborder en me fondant sur les trois catégories de comportement énumérées dans l’introduction.

Le Noir qui maltraite ses semblables, le Noir zombi, le Noir délinquant

Les récits narrés dans Le nègre crucifié et Au bord de la falaise nous offrent des exemples de l’ampleur de la cruauté que les Noirs sont capables d’infliger aux autres Noirs. Le nègre crucifié est le témoignage de la torture que le narrateur, qui est aussi l’auteur de cette autofiction, a subi de la part de son gouvernement. Il y dénonce également la cruauté de son propre père à son égard ainsi que la complicité de ses compatriotes qui, par peur d’être appréhendés, ont choisi de sauver leur peau en gardant le silence. C’est pour cette raison qu’ils sont qualifiés de peuple zombi. Comme l’a confirmé Amy J. Ransom,

[d]ans l’écriture migrante de la diaspora haïtienne, cette expérience du pays natal comme invivable et de l’exil comme paradoxe se traduit par excellence dans la figure du zombi. […], le zombi est devenu l’emblème des maux haïtiens et des références à la zombification semblent être incontournables dans un texte littéraire qui veut afficher son haïtienneté. […] la forte présence du vaudou et celle du zombi comme métaphore de l’Haïtien aliéné, contraint à vivre une vie qui n’est pas une vie, mais plutôt une mort-vivante sous l’oppression duvaliériste

2009 : 66

Si, dans Le nègre crucifié, le peuple haïtien correspond à cette figure de zombi définie par Ransom, les romans postérieurs à cette oeuvre montrent plutôt une communauté haïtienne qui essaie de se solidariser et se liguer contre un individu, homme ou femme, dont le comportement pourrait ternir son image. À ce sujet, on peut citer comme exemples les passages suivants :

Anna serre les dents. […] Elle aurait tant de choses à dire à Véronique. Elle lui parlerait des heures durant de son mari. Ses parents ont vendu leurs biens pour permettre au jeune homme d’aller poursuivre des études aux États-Unis. Elle y a travaillé pendant dix ans dans des manufactures pour payer le logement, les études de monsieur, la nourriture, même ses vacances. Tout s’est gâté lorsque le guérisseur a reçu les résultats de l’examen qui lui donnait le droit d’exercer son métier en Amérique

Étienne, 2004 : 47

[…] C’est une vieille histoire vous savez, l’histoire des Noires qui se sont fendues en quatre pour nourrir leur homme, l’histoire des Noires méprisées qu’on laisse se vautrer dans la saleté, dans l’odeur fétide des immondices dans une maison, pendant qu’on court la galipote. Les Noirs de mon pays n’ont pas de mémoire, vous savez. Leur crétinisme nous fait reculer tous les jours, au lieu d’avancer. Dieu seul sait les sacrifices qu’elle s’était imposée pour faire réussir son homme

Ibid. : 91

Même s’il s’agit dans ce passage de Dany T., le médecin qui inflige un traitement cruel à son épouse, on y voit une sorte de généralisation qui englobe d’autres Noirs quand le narrateur dit : « Les Noirs de mon pays ». Il ne s’agit plus d’une seule personne, mais de bien d’autres aussi. En apprenant le traitement cruel du médecin envers son épouse, la communauté haïtienne a manifesté sa désapprobation en se soulevant contre lui. Ce médecin, ou plutôt ce « guérisseur » comme on le désigne dans le roman, cause un autre scandale en livrant sa communauté à une police raciste, ainsi qu’on peut le lire dans le passage suivant, qui rappelle le slogan tant entendu en 2017 « Black Lives Matter » :

