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Problématique des patients migrants sans statut de séjour légal en consultation de physiothérapie à la Haute école de santé de Genève

Migrants sans statut de séjour légal dans le canton de Genève

La Suisse est un pays de destination des migrants venant de différents continents du monde, parmi lesquels un certain nombre de personnes sont considérées comme « sans-papiers » et vivent dans une situation de précarité du fait qu’elles ne peuvent pas s’insérer de manière légale sur le marché du travail à cause de leur statut de séjour non autorisé. Elles n’ont pas d’assurance maladie et n’accèdent pas facilement aux soins de santé. Efionayi-Mäder, Schönenberger et Steiner (2010) précisent que les sans-papiers sont « des personnes qui séjournent dans un pays sans documents de séjour valables. La plupart des sans-papiers ont des papiers d’identité ou un passeport, mais leur statut est illégal au regard du droit des étrangers » (p. 13). Selon une étude de 2015, le nombre de sans-papiers en Suisse était estimé à 76 000 (Morlock, Oswald, Meier, Efionayi-Mäder, Rudin, Bader et Wanner, 2015). L’étude indique que près des deux tiers des sans-papiers sont entrés en Suisse comme clandestins ou comme touristes, tandis qu’un cinquième ont été déboutés de l’asile ou sont restés en Suisse après expiration de leur permis de séjour. Dans le canton de Genève, le nombre de sans-papiers est estimé à 13 000 personnes, ce qui représente 27 personnes pour 1 000 habitants. Cependant, depuis le 21 février 2017, l’ancien Département de la Sécurité et de l’Économie du canton de Genève (devenu le Département de la Sécurité), en collaboration avec le Secrétariat d’État aux Migrations (SEM), a lancé une opération dite « Papyrus », qui est un projet de régularisation de plusieurs centaines de personnes sans statut légal bien intégrées à Genève. Fin 2018, 2 390 personnes sans papiers ont ainsi pu être régularisées dans le canton de Genève (Krauser, 2020).

Les migrants sans papiers viennent pour la majorité des pays d’Amérique latine et travaillent dans les secteurs les plus précaires et les moins réglementés (travail domestique, hôtellerie, agriculture, construction, restauration) dans le canton de Genève (SITT, 2020). Ils travaillent clandestinement dans des conditions professionnelles très dures avec des rémunérations faibles dans la plupart des cas. Certaines personnes se retrouvent dans des situations d’exploitation et se trouvent obligées d'accepter les conditions imposées par l’employeur. Puisqu'elles n'ont aucune protection, elles peuvent être licenciées, voire dénoncées à tout moment. Elles sont ainsi dans l'impossibilité de quitter leur travail si elles ne sont pas certaines d’en trouver un autre (Valli, 2007). Les sans-papiers se trouvent par ailleurs confrontés à un problème de logement. Ils vivent souvent dans la promiscuité et sont obligés d’être sous-locataires à cause de leur statut de séjour qui les empêche de signer un bail en tant que locataires. Ces conditions de vie difficiles et stressantes ont des conséquences sur leur santé, notamment physique et musculosquelettique. Pour permettre aux personnes migrantes sans statut de séjour légal et aux personnes sans assurance maladie[1] d’accéder gratuitement aux soins de physiothérapie, la Haute école de santé de Genève (HEdS-Genève) a mis en place un cabinet de physiothérapie qui prend en charge ces populations vulnérables tout en contribuant au développement des compétences professionnelles des étudiants physiothérapeutes durant le stage.

Patients migrants en consultation de physiothérapie à la Haute école de santé de Genève

Le cabinet de physiothérapie de la HEdS est aussi un lieu de stage pour les étudiants de la filière physiothérapie en 2e année et 3e année de bachelor. En effet, les bilans et les traitements des patients sont effectués, gratuitement, par des étudiants sous la supervision d’enseignants et d’assistants de formation. La consultation est couverte par la présence de deux stagiaires, une femme et un homme, de manière à pouvoir répondre aux demandes de patients qui voudraient être traités par un thérapeute d’un sexe défini, le plus souvent des femmes qui demandent à être traitées par des femmes.

