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Introduction

L’Ontario mise sur l’immigration en provenance de pays francophones comme ceux d’Afrique pour revitaliser les communautés linguistiques minoritaires. Dans le pays d’accueil, ces personnes nouvellement arrivées, tentant de s’intégrer rapidement au marché du travail, constatent la nécessité d’obtenir un diplôme canadien étant donné la dévalorisation de leurs qualifications acquises à l’étranger. Déjà confrontées au déracinement engendré par l’immigration, elles se heurtent à des enjeux d’intégration professionnelle. Cette situation est applicable au domaine de l’éducation, un secteur qui compte également sur l’immigration francophone pour pallier la pénurie de main-d’oeuvre qui se fait vivement ressentir dans les écoles francophones.

Or l’intégration au marché du travail ne semble pas aller de soi pour les personnes enseignantes nouvellement arrivées : elles se trouvent davantage en situation de chômage que les personnes natives (Ella Oyono, 2021; Nadeau, 2019). Par exemple, en Ontario, 37 % des enseignantes et enseignants issus de l’immigration (EII) éprouveraient des difficultés à obtenir un contrat de travail, même en détenant la certification de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (OEEO, 2021). Concernant les EII qui arrivent à décrocher un emploi, ils « sont confrontés à des situations professionnelles déstabilisantes » (Morrissette et Demazière, 2019, p. 48) par une dépréciation des compétences et des habitudes acquises dans le pays d’origine. Ainsi, d’un côté, le contexte canadien sollicite activement l’immigration en réponse à des défis socio-économiques, et de l’autre, les EII font face à diverses embûches. Si la profession enseignante est amenée à se diversifier de plus en plus, il importe de traiter de la question de l’intégration des EII, et ce, dès les stages, puisque leurs difficultés se manifestent surtout à travers la formation pratique, où leurs conceptions de l’enseignement acquises antérieurement sont éprouvées (Duchesne, 2008).

Un portrait de la littérature scientifique sur les stagiaires issus de l’immigration

Bien qu’il existe plusieurs études sur le parcours des stagiaires en enseignement, peu s’intéressent spécifiquement à ceux issus de l’immigration. Si les études qui en traitent retiennent différents angles, nous présentons celles qui portent sur le choc des conceptions au contact d’une nouvelle culture professionnelle.

Des conceptions en décalage du point de vue des stagiaires

Des travaux ont documenté le choc des conceptions qui survient chez les stagiaires issus de l’immigration (SII) au contact de la culture professionnelle enseignante au Canada (Duchesne, 2008, 2010a; Lupien, 2022; Morrissette et Demazière, 2019). Ces conceptions, que l’on peut définir comme la manière de percevoir la profession, sont réglées par les conventions tacites du milieu professionnel. Elles concernent les relations interpersonnelles, l’approche pédagogique et la gestion de classe. 

Dans plusieurs écrits, les conceptions relatives aux relations interpersonnelles se trouvent parmi les premiers obstacles relevés par les SII. Dans l’étude de Lupien (2022), les SII participants mentionnent que des relations verticales sont opératoires dans leur pays d’origine, d’où leur étonnement devant la proximité relationnelle entre les élèves et la personne enseignante dans les écoles canadiennes. À l’instar des personnes participantes d’autres études (Duchesne, 2008; Morrissette et Demazière, 2019), ils relatent que des élèves n’hésitent pas à poser des questions personnelles aux personnes enseignantes et même à contester les tâches proposées. D’autres conceptions sont liées à l’approche pédagogique adoptée dans le milieu de stage. À cet effet, les SII de l’étude de Duchesne (2008) et de celle de Lupien (2022) affirment ne pas détenir les référents culturels qui leur permettraient d’aligner leur approche aux attentes du milieu canadien, qui promeut une pédagogie centrée sur l’élève. Cette conception de la pédagogie diffère en effet de celle expérimentée par les SII alors qu’ils étaient élèves dans un pays où l’enseignement est plus transmissif. En conséquence, les personnes participantes mentionnent avoir de la difficulté à envisager la planification d’une leçon centrée sur l’élève. Enfin, des conceptions concernant la gestion de classe sont aussi au coeur des travaux recensés. Ainsi, dans l’étude de Duchesne (2010a) et celle de Lupien (2022), les SII remarquent que le détachement du mode transmissif exige une certaine compétence en gestion de classe, ce qui constitue également une nouvelle réalité pour eux, car leur expérience les a habitués à une gestion plus autoritaire. Ils ont intériorisé dans leur pays d’origine une conception autoritaire de la personne enseignante, ce qui rend difficile l’adoption d’un positionnement plus démocratique, auquel s’attendent les membres de leur nouveau milieu professionnel.

