Abstracts
Résumé
Cet article est un texte réflexif sur mon recours à une écriture auto-ethnographique dans ma recherche doctorale à propos de la migration arabe queer. En tant que chercheure arabe queer migrante, je puise dans la notion de positionnement, qui permet de considérer les expériences des groupes minorisés et racialisés comme une source pertinente de savoir. Inspirée de la tradition auto-ethnographique, je procède en incluant des fragments de récit de soi tirés de mes propres échanges de la vie, pour ainsi problématiser les identifications arabe et queer composant mon positionnement.
Mots-clés :
- positionnement,
- réflexivité,
- écriture auto-ethnographique,
- identifications,
- fragments,
- arabité,
- queer
Article body
Introduction
Ma recherche doctorale vise à explorer les tensions qui traversent l’arabité queer migratoire. J’entends par « arabité queer migratoire » une identification composite, conçue comme l’effet de rencontres coloniales, culturelles et politiques (Sabry, 2010). Plus spécifiquement, ma recherche a pour visée de comprendre comment, à Montréal, ces tensions se déploient à l’intersection des discours publics sur l’arabité et de l’expérience des personnes queers qui en sont les sujets. Ainsi, je cherche à comprendre comment la confluence paradoxale de ces discours publics (tant nord-américains qu’arabes), articulant un imaginaire homonationaliste occidental (Puar, 2005) et une arabité hétéronormative, façonne-t-elle les identifications arabes et queers en contexte migratoire montréalais ? Comment les personnes queers arabes migrantes, incluant moi-même, à Montréal, négocient-elles ces identifications posées comme antagonistes ? Quels moyens, (contre-)discours et actions ces personnes mettent-elles en oeuvre pour composer avec les stigmatisations identitaires et en contrer les effets discriminatoires et oppressants ?
Ma recherche porte à la fois sur le vécu des personnes et sur les discours médiatiques constitutifs de la migration arabe queer. De plus, en tant que chercheure arabe queer appartenant au groupe en question, je considère primordial de mobiliser mon statut de sujet connaissant pour pallier le manque criant de production de connaissances dans les espaces académiques par des personnes racisées et surtout arabes (Atay, 2018 ; Jamal et Naber, 2008). Pour ce faire, j’intègre à ma recherche un volet auto-ethnographique où je mets de l’avant et problématise mon positionnement de chercheure queer arabe. L’enchevêtrement de ces trois dimensions, le vécu des personnes arabes queers migrantes, les discours médiatiques et ma propre voix, ouvre la voie à une approche originale et novatrice pour explorer une problématique encore très peu explorée. Il convient de noter que cet article n’abordera pas les questions de ma recherche, mais portera plutôt sur mon implication dans ma thèse en tant que chercheure arabe et queer, portée par une démarche auto-ethnographique illustrée à travers l’inclusion de vignettes et fragments auto-narratifs. Plus particulièrement, l’article vise à problématiser ce que signifie écrire en tant qu’arabe queer occupant un positionnement académique, migratoire, arabe et queer en contexte canadien. Ensuite sera mise en lumière l’importance de la réflexivité par rapport à cette écriture auto-ethnographique. Il s’agit de s’interroger sur les notions d’oppression et de privilège à partir d’un positionnement spécifique.
Problématiser mon positionnement
J’entame ma recherche doctorale à partir d’une position située. Dès lors, il me semble que, du fait de mon positionnement, j’ai mes propres biais, mes propres convictions sur des enjeux qui me touchent aussi personnellement. Je me sens moi-même mêlée à mon objet d’analyse. Par conséquent, dans un sens, je me perçois comme une « insider » (Lal, 1999) de ma recherche. Cela sous-entend que je suis assez loin de « l’objectivité » parfois attendue de la part d’un·e chercheur·e puisque la recherche néopositiviste a longtemps affirmé qu’une stricte dichotomie entre le/la chercheur·e et son objet d’étude est nécessaire afin de prétendre à une quelconque objectivité (England, 1994). Lal (1996) explique à propos de son parcours de chercheure que les multiples positionnements qu’elle a occupés au cours de sa trajectoire personnelle, migratoire et universitaire ont influencé ses choix, ses méthodes de recherche, mais ont aussi influencé la représentation de ses participant·e·s dans ses pratiques d’écritures et de publication. C’est dire l’impossibilité de laisser nos catégories identitaires à la porte, comme le prétendent nombre de théories libérales des discussions et productions de savoir (voir à ce propos Habermas, 2014). Dès lors, en tant que chercheure [arabe et queer], je me dois aussi de reconnaître mes privilèges de femme issue de milieu urbain, ayant grandi, au Maroc, dans une famille de classe moyenne. Donc une femme qui a eu accès à des savoirs institutionnels occidentaux, ce qui n’est pas le cas de toutes les personnes arabes queer, notamment de celles qui participent à mon terrain de recherche. Comment donc articuler mes propres privilèges face à « mon groupe », qui est loin d’être homogène ?
