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Dans un monde marqué par des crises humanitaires sans précédent et des déplacements massifs de populations, les réalités des familles réfugiées et demandeuses d’asile sont plus que jamais au coeur des préoccupations sociétales. La revue Alterstice, reconnue pour son engagement envers l’interculturalité et la promotion d’approches novatrices, se positionne comme une plateforme essentielle pour explorer ces dynamiques complexes. Ce numéro, résultat des réflexions collectives de l’Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur les Familles Réfugiées et Demandeuses d’Asile (ERIFARDA) de l’Université de Montréal (Canada), s’inscrit dans cette ambition, visant à transcender les frontières disciplinaires, géographiques et sectorielles.

Selon le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, les catastrophes naturelles et humaines, ont engendré le déplacement forcé (déplacements internes et migrations internationales) de 110 millions de personnes à travers le monde en juin 2023, alors que ce nombre était de 21,3 millions en 2017 (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [UNHCR], 2017, 2023). Dans ce contexte, les défis auxquels ces familles sont confrontées – violences, pertes, traumatismes et discrimination – appellent une réponse collective et interdisciplinaire. Nous plaçons notre réflexion sous le prisme de la transculturation, qui permet, comme l’indique Forestal (2008), de construire de véritables sentiments d’appartenance au sein de sociétés d’accueil.

Ce numéro propose un espace de dialogue entre chercheurs de divers horizons géographiques et disciplinaires et vise l’avancement des connaissances relatives aux politiques migratoires, sociales et éducatives des pays hôtes et le développement de nouvelles pratiques pour l’accueil et l’intégration des familles réfugiées et en demande d’asile. Il s’articule autour d’une approche systémique de l’accompagnement de ces familles, en intégrant des perspectives en éducation, en santé mentale, en droit et en action sociale. En effet, les parcours pré-, péri- et post-migratoire de ces familles les rendent souvent vulnérables (Cantekin et Gençöz, 2017; Hadfield, Ostrowski et Ungar, 2017) et leur santé mentale, leur éducation ainsi que leur intégration sociale à la société d’accueil s’en trouvent souvent affectées (Fazel, Garcia et Stein, 2016; Hadfield, Ostrowski et Ungar, 2017; Silove, Ventevogel et Rees, 2017). Ce numéro vise ainsi à répondre à cette vulnérabilité et à enrichir notre compréhension des réalités des familles réfugiées et en demande d’asile, tout en favorisant des pratiques documentées qui répondent à leurs besoins psychosociaux et d’intégration. En unissant des voix issues de différentes disciplines, nous espérons contribuer à un espace de réflexion fertile et engagé, propice à l’amélioration des conditions de vie de ces populations vulnérables.

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Les contributions de ce numéro mettent en lumière la richesse des approches et des savoirs, tout en soulignant l’urgence d’une action collective pour un avenir inclusif et solidaire. Les six articles inclut dans ce numéro abordent plusieurs thématiques, allant des enjeux politiques et didactiques aux dimensions psychologiques, offrant ainsi une vue d’ensemble sur les défis et les possibilités d’accompagnement des familles réfugiées.

Tout d’abord, le premier article, intitulé « Regards sur la sélection des réfugiés pris en charge par l’État du Québec : un accès légal et sécurisé à la résidence permanente », explore le processus de sélection des réfugiés pris en charge par l’État (RPCE) du Québec (Idrac, Papazian-Zohrabian, Miljus et Béland, 2024) L’article met en lumière comment les programmes de réinstallation en provenance de pays tiers garantissent un accès légal et sécurisé aux réfugiés, dans un contexte mondial marqué par une méfiance croissante envers les migrations. Le deuxième article, « Agir dans l’ombre de l’État. Une intervention sociale et militante en direction des exilés déboutés du droit d’asile », porte sur les pratiques d’assistance aux déboutés du droit d’asile en France, révélant des interventions collectives qui allient ressources publiques et privées pour aider cette population vulnérable à naviguer dans l’illégalité et à favoriser sa régularisation (Ballière, 2024). Le troisième article, intitulé « Migration forcée et sources de soutien : l’impact des réseaux diasporiques dans les parcours migratoires des réfugiés syriens-arméniens installés au Liban et au Québec », met en lumière les défis rencontrés par les réfugiés syriens-arméniens tout en soulignant le rôle essentiel des réseaux diasporiques arméniens dans le soutien humanitaire, matériel et social tout au long de leur migration (Kayayan, 2024). Le quatrième article, « Enseigner à des élèves réfugiés au Liban et au Québec : “faire avec” les conditions du contexte », analyse l’expérience des enseignant·e·s face aux défis de l’enseignement dans deux contextes contrastés — le Liban, en crise, et le Québec, en intégration — et montre comment les conditions de travail influencent les pratiques pédagogiques (Koubeissy et Audet). Le cinquième article, intitulé « “Laissés dans l’inconnu d’être pris dans la maison avec les enfants”. Isolement en contexte de COVID-19 : défis et interventions auprès de familles réfugiées au Québec », montre comment la pandémie a exacerbé l’isolement physique et psychosocial des familles réfugiées, mettant en lumière les défis relationnels et éducatifs rencontrés, ainsi que les réponses et adaptations des équipes de santé (Azri, Trosseille et Gagnon, 2024). Enfin, le sixième article, « Analyse des politiques éducatives canadiennes en matière de santé mentale et de mesures de soutien auprès des élèves réfugiés et demandeurs d’asile », évalue la qualité des politiques éducatives concernant les élèves réfugiés et demandeurs d’asile au Canada qui abordent le soutien à la santé mentale, en s’appuyant sur l’analyse de documents politiques issus de l’ensemble des juridictions scolaires canadiennes (Schutte, Dulude et Milley, 2024).

En somme, ce numéro s’efforce de sensibiliser à la complexité des réalités vécues par les familles réfugiées et demandeuses d’asile, en offrant un espace de dialogue interdisciplinaire qui favorise des solutions adaptées et inclusives. En unissant des perspectives variées, ce numéro vise à inspirer une mobilisation collective autour d’actions concrètes pour une société plus juste et équitable.