Le cabinet de consultation de physiothérapie des migrants reçoit une centaine de patients par année, représentant environ 700 séances de bilan ou traitement. Beaucoup de ces patients se retrouvent fréquemment avec un certain déconditionnement physique, du fait qu’ils ne pratiquent plus beaucoup d’activités physiques autres que celles en lien avec leur travail. Les patients sont recommandés, dans leur grande majorité, par le Service de Médecine de Premier Recours (SMPR) du Département de Médecine Communautaire, de Premier Recours et des urgences des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), en particulier par la Consultation Ambulatoire et Mobile de Soins Communautaires (CAMSCO). Dans les situations où la physiothérapie est une indication de traitement, les médecins internistes de ces structures recommandent les patients à la consultation migrante de la HEdS.

Les patients, de diverses nationalités, sont des personnes avec un statut de Non Entrée en Matière (NEM) par rapport à la procédure d’asile, des personnes déboutées de l’asile ayant consulté au Centre Santé Migrants (CSM) des HUG, des requérants d’asile victimes de torture ou autres violences organisées ou encore des étudiants, voire des membres du personnel de la HEdS, puisque la consultation leur est aussi ouverte. Deux tiers des personnes sont des femmes, l’âge moyen se situant autour de 40 ans. Les patients migrants, en majorité des femmes, proviennent principalement d’Amérique du Sud. Les patients hommes proviennent essentiellement d’Afrique, que ce soit du Maghreb (Algérie en majorité) ou d’Afrique subsaharienne.

Problèmes de santé musculosquelettique présentés par les patients migrants

Les migrants sont envoyés en consultation de physiothérapie pour des douleurs physiques, mais ils souffrent également de problèmes psychosociaux liés à leur statut précaire, à leur situation de travail souvent pénible, à l’éloignement de leur famille et de leur pays d’origine. Les patients présentent fréquemment des problèmes de santé musculosquelettique souvent chroniques, quelquefois en lien avec des accidents (chutes, etc.), voire à des agressions (ruptures de tendons à la main suite à des bagarres). Les problématiques rencontrées les plus fréquentes sont des douleurs de la colonne vertébrale (lombalgies, dorsalgies, cervicalgies), les tendinopathies diverses (d’épaule, de coude, etc.), les entorses (de genou, de cheville), les inflammations de la voûte plantaire (facétie plantaire).

La situation socio-économique et culturelle des patients migrants a des conséquences sur les pratiques des étudiants stagiaires qui assurent les soins de physiothérapie. Comment ces étudiants en formation abordent-ils la situation précaire et la diversité culturelle des patients dans les pratiques de soins ? Quelles sont les difficultés et les facilitées rencontrées aussi bien par les stagiaires physiothérapeutes que par les patients migrants en situation de consultation ?

Notre article vise à apporter des éléments de réponse à ces questions en les abordant dans une perspective théorique interdisciplinaire qui se réfère à la sociologie, à la psychologie et à la santé. Nous explicitons, dans la section des éléments théorique, les concepts de précarité, d’interculturalité et de différence culturelle, qui permettent de mieux comprendre les différents points abordés plus loin dans l’article.