Reconnaître que les conditions géopolitiques, économiques et culturelles façonnent nos expériences et nos trajectoires de manière particulière nous permet d’affirmer que notre manière de produire de nouveaux savoirs et connaissances est étroitement lié au positionnement. Nos pratiques de production de connaissances ont une couleur et une localisation (Grosfoguel, 2006 ; Mohanty, 2003). Tel est le coeur des postulats que je mets de l’avant dans ce texte.
D’emblée, alors, se pose une question pour les chercheur·e·s travaillant sur les questions du corps, du genre, du queer et mélangeant aussi des éléments autobiographiques et auto-ethnographiques ainsi que des questionnements méthodologiques spécifiques et singuliers à cette démarche : comment articuler ses expériences personnelles en une pratique réflexive ayant le potentiel de façonner de nouveaux savoirs sur les groupes marginalisés sans pour autant verser dans l’auto-fascination pure et simple où l’auteur·e s’accorde un rôle central dans son texte ?
Il s’agit dans les sections suivantes de présenter deux catégories identitaires qui composent mon positionnement. Va d’abord être esquissée l’arabité en contexte canadien, notamment à travers les flux migratoires de ces dites populations, ainsi que le contexte politique qui érige ce groupe de migrants comme « liminal » (Abu-Laban, 2013). Sera ensuite abordé le queer ainsi que la signification qui lui est attribuée dans cet article.
Les Arabes du Canada
Proposant une évolution historique et identitaire de la population arabe au Canada dans son ouvrage « Se dire Arabe au Canada », Houda Asal (2008) explique que la migration arabe au Canada se caractérise par plusieurs phases. Une première phase, autour de la fin 19e siècle, commence par ce qu’Asal qualifie comme premières tendances de départ vers les Amériques, Americas, soit la migration de quelques individus du Machrek (région couvrant l’Iraq, la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Palestine), se composant majoritairement de paysans arabophones et chrétiens se définissant comme « Libanais » (Asal, 2008). Ainsi :
Entre 1890 et 1913, le Canada accueille chaque année plusieurs centaines de migrants en provenance de cette région. Cependant, dès 1913, et ce jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, cette immigration diminue et devient très faible durant certaines années, comme entre 1940 et 1949 où seulement 192 immigrants entrent au Canada.
Asal, 2008, p. 28
S’ensuit une deuxième phase de migration, durant le début des années 1950, où davantage de familles arabes chrétiennes du Machrek s’installent au Canada. Durant cette phase émerge aussi The Canadian Arab, la seule revue arabe produite par et pour les immigrants arabes du Machrek, qui met en avant une identification commune, « arabe canadienne », déployée pour la première fois (Asal, 2008). Ensuite une troisième phase débute dans les années 1970, dans un contexte caractérisé par des politiques migratoires davantage favorables à une migration non blanche décrétée dans un contexte naissant du multiculturalisme au Canada (Taschereau, 1988). Ainsi, au Québec, durant les années 1980, commencent les ententes avec les pays maghrébins en matière d’éducation pour attirer une migration maghrébine arabe francophone décrite comme « musulmane », notamment à Montréal (Ferhi, 2013). Si, comme le défend Limbert (2014), sont arabes ceux qui « parlent arabe, peu importe la variété de la forme, qu’il s’agisse du dialecte marocain, égyptien, yéménite, dubaïote, ou n’importe quelle autre variation entre et dans ces différentes démarcations nationales » (Limbert, 2014, ma traduction, p. 590), n’en demeure pas moins que la notion d’arabité a toujours été problématique à plusieurs niveaux. En effet, l’adhésion à une identification arabe ne fait pas consensus chez les migrant·e·s maghrébins dont certain·e·s préfèrent une identification nationale ou panrégionale (Maghreb) plutôt que panarabe (Ferhi, 2013). Les tensions qui traversent cette identification collective soulèvent ainsi plusieurs questions qui méritent d’être approfondies : que veut dire être Arabe, en contexte canadien ? Qui est légitimement qualifiable d’Arabe dans le discours public ? Quels signifiants/référents produisent ce commun (commonality) ?
Aujourd’hui, au Canada, la population dite arabe, en tant que minorité visible, est grandissante : elle est passée de 350 000 personnes en 2001 à environ 950 000 en 2020, distribuée majoritairement au Québec, en Ontario et en Alberta (Mandil, 2020). Politiquement, après les événements du 11 septembre 2001, la figure de « l’Arabe » est devenue davantage médiatisée en contexte nord-américain. Au Canada s’est ajouté le cas Maher Arar (voir Perkel, 2016), qui a conduit à stigmatiser davantage « l’Arabe » et à le positionner dans une « position liminale » (Abu-Laban, 2013), à savoir qu’il n’est pas considéré comme entièrement citoyen canadien, ni tout à fait comme appartenant à la communauté politique canadienne, puisque les citoyens canadiens arabes sont toujours aux prises avec des suspicions (Abu-Laban, 2013).
