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Introduction

Le déséquilibre entre le poids démographique d’un groupe dans la population et sa proportion dans les services de protection de la jeunesse (DPJ) peut être une source d’inquiétude, ces services étant réservés aux situations graves et exceptionnelles de mauvais traitements à l’égard des enfants ciblés par la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) (Gouvernement du Québec, 2009 ; MSSS, 2007). À Montréal, les enfants noirs sont sur-signalés, surtout par les intervenants qui les côtoient, sans toutefois avoir un plus grand besoin de protection que leurs pairs (Lavergne, Dufour, Sarmiento et Descôteaux, 2009 ; Sarmiento et Lavergne, 2017). Cette recherche, qualitative, explore ce phénomène sous l’angle des représentations sociales des intervenants concernant les populations noires et leurs intentions de pratique vis-à-vis de celles-ci.

Contexte théorique

Ampleur et éléments explicatifs de la surreprésentation

Dans l’agglomération de Montréal, les populations noires représentent le groupe de minorités visibles le plus important, soit 8 % de la population. Elles regroupent un ensemble de communautés distinctes quant au lieu de naissance, nationalité, langue maternelle et statut des générations en lien avec l’immigration (Livingstone et Weinfeld, 2015 ; Montréal en statistiques, 2014). Indépendamment de leur origine, les inégalités qui affligent cette communauté sont nombreuses  : des taux de pauvreté et de chômage supérieurs ainsi qu’un revenu moyen et un taux de diplomation inférieur à ceux que l’on retrouve dans la population dans son ensemble (CFDDHM, 2010 ; Livingstone et Weinfeld, 2015). Historiquement, les populations noires ont été économiquement et socialement opprimées et discriminées à Montréal tout comme dans le reste de l’Amérique du Nord (Austin, 2007). En outre, le rapport publié par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en 2011 a relevé l’ampleur de la discrimination systémique à laquelle font face les populations noires du Québec, en explorant le vécu des jeunes dans leurs rapports aux institutions de la province, dont la protection de la jeunesse.

Quatre constats émergent des études les plus récentes sur les expériences des populations noires avec la protection de la jeunesse à Montréal (Lavergne et al., 2009 ; Sarmiento et Lavergne, 2017) : les enfants noirs sont surreprésentés à l’étape du signalement (20 % des signalements, c. 8 % de la population), ils sont principalement signalés par des intervenants, le premier motif de signalement pour un enfant noir est l’abus physique ou son risque (54 %), ils sont deux fois plus nombreux à être retenus pour évaluation mais, à l’issue de l’évaluation, la majorité des enfants noirs sont jugés sans besoin de protection (3 enfants sur 5). Ce bilan suggère que les mécanismes menant au signalement sont différents pour les enfants noirs que pour les autres enfants de Montréal.

L’étape du signalement est critique. En effet, la communication d’une situation préoccupante à la DPJ, le signalement, représente la porte d’entrée aux services de protection de la jeunesse et le début d’une intervention d’autorité dans la vie des familles concernées. En vertu de son caractère d’exception, l’application de la LPJ peut enfreindre les droits et libertés garanties par la Charte de droits et libertés du Québec, tels que le droit à la vie privée (Moreau, Cabaret et Carignan, 2009). Ainsi, quelle que soit l’issue de l’évaluation, cet évènement exceptionnel peut provoquer en soi un effet de stigmatisation et de marginalisation auprès de familles vulnérables déjà sous l’emprise de difficultés considérables. De plus, l’ampleur des signalements traités par les services de protection de la jeunesse ne cesse de croitre depuis l’entrée en vigueur de la LPJ en 1979, mais le taux de rétention de ces nombreux signalements baisse considérablement et le taux d’enfants victimes de mauvais traitements demeure stable (INESSS, 2017). Ainsi, les données semblent indiquer que la DPJ reçoit, chaque année, de nombreux signalements ne nécessitant pas les services de protection de la jeunesse, dont plusieurs concernent des enfants noirs.

Trois hypothèses dominent la littérature quant aux mécanismes possibles de la surreprésentation. D’après la première hypothèse, les enfants noirs seraient surreprésentés à l’étape du signalement en raison d’une plus grande vulnérabilité des familles noires due à la pauvreté (Dettlaff et Rycraft, 2008 ; Hines, Lemon, Wyatt et Merdinger, 2004) ainsi qu’à une surveillance accrue par les agents des autorités publiques (Hill, 2006). La deuxième hypothèse invoque la présence de caractéristiques territoriales défavorables, telles que l’absence de services culturellement adaptés aux groupes minoritaires dans le quartier (Chibnall et al., 2003 ; Dettlaff et Rycraft, 2008 ; Eid, Turenne et Magloire, 2011). La dernière hypothèse suggère que la surreprésentation est attribuable aux biais et aux aprioris des signalants à l’égard des populations noires. Ces biais amèneraient les intervenants disposant du devoir de signaler à réagir notamment selon des idées préconçues, reflétant leurs préjugés, normes et valeurs culturelles (Dettlaff et Rycraft, 2008 ; Eid et al., 2011 ; Lavergne, Dufour et Couture, 2014). Aucune hypothèse ne peut expliquer à elle seule le phénomène. Néanmoins, la surreprésentation des enfants noirs montréalais à l’étape du signalement, signalements provenant majoritairement d’intervenants, justifie l’exploration de l’hypothèse de biais de ces intervenants, qui sont légalement tenus de signaler.

