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Introduction

Le mécanisme de la réinstallation des réfugiés qui sera défini dans notre cadre théorique voit le jour dans le cadre de la construction du droit international des réfugiés et va se structurer à partir des années 1990 (Labman, 2020). Or, depuis une trentaine d’années, de nombreux États se détournent de leurs obligations en bloquant l’accès à leur territoire, le droit international des réfugiés devenant ineffectif (Hathaway et Gammeltoft-Hansen, 2014). Nous assistons donc à une réminiscence des mécanismes de réinstallation depuis les années 2000, alors qu’ils n’étaient utilisés que ponctuellement au siècle dernier, pourtant marqué par des conflits plus intenses que ceux que nous connaissons actuellement (Beirens et Fratzke, 2009).

Le Canada et ses provinces sont une destination possible pour les réfugiés à réinstaller en vertu d’un cadre juridique devenu facilitant. La refonte de la politique migratoire du Canada date du début des années 2000, avec la promulgation de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) en remplacement de la Loi sur l’immigration. Cette loi établit les principes régissant les programmes d’immigration, les processus de parrainage et les modalités de renvoi ou de rétention. La promulgation du texte répond à un besoin de flexibilité dans la gouvernance des migrations pour que l’appareil législatif devienne favorable au développement des programmes de réinstallation. Cela se concrétise par l’accueil d’un important volume de réfugiés dans le cadre de programmes permanents, en fonction de quotas fixés par un plan annuel. Afin d’être éligibles au programme permanent, les bénéficiaires doivent avoir été considérés en amont comme des réfugiés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) qui soumet leurs dossiers au gouvernement du Canada en vertu du Programme des réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG) sans que le Québec n’ait été, à cette étape, envisagé comme destination finale. Il est important de préciser que les RPG présents au Canada sont avant tout des réfugiés bénéficiaires du statut protecteur existant depuis la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole additionnel du 4 octobre 1967. Le Canada a ratifié ces textes en 1969, s’obligeant à accorder le statut de réfugié à toute personne correspondant aux critères établis par le Haut-Commissariat. Afin d’aiguiller les pays signataires, le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 1992) formule des recommandations sur l’octroi de la protection. Le processus se fait traditionnellement en deux étapes, la première consistant à établir les faits pertinents pour le cas considéré et la seconde à appliquer aux faits établis les définitions de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967. Cette indication souligne la rigueur supposée du cadre, le statut de réfugié résultant d’un cumul de conditions. La deuxième partie du guide qui traite de l’établissement des faits fait débat. Ceux-ci doivent être fournis par le demandeur d’asile avant d’être appréciés par une personne chargée de déterminer le statut. Néanmoins, une personne qui fuit la persécution étant souvent dans le dénuement, la tâche peut être menée par la personne qui procède à la détermination du statut. Cela implique une appréciation personnelle, même s’il est recommandé d’accorder le bénéfice du doute au demandeur si son récit paraît crédible. Enfin, sans que la formulation ne soit explicite, c’est l’entretien qui est retenu pour l’établissement des faits.

Contextualisation

Une fois l’admissibilité au Canada confirmée, le Québec évalue la demande dans le cadre de ses objectifs d’admission, sans être tenu d’y apporter une issue favorable. Le site internet du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) fournit les étapes de la démarche. Si l’issue est positive, le réfugié recevra un Certificat de sélection du Québec (CSQ). Dans le cadre de l’évaluation, les agents québécois vont sélectionner les demandeurs qui sont, selon eux, les plus aptes à s’intégrer à la société québécoise en s’appuyant sur les capacités linguistiques, les liens avec le Canada, l’intention de se réinstaller durablement et les études. Des caractéristiques personnelles sont également évaluées à travers les expériences de vie du réfugié, notamment liées aux antécédents de travail. En effet, les politiques migratoires sont un enjeu majeur non seulement pour le Canada, mais aussi pour les provinces, car chacune connaît des situations démographiques spécifiques.

Pour y répondre, le Québec s’est construit une forme d’indépendance, en acquérant plusieurs compétences pour construire une approche conforme à ses objectifs socio-économiques. Les discussions bilatérales entre le Québec et le Canada quant aux politiques migratoires reposent sur plusieurs ententes jusqu’à la signature de l’accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, établi en 1991 et toujours en vigueur. Le Canada a délégué au Québec la gestion des services d’accueil et d’intégration linguistique et culturelle, en accordant une compensation financière à la province tant que le Québec permet à tous les résidents permanents de la province d’y avoir accès, qu’ils aient été sélectionnés ou non par le Québec (Béchard, 2011). L’accord précise la répartition des compétences entre les instances : le Canada détermine les objectifs nationaux tandis que le Québec détermine le nombre d’immigrants qu’il souhaite accueillir en étant responsable de la sélection, de l’accueil et de l’intégration de ces immigrants (MIFI, 2016). Le Québec s’engage enfin à accueillir un nombre approprié de réfugiés en lien avec son objectif de « préserver le poids démographique du Québec au sein du Canada ». Cela revient à accueillir un nombre de réfugiés proportionnel à la population de la province (Béchard, 2011, p. 2).