Le processus de transformation des conceptions du point de vue des enseignantes accompagnatrices

Outre le choc des conceptions relatives aux relations interpersonnelles, à l’approche pédagogique et à la gestion de classe, le processus de transformation de ces conceptions se trouve au centre d’autres études (Dalley, 2020; Duchesne, 2010a et 2010b; Provencher, Lepage et Gervais, 2016; Tardif, 1993). Elles relatent notamment des résistances de la part des SII, qui doivent s’engager dans ce processus afin de réussir le stage, et des incompréhensions de la part des enseignantes accompagnatrices (EA) à l’égard de ces résistances. De plus, elles soulignent la complexité du processus et les conditions nécessaires à son succès.

Les personnes superviseures participant à l’étude de Dalley (2020) ainsi qu’à celle de Jacquet (2020) notent que les SII voient les rétroactions comme des critiques personnelles plutôt que comme des commentaires visant à les soutenir, ce qui nourrit des relations conflictuelles. Cette manière de recevoir une rétroaction est perçue négativement par les EA et les conduit à croire que les SII refusent sciemment d’ajuster leurs conceptions (Dalley, 2020). Pourtant, Duchesne (2010a) remarque que la transformation des conceptions de l’enseignement et de l’apprentissage constitue « le plus grand défi rencontré par les étudiants immigrants stagiaires » (p. 110). Selon Provencher et ses collaborateurs (2016), c’est probablement parce qu’ils ont intériorisé les manières de penser habituelles dans leur pays d’origine lorsqu’ils étaient élèves. Ainsi, comme le mentionne Tardif (1993), les conceptions de l’enseignement se forment et se renforcent tout au long du cheminement scolaire. Aux 12 années d’expérience comme élève, au cours desquelles les SII ont acquis les conceptions du pays d’origine, s’ajoutent parfois plusieurs années de travail qui ont contribué au renforcement de ces conceptions. Leur transformation nécessite non seulement d’être confronté à une expérience d’apprentissage, mais aussi de s’engager dans une « démarche réflexive critique efficace » (p. 41), ce qui prend du temps et implique une remise en question parfois laborieuse des habitudes profondément ancrées (Duchesne, 2010b).

Les écrits scientifiques portant sur les SII mettent en lumière une expérience parfois difficile et un processus de changement de conceptions exigeant. Cet article s’inscrit en partie dans la continuité de ces travaux, car il permet de faire ressortir le choc des conceptions des SII au contact de leur EA. Toutefois, son apport réside en ce qu’il révèle la façon dont le processus de transformation des conceptions dans lequel les SII doivent impérativement s’engager contribue à les vulnérabiliser. C’est cet aspect de leur intégration professionnelle que notre contribution met en exergue, de façon à redonner la parole aux principales personnes concernées.

L’éclairage théorique de concepts liés à l’interactionnisme symbolique

Pour éclairer le vécu des SII en termes d’intégration professionnelle, nous nous appuyons sur la tradition de Chicago, qui accorde beaucoup d’importance aux interactions d’interdépendance et aux actions coordonnées.

Selon la perspective épistémologique qui sous-tend la tradition de Chicago, les situations ne sont pas considérées comme une réalité objective et fixe. Plus précisément, les gens agiraient en fonction de leur définition des situations, influencée par leur expérience passée, présente et leur anticipation du futur (Morrissette, 2009). Cette définition des situations serait le résultat de leurs interprétations croisées, à comprendre dans une perspective collective. Dans le même ordre d’idées, Becker (2006) apporte le concept de « compréhensions partagées », aussi appelées « conventions ». Morrissette et Demazière (2018) les définissent comme des « savoir-faire partagés [qui] sont réifiés en routines et en normes (tacites), définissant les procédures à suivre, les manières de faire, les conduites pertinentes et déviantes, et les relations réciproques entre acteurs » (p. 194). Réglées par les interactions, ces attentes mutuelles constitueraient les valeurs, les normes et les habitudes communes à une société. Par exemple, un hochement de tête signifie généralement « oui » au Canada, mais peut signifier « non » dans d’autres contextes nationaux. Ainsi, il est probable qu’une personne canadienne relocalisée enfreigne des règles en raison de sa méconnaissance des codes locaux qui sous-tendent le hochement de tête. En outre, les compréhensions partagées résulteraient de « transactions » effectuées lors de situations au cours desquelles une négociation se déploierait en accord avec les dynamiques de pouvoir régissant l’interaction. Des transgressions surviendraient à l’occasion, notamment en raison d’une interprétation erronée, puisque les conventions se formeraient et se déformeraient au fil des négociations. Ce non-respect des ententes sociales créerait des turbulences dans les interactions, déstabilisant les conventions qui régissent habituellement les actions coordonnées. Par exemple, Dalley (2015) rapporte une situation où un élève issu de l’immigration est exclu de la classe en raison de sa méconnaissance de la signification des gestes de gestion de classe posés par son enseignante. Placée devant la classe, les bras croisés, l’enseignante s’attendait au silence, mais l’élève a continué de parler avec son camarade, ce qu’elle a interprété comme de l’indiscipline. Au sein de cette action coordonnée, le pouvoir serait réparti inégalement en faveur de l’enseignante et les compréhensions partagées seraient plus probablement négociées à son avantage.