À peine installée devant le château du grand Maître, la communauté antillaise s’est vue chargée par la police. Bousculées, giflées, maltraitées, les femmes de la communauté. Marie-José Le Breton circule. À moitié nue. Sa robe déchirée par un agent. Anne Étienne, bien qu’elle ait perdu connaissance, s’est vue lancée dans la fourgonnette. Personne n’a échappé à la rafle. On eût dit une ville assiégée, ce quartier d’Outremont réputé pour son calme. Malgré les cris de protestation, les plaintes, les chansons populaires accompagnées de prières aux dieux de la race, les policiers se sont montrés sans pitié. Sans pitié pour madame Renée Hyppolite qui, souffrant de rhumatisme, est sortie dans le froid pour marcher à côté de sa fille Rosie. Sans pitié non plus pour Henriette Saint-Marc[17]. Saisie au cou par un policier, elle dit, d’une voix faible, qu’elle vient de subir une opération à la gorge. Les proches voisins de Dany T. assistent en souriant à l’agression de la police

Ibid. : 145-146

C’est aussi dans ce roman qu’un rappel nous est fait au sujet du génocide et des massacres survenus au Rwanda, que l’auteur résume en une phrase terrifiante afin de faire comprendre au lecteur à quel degré d’inhumanité sont descendus les Noirs qui ont perpétré ces crimes : « Au Rwanda, telle une bête, le Noir éventrait des cadavres. » (Ibid. : 104)

Étienne n’a pas reproché aux Noirs que leur cruauté envers leurs semblables, mais aussi certains comportements jugés égoïstes et dégradants. Il est donc aussi contre les comportements des Noirs qui ternissent la réputation de leur race. Ceux-ci se présentent sous plusieurs formes dont le « bacouloutisme », le parasitisme, l’incapacité à mettre son éducation et son intelligence au service de sa communauté ou, encore, l’adhésion au vaudou, qui est décrit comme une religion malsaine.

Comportements qui avilissent l’image des Noirs

Cette thématique est présente dans tous les textes du corpus, notamment Le bacoulou dont l’objectif principal semble avoir été de mettre en garde ceux qui, par leur comportement, avilissent l’image de toute la race. Le « bacouloutisme », qui est vu de façon positive dans l’histoire haïtienne, constitue, dans le cas de Serge Lespérance, héros ou, devrais-je dire, malfrat dans la nouvelle Le bacoulou, une trahison totale de la race noire, car l’attitude dégradante de ce personnage a un effet négatif sur toute la communauté noire[18]. Il en est de même du cas de L’ambassadeur macoute à Montréal et de Maître Clo dans La romance en do mineur de Maître Clo. Par son incapacité à s’intégrer dans sa communauté d’accueil et à oublier son ego en acceptant un emploi qui devait lui permettre de venir en aide à sa soeur Adrienne, Maître Clo est peint comme un être parasite. La critique du parasitisme a été également mise en évidence dans le roman Au bord de la falaise. Ces propos concernant Dany T. en témoignent :

Il a tout fait pour fréquenter d’autres personnes, oublier les gens de son pays qui lui rappellent la misère, la promiscuité, la mendicité, les faux liens de parenté. Ce milieu le poursuit. De même l’accable un trait typique de l’Antillais contraire à la logique de la propriété privée, cet instinct qui fait qu’un parent, un ami, une connaissance éloignée se croit propriétaire de vos biens, cette espèce de sans-gêne à compter toujours sur les autres

Étienne, 2004 : 122

Une critique semblable peut être lue dans La romance en do mineur de Maître Clo :

« C’est commode dans le pays, pense-t-il, ce type de relation familiale. » Au moment où l’on ne s’y attend pas, se pointent devant votre porte des individus venus on ne sait d’où. Des crabes collés les uns aux autres, des couleuvres formant une masse maudite, putréfiée, voilà, selon lui, la matrice de la famille haïtienne où chaque membre dépend d’un autre pour des besoins élémentaires. […] Voilà qui complique, d’après lui, la question politique en Haïti. […] l’impossibilité de séparer l’ivraie du bon grain, les loups-garous des créatures du bon Dieu, les cochons des brebis innocentes