Processus décisionnel de l’intervenant quant au signalement

La population québécoise dans son ensemble est mise à contribution afin d’assurer la protection de ses enfants contre les mauvais traitements dont ils peuvent être victimes (Gouvernement du Québec, 2009). Les intervenants qui, par leurs fonctions, côtoient une clientèle mineure sont dans l’obligation de signaler toutes les situations de compromission visées par la LPJ (Gouvernement du Québec, 2009). Des enseignants, des infirmiers, des policiers et des intervenants psychosociaux, pour n’en nommer que quelques-uns, exercent ainsi un mandat de vigile pour la protection des enfants. Près des trois quarts (72 %) des signalements proviennent de telles sources (INESSS, 2017).

Les intervenants confrontés à des situations impliquant d’éventuels mauvais traitements doivent prendre d’importantes décisions concernant l’enfant et sa famille. Bien que ces intervenants soient obligés d’effectuer un signalement, la DPJ les dissuade de mener leur propre enquête (Trocmé et Bala, 2005). Ainsi, le processus décisionnel complexe menant ou non au signalement repose largement sur le jugement de l’intervenant sur la base d’indices souvent incomplets. Son jugement peut être influencé par une panoplie de facteurs, tels que l’âge de l’enfant (Ashton, 1999 ; Jankowski et Martin, 2003), la présence de violence physique (Ashton, 1999 ; Flaherty et al., 2008 ; Poitras, 2014), le statut de parent du signalant (Fraser, Mathews, Walsh, Chen et Dunne, 2010) et la formation reçue en matière de mauvais traitements (Feng, Huang et Wang, 2010 ; Fraser et al., 2010). Une tâche ardue, qui se révèle plus épineuse encore lorsque la famille en difficulté provient d’un groupe ethnoculturel minoritaire tel que les populations noires (Poitras, 2014). Les biais et les aprioris à l’égard d’un groupe minoritaire peuvent influencer le jugement et ultimement la décision de signaler des intervenants (Eid et al., 2011 ; Wells, Merritt et Briggs, 2009 ; Xiao, Coppin et Van Bavel, 2016), d’où l’importance d’explorer la façon dont ils se représentent les populations noires (Chibnall et al., 2003 ; Hines et al., 2004 ; Ibanez, Borrego, Pemberton et Terao, 2006).

Rôle des représentations sociales

Pour comprendre les pratiques de signalement d’enfants noirs, il faut s’intéresser à la façon dont ceux qui les signalent conçoivent cette population. L’approche théorique des représentations sociales, qui traite des cognitions, des perceptions ainsi que de leurs influences sur les pratiques des individus, convient particulièrement à cette fin. La représentation sociale renvoie à l’ensemble de connaissances signifiantes concernant un groupe, incluant les croyances, les valeurs, les stéréotypes, les attitudes et même les émotions que suscite l’objet de la représentation (Jodelet, 1989 ; Moscovici, 1989). La représentation sociale d’un individu est le produit de l’histoire et de la mémoire collective d’une société et est formée à partir de ses expériences, de sa formation et du statut qu’il occupe dans cette société (Abric, 1994 ; Rouquette et Rateau, 1998).

Les fonctions de la représentation sont l’intégration de la nouveauté, l’interprétation de la réalité et l’orientation des communications et des conduites (Jodelet, 2003). Toute situation est intégrée et comprise selon le système de valeurs et le contexte social de l’individu qui la vit. C’est la représentation que se fait l’individu de la situation et non les composantes objectives de celle-ci qui détermine ses réactions (Abric, 1994). Outre le comportement, les représentations sociales s’actualisent dans les discours (Abric, 1994 ; Jodelet, 1989), clés importantes à la compréhension des manifestations comportementales de la représentation (Rouquette et Rateau, 1998).