Suivant cet éclairage, il est raisonnable d’envisager que les conventions socioprofessionnelles qui guident la conduite des SII ne correspondent pas nécessairement aux attentes du pays d’accueil. Remobilisant leurs manières de faire ou d’interagir habituelles, ils transgresseraient alors les conventions partagées par le groupe qu’ils intègrent, la réaction des membres de ce groupe en étant d’ailleurs un indicateur (Morrissette, Demazière, Larose, Diédhiou et Arcand, 2019). À titre d’exemple, une SII qui aurait cheminé dans un système scolaire dans lequel les personnes enseignantes adoptent une position autoritaire pourrait se sentir critiquée dans le cas où son EA interviendrait pendant sa prise en charge. Or, du point de vue canadien, qui valorise la collaboration entre les pairs, cette pratique est vue comme du co-enseignement, une forme de soutien à l’apprentissage encouragée par les facultés d’éducation.

Cet éclairage théorique nous conduit à la question suivante : quelles sont les conventions portées par les SII qui s’entrechoquent dans l’école ontarienne francophone et comment ces chocs affectent-ils le stage des SII?

Une méthodologie qualitative misant sur l’entretien individuel et en dyade

Cet article constitue une analyse secondaire des résultats obtenus dans le cadre du mémoire de maîtrise de la première auteure, L’expérience en stage de formation à l’enseignement de deux étudiantes d’Afrique subsaharienne nouvellement arrivées au Canada (Gagné, 2023). L’intérêt pour cet objet a nécessité la mise en oeuvre d’une étude qualitative, qui valorise le sens de l’expérience des personnes participantes (Paillé et Mucchielli, 2016). En outre, sous son versant compréhensif, ce type de recherche permet de saisir et de restituer les significations que les acteurs sociaux engagent dans leurs interactions, et d’appréhender comment ils s’ajustent les uns aux autres en croisant leurs interprétations (Morrissette, Guignon et Demazière, 2011).

Un recrutement en ligne en temps de pandémie

Vu la situation sanitaire au moment de l’enquête de terrain (hiver 2022), un recrutement a été effectué dans un cours en ligne du programme de formation à l’enseignement de l’Université d’Ottawa. Deux participantes ont été sélectionnées dans une optique d’approfondissement de la compréhension de leur expérience. Initialement, l’intention était de demander la participation de leur EA à un entretien final en dyade, proposition déclinée par les deux stagiaires. Ces dernières soutiennent que revenir sur les malentendus vécus en stage pourrait gâcher la relation avec leur EA et donc nuire à leur intégration professionnelle.

Les deux participantes sont des francophones originaires d’Afrique subsaharienne, arrivées au Canada depuis moins de cinq ans. L’une avait complété son stage I au moment des rencontres et l’autre réalisait son stage II. Elles se sont identifiées comme femmes, noires et mères, et détenaient plusieurs années d’expérience comme enseignante au secondaire dans leur pays d’origine respectif. Aminata (prénom fictif) a étudié en Europe, puis a enseigné dans son pays natal. Elle a fait son stage au sein d’une école primaire ontarienne en milieu urbain, dans une classe ressource – dite aussi d’accueil ou de francisation – regroupant des élèves allophones. Son EA était originaire d’Afrique du Nord. Rubie (prénom fictif) a, quant à elle, été formée dans son pays d’origine avant d’y enseigner. Elle a également fait son stage dans une école primaire ontarienne en milieu urbain, en classe dite régulière. Elle a eu une EA canadienne native.

Des entretiens individuels et en dyades

Conformément aux propositions de Morrissette et Demazière (2019), un entretien individuel semi-dirigé à orientation biographique a été mené avec chacune des participantes. Les questions qui leur ont été posées visaient à « comprendre leur expérience de migration, depuis leur situation dans le pays d’origine jusqu’à leurs premières expériences d’enseignement », expériences qui, dans le cas de cet article, sont faites dans le cadre du stage (Morrissette et Demazière, 2019, p. 53). À titre d’exemple, une question invitait les SII à « décrire le moment de [leur] accueil par [leur] enseignant-accompagnateur ». En complémentarité, des entretiens en dyade ont été conduits afin de croiser le vécu des participantes selon une perspective de coconstruction. La présence de la jeune chercheure, première auteure de cette contribution et enseignante appartenant au groupe majoritaire, a permis de proposer une interprétation « à la lumière des compréhensions “locales” » (Morrissette et Demazière, 2019, p. 54). Le dialogue instauré a fait ressortir les moments saillants du stage tout en fournissant l’espace nécessaire au partage. Une stratégie centrée sur les incidents critiques a présidé à ces entretiens, afin de mettre en lumière les situations ayant suscité la remise en question des compréhensions partagées. À chaque entretien, les participantes ont présenté un incident critique que nous avons co-analysé. Leclerc, Bourassa et Filteau (2010) définissent l’incident critique comme :

un événement qui peut sembler anodin de prime abord, mais qui s’avère marquant pour le sujet et pour les personnes avec lesquelles ce sujet interagit dans son espace professionnel; cet événement, généralement inscrit dans une situation délicate, est perçu comme pouvant changer le cours des choses.