Éléments théoriques

Migration, précarité et santé musculosquelettique

Les liens entre migration, précarité et santé sont complexes, comme le montrent un certain nombre d’études (André, 2019, Bouchaud et Cha, 2012 ; Cognet, Hoyez et Poiret, 2012 ; Frozzini et Gratton, 2015 ; Kaya et Efionayi-Mäder, 2007 ; Pannetier et Desgrées du Loû, 2019 ; Spallek et Razum, 2008, Spira et Quach-Hong, 2019). Selon Bouchaud et Cha (2012), la précarité des migrants est à considérer sous diverses dimensions : économique (difficultés d’accès à l’emploi), administrative (statut précaire de séjour), affective (séparation de la famille et isolement) et psychologique (problèmes linguistiques et d’adaptation culturelle). La précarité est envisagée par ces auteurs dans son sens le plus large. Dans cette même perspective, Wresinski (1987) parle de précarités qui « se subdivisent en trois catégories. Les déficits des ressources culturelles, sociales et économiques sont à l’origine des précarités et par voie de conséquence de la grande pauvreté » (cité dans Pierret, 2013, p. 308-309). Dans le domaine de la santé des migrants, il convient ainsi de tenir compte de la pluralité des causes de leur précarité afin qu’ils reçoivent des soins adéquats (Bouchaud et Cha, 2012). Frozzini et Gratton (2015) insistent quant à eux sur la précarisation des migrants, qui éprouvent des difficultés d’adaptation au pays d’accueil, qui n’arrivent pas à faire reconnaître leurs diplômes et les compétences acquises dans leur pays d’origine et qui n’ont pas de réseau de contacts.

D’autres études (André, 2019 ; Spira et Quach-Hong, 2019) montrent que, même si les problèmes de santé des migrants sont parfois liés au contexte d’origine et aux parcours migratoires, ils sont aggravés par les conditions d’accueil et d’installation dans les pays de destination. La plupart des immigrés qui arrivent sont en moyenne en meilleure santé que la population (healthy migrants effect), mais leurs conditions précaires sont responsables de maladies infectieuses, respiratoires et digestives (Spira et Quach-Hong 2019). Une étude menée à Montréal révèle par exemple qu’une proportion importante des immigrants à statut précaire et sans assurance maladie (45 %) considèrent leur santé comme mauvaise ou passable (Cloos et al., 2020). Selon cette étude, 70 % des personnes disent avoir des besoins non comblés en matière de soins de santé, soit parce qu’elles n’ont pas eu accès à ces soins pour des raisons financières, soit parce qu’elles ne sont pas allées à l’hôpital ou dans une clinique par crainte d’une déportation possible.

Dans le cas des migrants sans statut de séjour autorisé, on assiste à un cumul des précarités liées au statut de séjour, à l’emploi et aux conditions de vie (logement, ressources financières, accès aux soins de santé) ainsi qu’à des barrières linguistiques. Leurs conditions de travail dans les secteurs précaires et souvent moins réglementés les exposent à des lésions, surtout à des troubles musculosquelettiques (TMS) liés aux mouvements répétitifs (Gravel et Premji, 2014). Les TMS sont définis comme des lésions ou symptômes des muscles, des tendons, des ligaments, des nerfs périphériques ou d’autres tissus autour des articulations dont l’apparition ou l’aggravation est associée à l’exercice d’un travail (Stock, 2010). Ces éléments théoriques sur les liens entre migration, précarité et santé nous amènent à expliciter le concept d’interculturalité dans la pratique des soins.

Interculturalité dans la pratique des soins

L’interculturalité dans les pratiques professionnelles (éducation, gestion, santé, social, etc.) est un objet d’étude et de publications dans plusieurs sociétés actuelles caractérisées par la diversité culturelle de leur population. Dans la littérature francophone, plusieurs définitions de l’interculturel, proposées par différentes auteurs (Clanet, 1990 ; Dasen et Perregaux, 2000 ; de Villanova, Hily et Varro, 2001 ; Kerzil et Vinsonneau, 2004 ; Ladmiral et Lipiansky, 1989), mettent l’accent sur ce qui relève de la rencontre entre des univers culturels différents et plus ou moins distincts, sur les relations entre les individus ou entre les groupes de diversité culturelle et sociale. L’interculturalité renvoie ainsi à la différence culturelle et à d’autres concepts relatifs, comme la relation avec l’autre, la communication interculturelle, les stéréotypes, les préjugés, la discrimination et le racisme. Les questions de préjugés, de discrimination et de racisme se posent en effet quand la personne différencie l’autre en se référant à son appartenance culturelle, ethnique et religieuse pour le dévaloriser.