À l’exception des demandeurs reconnus comme réfugiés par l’intermédiaire des circuits de demandes d’asile classiques alors qu’ils sont déjà au Québec, le gouvernement du Canada détermine l’éligibilité des candidats à un programme de réinstallation et les cas peuvent alors être soumis au processus de sélection du Québec (MIFI, 2020a). Chaque année, le MIFI publie un plan d’immigration avec des objectifs de sélection et d’admission. Pour l’année 2021, qui est celle du début de notre étude, le nombre de réfugiés sélectionnés à l’étranger devait être compris entre 4 400 et 4 700 (MIFI, 2020b). 

En 2019, le Canada a accueilli 48 530 réfugiés (Mendicino, 2020), dont 30 100 ont été réinstallés depuis un pays tiers, ce qui correspond à 28 % du total mondial de 107 800 réfugiés réinstallés (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2020). Bien que cela ne représente qu’une infime partie du nombre de réfugiés dans le monde, le Canada s’est donc trouvé pour la deuxième année consécutive à la première place des pays ayant réinstallé le plus grand nombre de réfugiés depuis un pays tiers. Parmi ces 30 100 réfugiés réinstallés, 9 951 sont des réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG) et c’est de ce bassin de 9 951 RPG que sont issus les réfugiés pris en charge par l’État (RPCE) du Québec (Mendicino, 2020). Parmi les 7 248 réfugiés accueillis en 2019 au Québec (MIFI, 2020a), 1 204 ont été réinstallés dans le cadre du programme des RPCE (MIFI, 2020a).

Récemment, plusieurs recherches ont été menées sur la réinstallation au Canada et au Québec dans le cadre du programme spécial dont ont bénéficié les Syriens (Dauphin et Veronis, 2021; Mamuji, Kenny et Ahmed, 2021). Le Canada a en effet réinstallé plus de 35 000 réfugiés syriens en 2015 et 2016 dans le cadre d’un programme ad hoc (Munson et Ataullahjan, 2016). D’autres recherches, où les cas du Canada et du Québec sont abordés, concernent la réinstallation en temps de Covid (Acka, 2022b). Une étude récente évoque le mécanisme permanent de réinstallation des réfugiés au Québec, mais elle traite exclusivement de l’accueil qui leur est réservé (Arsenault, 2021). Dans ce contexte, notre objectif est de documenter et discuter le processus de sélection dans un pays tiers en vue d’une réinstallation des RPCE du Québec.

Cadre théorique et problématique

La réinstallation depuis un pays tiers est définie par le Haut-Commissariat comme un « processus impliquant la sélection et le transfert de réfugiés d’un État dans lequel ils ont cherché une protection vers un autre État qui accepte de les accueillir comme réfugiés avec un statut de résident permanent » (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2011, p. 3). Elle vise trois objectifs : apporter une protection juridique et physique, offrir une solution pérenne et permettre aux État tiers d’exprimer leur solidarité internationale (Acka, 2022a). Néanmoins, les processus de sélection et de réinstallation sont mouvants en raison de l’instabilité de nombreux pays et les agents du Haut-Commissariat doivent s’adapter à diverses réalités. Cela se traduit par des variations dans les procédures, par exemple en ce qui concerne les indicateurs utilisés. Les vulnérabilités sont prises en compte en amont de la sélection, comme certains besoins particuliers (âge, genre) et certains risques spécifiques (polygamie, enfants mariés jeunes). Pour le Haut-Commissariat, les programmes de réinstallation permettent d’utiliser des critères plus flexibles que ceux de la Convention de Genève pour « réinstaller des personnes relevant de la compétence du HCR, mais ne correspondant pas nécessairement à la définition de la Convention de 1951 » (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2011, p. 43).

Une fois la sélection achevée et la décision d’octroyer une protection entérinée, le Haut-Commissariat recommande les candidats aux pays d’accueil. De nouveaux critères sont pris en compte : la présence de famille, la durée de traitement, la capacité d’intervention en urgence du pays, les critères de sélection, les considérations culturelles et les préférences des réfugiés (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2011). Les critères familiaux pourraient apparaître comme les plus objectifs et sont particulièrement pris en compte. Pourtant, une ethnographie multi-située depuis le Maroc vers le Canada met en lumière le fait que leur surutilisation pour « déterminer le mérite et le besoin d’être réinstallé » entraîne un contournement du droit pouvant mettre en péril la réussite de la réinstallation (Mottet, 2021).