Queer
Verbe, action, identité, perspectives, le queer ne fait référence à rien en particulier (Sedgwick, 2005). Toutefois, on peut avancer que le projet principal des perspectives queers a été de repenser les rapports des corps, des genres et des normes. En ce sens, le queer offre de nouvelles manières d’approcher les identités comme lieux de devenirs qui subvertissent les discours normatifs sur le corps (De Lauretis, 1991). Ce dernier a été affranchi du carcan naturaliste qui le reléguait à un objet « pré-social » (Benson, 2007). En portant une attention particulière à la norme et aux relations de pouvoir qui le produisent, les perspectives queers proposent de saisir les corps comme des lieux en devenir et de devenir, se distinguant ainsi de la conception normative des genres et des corps, toujours dominante dans les perspectives LGBT (Jagose, 1996). En effet, les écrits de Butler (1990) ont tâché de déconstruire l’idée même de genre. Vont être alors critiquées les épistémologies LGBT pour les fixations identitaires qu’elles suggèrent, comme « lesbian » « gay » « bi » et « trans » (De Lauretis, 1991). Les théories queers s’offrent aussi comme autant de critiques radicales aux fonctionnements politiques et épistémologiques des espaces occidentaux, en attaquant notamment leur fondement aussi bien sur la binarité du sujet cartésien raisonnable (« raison/émotion ») que sur la binarité tout court (« homme/femme », « gay/hétéro ») qui structure nos cadres d’intelligibilité (Fejes, 2008).
Pourtant, la séparation théorique entre LGBT et queer n’est pas si stricte. Un rapprochement entre des postures identitaires LGBT et queer se fait dans nombres de travaux queer LGBT, tel le cas de Manalansan (2006), qui a étudié le cas des travailleuses migrantes philippines, ou encore Chbat (2017), qui s’est intéressée aux expériences différenciées des jeunes queers issu·e·s de la diaspora libanaise à Montréal « dans un contexte où il y a une augmentation de la stigmatisation envers les personnes racisées » (p. 149). À condition de reconnaître le caractère anti-essentiel et mouvant des identifications. Dans la lignée de ces travaux, j’utilise le terme queer au sens où je ne postule pas une identité LGBT fixe et figée requérant un coming out basé sur le procédé du « dire-vrai » (Foucault, 1984), une étape censée permettre d’accéder à une « vraie identité refoulée ». J’entends donc par queer des identifications qui sortent de la matrice hétéronormative, donc des identifications de genre non normatives : trans, gay, lesbienne, bi-sexuelle, gender-fluid, non-binaire, etc.
Cadre théorique
Cet article déploie un cadre anti-essentialiste qui combine diverses perspectives féministes queers (Ahmed, 2000 ; Duggan, 2002 ; Probyn, 1992 ; Puar, 2005), notamment leurs approches de l’identification comme devenir (plutôt que de l’identité comme état). Je m’inspire aussi de la notion d’identification de Hall (1997) et de Silva (2010), qui renvoie à un positionnement mouvant, fluide, que le sujet assume, occupe, dans des contextes, moments et situations donnés. Cet article mobilise aussi les théories du positionnement ainsi que la tradition auto-ethnographique queer racisée (Adjepong, 2017 ; Atay, 2018). En ce sens, partant d’un héritage théorique qui met la corporification (incorporation) au centre de ses réflexions (voir la theory on the flesh développée par Anzaldúa, 1987) et des critiques féministes et queers qui ont mis en garde contre le regard condescendant de l’expert sur ses sujets (Haraway, 1988), je me positionne dans des orientations théoriques méthodologiques qui me fournissent la possibilité de partir du trivial qui compose la quotidienneté (Atay, 2018 ; Hallberstam, 2011). Cette dernière est reconnue et légitimée comme source de savoir, puisque le quotidien est perpétué par le structurel et le systémique (Ghabra, 2015). En effet, des théoricien·ne·s queers tel que Foucault (1976) ou Butler (1990) ont montré comment nous sommes le produit et l’effet de relations de pouvoir et comment ces opérations de pouvoir nous constituent en tant que sujet dans notre société. Sont aussi mobilisées des perspectives issues de la littérature sur la migration arabe ainsi que sur la littérature migrante, en particulier celles relevant des études culturelles, avec notamment Ahmed (1999), Asal (2008) et Gualtieri (2009).