Dans le contexte scolaire, Ogay et Edelmann (2011) considèrent la différence culturelle comme une construction née de l’interaction entre les principaux acteurs de l’école, c’est-à-dire les enseignants et les élèves, tous avec des références culturelles diverses. Cette manière d’envisager la différence nous semble adéquate du fait qu’elle ne prône pas le culturalisme, qui risque d’enfermer les personnes dans des cultures figées, mais les considère en interaction. Dans le domaine de la santé, certains chercheurs et professionnels montrent l’importance de tenir compte de l’interculturalité dans la qualité des soins offerts aux patients. Les aspects de l’interculturalité concernent précisément la communication entre les patients et les professionnels de santé, le recours aux interprètes pour pallier les barrières linguistiques lors des consultations, les représentations culturelles du corps et de la maladie et les compétences interculturelles des soignants.

La communication avec les patients migrants nécessite un professionnalisme de la part des soignants en vue d’éviter des malentendus et des incompréhensions dans la transmission de l’information médicale et durant la consultation. À ce sujet, certaines études montrent que les difficultés dans la communication peuvent avoir des conséquences à plusieurs niveaux dans les soins. Elderkin-Thompson, Cohen Silver et Waitzkin (2001) soulignent qu’un grand nombre de patients de langue étrangère rencontrent des complications dans la communication. Celles-ci peuvent aboutir à des erreurs médicales. La communication a aussi un impact sur les soignants, qui doivent s’adapter à toutes les situations. Pour faire face aux problèmes de communication, des milieux hospitaliers recourent aux interprètes professionnels, même si des obstacles existent comme « la non-reconnaissance des services d’interprétation et la pratique du getting by (“la débrouille”) par les soignants qui ne recourent pas à une interprète pour des bénéficiaires qui en auraient pourtant besoin » (Diamond, Schenker, Curry, Bradley et Fernandez, 2009, p. 259, cités dans de Cotret et Leanza, 2019, p. 230).

Les représentations de la maladie et de la santé, aussi bien du côté des patients que de celui des soignants, jouent également un rôle déterminant dans la qualité des soins (Syed et Cherif, 2016 ; Levesque, 2015, Question Santé, 2006). Pour Syed et Cherif (2016), C’est en respectant ce que les gens sont, en partageant leurs croyances, leurs valeurs culturelles et leurs représentations qu’on diminue leur angoisse et qu’on les mobilise pour guérir. L’intégration des représentations de la maladie et de la santé dans les soins exige des soignants de développer des compétences interculturelles qui sont définies comme « des capacités psychosociolgiques permettant aux personnes (et pas uniquement à celles issues de l’immigration) de faire face, de manière plus ou moins “efficace”, à des situations complexes engendrées par la multiplicité des référents culturels, dans des contextes sociaux, économiques et politiques inégalitaires » (Manço, 2019, p. 359). Les compétences interculturelles mises en évidence dans le domaine de la santé par certains chercheurs sont par exemple la négociation interculturelle, qui implique de connaître et de pratiquer les fondements de la communication (empathie, utilisation d’un vocabulaire adapté, etc.) et de la négociation (par exemple agir en prévention pour éviter les blocages) (Maccioni et Heine, 2019). Gajo, Rothenbühler, Borel, Gakuba, Graber, Molina et Wamba (2005) font aussi état de la capacité des soignantes à se décentrer pour comprendre les cultures et les représentations des patients ainsi que leur capacité à s’exprimer en plusieurs langues (compétences linguistiques).

Aspects méthodologiques

Comme nous l’avons précisé, les résultats de cet article se basent sur la recherche que nous avons menée auprès des patients migrants sans statut de séjour légal en consultation de physiothérapie à la HEds-Genève. La démarche de recherche que nous avons adoptée s’inscrit dans un paradigme compréhensif, avec l’utilisation de méthodes qualitatives (entretiens semi-directifs, observation, entretiens d’autoconfrontation).