p. 17

Selon les auteurs, l’incident critique favorise l’engagement dans une démarche réflexive. Il doit relater une situation vécue, être circonscrit dans le temps et se dérouler au sein d’une interaction. Chaque incident critique exposé permettait de sonder la définition de la situation des participantes ainsi que leurs compréhensions partagées acquises dans un autre contexte national. Tous les entretiens ont été menés par visioconférence et ont été retranscrits intégralement.

Une démarche d’analyse en deux temps

Dans un premier temps, l’analyse s’est faite en situation avec les participantes au moyen d’une interprétation conjointe des incidents critiques rapportés. Par conséquent, la co-analyse avait pour objectif de dévoiler les compréhensions partagées portées par les participantes et de les mettre en dialogue avec celles de la première auteure, porteuse des manières habituelles de définir les situations dans la culture d’accueil. Par exemple, lors de l’entrevue individuelle initiale, chaque participante a raconté un incident critique survenu en stage, qui a été résumé dans un récit envoyé par courriel à la participante afin qu’elle y apporte des corrections au besoin. Lors de la première entrevue en dyade, chacune lisait son récit puis, respectant la méthodologie des incidents critiques, la jeune chercheure posait des questions de façon à dégager leur définition de la situation respective (Leclerc, Bourassa et Filteau 2010). Au fil des entrevues, ces mêmes incidents critiques ont été analysés à nouveau et d’autres ont été amenés de façon plus spontanée. Cette méthode a privilégié une co-analyse itérative, permettant une incubation individuelle entre les séances (Leclerc, Bourassa et Filteau 2010), de façon à faire ressortir de nouveaux éléments d’analyse chaque fois. Dans un deuxième temps, une analyse thématique semi-inductive a été réalisée au moyen d’un traitement des cinq transcriptions par le logiciel Nvivo, ce qui a permis de structurer le matériau selon 13 thèmes autour du thème central d’« incident critique ». À l’invitation de Paillé et Mucchielli (2016), l’analyse subséquente a consisté à voir comment les thèmes « se recoupent, rejoignent, contredisent, complémentent » (p. 236). Ainsi, pour cette contribution, les thèmes retenus pour l’analyse des incidents critiques sont ceux de « situation déstabilisante », de « compréhensions partagées du pays d’origine », d’« interactions », de « compréhensions partagées du pays d’accueil » et de « résolution ». Ces thèmes ont permis de structurer les résultats sous la forme de deux incidents critiques, à l’intérieur desquels nous présentons d’abord la situation déstabilisante ainsi que la définition de la situation de la participante, à savoir les compréhensions partagées du pays d’origine puis les interactions ayant mené à la remise en question, les compréhensions partagées du pays d’accueil et enfin la résolution.

Des résultats mettant en lumière des incompréhensions mutuelles

Comme nous l’avons précisé précédemment, les définitions des situations se constituent collectivement au fil du temps et des interactions, influencées par le cadre social qui véhicule des compréhensions partagées. Or lorsqu’un individu intègre un nouveau groupe, la cohésion se rompt puisque les compréhensions partagées au sein de celui-ci perdent leur potentiel de sens collectif dans le nouveau contexte créé (Morrissette, Demazière, Larose, Diédhiou et Arcand, 2019).

Dans cette section sont présentés les incidents critiques qui concernent plus précisément le rapport à la hiérarchie. Deux cas de figure sont analysés, l’un lié à la prise d’initiative et l’autre à la séparation entre la vie personnelle et professionnelle. Ils sont contrastés en ce sens que, chez Aminata, la démarche semble avoir contribué à un ajustement de sa définition de la situation, tandis que chez Rubie, d’autres expériences sur le terrain paraissent nécessaires à la poursuite de sa démarche réflexive et à l’ajustement de sa définition de la situation.

Un incident critique concernant la prise d’initiatives

Durant le stage, la relation entre l’EA et la SII se construit par un ajustement des conventions acquises par le passé en fonction des situations rencontrées et des interactions qui s’y déploient. Au début de cette dynamique relationnelle, la SII expérimente une perte de sens en relation avec les savoir-faire partagés, soit les routines et les normes tacites, intériorisés dans sa société d’origine. Graduellement, ses échanges avec son EA l’amènent à ajuster ces compréhensions afin de répondre aux attentes mutuelles opératoires dans son nouveau contexte et d’accéder à la profession.