Méthodologie
Fragments auto-ethnographiques
La méthode présentée dans ce texte est d’inspiration auto-ethnographique. L’auto-ethnographie est un processus de recherche qui mobilise l’expérience personnelle (auto) afin de réfléchir et de comprendre des expériences culturelles (ethno) (Reed-Danahay, 1997). En tant que méthode, on pourrait dire que l’auto-ethnographie est autant un processus qu’un produit final [de la recherche] (Ellis, Adams et Bochner, 2011). Dans cet esprit, c’est une démarche méthodologique de recherche où le/la chercheur·e mélange des éléments biographiques et personnels avec l’ethnographie, comprise ici comme l’environnement du sujet/chercheur·e, afin de produire des pratiques d’écritures incarnées et politisées (Pollock, 2007 ; Spry, 2006 ; Adams et Jones, 2008). L’auto-ethnographie est très utilisée dans les études queers puisqu’elle permet de travailler méthodologiquement la notion de positionnement, mais aussi de briser les frontières entre le/la chercheur·e et son objet de recherche, pilier majeur des postulats féministes et queers. Dès lors, si je me permets de revenir en arrière, sur ma trajectoire personnelle qui compose mon positionnement en ayant recours à des fragments, c’est pour insister sur l’importance des contextes dans la formation des expériences du sujet. Je propose de comprendre ces fragments de récit non pas comme une pure expression de mon expérience personnelle, mais plutôt comme une représentation de mon rapport à mon environnement, ce qui permet ainsi de constituer des savoirs d’expérience (Probyn, 1992 ; Richardson et Pierre, 2005).
Pour ce faire, j’ai tenu un journal de bord réflexif écrit, fait d’entrées quotidiennes de 200 mots environ rédigées sur une période de six mois. Ces entrées prennent ici la forme de sept fragments autobiographiques sélectionnés parmi une centaine de fragments écrits pour ma thèse doctorale. Cette écriture auto-ethnographique en fragments s’inspire d’autrices queers ayant mis de l’avant ce type d’écriture, comme Maggie Nelson (Nelson, 2009) ou Fatima Dass (Dass, 2020).
Les fragments font objet d’une analyse thématique dans la partie discussion de ce texte. J’ai opté pour la police courrier new lorsqu’il s’agit d’écriture auto-ethnographique sous forme de fragments pour ainsi distinguer cette écriture de l’écriture académique/théorique. Je les ai aussi nommés et numérotés en gras pour faciliter leur repérage et le suivi lors de l’analyse.
Méthode d’analyse
Les données/fragments sont analysées en ayant recours à l’analyse thématique, qui permet de décortiquer ce qu’il y a de fondamental dans le texte, soit de quoi traite-t-on (Paillé et Mucchielli, 2012). Ce type d’analyse implique un travail de thématisation continue, qui repose sur des techniques d’étiquetage et de catégorisation amenant l’analyste à opérer des confrontations et des rapprochements afin de faire émerger les thèmes récurrents dans les récits. Le travail de codage des fragments a fait ressortir les thèmes suivants : mouvement linguistique comme matrice d’oppression, problématisation des identifications et ambivalence des pratiques du coming out.
Corpus
Je suis née dans les années 80 à Rabat, au Maroc, un pays au croisement de plusieurs identifications et histoires – africaine, amazigh, arabe – et proche de l’Europe.
À l’école, je passais sept heures à étudier, en langue arabe classique devenue langue officielle de l’enseignement public après la période coloniale marquée par une ère nationaliste socialiste-arabe, qui a pris place dans les années 80. Dans la cour de récréation je parlais à mes camarades en dialecte marocain, qui est une rencontre d’un arabe dialectal avec un français marocain, imbibée de quelques mots en français. Une fois rentrée de l’école, je m’installais à la table du souper et parlais à mes parents et mes frères en dialecte marocain tout en écoutant les infos du 18 h en français sur la chaine française France 2, ou encore en arabe classique sur la chaine nationale marocaine. Avant de me coucher, j’entendais ma mère parler au téléphone à ma grand-mère en dialecte amazigh. [Fragment 1]
Ceci étant, ce choc positif n’était pas sans détours et complications. C’était la première fois que je me retrouve à étudier entièrement en français. J’avais étudié du primaire au lycée en langue arabe classique, une langue présente uniquement dans les lieux de savoirs académiques et institutionnels. Ensuite, j’avais intégré une université au Maroc qui reproduit le système éducatif états-uniens, par conséquent je m’étais retrouvée à faire des études exclusivement en anglais, langue de la communication mondiale et du faire-commun. S’en est suivi la maitrise à l’Université de Montréal entièrement en français. Ce mouvement dans mon parcours linguistique a apporté ses propres défis d’écriture, de traduction et d’expression, notamment cette difficulté à écrire et à communiquer parfaitement dans une seule langue. Il fallait déjà accéder au langage du texte pour pouvoir faire communauté. J’étais familière avec une normativité ordinaire du français, mais la normativité professionnelle m’échappait grandement. J’étais habitée par le syndrome de l’imposteur·e et je sentais toujours que je ne maîtrisais pas les codes pour intervenir et participer au débat intellectuel et académique. Je ne maîtrisais pas beaucoup de choses, et j’avais l’impression d’être face à une impossibilité d’arriver à pénétrer entièrement l’espace de la normativité professionnelle. Du coup je suis restée bloquée, enfermée, isolée, distanciée d’une quelconque communauté épistémique. Le sentiment d’étrangeté était revenu, de plus en plus fort. [Fragment 2]
Ici, au Québec, je parle et écris différemment. Je suis l’autre. Cette autre que personne ne comprend bien. Cette autre qui parle et écrit bizarrement. Cette autre qui ne se sent entièrement chez elle nulle part. Cette autre qui n’existe finalement que dans ses paradoxes identitaires contingents. [Fragment 3]
9 ans que je suis à Montréal. Je suis devenue citoyenne canadienne. Je suis aussi devenue migrante et queer.