Population

L’échantillon était composé de 11 patients migrants sans papiers et de 8 étudiants stagiaires. Il s’agissait d’une recherche exploratoire bénéficiant d’un modeste financement sur une période limitée de dix mois, raison pour laquelle nous n’avons pas pu avoir un grand échantillon. Le groupe de patients comprenait 4 femmes et 7 hommes, venant d’Afrique (4), d’Amérique latine (6) et des Philippines (1).

Tableau 1

Pays de provenance des patients

Pays de provenance des patients

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L’âge moyen des personnes interviewées était de 40 ans. Trois personnes avaient un niveau de formation universitaire, deux disposaient d’un niveau secondaire et six avaient un niveau d’études primaires. La majorité (5) travaillait dans le secteur de l’économie domestique, d’autres dans le déménagement, la restauration et la couture. Aucun des participants n’avait de statut de séjour légal en Suisse au moment de l’étude. Avant de venir en Suisse, deux personnes travaillaient dans le secteur commercial, une personne était avocate et une autre exerçait le métier de styliste.

Le recrutement des patients s’est fait avec l’aide des stagiaires et de l’enseignant intervenant dans le cabinet, qui ont demandé aux patients s’ils pouvaient donner leurs numéros de téléphone afin que nous les contactions pour solliciter leur accord à la recherche. Une fois que nous avions le contact, nous appelions le patient pour fixer un rendez-vous au cabinet de physiothérapie de la HEdS. Nous expliquions d’abord les objectifs de la recherche ainsi que les enjeux éthiques (présentés plus loin) et sollicitions le consentement du patient ou de la patiente pour participer à l’étude. Le critère d’inclusion était de faire partie du public des patients migrants consultant le cabinet de physiothérapie de la HEds, d’être une personne sans statut légal, requérante d’asile ayant reçu une décision de non-entrée en matière ou déboutée et d’avoir avec prescription médicale.

Concernant les étudiants, il y avait quatre femmes et quatre hommes, de différentes nationalités (Suisse, France, Canada, Belgique, Espagne) et ayant entre 23 et 29 ans. Deux (Canada, Belgique) étaient en formation dans le cadre de la mobilité internationale du programme Erasmus, quatre étaient en 3e année de bachelor et deux en 2e année.

Le recrutement des étudiants stagiaires s’est fait sur la base de leur accord à participer à l’étude. Tous ceux qui ont été contactés ont manifesté leur intérêt et ont participé activement.

Techniques de collecte des données 

Deux journées d’observation non participante dans le cabinet de physiothérapie de la HEdS ont été faites pour repérer les éléments pertinents de cette structure dans la prise en charge des patients migrants en situation de précarité. L’observation a inclus les éléments du dispositif, les pratiques des stagiaires, les discours et les situations d’accueil et de consultation.

Nous avons également fait des enregistrements sonores et vidéo des situations de consultations des patients migrants.

Enfin, des entretiens semi-directifs ont été menés avec les patients migrants et avec les étudiants stagiaires. Les entretiens ont porté sur les différentes thématiques de notre grille d’entretien :

  • la situation de précarité et les problèmes de santé musculosquelettiques ;

  • les représentations des patients migrants des soins reçus au cabinet de la HEdS, les attentes et les manques dans leur prise en charge ;

  • les difficultés rencontrées aussi bien par les stagiaires, physiothérapeutes que par les patients migrants dans des situations de consultation, les ressources mobilisées ;

  • les apports du stage en cabinet de physiothérapie de la HEdS dans la pratique professionnelle des étudiants stagiaires