Certains États se basent sur le dossier soumis par le Haut-Commissariat sans rencontrer le réfugié, alors que d’autres demandent un entretien. Contrairement aux pays où les entretiens sont obligatoires, le Canada accepte la réinstallation de réfugiés sans entrevue. C’est notamment le cas lorsque les missions de sélection sur place sont impossibles ou dans les cas urgents : la sélection se fait alors exclusivement avec la documentation disponible (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2016, 2018a, 2018b et 2018c). En revanche, dans le cas de missions à l’étranger menées par des pays hôtes, les entretiens se déroulent sur le terrain et souvent dans des camps, ce qui peut créer une subjectivité dans la sélection (Garnier, 2014). Le choix d’accepter ou non le réfugié dépend de la volonté et des critères du pays d’accueil, ce qui peut se concrétiser par la création de critères d’exclusion. Par exemple, le Danemark refuse la réinstallation de personnes souffrant de troubles mentaux (Tissier-Raffin, 2018).

Le Haut-Commissariat entend accompagner les pays qui pratiquent la réinstallation depuis un pays tiers (Krasniqi et Suter, 2009) et un manuel de réinstallation a été élaboré (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2011). Le processus de sélection présenté dans le manuel présente des spécificités par rapport aux recommandations générales émises dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 1992) et se déroule selon les étapes suivantes : l’identification, l’évaluation des besoins, la préparation d’une soumission, la soumission à un pays, la décision du pays, l’organisation du départ et du suivi. Bien que le manuel de réinstallation recommande de ne pas laisser le « potentiel d’intégration » influencer la sélection des dossiers car il n’est pas déterminable, ce critère est pris en compte au Canada (Suhrke et Garnier, 2018, p. 245). Cela soulève un problème d’équité, la protection étant accordée à des catégories jugées vulnérables sur des bases spécifiques, comme l’âge ou la religion, voire à des catégories considérées plus à même que d’autres de développer une capacité d’intégration en fonction du niveau d’étude ou de la langue.

Par conséquent, le mécanisme de réinstallation ouvre un débat entre le fait qu’il soit parfois une « réponse utile », mais potentiellement une « menace subtile » à l’accueil des réfugiés (Acka, 2022a). Par ailleurs, les réfugiés ayant besoin d’une réinstallation étant plus nombreux que la quantité de places disponibles, le Haut-Commissariat établit des niveaux de priorité. Ainsi, « les groupes identifiés comme nécessitant une réinstallation ne voient leur dossier traité que lorsque leur population a été définie comme prioritaire par le HCR et que des pays de réinstallation ont offert des places » (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2011, p. 336). Les pays de réinstallation ont en effet, pour la plupart, des quotas (Surhke et Garnier, 2018, p. 244) concernant le nombre de réfugiés qu’ils accueilleront annuellement tandis que « certains États précisent les régions ou les populations desquelles ils acceptent de recevoir des soumissions, attribuent des quotas secondaires pour les dossiers urgents ou prioritaires, le regroupement familial, ou présentant des besoins spécifiques (médicaux par exemple) » (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 2011, p. 392).

Dès sa structuration dans les années 1990, certains chercheurs ont vu dans le mécanisme de réinstallation une volonté de « contrôle à la source des réfugiés » (Aleinikoff, 1992). Plusieurs approches critiques mettent en garde contre les velléités d’externalisation du système d’asile, qui ne pourra de toutes les façons pas être remplacé par le mécanisme de réinstallation depuis un pays tiers (Parusel, 2021). Ce mécanisme est même parfois présenté comme un « cheval de Troie » tant il peut mettre en danger le droit international (Tissier-Raffin, 2018). Enfin, certains chercheurs se demandent si les camps d’où proviennent la majorité des réfugiés ne seraient pas une « antichambre des mains d'oeuvre » pour recruter des travailleurs en fonction d’intérêts économiques (Vermylen, 2023).

Cette recherche s’inscrit dans le cadre plus large d’un partenariat avec le MIFI, qui a confié à notre équipe de recherche la responsabilité de documenter et d’évaluer le processus de sélection, de réinstallation et d’intégration des réfugiés au Québec. Cet article est focalisé sur la première de ces trois dimensions. Pour concrétiser notre objectif de documenter et discuter le processus de sélection dans un pays tiers en vue d’une réinstallation des RPCE du Québec dans une approche critique, nous formulons la question suivante : dans quelle mesure les pratiques du Canada et du Québec s’inscrivent-elles dans le cadre du droit international et répondent-elles aux exigences des institutions supranationales?

Méthodologie et recrutement des acteurs

Il s’agit d’une recherche qualitative dont l’objectif est de formuler des recommandations au MIFI, basée sur l’analyse des documents officiels et sur le discours des cadres des instances impliquées dans le processus de sélection des RPCE.