Ce pose alors la question pour une queer racisée de comment j’ai fait mon coming out ?
La réponse courte serait : je ne l’ai pas fait.
Ceci ne veut pas dire que je suis dans le placard comme le suggérerait l’interprétation LGBT dominante qui placent le coming out au centre de l’identité LGBT et des enjeux de visibilité. Plutôt, pour moi, la question du coming out ne s’est pas faite d’une manière linéaire. Je ne l’ai pas annoncé ni personnellement, ni académiquement quand j’ai commencé à manifester des intérêts pour des enjeux queer. Je ne l’ai pas fait, d’une manière continue, dans le sens que je n’ai pas décidé à un moment que j’allais désormais le dire. Je ne dispose pas de ce privilège à cause de facteurs familiaux. Plutôt, je vivais ma queerness graduellement, en désirant des femmes. Je le mentionnais quand ça venait dans une conversation avec certaines personnes, d’autres non. Je me suis trouvée dans des moments, dans des espaces avec des personnes, à leur dire. C’était par exemple avec des ami·e·s arabes, queer et migrants, où nous avions noué des rapports grâce à une identification migratoire arabe partagée, et par la suite nous nous sommes révél·é·e·s entre nous.
Académiquement et politiquement, je ne voulais pas l’annoncer et donner l’impression que je révèle quelque chose d’essentiel et d’authentique sur mon identité. M’inscrivant dans des postulats théoriques critiques queer, je voulais entretenir une opacité, un flou qui dénote d’une construction processuelle faites d’allers-retours, et de discontinuité. Politiquement et académiquement, je pousse pour une perversité de la norme, notamment à travers des pratiques d’écritures académiques d’inspiration féministe et queer qui rompent avec la linéarité mise de l’avant dans les méthodes post-positivistes. [Fragment 4]
« Je veux t’annoncer le fait que je vis avec une fille, cela fait 2 ans déjà et je ne veux plus être dans l’ombre », « il faut qu’on soit out, Lamiae, il faut qu’on s’unisse » m’avait raconté mon amie arabe qui m’avait convoquée autour d’un café pour m’annoncer qu’elle était queer. [Fragment 5]
Je me trouve au Adonis, « l’épicerie arabe », dans la banlieue de Montréal. La chanson de Fayruz joue en arrière-plan. Baklawa, kebbe, foul, labné, chebakia ect. Tous ces produits alimentaires me rendent nostalgique de mon chez-moi. Je ressens et vis mon arabité à travers ces produits alimentaires, ces personnes d’apparence arabe qui y circulent et ces sons musicaux qui me sont familiers.
J’y suis avec ma partenaire non-racisée. Deux femmes queer provenant de la Petite Patrie/Mile-End. Je me trouve à me comporter d’une certaine manière, je me retiens de toucher la main de ma partenaire, je me retiens de démontrer mon affection envers elle. Je réalise que je ne me comporte pas comme je me serais comportée dans le village gay ou dans le Mile-End. Ma double appartenance (queer et arabe) est ainsi toujours manquante, jamais finalisée. [Fragment 6]
En contexte migratoire [québécois], beaucoup de mes ami·e·s queer provenant d’Afrique du Nord ne s’identifient pas comme « arabe », d’ailleurs annoncer que je réfléchis à l’arabité, et non à « l’islam » par exemple, apporte souvent un brin de suspicion :
– « Mais pourquoi l’arabité ? Pourquoi ce terme ? »
– « Et pourquoi pas ? » ai-je répondu.