La situation déstabilisante et la définition de la situation initiale

L’un des incidents critiques rapporté par Aminata renvoie à la surprise qu’elle a eue à l’occasion de son évaluation de mi-stage lorsqu’elle s’est fait reprocher par son EA un manque d’initiative :

Elle m’a dit « bon tu ne prenais pas assez d’initiative, tu n’as pas par exemple mis la date au tableau ». Et je lui ai dit « mais qu’est-ce que je pouvais faire? Je savais pas ». Elle m’a dit « il fallait demander ». J’ai dit « ok d’accord c’est vrai que c’est moi qui aurais dû demander ». Mais on n’avait pas discuté de ça, donc du coup, moi, je pensais qu’il fallait faire ce qu’elle me demandait de faire.

entrevue individuelle avec Aminata, EI-A

Cet extrait montre que les attentes de chacune se trouvent en décalage, l’EA souhaitant une prise en charge plus autonome de la part d’Aminata, et cette dernière s’attendant à des directives. Si Aminata ne pense pas à avoir des initiatives, c’est que dans son pays d’origine, la convention opérationnelle est le respect de la hiérarchie : « Comme on vient d’un pays où la hiérarchie est importante, je me suis dit “c’est sa salle de classe, tu fais ce qu’elle te demande sans la bousculer pour éviter les tensions inutiles” » (EI-A). Mais la remarque de son EA indique que ce type d’attitude est mal reçu dans le milieu scolaire franco-ontarien où, apparemment, elle doit prendre des initiatives.

Au départ, cette prise de conscience reste un peu énigmatique pour Aminata, mais l’interaction difficile avec son EA déclenche une démarche de questionnement concernant les attentes dans son milieu de stage. Comme elle le mentionne, sa réflexion a été nourrie par les entrevues en dyade, lors desquelles la co-analyse lui a permis d’envisager la prise d’initiative autrement :

Je dois te remercier, Allison, par rapport à la première discussion qu’on a eue. Les petites difficultés que j’avais au début du stage, le fait de discuter de ça avec toi m’a permis de prendre conscience d’un certain nombre de choses. Donc maintenant, même si l’enseignante ne dit pas les choses de façon explicite, je vais vers elle, je pose des questions et puis ça a l’air de mieux se passer pour le moment.

première entrevue en dyade avec Aminata, ED1-A

Il semblerait que les échanges avec la coparticipante et la jeune chercheure aient contribué à une compréhension différente de l’initiative chez Aminata. Ces rencontres lui ont permis de verbaliser que la relation asymétrique avec son EA la rendait mal à l’aise de poser des questions :

Le stage, c’est aussi apprendre à collaborer. Mais je trouve que cette collaboration, elle n’est pas à pied d’égalité parce que c’est quand même notre évaluateur; c’est ça qui génère du stress, en fait.

ED1-A

S’il est raisonnable de penser que le stress dont parle Aminata serait potentiellement vécu par tout stagiaire, la participante souligne un point important. En effet, ses expériences passées, parfois empreintes de racisme et de discrimination, interviennent dans ses définitions des situations :

Le stage, peut-être que c’est stressant pour tout le monde, mais pour ceux qui viennent d’ailleurs et qui pensent à tort ou à raison qu’il y a aussi autre chose qui intervient, ça rend encore plus difficile.

ED1-A

Elle fait référence aux commentaires discriminatoires reçus alors qu’elle était bénévole dans une autre école et que certaines personnes auraient douté de sa compétence. Elle a dû y encaisser des commentaires du type « ici, on n’est pas en Afrique, on ne frappe pas les enfants » (EI-A). C’est donc avec ces événements en tête qu’Aminata interagit avec son EA, l’amenant à se faire « toute petite » (ED3-A). De plus, elle souligne qu’en tant que mère de famille, l’enjeu du stage est d’autant plus important : « Le fait que, aussi quand on change de métier, on a quand même des enfants, il faut les faire vivre » (ED2-A). Sa situation financière l’amène donc à craindre davantage les tensions qui pourraient nuire à son projet professionnel.

La remise en cause de la définition de la situation initiale à la lumière des compréhensions partagées dans le contexte d’accueil