Recrutement des participants

Huit entretiens semi-directifs d’une heure ont été réalisés au printemps 2021 avec des cadres du HCRNU, de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), d’Immigration Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et du MIFI. Nous avons recruté les enquêtés en mobilisant nos réseaux, identifiant au sein de chaque institution les agents les plus adaptés et en ciblant des acteurs dont le MIFI souhaitait une meilleure compréhension. Les entretiens se sont déroulés en visioconférence, en anglais ou en français, et ont été enregistrés puis retranscrits. Dans le cadre de cette enquête, nous nous sommes engagés à préserver l’anonymat des interviewés qui sont des protagonistes de premier plan. Dans un souci de lisibilité, nous utiliserons les pseudonymes suivants lorsque nous rapporterons leurs paroles : Acteur A et Acteur B pour le HCRNU; Acteur C et Acteur D pour l’OIM; Acteur E pour IRCC; Acteur F, Acteur G et Acteur H pour le MIFI.

Collecte et analyse des données

Les entretiens ont été retranscrits et codés manuellement pour isoler les propos évoquant le processus de sélection et les catégoriser dans une grille reprenant divers éléments : pratiques du HCRNU, d’IRCC, du MIFI, de l’OIM, communication interinstitutionnelle. Cela nous a permis de recueillir les représentations sur ce que chaque acteur pense savoir des différentes institutions qui entrent en jeu et de relever le manque de communication entre elles. Il nous a semblé important de prendre en compte l’activité de l’OIM car, au-delà du transport aérien qui est l’élément de rupture avec la suite du processus entièrement entre les mains du Canada et du Québec, cette institution est chargée de la formation des réfugiés avant le départ.

Pour documenter le processus de sélection en vue d’une réinstallation à travers les discours recueillis et répondre à notre question de recherche, nous avons confronté les propos de nos enquêtés à notre analyse de la littérature concernant les mécanismes de réinstallation et au cadre juridique qui les organise. Plusieurs dizaines de textes de loi en lien avec l’immigration ont été découpés et reportés dans différentes grilles autour de deux dimensions : la sélection en tant que telle et l’adaptation du droit à la facilitation de la réinstallation. Les citations de l’article, tirées des entretiens, ont pour objectif de confirmer ou infirmer le respect des obligations internationales et de mettre en lumière les modalités de leur contournement.

Résultats

Nous aborderons nos résultats de manière chronologique en documentant les pratiques dès l’intervention du HCRNU puis en analysant celles du Canada et du Québec. Nous terminerons avec le rôle de l’OIM qui forme les réfugiés avant le départ et assure leur transport. 

Les modalités de sélection sur le terrain

Nos entretiens mettent en lumière que, dès l’étape de sélection par le HCRNU, il est possible de faire une entorse au critère de vulnérabilité, comme le précise notre Acteur A (HCRNU) : 

Ceux qui sont le plus à risque ne sont pas toujours plus vulnérables. Un jeune homme qui est en prison, menacé d’un retour involontaire, serait un cas de réinstallation pour bloquer sa déportation. Cette personne n’est pas la plus vulnérable dans le sens des besoins, mais à risque.

Ce qui est intéressant est que le Canada, à la différence d’autres pays, soit une destination possible pour les dossiers prioritaires. Cela démontre le volontarisme du Canada quant à la réinstallation de réfugiés, comme le précise à nouveau l’Acteur A (HCRNU) :

Quand on prépare le dossier, on peut marquer le réfugié avec une priorité, il y a la priorité normale, la priorité d’urgence et la priorité d’extrême urgence. Les cas urgents, on attend une solution entre quatre et six mois et les cas d’extrême urgence, c’est une ou deux semaines.

Conformément à ce qui a été évoqué, nous avons obtenu la confirmation que le Canada et le Québec ne demandaient pas d’entrevue avant la réinstallation, même si cela a déjà été le cas. Au Québec, le MIFI envoyait des agents à l’étranger dans le cadre de missions de réinstallation, mais cette pratique a été abandonnée, d’après l’Acteur G (MIFI) :

À une certaine époque, on allait faire de la sélection à l’étranger, ça s’est perdu avec des restrictions budgétaires, c’est comme ça qu’on perd de l’expertise, elle est partie, c’est fâcheux parce que ton expertise, tu la bâtis, ça n’arrive pas comme ça.