Quelques études ont porté sur les représentations sociales d’intervenants oeuvrant auprès de familles en difficulté (Bélanger-Sabourin, 2011 ; Lessard et Turcotte, 2000 ; Sellenet, 1999). Les résultats soulignent l’impact des perceptions qu’ont les intervenants des familles avec lesquelles ils travaillent sur l’efficacité de leurs interventions ainsi que sur leur capacité à établir une réelle relation d’aide. D’autres études ont porté sur les représentations sociales concernant des groupes ethnoculturels minoritaires (Doraï, 1989, cité dans Vidal et Brissaud-LePoizat, 2009 ; Hraba, Hagendoorn et Hagendoorn, 1989). Leurs résultats dévoilent que les représentations peuvent s’organiser autour d’un stéréotype ou refléter une conception hiérarchique des groupes ethnoculturels, justifiant la discrimination de certains groupes au profit de d’autres. Néanmoins, aucune étude n’a encore exploré les représentations sociales d’un groupe d’intervenants vis-à-vis d’un groupe ethnoculturel particulier. Les représentations de l’intervenant à l’égard des populations noires rendent compte de ses connaissances et de ses expériences, s’enracinent dans un contexte sociohistorique tout en étant spécifiques au vécu de cet intervenant et servent de filtre interprétatif puis de guide des actions entreprises. Leur exploration se révèle particulièrement intéressante pour l’examen de l’hypothèse de biais chez les signalants qui sont dans leurs fonctions intervenants.

But de la recherche

Cette recherche vise à décrire les relations entre les représentations qu’ont les intervenants des populations noires et leurs intentions de pratique envers des enfants noirs aux prises avec de graves difficultés psychosociales, dont la décision d’effectuer un signalement à la DPJ.

Méthode

Instrument de collecte de données

Cette recherche s’appuie sur une analyse qualitative secondaire des transcriptions d’entrevues individuelles de 75 minutes réalisées dans le cadre d’un projet plus vaste portant sur l’étude du processus de signalements à la DPJ d’enfants noirs dans quatre territoires montréalais[1]. La première section de l’entrevue traitait des caractéristiques du territoire d’intervention du participant. La deuxième section explorait la population vivant sur ce territoire et plus particulièrement les familles noires. La troisième section s’intéressait aux difficultés psychosociales vécues par les familles du territoire. Le participant devait décrire des situations typiques de signalements avec des enfants noirs, réelles ou fictives, mais représentatives du territoire : une qui doit être signalée, une qui ne doit pas être signalée et une qui est ambiguë quant à la nécessité de signalement. La quatrième section concernait le cadre légal entourant les mauvais traitements durant l’enfance. L’ensemble du matériel recueilli a été réanalysé dans le cadre de cette recherche, dont la méthode est présentée plus en détail dans Lavoie-Taylor (2017).

Participants

Des organismes diversifiés offrant des services à des enfants ou des familles dans les territoires visés ont été sollicités (choix aléatoire quand plusieurs organismes d’un même milieu de pratique étaient disponibles, p. ex. organismes communautaires). Les participants, 33 intervenants (8 hommes et 25 femmes), travaillaient dans divers milieux de pratique : services de garde (7), services de la santé et services sociaux (8), policiers (8), établissements scolaires (3) et organismes communautaires (7). Le dernier diplôme complété par les participants était un programme de deuxième cycle universitaire (7), un baccalauréat (15), un certificat (6) ou un diplôme d’études collégial (5). Certains participants s’étaient déclarés membres des populations noires (6) ou d’origine mixte (2). Le tableau 1 présente les détails recueillis sur la pratique professionnelle des participants.

Tableau 1

Pratique professionnelle des participants (n = 33)

Pratique professionnelle des participants (n = 33)

Abréviation : N/A, absence de réponse ou autre.

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Analyses

La première étape analytique, intra-cas, a consisté à créer une fiche synthèse du contenu des représentations sociales des populations noires pour chacun des participants. La transcription a été codée en quatre thèmes (famille, ressources et réseau, facteurs de risque de difficultés psychosociales, identité noire) et quinze sous-thèmes (p. ex. : la famille élargie et le statut socio-économique) à l’aide du logiciel Nvivo 10.

La deuxième étape analytique, inter-cas, a consisté à dégager des dimensions supérieures intégratives à partir des fiches synthèses développées à l’étape précédente. Deux dimensions ont été choisies en raison de leur capacité à prendre en compte les différentes composantes du contenu de la représentation sociale.

Dimension 1 : le site de la responsabilité

Cette dimension désigne l’emplacement de la responsabilité des difficultés vécues par les populations noires selon le participant. Cette notion est tirée de l’étude de Lessard et Turcotte (2000) sur les représentations sociales des familles vulnérables. Le site peut être interne ou externe, selon que les difficultés soient attribuées à des caractéristiques et des pratiques présentes au sein du groupe (p. ex. violence dans la famille) ou à des facteurs extérieurs au groupe (p. ex. discrimination).

Dimension 2 : la connaissance culturelle

Cette dimension désigne quant à elle l’ensemble de connaissances au sujet de et issues d’expériences avec les populations noires. La connaissance culturelle peut être plus ou moins importante. À noter que l’analyse des connaissances ne distingue pas les faits avérés des préjugés. Ainsi, il est possible que le discours d’un participant témoigne d’un important volume de fausses connaissances. Le concept de connaissance culturelle est inspiré de la notion de cultural awareness de Sawrikar et Katz (2014).

L’analyste produit ensuite une fiche synthèse par participant quant à ses intentions d’action face à un enfant noir en difficulté. La question guidant la synthèse est : comment prennent-ils la décision d’effectuer un signalement ?