Étienne, 2000 : 14

Il faut cependant remarquer que ces deux critiques sont formulées par des personnages de fiction qui sont des intellectuels. Ces derniers, ainsi que je l’ai évoqué, sont présentés comme des êtres qui croient appartenir à une race supérieure, d’où leur critique d’un fait culturel valorisé tel que la solidarité familiale. Le but d’Étienne, dans ce cas-ci, était-il de rendre ridicule leur comportement hautain, ou sa critique du parasitisme[19] était-elle aussi fondée sur ce qu’il a observé dans la réalité, comme pour sa dénonciation des dirigeants criminels et corrompus dans Le nègre crucifié et Un ambassadeur macoute à Montréal ? En d’autres mots, l’écrivain haïtien s’en prend-il aux nantis hautains ou à ceux qui pratiquent le parasitisme ? Pensons aussi aux passages où il évoque des immigrants qui mystifient le juge avec leurs mensonges (Étienne, 2004 : 104). C’est dans de telles occasions qu’il est difficile de savoir si Étienne défend ou condamne les personnages mis en scène. Dans ces cas, son attitude envers les Noirs m’a paru contradictoire. En effet, que dire des remarques qui pourtant ne contredisent pas des faits réels comme les atrocités survenues au Rwanda en 1994 (Ibid.), mais qui, dans la fiction, sont faites par des protagonistes douteux, comme Dany T. ou Maître Clo dans les passages cités ci-dessus ? Que dire des propos que l’auteur attribue à un personnage qui semble raciste, tel que maître Nicholson lors d’une conversation avec Dany T. ? Voici le discours tenu par ce dernier :

À vous dire franchement, lance Nicholson, je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer d’homme de votre race. Le centre-ville de Toronto est devenu un bidonville avec ce monde venu d’Afrique, des Caraïbes, parfois en haillons, les pieds rongés par la vermine. Ils sont légion à la cour d’Immigration à mystifier le juge pour un visa de résidence, alors qu’on sait que leurs pays sont en train de détruire notre civilisation avec leurs drogues. La traite des blanches. Les Canadiens français doivent avoir une solide foi religieuse pour admettre chez eux des gens qui dans vingt ans vont propager la gangrène. Oh my God! Quel continent ? Cette Afrique de lépreux, de présidents assassins […]. Je me rappelle avoir frôlé un Noir. Pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il m’a laissé un très mauvais souvenir. Je l’ai vu incendier un village allemand déjà vaincu. Au Rwanda, telle une bête, le Noir éventre des cadavres

Ibid.

Si ces propos sont insultants à plusieurs égards et s’ils sont prononcés par quelqu’un qui paraît raciste, ils ne sont pas tous pour autant sans fondements. Les immigrants qui mystifient le juge pour obtenir un permis de résidence, le Noir qui éventre des cadavres au Rwanda en référence au génocide et aux massacres ne sont pas des commentaires tirés du néant. Ce n’est pas parce que les paroles négatives au sujet des Noirs sont prononcées par un personnage romanesque raciste, surtout quand ce dernier émet des remarques qui ne contredisent pas le réel comme dans le cas de la tragédie rwandaise, que l’on devrait conclure qu’Étienne est allé contre son objectif, qui est de dénoncer ceux qui se comportent mal. Certes, l’auteur s’est adouci et a décidé de ne plus utiliser l’insulte déshumanisante, comme dans Au bord de la falaise, oeuvre dans laquelle il n’a pas utilisé une seule fois le mot « nègre », mais il ne s’est pas pour autant privé de critiquer le comportement des siens et de dénoncer ceux qui ternissent l’image de sa race.

Un fait est certain, malgré la dureté de ses propos à l’égard des autorités haïtiennes et de certains Noirs haïtiens ainsi que ceux d’autres pays, Étienne n’a jamais cessé de mettre en évidence, et cela dans tous ses textes, des femmes et des hommes noirs intègres. Il en a témoigné en 2008 dans un article publié un mois avant son décès et c’est par son plaidoyer pour la diaspora haïtienne que j’aimerais terminer la présente étude : « […] j’aurais aimé voir un reportage de Radio-Canada sur les professionnels haïtiens au pays de Québec : professeurs, médecins, infirmiers, chanteurs, artistes, artistes peintres, écrivains, journalistes. Ceci pour montrer à la société d’accueil que dix ou quinze individus ne peuvent salir la réputation de toute une communauté » (Étienne, 2008).