Bien qu’il déplore une perte d’expertise, soulignons que les pays envoient surtout des équipes sur certains terrains plutôt que d’autres pour sélectionner les profils correspondant à leurs intérêts stratégiques, notamment en termes de main d’oeuvre (Bouagga et Second, 2019). C’est pour éviter cet écueil que l’Acteur A (HCRNU) confirme que lors de la soumission des dossiers, le Québec n’est jamais recommandé en tant que destination : « Les cas qu’on soumet au Canada ne sont pas dirigés vers le Québec, on ne sait pas où ils seront réinstallés ». Il précise aussi que, pour éviter la subjectivité, même si l’évaluation du statut de réfugié est parfois effectuée avec des partenaires, le HCRNU est la seule institution à transmettre les dossiers :

Même si on a des consultants qui travaillent pour nous, ils font les entrevues au nom du HCRNU. Ce n’est pas possible pour un partenaire de soumettre un cas, tous les dossiers sont signés par le personnel du HCRNU.

L’Acteur A (HCRNU) précise les cas où des partenaires sont associés :

Les entretiens, ça peut commencer par des partenaires quand il s’agit d’une identification immédiate, des problèmes de protection. On a des partenaires qui font des entrevues avec des gens qui ont des problèmes, mais les entretiens de réinstallation, ce n’est que le HCRNU.

À l’issue de cette phase, l’examinateur met les éléments recueillis en parallèle de la Convention de Genève pour prendre une décision. Afin d’obtenir une protection internationale par le biais de la sélection en vue d’une réinstallation, les autres solutions doivent être jugées comme moins adaptées. L’Acteur A (HCRNU) précise également : « La réinstallation est une opportunité pour un petit nombre. Les gens qui ne sont pas intéressés, ils restent ». Le HCRNU considère que les candidats peuvent obtenir le statut de réfugié et que la meilleure solution les concernant est une réinstallation. Il s’agit d’une étape d’identification tandis que l’attribution du statut de réfugié est effectuée par le Canada, après une recommandation du HCRNU.

L’orientation des bénéficiaires vers le Canada

Dans le cadre des programmes de réinstallation comme celui des RPG au Canada, dont sont issus les RPCE du Québec, l’examen se fait en amont de la réinstallation, notamment dans des pays de transit. Si la subjectivité existe, c’est parce qu’IRCC peut intervenir en soutien à cette étape, comme le précise l’acteur E (IRCC) :

Nous avons des agents sur le terrain qui mènent des entretiens. Ils se rendent dans les camps de réfugiés, pour mettre en place des entretiens. Mais les agents de l'IRCC sur le terrain, qui ont une mission à l'étranger, ne sont pas nécessairement placés dans les camps comme le HCRNU.

Trois processus de sélection sont privilégiés par les pays de réinstallation. Les réfugiés peuvent être sélectionnés sur dossier par les autorités du pays d’accueil après une présélection du HCRNU. Dans le cadre d’un autre type de procédure, les agents du pays d’accueil se déplacent sur le site pour procéder aux entretiens et déterminer les personnes retenues à la suite de la présélection du HCRNU. Enfin, les États peuvent suivre une politique hybride en privilégiant les sélections sur dossier dans le cadre des programmes de réinstallation permanents et en se déplaçant sur place dans le cadre de situations d’urgence (Tissier-Raffin, 2018). Les États suivant cette approche, comme le Canada, sont ceux ayant développé une expertise des programmes de réinstallation antérieurement aux années 2000.

La première étape, dévolue à IRCC, est celle de la réception de la demande, constituée d’un formulaire d’enregistrement aux fins de réinstallation (FER) émanant du HCRNU. Ce document contient la demande d’asile et précise la composition de la famille. C’est lors de cette étape que peuvent être recommandées des personnes d’intérêt « spécial » ne cumulant pas stricto sensu les critères de la Convention de Genève mais correspondant au mandat de protection du HCRNU (personnes vulnérables, demandeurs persécutés en raison de leur orientation sexuelle), comme le confirme notre Acteur B (HCRNU) : 

Généralement, on recommande les dossiers et le Canada les étudie. Dans certaines situations […], par exemple un groupe de personnes que le Canada a identifiées comme vulnérables et veut ces personnes, alors le HCRNU va suivre. Mais en général on détermine ceux qui sont vulnérables, on va simplement envoyer la demande au Canada qui décide.

IRCC n’est pas tenu d’apporter une réponse positive aux dossiers recommandés. Dans le cas d’un refus, une lettre est envoyée au demandeur, au Centre des opérations de réinstallation d’Ottawa et au HCRNU. Plusieurs motifs peuvent aboutir à une décision négative, notamment si les agents d’IRCC ont considéré que la demande ne rentrait pas dans le cadre de la Convention de Genève. Le cas des anciens militaires semble aussi délicat, comme le précise l’Acteur A (HCRNU) :

Il y a le cas des militaires, c’est difficile. Ça prend du temps pour passer les examens de sécurité et de criminalité. Même dans les cas d’urgence. Pour les militaires, c’est difficile d’envisager le Canada, qui va prendre des années à donner une décision.