L’étape analytique finale a consisté à regrouper les cas selon leurs similitudes quant aux dimensions de la représentation sociale (site de responsabilité et connaissance culturelle) et quant aux intentions d’action, ce qui a permis de dégager quatre profils de signalants d’enfants noirs.

Résultats

Les intervenants « signalants » potentiels rencontrés ont tenu des discours au contenu complexe et diversifié, dont l’analyse a permis l’élaboration d’une typologie de vigiles.

Le vigile réactif

Le premier type de signalants, qui regroupe onze répondants oeuvrant principalement dans le milieu de garde et le milieu policier, se décline en deux sous-types. Ces vigiles se caractérisent par le peu de connaissances culturelles spécifiques aux populations noires  : ils abordent peu de thèmes et font référence à peu d’expériences, bien qu’ils se disent assez ou très familiers avec la diversité culturelle. Les difficultés vécues au sein des populations noires sont principalement attribuées aux caractéristiques et aux pratiques de celles-ci. Le thème central des discours de ces vigiles sur les populations noires est que ceux-ci ne présentent aucun facteur de risque particulier. Dans le doute quant à la possible compromission d’un enfant, leur premier réflexe consiste à contacter les délégués de la DPJ, considérés comme des alliés. L’origine ethnoculturelle de l’enfant n’est pas prise en compte lors de leur évaluation de la situation. Les vigiles réactifs considèrent qu’ils assurent le traitement juste et équitable de tous les enfants : « Blanc, jaune, vert ou noir, ils sont tous traités d’la même façon ici » (p11). Néanmoins, lorsqu’ils sont confrontés à une famille vivant dans la pauvreté, les vigiles réactifs tentent de les soutenir plutôt que de signaler la situation à la DPJ. Bien que les vigiles réactifs aient ces caractéristiques en commun, on peut les séparer en deux sous-types : le vigile réactif-appréhensif et le vigile réactif-exécutant.

Le vigile réactif-appréhensif

Ce sous-type regroupe quatre répondants travaillant en milieu de garde ou scolaire. Les vigiles réactifs-appréhensifs se démarquent principalement par leur rapport à la DPJ. Un soupçon de maltraitance suffit pour faire un signalement à la protection de la jeunesse. L’institution de la DPJ est perçue comme aidante pour eux-mêmes, les parents et les enfants qu’ils côtoient. Dans le cas de soupçons de violence physique, ces vigiles estiment préférable de ne pas aborder la situation avec les parents avant le signalement, de peur que la situation s’envenime. Cependant, dans de possibles situations de négligence ou de mauvais traitements psychologiques, ils disent tenter de travailler avec le parent tant qu’ils perçoivent une mobilisation ou une reconnaissance de sa part. L’encadré 1 illustre ce sous-type de vigile.

Le vigile réactif-exécutant

Ce sous-type regroupe sept répondants travaillant principalement dans le milieu policier. Les vigiles réactifs-exécutants (voir encadré 2) se distinguent des autres vigiles réactifs en qualifiant la relation parent-enfant dans les populations noires comme étant globalement différente du groupe majoritaire en raison du style d’encadrement et l’utilisation de la punition corporelle : « je pense que culturellement, une famille noire a pas la même vision de l’éducation qu’une famille nord-américaine caucasienne normale » (p32). Bien que ces vigiles affirment que les populations noires ne présentent aucun facteur de risque particulier, ils associent tout de même ces groupes aux incivilités et aux gangs de rue. Ils effectuent un signalement, en raison de leur obligation légale, lorsque la situation correspond à un alinéa de la LPJ : « on se casse pas la tête là ici à se dire est-ce qu’on signale ou on signale pas » (p11). Cette absence d’ambigüité est attribuable en partie à leur compréhension du partage des responsabilités concernant les enfants en difficulté : eux signalent le cas et la DPJ l’évalue. Ces vigiles affirment tout de même tenter de soutenir la famille dans la mesure du possible (p. ex. référence), même après le signalement.

Le vigile heurté

Ce type regroupe huit répondants oeuvrant dans le milieu de garde, le milieu scolaire et le milieu de la santé et des services sociaux. Les vigiles heurtés (encadré 3) présentent des degrés de connaissances culturelles très variés. Toutefois, ils se rejoignent dans leur perception que les populations noires sont responsable des difficultés qui les affligent. Le thème de la famille noire est principalement abordé en lien avec des particularités considérées comme nocives pour les enfants et énoncées avec désapprobation. Les rapports conjugaux sont jugés malsains en raison de violence conjugale et d’infidélité masculine, tandis que l’encadrement des parents noirs est caractérisé comme « pas très positif là, c’est souvent la tape » (p21). L’utilisation de la punition corporelle dans les familles noires, pratique peu ou difficilement distinguée de l’abus physique par ces répondants, représente la particularité saillante dans la relation parent-enfant selon les vigiles heurtés. Selon eux, la relation entre les intervenants et les parents noirs, décrits comme « farouches » (p27), est empreinte de méfiance. Ils identifient de nombreux facteurs de risque à l’oeuvre au sein des populations noires, décrites comme étant en situation de survie. Les expériences invoquées impliquent des familles noires très défavorisées. Pour les vigiles heurtés, travailler avec les populations noires est ardu. En cas de doute, les vigiles heurtés sollicitent de l’information de leurs collègues jusqu’à l’obtention d’un consensus et en communiquant avec les ressources du réseau au besoin. Ils tentent de venir en aide aux familles noires en difficulté rencontrée dans le cadre de leur travail avant de contacter la DPJ. Lorsque les services disponibles ne sont pas suffisants, que le parent ne collabore pas ou que le danger pour l’enfant est trop important, les vigiles heurtés font un signalement à la DPJ.