Analyse des données

Après la retranscription de tous les entretiens, nous avons élaboré une grille d’analyse de contenu en regroupant les thèmes dans des catégories en fonction de leurs caractéristiques communes (Bardin, 1988). La grille d’analyse repose sur les thèmes suivants : difficultés et facilités de communication ; stratégies et ressources, précarité et santé musculosquelettique, représentations de la prise en charge. Nous avons aussi identifié les mots clés en lien avec les thèmes de notre grille d’entretien. La fréquence des mots clés dans le discours des personnes interviewées a également retenu notre attention. Par ailleurs, des séquences intéressantes enregistrées par vidéo sur la communication entre les stagiaires et les patients lors des consultations ont été sélectionnées et analysées lors des entretiens d’autoconfrontation (Von Cranach, Kalbermatten, Indermuhle et Gugler, 1982). Nous avons montré ces séquences aux stagiaires et leur avons demandé de les commenter en donnant plus de précisions sur leurs actions. Ces séquences portaient par exemple sur les difficultés de communication éprouvées par les patients et sur les stratégies employées par les stagiaires pour les surmonter.

Aspects éthiques

Pour effectuer la recherche avec les patients, nous avons constitué un dossier de demande d’autorisation que nous avons soumis à la commission d’éthique des Hôpitaux Universitaires de Genève. Le dossier a été accepté par la commission, qui nous a donné le feu vert pour mener la recherche. Les participants ont été informés des buts de la recherche et des modalités de réalisation de l’enquête et ont signé un formulaire de consentement. Nous avons également garanti l’anonymat des personnes interviewées et la confidentialité des informations. Les documents sonores ou vidéo ont été conservés sous clé dans un endroit sûr.

Présentation des résultats

Précarité des patients migrants et santé musculosquelettique

Les personnes interviewées ont évoqué leur situation précaire, caractérisée par leur statut de séjour illégal en Suisse, leurs conditions de travail difficiles, le chômage, les violences subies, particulièrement par les femmes, et les problèmes d’argent. Cette précarité, qui engendre du stress, a des répercussions sur la santé musculosquelettique des patients migrants, comme ils l’expriment :

En tant que femme de ménage, c’est tout le temps travail, tout le temps travail… Oui, j’ai aussi d’autres activités, mais après mon travail, c’est les douleurs, quand je me repose.

participante 2, 32 ans, Pérou

Les maladies viennent du stress, de tout ça… ça vient de dehors et c’est difficile… ça se voit dans la musculation.

participante 3, 26 ans, Philippines

J’ai un patron pour lequel j’ai travaillé un mois et il ne me paye pas. Je lui téléphone tout le temps et il me dit vendredi à 15h et il ne vient pas. Je compte sur cet argent pour payer mon loyer et il me dit c’est bon et après, il se passe deux mois et il ne m’a toujours pas payé et je n’ai pas d’argent, vous voyez ? Et ça, ça énerve, ça stresse parce qu’avec cet argent, je devais payer.

participant 5, 31 ans, Guinée

La violence domestique a également été mentionnée par une patiente.

Quand je suis venue en Suisse, il m’est arrivé quelque chose de très difficile. J’ai eu beaucoup de dépression parce que tout était différent. J’ai passé toute une année comme si j’étais en prison, je ne suis pas sortie, pas du tout. J’étais très très isolée pendant une année et je me sentais comme une fugitive. Donc quand je sortais de la maison de ma collègue, j’avais très peur. Ensuite, j’ai fait de la physiothérapie… d’abord de la chirurgie parce que j’ai subi beaucoup de violence, beaucoup, beaucoup, beaucoup de violence… j’ai eu très mal, on m’avait coupé les doigts.

participante 7, 27 ans, Brésil

D’autres personnes interviewées mettent en évidence les effets de la migration sur le déclassement social, ce qui a des répercussions sur leur état de santé :

J’étais avocate en Bolivie et je travaillais depuis vingt ans. Maintenant, je travaille comme femme de ménage, comme garde d’enfants… cela fait une grande différence pour moi et je vis très mal cette situation au niveau psychologique !

participante 6, 32 ans, Bolivie

La nostalgie du pays d’origine est aussi un facteur de mal-être des patients :

Je pense... le stress, je ne sais pas, peut-être la nostalgie de la famille, je ne sais pas, ça peut être beaucoup de choses : l’inflammation musculaire, la mauvaise position de la tête… ou peut-être retourner en Bolivie.