– « Bein, elle est problématique cette arabité dont on nous bassine depuis toujours dans les manuels d’écoles et discours politiques !! » - « L’arabe classique en plus!! Nous subissons une langue que personne ne parle ! » [Fragment 7]
Analyse et discussion des fragments
Mouvement linguistique comme matrice d’oppression
Dans les fragments 1, 2 et 3, j’insiste sur la dimension linguistique ainsi que sur les mélanges linguistiques qui ont caractérisé mon parcours au Maroc et ensuite au Québec. Bien que cette pluralité linguistique permette des privilèges tel que l’accès à une éducation universitaire, comme c’est le cas de nombres de migrant·e·s maghrébins queers (Amari, 2012), néanmoins, il y a aussi des oppressions qui proviennent de ce pluralisme linguistique en contexte migratoire, puisqu’en tant que migrante arabe au Québec, je ne parle pas avec l’accent natif, québécois. Je ne me conforme donc pas aux codes linguistiques, ce qui marque ma condition migratoire d’une certaine manière, en me désavantageant notamment et en faisant de moi toujours une outsider. Désavantage dans l’accès à l’emploi, mais aussi désavantage académique se révélant par une difficulté initiale à s’exprimer correctement dans des lieux que j’occupais (académiques et activistes). Ces obstacles linguistiques demeurent un facteur déterminant dans le déclassement professionnel que subissent les migrant·e·s maghrébin·e·s et arabes au Québec, au Canada et en Europe. Cette caractéristique de déclassement est largement documentée dans la littérature abordant la migration arabe ou maghrébine (Abouzaïd et Asal, 2013 ; Amari, 2012). Ainsi, selon une étude produite par le Arab Canadian Institute, presque 25 % de la population arabe issue des minorités visibles au Canada gagnent moins de 10 000 $ par an, alors que 61 % de cette même population détient un certificat d’études post-secondaire (Mandil, 2020).
En ce sens, ce n’est pas une « exotisation du récit migrant » (Ahmed, 1999, p. 334) que je fais dans les fragments 1, 2 et 3, mais plutôt, par ce geste narratif de raconter des éléments biographiques, j’esquisse l’effet des mélanges linguistiques qui participent au déclassement du sujet queer arabe en contexte migratoire.
J’écris ces passages en tant que arabe queer migrante à Montréal. C’est donc un soi genré, classisé, racialisé et en mouvement migratoire qui écrit et réfléchit. Dans la section qui s’ensuit, il s’agit de discuter ces catégories identitaires et les manières dont elles font problème.
Problématisation des identifications
Les deux fragments 6 et 7 abordent la problématique des identifications. Plus spécifiquement, le fragment 6 aborde l’articulation des identifications arabe et queer dépendamment de l’espace que j’occupe, en l’occurrence à l’épicerie Adonis où je me trouve à l’aise d’appartenir à une arabité mais où je me retiens de mettre de l’avant mon identification queer. En écrivant un fragment sur cette expérience à l’épicerie, d’apparence banale et triviale, je choisis de mettre de l’avant l’idée que les identifications et les positionnements ne nous quittent jamais. En ce sens, les identifications fonctionnent comme des « horizons interprétatifs ». Horizons à travers lesquels nous arrivons à produire un cadre d’intelligibilité, et ainsi faire sens du monde (Alcoff, 2006). Les identifications sont donc plus que des catégories d’oppression et de privilèges, elles sont aussi des catégories vécues engendrant des effets réels sur les groupes et les individus (Alcoff, 2006). Dès lors, nous dit Alcoff (2006), contrairement au leurre libéral, les catégories identitaires ne peuvent pas être transcendées.
Moult auteur·e·s ont pointé les défis pour les groupes racisées et musulmans d’articuler des identifications posées et vécues comme antagonistes, ce qui les place dans une matrice d’oppression particulière (Amari, 2012 ; Chbat, 2017 ; Zahed, 2013). Les analyses et conceptualisations intersectionnelles (Hill Collins et Bilge, 2016 ; Chbat, 2017) ont largement contribué à réfléchir les « nous » racisés et minorisés sous le prisme de l’entrecroisement de multiples discriminations. En ce sens, les fragments 6 et 7 présentent les imbrications, le « jeu » et les tensions entre des identifications arabe, queer et migrante. Dès lors, quand j’écris « migrant·e·s arabes queers », je ne présume pas une identité fixe, essentielle et figée partagée par l’ensemble des migrant·e·s, puisque comme le fragment 7 l’illustre, la catégorie d’arabité elle-même est sujet de débat parmi les personnes provenant de pays dits arabes. En ce sens, les fragments 6 et 7 font la preuve que l’arabité, au sein de ce groupe, est réclamée, revendiquée par certains et décriée par d’autres. Les identifications arabe et queer sont donc constamment sujettes à problématisation.
Ambivalence des pratiques du coming out
Le fragment 5 aborde le rapport d’autres personnes queers et arabes sur le sujet du coming out. Plus précisément, ce fragment illustre que mon amie a fait son coming out, investissant ainsi sa nouvelle identité queer. Ce procédé, bien que n’étant pas dénué de dimension processuelle, puisque cela suppose d’abord une acceptation de son homosexualité par la personne concernée pour pouvoir ensuite la révéler à autrui (Cass, 1979), n’en demeure pas moins inscrit dans une linéarité marquée par un moment d’énonciation (le coming out) qui révèle l’authenticité de l’orientation sexuelle du sujet au monde qui l’entoure (Poirier-Saumure, 2019). En ce sens, ce modèle de coming out mis de l’avant dans le fragment 5 est assez en phase avec ce qui est suggéré par nombre d’initiatives [non] gouvernementales LGBT au Québec (voir Benoit, Greenbaum et Lagabrielle, s.d.) et ailleurs et s’inscrit donc dans un régime de visibilité LGBTQ dominant (Ouguerram-Magot, 2017).