La polygamie est également un critère de refus de la part du Canada, comme le précise ce même acteur :

On sait que la polygamie n’est pas acceptée, il y a des pays plus relax, on essaye de ne pas partager les familles et les enfants entre les différentes femmes, mais pour le Canada un tel cas sera impossible. C’est la loi, ce n’est pas un critère de réinstallation.

En cas de refus, les preuves fournies par le demandeur lui sont retournées avec une justification des raisons de non-recevabilité. Suite à une décision négative, le débouté peut demander une réévaluation. Dans la mesure où il fournit de nouvelles informations, cela peut influer sur la décision finale, amener le ministère à lui demander de présenter une nouvelle demande ou maintenir son refus. Après ce deuxième niveau d’évaluation, une décision positive peut être prononcée et déboucher sur le choix de la destination, qui peut être le Québec. 

Le positionnement spécifique du Québec

Ce n’est qu’en cas de réponse positive d’IRCC que les cas sont soumis au processus de sélection du Québec (MIFI, 2020b). Notre Acteur E (IRCC) en précise les modalités :

Il s'agit d'élaborer une stratégie pour planifier la destination des réfugiés à leur arrivée au Canada. Nous faisons correspondre les destinations. Ce processus se fait avec les territoires pour s'assurer qu'ils ont la capacité d'accueillir les réfugiés.

C’est parmi cette catégorie de réfugiés sélectionnés à l’étranger que se trouvent les RPCE, dont nous avons pu avoir accès aux prévisions d’accueil grâce à l’Acteur F (MIFI) :

Cette année, pour 2021 le plan d’immigration c’est 1 350 RPCE, dans les années précédentes, avant 2018 c’était autour de 1 650, en 2019 et 2021 ça a diminué et 2022 la cible a été augmentée, on va revenir à 1 650 avec un rattrapage de 200.

Notre enquêté précise que la baisse du nombre de réfugiés réinstallés s’inscrivait dans un contexte de réduction de toutes les catégories d’immigration. Malgré une volonté du HCRNU d’éviter la subjectivité, nos enquêtes confirment que le droit du Québec s’est adapté pour construire une approche de la réinstallation conforme à ses objectifs socio-économiques ,comme l’indique l’acteur H (MIFI) : « la langue, la famille, la capacité d’intégration donc le niveau d’éducation, réponse au marché du travail ». Cela se déroule malgré tout dans un cadre juridique demandant au Québec d’accueillir un nombre de réfugiés proportionnel à la population de la province (Béchard, 2011, p. 2), comme le souligne l’Acteur E (IRCC) : 

L'autre facteur est la capacité d'accueil des provinces et des territoires. Nous regardons où sont situés les prestataires de services, puis nous examinons chaque province. Par exemple, nous avons 12 000 réfugiés pris en charge par le gouvernement qui arrivent chaque année et nous les répartissons en fonction de la population.

En revanche, nos enquêtés confirment que, malgré un manuel de réinstallation qui recommande de ne pas prendre en compte le potentiel d’intégration, il est évalué, comme le souligne l’acteur F (MIFI) :

On regarde est-ce que ces personnes peuvent se réinstaller et on va regarder si la connaissance du français peut aider, par exemple pour les pays d’Afrique francophone. On s’assure aussi qu’il n’y a pas de famille ou de communautés déjà à l’extérieur du Québec pour éviter les migrations secondaires, ça fait partie des aptitudes d’intégration.

L’Acteur F (MIFI) précise les modalités :

Il y a une spécificité québécoise dans le cadre de l’accord Canada-Québec, on a le pouvoir de sélection des ressortissants, on n’a pas le pouvoir de déterminer qui est réfugié, c’est le Canada, mais on a le pouvoir de sélectionner, c’est pour ça qu’on a des critères, comme la capacité de s’intégrer.

Pour évaluer ce potentiel d’intégration, la maîtrise de la langue ou la capacité à l’apprendre est primordiale, comme le souligne l’acteur G (MIFI) : « Le Québec a toujours déterminé le profil des gens qu’il désirait, surtout des gens qui pourraient parler français. Pas forcément qui parlent français, mais qui pourraient l’apprendre ». Enfin, l’Acteur H (MIFI) souligne l’importance des réseaux, notamment familiaux, pour faciliter la réinstallation : 

Un des facteurs auquel le gouvernement du Canada et le Québec vont faire attention, c’est si les personnes ont de la famille ailleurs au Canada ou s’il y a des bassins de cette communauté installés ailleurs au Canada qui favoriseraient une migration secondaire.

Les refus de la part du Québec sont rares, comme le souligne l’Acteur G (MIFI) : « Le travail est bien fait en amont, les fédéraux comprennent nos recherches, le taux de refus est de 1 ou 2 % ».