Au fil de son stage et des interactions avec Rubie et la jeune chercheure, Aminata parvient à développer une meilleure compréhension des attentes dans son contexte de stage. Selon elle, il faut « se comporter comme le maître des lieux, c’est-à-dire faire tout ce qu’il y a à faire » (ED3-A). Ses manières de témoigner du respect à une personne hiérarchiquement supérieure, par exemple en attendant les instructions de celle-ci, sont interprétées différemment dans l’école franco-ontarienne : « ce que moi je prenais pour du respect est ici considéré comme de la distance [manque d’engagement] » (ED3-A). Elle comprend maintenant qu’elle doit déterminer elle-même les tâches à accomplir et se mettre en action sans qu’on lui demande, et ce, même dans la classe d’une autre personne. À partir du moment d’échange tendu avec son EA, Aminata s’engage dans une quête de compréhension des attentes et des limites définissant ce qui est jugé acceptable dans son milieu de stage, d’autant que la convention acquise par le passé en relation avec la hiérarchie ainsi que ses craintes liées à la discrimination dont elle pourrait encore être la cible la mènent à éviter de se confronter à son EA en lui posant la question directement. Elle a l’impression de procéder par essais et erreurs, et ce, « parfois à [s]es dépens » (ED3-A), gardant toujours en tête que son EA a un rôle d’évaluation de ses compétences professionnelles. À la fin de son stage et du processus de co-analyse, elle affiche une certaine confiance par rapport à sa nouvelle compréhension du contexte d’accueil. Toutefois, ses acquis restent fragiles, comme en témoignent les doutes qu’elle exprime : « J’essaierai d’être moins attentiste et de prendre des initiatives. Après, que ça plaise ou pas, je ne sais pas, mais en tout cas, je m’efforcerai de faire ça » (ED3-A). Cet extrait permet de comprendre qu’afin d’intégrer les compréhensions partagées au sein du milieu scolaire d’accueil, d’autres expériences sur le terrain seront nécessaires pour consolider ses manières d’agir selon les situations rencontrées.

Si, pour Aminata, la question de la prise d’initiative a suscité une remise en question de ses habitudes par rapport à ses supérieurs hiérarchiques, pour Rubie, c’est plutôt la séparation entre la vie professionnelle et personnelle qui a fait l’objet d’une turbulence avec son EA.

Un incident critique concernant la séparation entre la vie professionnelle et personnelle

La profession enseignante repose sur un partage de valeurs et de références socioculturelles avec l’ensemble des personnes qui gravitent autour de l’école, partage nécessaire à la coordination des activités produisant l’enseignement et la collaboration avec les partenaires de travail. Lorsqu’une personne vient de l’étranger, il arrive qu’elle ne soit pas au fait de ce système de références implicites et cela peut occasionner des incompréhensions mutuelles et donc des tensions. Dans le cas de Rubie, c’est la conciliation de ses rôles de mère et de stagiaire qui a constitué un enjeu, ou plutôt sa compréhension de la séparation entre la vie professionnelle et personnelle.

La situation déstabilisante et la définition de la situation initiale

Lors d’une journée de stage, Rubie s’est présentée à l’école avec une fatigue importante, car elle avait passé une nuit blanche à s’occuper de son nourrisson. Elle n’en informe pas son EA et en fin de journée, commence à somnoler. Son EA se met alors en colère et la réprimande après la classe, à la suite de quoi Rubie ne dit mot.

Si Rubie a accepté la réprimande sans fournir d’explication, c’est parce que de son point de vue, se justifier serait un manque de professionnalisme : « C’était rapporter les ragots de famille au lieu scolaire et ça n’aurait vraiment pas été professionnel du tout » (ED2-R). Cette convention renvoie à une séparation très nette entre les aspects professionnels et familiaux devant la hiérarchie, convention opératoire dans son pays d’origine. De fait, elle perçoit de manière assez négative le fait de parler de sa situation familiale au travail, peut-être en raison des rapports avec la hiérarchie connus dans son pays: « Il y a une grosse barrière entre le directeur de l’école et les enseignants » (EI-R). Ce serait donc cette barrière, cette distance, qu’elle transpose dans sa relation avec son EA, qui l’aurait poussée à accepter les reproches sans s’expliquer pour atténuer les tensions. Comme pour le cas d’Aminata, la définition de la situation investie par Rubie semble s’inscrire dans son histoire et dans ses anticipations, notamment par rapport à la manière dont son EA peut interpréter les situations qui la concernent : « Beaucoup de personnes se disent encore que l’Afrique est tout ce qu’il y a de “pas toujours bien”. Oui, en termes de moeurs, en termes d’éducation, que les choses sont encore à la rétrograde » (ED1-R). De son point de vue, elle serait a priori identifiée par sa couleur de peau (ED1-R), associée à un « background pas bien » (ED1-R). Cette appréhension semble renforcée par « les situations dont [elle] entend parler » (ED3-R) de la part d’autres SII, qui véhiculent qu’« on n’a pas droit à l’erreur » (ED2-R). Or, encore une fois, si n’importe quel stagiaire aurait pu réagir comme Rubie, la différence réside dans sa peur quant à la façon dont elle est perçue par son EA au vu de son origine. Comme nous l’avons mentionné, la situation vécue par Rubie n’a pas donné suite à une interaction favorisant la compréhension mutuelle ni la réflexion chez la stagiaire. En effet, celle-ci a reçu une réprimande sans discuter. Elle a toutefois choisi de partager cet événement avec la coparticipante et la jeune chercheure, ce qui lui a permis de reconsidérer sa définition de la situation.