Quant à mon fragment personnel (4) sur le coming out, il découle d’une orientation queer critique qui met de l’avant une position « entre », dans le sens où je problématise le coming out comme le procédé ultime pour accéder à une identité LGBT perçue comme valide ou complète (Altman, 1996). Procédé qui a d’ailleurs été largement remis en question par la critique queer racisée (Ahmed, 2000 ; Dhawan, 2013 ; Puar, 2005 ; Zahed, 2013), de par le type de sujet qu’elle privilégie, soit un sujet émancipé (blanc de classe sociale moyenne et bourgeoise) et libéré de toutes contraintes. Toutefois, il ne s’agit nullement de nier les acquis qu’a permis la libération homosexuelle pour nombre de sujets qui n’avaient tout simplement pas accès à une citoyenneté complète de fait de leur identité de genre ou leurs orientations sexuelles. J’entends plutôt, « dans un contexte postcolonial, où l’injonction à faire son coming out pèse par exemple différemment sur les personnes non blanches » (Ouguerram-Magot, 2017, p. 1), problématiser le caractère blanc occidento-centré du coming out en suggérant que cette étape, supposée libératoire, n’est pas acquise pour certains sujets racisés qui ne disposent pas des conditions d’accès à cette modalité du « dire vrai » (Ahmed, 2005 ; Foucault, 1969 ; Puar, 2005).
Par-là, je veux aussi montrer que l’identification queer peut être pensée au-delà des binarités (out-closeted) et, par la même occasion, mettre de l’avant le « sujet tacite » (Decena, 2011) qui défie ce cadre binaire. Néanmoins, en visibilisant ces deux fragments, il ne s’agit pas de défendre un modèle de coming out au détriment d’un autre mais plutôt de suggérer que le « nous arabe queer » est pluriel, traversé par différentes trajectoires et différents régimes de visibilité. En ce sens, il y a des privilèges différenciés et distribués inégalement au sein de ladite communauté.
Cette démarche auto-ethnographique ne peut se faire sans un retour sur les expériences mises de l’avant, notamment en ayant recours à des fragments de vie. Dès lors, il s’agit, dans la section qui s’ensuit, d’être réflexive sur ce choix méthodologique de l’écriture auto-narrative.
Écrire sur « un soi relationnel »
L’écriture introspective jalonnée de souvenirs et de bribes d’échanges peut être saisie comme une pratique performative et signifiante qui ouvre vers de nouvelles possibilités de représentation de soi en terrain culturel (Boucher et Digrazia, 2005). Bien que ce soit une écriture orientée vers le « soi » et le « personnel », elle n’est jamais vraiment uniquement auto. En effet, cette écriture auto-ethnographique s’appuie sur une relation permanente avec autrui. Quand j(e m)’écris, je (me) convoque [avec] les autres. Partant de ces postulats, une écriture auto-ethnographique narrative reconnaît que nous produisons du sens à travers les récits de vie ainsi qu’à travers les manières dont nous les construisons et les discours qui les traversent (Andrews, Squire et Tambokou, 2008 ; Trahar, 2009). On n’écrit, alors, jamais véritablement seul·e. Durant le processus, on évoque toujours d’autres voix, d’autres bribes, d’autres fragments issus d’échanges avec les autres, de lectures avec des auteur·e·s et donc de « nouveaux univers ». Ainsi, durant une démarche auto-narrative, nous n’écrivons qu’à partir des rencontres avec autrui. En d’autres termes, c’est « je/nous écris », je pense, j’échange j’empreinte, je/nous faisons avec les autres. Le « je » de l’écriture n’est alors jamais seul, il est éminemment plus qu’un, constamment médié (Ahmed, 1999 ; Atay, 2018).
Il y a, donc, un va-et-vient constant entre soi-même et les autres. En ce sens, une orientation méthodologique auto-ethnographique ne repose pas sur un soi hors-tout mais plutôt sur un « auto-avec réflexif » (Adams et Holman Jones, 2011) toujours et déjà impliqué dans des terrains ethnographiques : les rues, les institutions et espaces récréatifs et numériques qu’on fréquente et qu’on érige sont tous inscrits dans des rapports politiques et culturels (Richardson et Pierre, 2005). C’est ce que j’ai voulu illustrer dans mon écriture auto-ethnographique.
Écrire sur soi permet de travailler le champ de nos expériences, les nommer, les situer, les constituer et donc les transformer, et ainsi produire de nouveaux savoirs, plus en phase avec les réalités vécues (Ghabra, 2015). Avec autrui, dans nos craintes, nos peurs et nos vulnérabilités, avec les autres à travers le geste de dire, de situer, d’écrire, d’imaginer, de réfléchir qu’on peut ouvrir et pousser vers d’autres possibles. Adams et Jones (2011) évoquent un « bearing witness together » qui permet, pour les groupes minorisés racialement et sexuellement, de faire émerger de nouveaux questionnements et de nouvelles ambiguïtés mais aussi de nouveaux inconforts.