Si cet acteur souligne un travail « bien fait » en amont, c’est parce que le Québec dispose de critères entraînant un refus, comme le précise l’Acteur G (MIFI) :

Je ne parlerai pas de type de profil, mais le fédéral est conscient de la primauté du français et on est conscient qu’il y a certaines communautés avec qui ça fonctionne moins. On le voit à travers les anciennes colonies françaises, belges, dans ces pays les gens avaient un profil francophone, le Rwanda par exemple on parle de moins en moins français, mais à une certaine époque oui, c’est une communauté intéressante.

À noter toutefois que « plus le besoin de protection, dans le pays où la personne se trouve, est grand, moindre sera l’importance accordée à ses capacités d’intégration » (MIFI, 2016). L’établissement du critère de vulnérabilité est un enjeu majeur pour les instances décisionnaires, de la recommandation par le HCRNU au gouvernement du Canada à sa réinstallation au Québec. L’Acteur H (MIFI) confirme qu’en cas de grande vulnérabilité, le facteur intégration sera minimisé :

Le Québec a certains critères de sélection, mais plus le facteur de vulnérabilité est grand, moins les critères comme la connaissance d’une langue, la capacité d’intégration, la présence de famille au Québec prendront du poids.

Néanmoins, ces cas de grande vulnérabilité pour lesquels les instances font fi des critères liés à l’intégration sont rares, le HCRNU n’en choisit qu’une minorité par an parmi tous les réfugiés réinstallés dans un pays tiers, qui ne sera pas forcément le Canada, comme le précise l’Acteur A (HCRNU) :

Pour ces cas d’extrême urgence, on laisse tout tomber et on s’occupe de ça, c’est pour ça que c’est limité à 200 cas par année dans le monde. Sur le programme d’urgence, les collègues choisissent le Canada pour la rapidité du processus, car certains pays n’ont pas de processus spécial.

L’étape suivante est une analyse par le MIFI des données recueillies depuis le processus de sélection du HCRNU et celui du gouvernement du Canada. Une fois cette étape terminée, une décision est rendue pour confirmer si le demandeur restera un RPG pris en charge dans une autre province ou deviendra un RPCE du Québec. Dans le cas d’une issue positive, les réfugiés prépareront leur réinstallation avec le soutien du HCRNU et de l’OIM. Le HCRNU doit donner des conseils aux réfugiés, leur expliquer les étapes qui les attendent et le temps de traitement des dossiers par les pays de réinstallation (HCRNU, 2011).

L’importance de l’activité de l’OIM

Aucun texte ne cadre ces modalités d’information, ce qui a pour conséquence des pratiques différentes selon les terrains, même si certains outils sont privilégiés : brochures, journaux, courriers électroniques. Dans le cas du Canada, les réfugiés ont droit à des formations pré-départ dispensées par l’OIM pour se familiariser avec le pays de réinstallation. Pour l’Acteur C (OIM), il faut « sensibiliser les réfugiés sur les aides dont ils vont disposer en arrivant au Canada, les aider à développer des attentes réalistes et pas utopiques, les outiller avec de l’information pertinente ». Les objectifs de ces formations sont déterminés par IRCC : « fournir aux nouveaux arrivants les renseignements pertinents, cohérents et opportuns dont ils ont besoin pour prendre des décisions en matière d’établissement et avoir accès aux services; promouvoir une compréhension contextuelle de la vie au Canada, notamment des lois, des droits et du système démocratique » (IRCC, 2012, p. 1). En prolongement de ces objectifs, dans le cadre du programme Orientation Canadienne à l’Étranger (OCE) financé par IRCC et construit avec l’OIM qui le dispense, neuf thématiques sont abordées, d’après l’Acteur C (OIM) : « la présentation du Canada, le voyage, les aides et services, le logement, la santé, l’éducation, l’emploi, la gestion du budget et les transports ».

D’un point de vue pratique, toujours selon l’Acteur C (OIM), la formation est dispensée selon la logique suivante :

On se concentre sur l’immédiateté, on les aide à se projeter sur les premiers mois donc l’emploi n’est pas trop abordé, c’est un sujet de moyen terme. Comme on ne sait pas toujours où ils vont aller, on fait des choses générales, applicables partout au Canada. On fait des jeux, des simulations pour faire comme si on était dans son nouveau logement.

La principale lacune de cette formation est qu’elle concerne le Canada de manière générale mais pas les provinces, ce qui entretient un flou. À l’issue de ces formations, l’OIM a la charge du transport des réfugiés vers le Québec, comme le détaille l’Acteur D (OIM) :

Nous intervenons sur le transport international des réfugiés quand ils sont sélectionnés par le Canada, c'est là que nous les déplaçons. La plupart n’a jamais voyagé auparavant. Dans certains pays, ils vivent dans des camps, dans d'autres dans des zones urbaines, le niveau d'éducation et de compréhension est différent. L'OIM aide ces réfugiés à obtenir des documents et des billets. 