Le vigile nuancé

Le troisième type regroupe six répondants oeuvrant dans des organismes communautaires et le milieu de la santé et des services sociaux. Le discours des vigiles nuancés concernant les populations noires se caractérise par une grande profondeur de connaissances culturelles spécifiques à ceux-ci. Ils témoignent d’une compréhension des populations noires comme étant largement victimes des difficultés vécues au sein de la population générale. Les vigiles nuancés remarquent des différences dans la façon de vivre les rapports conjugaux et dans la façon de concevoir l’enfant dans les populations noires. Toutefois, comme pour les types précédents, c’est l’utilisation de la punition corporelle qui ressort comme la principale différence au sein des familles noires. Néanmoins, les vigiles nuancés se démarquent en tempérant leurs propos  : ils affirment que la punition corporelle existe dans les familles noires, mais que cette pratique se déploie différemment et avec une intensité variable selon la famille et, surtout, qu’il est faux de croire qu’elle est pratiquée dans toutes les familles noires. Bien qu’ils mentionnent différents facteurs de risque psychosociaux affectant les populations noires, c’est la discrimination qui ressort comme étant le plus important de ces facteurs. Pour les vigiles nuancés, être noir signifie « toujours donner plus pour qu’on reconnaisse ta valeur » (p18) et faire face à un « regard d’hostilité et de crainte » (p28) de la part du reste de la population. Ces vigiles considèrent que la discrimination découle de préjugés et qu’elle provoque le traitement différentiel des populations noires. Ils identifient des facteurs de protection à l’oeuvre au sein des populations noires, telle qu’un important esprit d’entraide. Pour les vigiles nuancés, le signalement représente le dernier recours et survient dans une situation de compromission où le parent ne se mobilise pas ou ne peut pas mettre fin à la situation malgré les services mis en place autour de la famille. Dans ces cas, ils jugent que la DPJ amène l’encadrement nécessaire au redressement de la situation. Cependant, les vigiles nuancés considèrent que de faire entrer la DPJ dans une famille est un geste lourd de responsabilités pour celui qui effectue le signalement et de conséquences pour la famille signalée. Ainsi, l’impact possible de l’implication de la DPJ est mis dans la balance au moment du choix d’effectuer ou non un signalement.

Le vigile compréhensif

Le dernier type de signalant intervenant regroupe huit répondants oeuvrant dans tous les milieux recensés. Les vigiles compréhensifs se caractérisent par une profondeur de connaissances culturelles spécifiques aux populations noires. Ils attribuent les difficultés présentes au sein de cette population principalement à des causes externes aux populations noires elles-mêmes. Les discours entourant les familles noires sont approfondis et mis en contexte. Ils s’attardent au sens des particularités relevées en faisant l’effort de considérer le point de vue de toutes les personnes impliquées. Cependant, comme c’est le cas pour les autres types, ce sont les caractéristiques de la réponse des parents noirs à leurs enfants et notamment l’utilisation de la punition corporelle comme méthode éducative qui domine les discours sur la famille. Toutefois, ces vigiles explorent son origine, son sens pour le parent, ses éléments déclencheurs et son incompatibilité avec le contexte local : « là-bas tu le faisais parce que tu t’attendais à ce que quelqu’un t’arrête mais ici, non, c’est pas comme ça là, tout le monde, leur porte est fermée, t’élèves pas ton enfant dans une cour » (p17). Les vigiles compréhensifs soulèvent deux facteurs de risque au sein des populations noires : le contexte d’immigration et la discrimination. Pour les familles à la fois noires et immigrantes, le projet migratoire peut apporter son lot de difficultés comme la perte du réseau familial et un statut d’immigration précaire. Cependant, selon ces vigiles, pour les populations noires dans leur ensemble, c’est la discrimination qui constitue le facteur de risque principal. Les préjugés associant les populations noires à la violence, à la pauvreté ou à la criminalité donnent lieu à un traitement différentiel défavorable systémique dès l’enfance. Ultimement, ces préjugés amènent à des raccourcis : « on a jamais vu donc la personne comme un être humain dans toute sa globalité » (p7).