L’écriture auto-ethnographique comme démarche politique
Lors de ma trajectoire académique, et en tant que chercheure arabe queer, je me suis rendue compte qu’il y avait un manque d’ouverture important envers certains objets d’études, telle l’arabité. À juste titre, Jamal et Naber (2008) évoquaient un « suicide académique » pour qualifier le choix de certain·e·s chercheur·e·s de travailler dans les études arabes en contexte nord-américain, puisque c’est une discipline qui demeure largement minorisée avec peu de canaux de circulation et d’avenues. Au Canada par exemple, il existe un seul institut abordant les enjeux d’arabité, le Canadian Arab Institute à Toronto (https://www.canadianarabinstitute.org) et, au niveau des centres de recherche, un seul réseau de recherche, à Ottawa, nommé le Arab Canadian Studies Research Group (ACANS) (https://arts.uottawa.ca/modernlanguages/acans-arab-canadian-studies-research-group). Les études arabes manquent ainsi clairement de visibilité institutionnelle, sans compter qu’elles sont minorisées au sein même de programmes déjà à la marge, soit les études sur l’ethnicité et la « race » en contexte nord-américain.
Dès lors, dans la foulée de l’héritage postcolonial et féministe, le ou la chercheur·e devrait mettre à profit ses privilèges épistémiques et éducationnels pour contribuer à interroger et problématiser les stigmates (Grossberg, 2019). Si je choisis de m’inscrire dans les études sur l’arabité queer, champ doublement marginalisé (Cable, 2013 ; Georgis, 2013), c’est parce que je crois en l’importance de paver la voie pour la production d’un « nous arabe queer féministe » qui est en encore à des stades de balbutiements. Un « nous » traversé tout au long par des antagonismes politiques. Un « nous » combattu et exalté, dépendamment du contexte dans lequel il s’insère. La prise de parole arabe queer est encore largement masculine (comme Salem Haddad et Abdellah Taia, fondateurs de la mosqué pro-LGBT à Toronto). Très peu de femmes queers et arabes sont visibles, que ce soit dans le discours médiatique ou académique. J’ai moi-même longuement hésité à orienter mes recherches dans cette direction, de peur des potentielles représailles de groupes faisant allégeance à d’autres forces politiques homophobes, islamophobes, xénophobes ou les trois articulées ensemble.
En ce sens, en tant que chercheure qui partage ces identifications, le recours à une écriture auto-ethnographique, intime, proche de la peau (Ghabra, 2015), est largement une démarche politique de ma part, portée par un désir et une responsabilité de mettre en lumière des marges qui sont peu éclairées, peu explorées, et encore peu théorisées dans nos espaces interculturels, postcoloniaux, féministes et queers (Atay, 2018). En même temps, ces responsabilités politiques sont à double tranchant. Elles sont à la fois menaçantes et émancipatrices. Menaçantes de par l’aliénation qu’un tel objet de recherche peut générer dans des espaces transnationaux homophobes et islamophobes. Émancipatrices, car à travers la mise en avant d’identifications différenciées, des questions de corps, de genre et de sexualité peuvent se mettre au-devant de la scène politique à travers des expériences queers arabes.
Conclusion
Dans cet article j’ai voulu illustrer qu’à travers ce choix d’écrire sur soi sont présents des enjeux d’identifications queer et arabe, de postcolonialité et de genre. En effet, en mettant de l’avant des savoirs d’expériences, il a été question de mettre en lumière les différentes oppressions qui émergent comme effet des identification queer et arabe dans un contexte migratoire.
En rédigeant ce texte, je réalise que je fais face à plusieurs niveaux de négociations. Personnelles, politiques et académiques. Entre négociation du coming out et les postulats théoriques que je mobilise, négociation d’une place dans les espaces académiques, mais aussi négociation d’une responsabilité politique face aux autres : comment j’écris sur eux. En effet, bien que portée sur soi, l’écriture auto-ethnographique dans ce texte est une pratique signifiante qui entend signifier une manière de me représenter en tant que membre d’un groupe, mais aussi signifier comment je représente les autres membres de ce même groupe que je mentionne dans ces auto-récits narratifs. Dès lors, l’écriture auto-ethnographique abordant des enjeux d’identification est indissociable à ce nous arabe féministe et queer qui est en construction et qui commence à peine à être visible dans les littératures académiques. Raconter des histoires dites par les personnes concernées contribue à les faire émerger dans ses nuances, complexités et défis. Le défi est certes de taille. En ce sens, l’expérimentation, le recours à des savoirs d’expériences et la réflexivité demeurent des valeurs et des pratiques largement encouragées dans les méthodologies féministes (Probyn, 1992). Je ne peux qu’espérer de continuellement problématiser « l’écrire sur » dans ma pratique méthodologique.
Appendices
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