Le maintien de la définition de la situation initiale à la lumière des compréhensions partagées dans le contexte d’accueil

En entretien en dyade, Rubie explique que cet incident a occasionné des tensions relationnelles avec son EA : « J’ai gâché toute cette bonne humeur qu’il y avait entre mon enseignante accompagnatrice et moi, et le bon travail qui se passait bien aussi avec ça, oui, parce qu’elle s’est braquée » (ED2-R). Il est probable que ce soit la compréhension de Rubie concernant la séparation entre la vie professionnelle et familiale qui soit à l’origine des tensions relationnelles vécues à la suite de son faux pas : en expliquant pourquoi elle avait somnolé en classe, son EA se serait probablement montrée compréhensive. Mais Rubie a été en quelque sorte piégée par le rapport à la hiérarchie intériorisé dans son pays d’origine, ainsi que par son manque de confiance en l’impartialité de son EA.

Lorsque la chercheure a demandé à Rubie pourquoi elle n’était pas revenue sur la situation avec son enseignante, elle a déclaré : « lui demander pourquoi elle se braque, ce serait encore aggraver les choses. […] Tout ce que je dois faire, c’est essayer de bien faire mon stage parce qu’à la fin, je serai notée. […] ça ne changerait pas grand-chose, ça ne ferait plutôt qu’empirer la situation » (ED3-R). À la fin de la démarche, Rubie n’avait pas encore modifié sa définition de la situation malgré les échanges en dyade, contrairement à Aminata. Elle s’est plutôt concentrée sur la réussite de son stage, déterminée à ne plus commettre d’« erreurs » (ED2-R). La co-analyse de l’incident aura peut-être un impact éventuellement lorsque Rubie sera confrontée à des situations similaires.

Des conditions vulnérabilisantes, même dans un stage réussi : discussion conclusive

Les résultats présentés dépeignent deux cas assez distincts sur lesquels il convient de revenir afin de dégager les compréhensions partagées qui s’entrechoquent au moment du stage et l’effet de ce choc sur l’expérience des stagiaires. Comme nous l’avons vu précédemment, il existe plusieurs travaux sur les difficultés des SII, notamment au plan des décalages de leurs conceptions par rapport à celles opératoires dans leur milieu d’accueil. Cependant, nous souhaitons ici discuter des apports de l’analyse secondaire réalisée en les mettant en dialogue avec les résultats d’autres études qui traitent du rapport des SII à la hiérarchie et de celles qui abordent la question des conséquences de l’évaluation sur les trajectoires d’apprentissage des SII. Cette mise en dialogue nous conduit à présenter le choc des conventions vécu en situation de stage évalué en termes de conditions vulnérabilisantes, suivant une vision interactionniste.

Les écrits qui traitent des difficultés des EII en lien avec la hiérarchie s’intéressent surtout à leur intégration professionnelle (Morrissette, Demazière, Larose, Diédhiou et Arcand, 2019; Morrissette, Gagnon et Malo, 2020; Rey, Mettraux, Bolay et Grenaud, 2020). Ils rapportent que dans certains pays d’origine des EII, les personnes enseignantes construisent une bonne réputation en projetant l’image de leur contrôle sur la classe (Morrissette, Demazière, Larose, Diédhiou et Arcand, 2019), ce qui implique de ne pas avoir recours à la hiérarchie (Malo, 2011). Pour cette raison, dans le milieu d’accueil canadien, ces EII ont tendance à camoufler leurs difficultés pour protéger leur image de compétence. Par exemple, en contexte québécois, des auteures rapportent que cette attitude de repli les met à mal vis-à-vis de la convention opératoire selon laquelle les personnes enseignantes doivent identifier de manière réflexive leurs difficultés et les nommer en les associant à un plan d’action (Morrissette, Gagnon et Malo, 2020). L’expérience en stage d’Aminata et de Rubie fait écho à cette étude, et comme les EA sont chargés d’évaluer leur performance, ce sont elles qui représentent la hiérarchie directe des participantes. Dans le cas d’Aminata, l’une des conventions qui s’entrechoquent concerne la « propriété » de la classe. La stagiaire se conduit selon les attentes de son pays d’origine : elle respecte l’espace de l’enseignante titulaire et se fait « toute petite » (ED3-A), lui laissant pleine autorité, ce qui est perçu comme un manque d’engagement dans son milieu d’accueil. À cela s’ajoute sa crainte de poser des questions, émanant des conventions intériorisées dans son pays d’origine. C’est ainsi qu’elle reçoit un commentaire négatif lors de l’évaluation de mi-stage : elle manquerait d’initiative. Dans le cas de Rubie, c’est plutôt une convention liée à la séparation entre la vie personnelle et professionnelle qui entre en confrontation avec les attentes du milieu d’accueil. Après avoir somnolé dans la classe, elle accepte la réprimande de son EA sans lui expliquer qu’elle avait passé une nuit blanche à s’occuper de son nourrisson. L’habitude acquise dans son pays d’origine la conduit à croire que « rapporter les ragots de famille au lieu scolaire » (ED2-R) pourrait « aggraver les choses » (ED3-R). Or il est probable que les manières de concevoir les choses soient différentes pour son EA, qui s’attendait peut-être à des explications pour comprendre la situation. Par ailleurs, ce que notre étude ajoute, c’est qu’en plus de la peur d’être perçues comme incompétentes, les participantes craignent de se voir jugées du fait de leur couleur de peau et de leur origine africaine. Ce sentiment, qu’elles ressentent « à tort ou à raison » (ED1-A), teinte leurs interactions avec leur EA et peut amplifier chez elles l’impression de devoir faire leurs preuves.