Ces vigiles considèrent que la situation familiale d’un enfant en difficulté est souvent complexe et que les parents peuvent vivre eux aussi une importante détresse. Ainsi, ils privilégient une rencontre avec les parents lorsque leurs soupçons sont éveillés. Cette rencontre permet d’obtenir plus d’informations, de faire de l’éducation et de créer ou de maintenir un lien de confiance, tout en étant transparents et congruents. Les vigiles compréhensifs jugent nécessaire de prendre le temps de comprendre la situation avant de tirer des conclusions hâtives. Lorsque la famille vit des difficultés qui nécessitent du soutien, ces vigiles enclenchent les services afin de lui venir en aide. Cependant, lorsque la situation de compromission persiste ou lorsque le risque est trop important, les vigiles compréhensifs signalent la famille à la DPJ dans une volonté de protéger l’enfant et en respect de leurs obligations prescrites par la LPJ.

Discussion

Les résultats de cette recherche soulignent la variété d’expériences menant au signalement d’enfants noirs en difficulté. Cependant, tous affirment avoir une volonté de travailler avec le parent lorsqu’ils pensent pouvoir exercer une influence positive sur la situation et procéder au signalement en l’absence de collaboration de ce dernier ou lorsque le risque pour l’enfant est trop important. Les discours des vigiles suggèrent qu’ils sont de bonne foi et font de leur mieux pour assurer la protection de l’enfant noir en difficulté. Certaines différences entre les types de vigiles semblent toutefois contribuer au phénomène de surreprésentation de signalements d’enfants noirs et méritent d’être explorées davantage.

La DPJ. Oui, mais quand ?

À quel moment faut-il impliquer la DPJ dans la vie d’un enfant noir en difficulté ? Les résultats de cette étude démontrent que la réponse est variable  : certains types de vigiles repoussent au maximum le recours au signalement, alors que d’autres n’hésitent pas à signaler au moindre doute.

La LPJ concerne les situations graves et exceptionnelles pouvant compromettre la sécurité ou le développement d’un enfant (MSSS, 2007, 2010). Afin de s’acquitter de ses responsabilités vis-à-vis de l’application de cette loi d’exception, la DPJ exhorte ses vigiles à signaler toute situation inquiétante impliquant un enfant sans délai, affirmant qu’en cas de doute, il est plus prudent de signaler que de ne pas signaler (MSSS, 2007). Toutefois, d’importants coûts sont associés au fait de solliciter la population à envoyer toute situation d’enfant perçu en difficulté à « la salle d’urgence » des problèmes psychosociaux vécus dans la famille.

Cette façon de faire contribue aux forts volumes de signalements non retenus à la réception (60 %) ou non fondés au terme de l’évaluation (60 %) (INESSS, 2017) qui engorgent le système et érode la confiance populaire en la capacité de la DPJ à répondre adéquatement, en diluant l’attention portée aux cas réellement inquiétants (Besharov, 2005). La famille visée par un signalement vit elle aussi de lourdes conséquences. En être la cible, sans justification valable, peut provoquer un sentiment d’injustice ou alimenter la méfiance des parents envers le système (Besharov, 2005 ; Moreau, Cabaret et Carignan, 2009). Il s’agit d’enjeux majeurs pour les familles noires, alors que leur surreprésentation dans les services de protection de la jeunesse concourt déjà à perpétuer des conditions oppressives et à diminuer la confiance qu’elles accordent aux ressources formelles (Dettlaff et Rycraft, 2008 ; Eid et al., 2011). La confiance des vigiles réactifs dans le système de la protection de la jeunesse comme première réponse pourrait aussi dissimuler un désengagement face à la famille noire en difficulté, remettant la charge de lui venir en aide à la DPJ, sans réflexion quant à l’adéquation entre les difficultés perçues et cette réponse d’autorité ou quant à l’impact possible du signalement au sein de la famille.

Communication avec le parent pour valider ses impressions : une exception

Le fait que ce n’est qu’exceptionnellement que l’intervenant rapporte entrer en dialogue avec le parent mérite aussi d’être discuté. Le vigile compréhensif se distingue en considérant nécessaire de rencontrer le parent afin de comprendre la situation de son point de vue.

La rareté de cette pratique renforce la validité de l’hypothèse émergeant des discours des intervenants de la protection de la jeunesse interrogés par Lavergne, Dufour et Couture (2014). Ceux-ci remarquent que les familles noires sont souvent signalées sans que les vigiles aient fait suffisamment d’efforts pour parler aux parents de leurs inquiétudes. La possibilité de malentendus s’accroît en contexte d’intervention interculturelle, surtout en l’absence d’une communication franche et ouverte. Il est donc possible que son caractère exceptionnel dans les intentions de pratique des vigiles contribue à la surreprésentation d’enfants noirs à l’étape du signalement. D’autant plus que les vigiles soulignent l’importance accordée à la présence ou non de collaboration des parents dans leur décision de signaler une situation préoccupante à la DPJ, une communication transparente étant une composante essentielle à la collaboration (Blue-Banning, Summers, Frankland, Nelson et Beegle, 2004 ; Lacharité, 2009). Reste à déterminer si cette pratique est représentative des intentions d’action des intervenants en tant que signalants potentiels auprès des enfants québécois dans leur ensemble, ou s’il s’agit d’une particularité des vigiles d’enfants noirs.