Le mécanisme de choix des billets et des compagnies aériennes est d’autant plus complexe que les RPCE devront rembourser le montant du transport, comme le précise l’Acteur D (OIM) :

Nous avons un réseau de compagnies avec des accords qui fournissent des avantages. L'un d'entre eux est un billet flexible, que nous pouvons annuler. Le second est le prix raisonnable. Nous avons l'obligation d'utiliser des compagnies qui fournissent des services fiables. Nous achetons les billets selon les accords que nous avons avec IRCC et faisons un document avec le montant puis nous l'envoyons à IRCC qui rembourse l'OIM. Ensuite ils demandent aux réfugiés de payer.

Une fois à l’aéroport de Montréal, les RPCE reçoivent une version papier de leur CSQ pour confirmer leur résidence permanente. C’est un document qui conditionnera leur accès aux services de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et à l’aide sociale. Ensuite, les RPCE sont accueillis par des organismes communautaires mandatés par le MIFI. Les intervenants communautaires de ces organismes leur proposent un encadrement pour faciliter l’installation. 

Discussion

Notre étude met en relief le processus de sélection en vue d’une réinstallation des RPCE ainsi que le parcours qui fait, de ces personnes réfugiées demandant l’asile dans un pays tiers, des résidents permanents au Canada et au Québec. Nous notons que ce processus permet effectivement la réinstallation de personnes qui craignent avec raison pour leur vie et leur sécurité dans leur pays d’origine ou dans celui où elles se trouvent en situation de transit. Sur le fond, le programme de sélection et de réinstallation canadien, avec son prolongement au Québec, correspond à l’objectif de garantir un accès légal et sécurisé à des personnes vulnérables qui ne seraient pas forcément parvenues à obtenir l’asile à travers une demande classique. Ce critère de vulnérabilité est érigé comme le facteur le plus important du processus de sélection en vue d’une réinstallation, celui qui permet d’obtenir le statut de réfugié, d’être réinstallé au Canada et plus précisément au Québec. Néanmoins, il apparaît que la sélection des réfugiés dépend plutôt de critères de sélection préalablement établis par les gouvernements fédéraux et provinciaux, basés sur les intérêts stratégiques et les besoins en ressources humaines du pays d’accueil. Au long de cet article, grâce à la confrontation des discours de nos enquêtés à une analyse réflexive de la littérature scientifique et juridique encadrant les processus de sélection des réfugiés en vue d’une réinstallation, nous avons pu répondre à notre question de recherche qui était de savoir comment les critères du Canada et du Québec s’adaptaient aux exigences des acteurs supranationaux.

Il apparaît que, même si les processus de sélection en vue d’une réinstallation représentent une chance pour les réfugiés d’obtenir un accès légal et sécurisé à la résidence permanente, une forme d’arbitraire est prégnante dans le cadre de la sélection. En effet, des critères de sélection que le HCRNU demande de ne pas prendre en compte comme le potentiel d’intégration sont systématiquement évalués et s’ajoutent à une certaine subjectivité des agents impliqués dans le processus. Il est malgré tout vrai que, dans les cas de vulnérabilité extrême, les critères de sélection et les intérêts du pays hôte tombent au second plan et que la vulnérabilité de la personne prime. Néanmoins, ces cas sont rares et l’équilibre entre les critères de vulnérabilité et les critères de sélection étant assuré par des fonctionnaires, des biais se construisent sur le terreau de leurs représentations.

Conclusion

À l’issue de cette recherche, nous concluons que les programmes de réinstallation sont d’une importance capitale car ils permettent de contourner les réticences des pays occidentaux à l’égard des populations demandant une protection internationale. Néanmoins, la subjectivité apparaît à chaque étape du processus de sélection en vue d’une réinstallation. Ce qui est à souligner dans ce cadre est que les agents qui opèrent ces choix semblent ne pas s’en rendre compte, ce qui a été un facteur d’étonnement pour nous. Ces agents ont une approche volontariste de leur mission et estiment oeuvrer pour une solidarité internationale, leur principal vecteur d’engagement. Très peu d’entre eux ont considéré, dans le cadre de nos entretiens, qu’ils agissaient en fonction des intérêts stratégiques du pays de réinstallation et notamment d’un besoin de main-d’oeuvre.

Dans cette recherche, les lacunes de la communication interinstitutionnelle n’ont été que peu analysées et c’est désormais l’un des objectifs de notre équipe de recherche. Cette analyse permettra d’apporter une nouvelle grille de lecture à la tentation de subjectivité tout au long du processus. En effet, plusieurs acteurs, hors entretien, dans le cadre de discussions informelles, ont déploré le manque de communication entre instances, en soulignant que le contexte de la crise COVID ou les programmes spéciaux comme celui concernant les Syriens ont révélé de bonnes pratiques qui gagneraient à être prolongées.