Par ailleurs, qu’ils s’intéressent aux personnes natives ou immigrantes, les écrits qui traitent des difficultés des stagiaires rapportent en grand nombre l’effet de l’évaluation sur les trajectoires d’apprentissage. En effet, puisque la réussite du stage est conditionnelle à l’obtention du brevet d’enseignement, les enjeux de l’évaluation de leurs compétences sont importants au point où ces stagiaires développent des « adaptations secondaires » pour survivre à ce contexte particulier où elles sont constamment sous le regard d’autrui (Perrenoud, 2004). Ainsi, elles calquent les pratiques de leur EA non pas parce qu’elles y adhèrent, mais parce qu’elles veulent recevoir une évaluation favorable (Collin et Camaraire, 2013; Malo, 2011). Elles se disent que lorsqu’elles auront la responsabilité d’une classe, elles pourront faire leurs propres choix en matière de pratiques (Gouin et Colognesi, 2021). Ce que notre article apporte à cette réflexion, c’est que même si les personnes stagiaires natives et issues de l’immigration rencontrent des défis similaires, il demeure qu’elles vivent des expériences distinctes. De fait, les premières sont de façon générale plus jeunes et n’ont pas d’enfants, alors que les secondes arrivent, pour plusieurs, avec une famille et des enfants qu’il faut « faire vivre » (ED2-A). En ce sens, les SII ont des responsabilités familiales et financières importantes, ce qui fait de la réussite de leur stage un enjeu encore plus critique.

Le stage peut représenter un contexte vulnérabilisant pour l’ensemble des stagiaires, en particulier parce que le rapport avec leur EA s’établit à l’aune d’une « fausse collaboration », considérant que les premiers sont évalués par les seconds. Toutefois, les résultats présentés dans cet article et leur mise en perspective avec les travaux antérieurs montrent que les conditions de vulnérabilisation sont plus importantes pour les SII. Selon Morrissette et Demazière (2019), la vulnérabilité n’est pas le propre des individus, mais « la résultante d’interactions qui se déroulent dans des situations sociales cadrées institutionnellement, organisées par des conditions préalables au sein d’un réseau mutuel d’interinfluence » (p. 49). Dans cette optique, les normes et les conventions apprises par les SII dans leur pays d’origine ne sont pas nécessairement opératoires dans leur milieu d’accueil, où l’enseignement est produit par une coopération reposant sur d’autres attentes mutuelles. Les enjeux de l’évaluation des compétences professionnelles participent à la création d’un contexte vulnérabilisant, sachant, comme le dit Duchesne (2017), que le milieu professionnel dans le pays d’accueil a tendance à percevoir sa culture comme supérieure à celle des personnes étrangères qui tentent de s’y intégrer. En effet, différents individus ayant un pouvoir symbolique important (élèves, parents, directions) menacent la stabilité du stage lorsque les actions des SII se fondent sur des savoir-faire hérités de leur société d’origine. Or, Aminata et Rubie – et les autres SII – semblent se trouver dans un contexte plus vulnérabilisant, car en situation de stage, leur autonomie demeurant limitée et le fait que leurs compétences soient jugées par leur EA implique de se plier aux attentes de cette dernière. D’ailleurs, elles le verbalisent elles-mêmes à plusieurs reprises : Aminata ressent le besoin d’« éviter les tensions inutiles » (EI-A) et Rubie manifeste sa crainte d’échouer son stage, tentant d’éviter d’« aggraver les choses » puisqu’elle sera « notée » (ED3). À l’instar de Morrissette et Demazière (2019), nous posons que cette vulnérabilité se manifeste dans un rapport de pouvoir inégal, que le stage soit réussi ou non.

Néanmoins, il est raisonnable de penser que l’effet vulnérabilisant a été atténué par les entrevues de co-analyse en dyade, impliquant la participation d’une jeune chercheure appartenant au groupe majoritaire qui a pu contribuer, en dehors du contexte d’évaluation, à une réévaluation de la viabilité des définitions de la situation des stagiaires en relation avec les incidents critiques relatés. Cette méthode pourrait ainsi inspirer des institutions universitaires ou professionnelles intervenant dans l’accompagnement des stagiaires. Il s’agirait de bonifier les dispositifs déjà en place par des situations de co-analyse de récits de pratique porteurs d’incidents critiques, cette méthode aidant à la mise en mots de compréhensions partagées locales opératoires pour mieux les préparer au stage.