La punition corporelle et la famille noire

Bien que les thèmes émergeant des discours entourant les populations noires des vigiles soient largement déterminés par le protocole d’entrevue, certains sous-thèmes, comme l’utilisation de la punition corporelle, émergent de manière plus spontanée. Cette pratique est présente dans les discours de chaque type de vigile recensé et est central aux représentations sociales des répondants au sujet des populations noires. Constat qui fait écho à l’hypothèse des intervenants de la protection de la jeunesse interrogés par Lavergne, Dufour et Couture (2014), qui soupçonnent un biais chez les vigiles les amenant à présumer à tort que les parents noirs ont davantage recours à la punition corporelle que les autres.

La punition corporelle, un acte entraînant douleur ou malaise physique commis par un adulte en situation de pouvoir à l’endroit d’un enfant afin de modifier un comportement jugé indésirable chez ce dernier (Clément, 2011 ; Durrant, Ensom et Coalition sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents, 2004), constitue une stratégie éducative encadrée par le Code criminel canadien. Toutefois, les vigiles rencontrés jugent cette pratique inacceptable sur le plan moral, reflétant l’attitude de la population québécoise, où l’utilisation de cette pratique est en déclin, ce qui est renforcé par la connaissance des conséquences adverses de celle-ci étayées dans la recherche (Clément, Bernèche, Chamberland et Fontaine, 2013 ; Clément et Dufour, 2009 ; Gershoff, 2002). Bref, le contexte actuel est fortement défavorable à la punition corporelle, d’autant plus qu’elle est souvent confondue avec l’abus physique.

Un même geste peut être considréré comme une punition corporelle ou un abus physique selon les caractéristiques de l’enfant, du parent, du geste lui-même et de son contexte. Distinguer la correction physique de son utilisation illégale puisque déraisonnable est fort ardu sans posséder d’importantes connaissances sur les mauvais traitements durant l’enfance (Ashton, 1999 ; Clément, 2011). L’absence de suffisamment de ces connaissances et de ressources où les chercher sont soulignés comme des facteurs contribuant aux signalements hâtifs des intervenants selon les délégués de la protection de la jeunesse (Lavergne et al., 2014). Un sentiment qui est partagé par de nombreux intervenants, qui se sentent non équipés pour différencier les méthodes éducatives raisonnables des méthodes déraisonnables (Clément, Dufour, Pelletier Gagnon et Poliquin., 2019 ; Stipanicic et Boisvert, 2013), ce qui est manifeste dans les discours recensés dans cette étude.

La fréquence de l’utilisation de la punition corporelle selon les différents groupes ethnoculturels n’a pas été déterminée de façon concluante dans les écrits scientifiques (Gershoff, 2002). Cependant, une plus grande utilisation de la punition corporelle par les familles noires est perçue par les vigiles rencontrés dans cette étude ainsi que par des intervenants de la DPJ interviewés ailleurs (Hassan et Rousseau, 2007 ; Lavergne et al., 2014). De plus, l’abus physique ou son risque demeure le principal motif de signalement pour les familles noires à Montréal (Lavergne et al., 2009 ; Sarmiento et Lavergne, 2017). Ainsi, bien qu’il ne soit pas possible d’établir si les familles noires emploient la punition corporelle davantage que les autres, il est certain que les vigiles le pensent. Des familles noires pourraient ainsi devenir victimes d’un processus par lequel ce sont leurs caractéristiques plutôt que leurs comportements qui les définissent comme étant maltraitantes (Daniel, Hampton et Newberger, 1983, cité dans Tourigny et Bouchard, 1994).

Le vigile et la discrimination

Historiquement, les populations noires de Montréal ont été économiquement et socialement opprimées et discriminées (Austin, 2007). Bien qu’il y ait eu des progrès, les inégalités sont encore nombreuses (CFDDHM, 2010) et la discrimination systémique à laquelle font face les populations noires du Québec, bien présente (Eid et al., 2011). Cependant, les types de vigile se distinguent quant à leur reconnaissance de cette discrimination. Pour certains, la discrimination est absente ou secondaire dans les discours, tandis que pour d’autres elle constitue un élément central de la représentation que se fait le vigile du vécu des populations noires. Ces conceptions divergentes semblent être associées à des intentions d’action différentes pouvant avoir un impact sur les taux de signalement de familles noires.

D’une part, les vigiles considérant peu ou pas la discrimination dont sont victime les populations noires s’expliquent les problèmes vécus au sein de ce groupe par les caractéristiques propres à ses membres, les rendant responsables de leurs difficultés. Cette vision blâme la victime plutôt que les systèmes économiques et sociaux qui créent des inégalités pour les familles noires et ne leur fournissent pas les ressources et l’aide dont elles ont besoin (Harris et Hackett, 2008). Qui plus est, l’attribution de la responsabilité de la difficulté vécue à l’individu empêche de voir ces systèmes comme faisant partie des problèmes, ce qui mène à des solutions inadaptées qui contribuent à renforcer, voire à accroître les inégalités plutôt qu’à les éradiquer (Turner, 2016). En outre, cela peut contribuer à générer un sentiment d’irritation vis-à-vis de l’individu rencontré et l’application de stratégies plus contrôlantes ou punitives pour y remédier, telle une intervention de la protection de la jeunesse (Weiner, 2012).

Inversement, les vigiles portant une importance à la discrimination dans leurs discours expliquent les problèmes des populations noires par multiples facteurs dans lesquels les problèmes structurels comme la discrimination jouent un rôle important. À l’instar de Peters et Massey (1983, cité dans Ysui et Dishion, 2007), ceux-ci considèrent que les expériences de discrimination sont ressenties dans le système familial et les relations au sein de ce système. Pour eux, un problème de société comme la discrimination nécessite de la part des intervenants qu’ils reconnaissent et tiennent compte dans leurs actions des liens entre les défis vécus par les familles noires et les obstacles systémiques à une pleine participation à la société, dont le racisme et le profilage racial font partie, ainsi que les rapports de pouvoir entre aidant et aidés de même qu’entre le groupe majoritaire et les groupes minoritaires (Turner, 2016). Cette posture, qui génère de la sympathie et des comportements aidants à l’égard des populations noires (Weiner, 2012) pourrait aussi amener ces vigiles à être plus prudents afin de ne pas contribuer au traitement inéquitable des familles noires.

Forces et limites de la recherche

Cette recherche comporte certaines limites. D’abord, les données analysées n’ont pas été recueillies pour répondre aux objectifs spécifiques de cette étude et sont tirées d’une seule source, les entrevues individuelles. Ceci limite la lecture de la situation aux propos des répondants, sans égard à leurs pratiques réelles. La démarche analytique menant à la typologie n’a pas bénéficié d’un échange avec des intervenants potentiels vigiles d’enfants noirs, ce qui aurait contribué à la crédibilité des résultats. Ensuite, comme il s’agit d’une analyse qualitative, les résultats ne prétendent pas à être représentatifs ni généralisables. Néanmoins, l’analyse approfondie de l’expérience des vigiles d’enfants noirs mérite d’être soulignée. Bien que les pratiques de ce groupe soient souvent évoquées comme contributives à la surreprésentation des enfants noirs à l’étape du signalement, leurs opinions et leurs vécus ont rarement été étudiés.

Implication pour la recherche et la pratique

Deux sujets mériteraient une exploration plus approfondie. D’abord, davantage de recherches doivent être effectuées auprès des intervenants signalants potentiels afin de mieux comprendre leurs vécus en tant que vigiles et développer des outils et des formations qui les appuient dans cette importante responsabilité. Ensuite, et surtout, il est impératif de consulter les populations noires quant au phénomène de surreprésentation d’enfants noirs à l’étape du signalement. L’exploration de leurs vécus et de leurs perceptions de ce phénomène est essentielle à la compréhension de celui-ci, ainsi qu’à l’élaboration de procédures sensibles et adaptées à leurs besoins. Les parents noirs qui ont vécu un signalement pour motif d’abus physique mais aboutissant à une fermeture de dossier devraient faire l’objet d’une attention particulière afin de mieux comprendre les circonstances ayant mené au signalement et l’impact d’une telle expérience.

Les milieux de formation, de pratique et les ordres professionnels concernés doivent faire davantage pour former les futurs vigiles. Il apparaît important de proposer des formations axées sur l’interculturalisme, mais aussi sur l’approche anti-oppressive axée sur une compréhension des répercussions de la discrimination et du racisme sur la vie quotidienne des familles noires, afin de soutenir les signalants dans l’exécution sensible et appropriée de leurs responsabilités (Eid et al., 2011; Turner, 2016). Finalement, la DPJ doit mieux soutenir ces vigiles, en resserrant les liens avec les milieux de pratique, en clarifiant son message et en développant un outil d’accompagnement au sujet des méthodes éducatives déraisonnables afin de diminuer la confusion et d’homogénéiser les procédures.

Conclusion

Cette étude illustre la diversité de vigiles d’enfants noirs  : chacun se distingue par sa façon de parler des populations noires ainsi que dans ses considérations lorsque il est confronté à un enfant noir en difficulté. Ces résultats invitent à s’intéresser davantage aux points de vue et aux expériences des signalants intervenants potentiels et des familles noires afin de mieux comprendre les mécanismes menant à la surreprésentation d’enfants noirs à l’étape du signalement. Des mesures doivent être prises tant au sein qu’à l’extérieur des services de protection de la jeunesse, afin de s’assurer du traitement juste et équitable des enfants en difficulté et de leurs familles.