participant 4, 36 ans, Bolivie

Il ressort de ces extraits d’entretiens que les patients migrants ont des conditions de vie difficiles qui se répercutent sur leur santé musculosquelettique avec des problèmes de douleur. Ces patients ont besoin d’exprimer leur souffrance psychologique, leur situation précaire, afin d’être écoutés par les physiothérapeutes lors des consultations, comme le précise ce stagiaire :

Par exemple, j’ai eu une patiente hier qui s’est fait arrêter par les policiers, les gendarmes, je ne sais pas par qui, parce qu’elle est sans papiers et qu’elle n’a plus le droit de vivre en Suisse, en fait, elle avait une autorisation de trois mois pour vivre en Suisse et ça fait six mois et elle travaille et elle est pas déclarée, mais du coup elle travaille et elle est en procès et la première chose qu’elle a faite dans la salle c’est me donner les papiers en m’expliquant qu’elle était convoquée au tribunal en me demandant qu’est-ce que je dois faire, qu’est-ce que je vais faire et moi , j’étais là, j’ai pris les papiers et j’ai regardé la première page, juste pour regarder et lui dire je m’intéresse à ce que vous me donnez et puis je lui dis que ce n’est pas mon travail et je ne sais pas vraiment ce qu’il faut faire, renseignez-vous peut-être auprès d’un avocat, enfin, je ne savais pas quoi lui dire.

étudiant stagiaire, 23 ans, 3e année

Les stagiaires nous ont révélé la situation complexe dans laquelle ils peuvent se trouver et les différents rôles qui leur sont attribués par les patients, qui leur adressent des demandes psychosociales en plus des soins de physiothérapie. Le sentiment d’impuissance de ces stagiaires face aux demandes psychosociales peut être résolu par une collaboration régulière active avec les professionnels du social, qui seront amenés à donner des réponses à ces demandes.

Même si certains stagiaires ont des difficultés à répondre à ces demandes psychosociales, ils font preuve d’écoute et leurs prestations sont appréciées par les patients. La consultation est considérée par les patients comme accueillante, chaleureuse et sympathique. Un climat de confiance s’y dégage, comme le souligne une des patientes :

la première fois que j’ai vu le soignant, il m’a donné beaucoup de confiance.

participante 2, 32 ans, Pérou

La posture courtoise et avenante des stagiaires aide à mettre à l’aise les patients et à s’adapter à toutes les situations. Le temps de la consultation, de 45 min environ, est jugé satisfaisant car il permet de faire connaissance au fur et à mesure des consultations, de faire les exercices ou de se relaxer. Précisons que, vu le contexte difficile des patients accueillis au cabinet de physiothérapie de la HEdS, une séance prend plus de temps qu’une séance dans d’autres cabinets, qui dure souvent 25 min (Zaninetti-Schaerer, Isoard Mateoiu, Dominicé Dao et Rossier, 2011). Les stagiaires physiothérapeutes doivent aussi tenir compte des aspects interculturels lors des consultations.

Enjeux interculturels dans les soins de physiothérapie offerts aux patients migrants

Les enjeux interculturels mis en lumière par les résultats de notre étude concernent la communication entre les stagiaires et les patients ainsi que les représentations culturelles du corps et de la physiothérapie.

Communication entre les patients et les stagiaires physiothérapeutes

En physiothérapie, le patient doit comprendre les exercices prescrits par le physiothérapeute afin de les faire seul après la consultation. Dans notre recherche, nous nous sommes intéressés aux problèmes de communication entre les stagiaires et les patients migrants, mais aussi aux stratégies prises par les acteurs pour faire face à ces problèmes.

La première difficulté de communication relevée par les patients et les stagiaires est la langue lorsque l’un ou l’autre des participants ne connaît pas le français ou ne maîtrise pas la langue partagée. « Pour parler le français, c’est un peu difficile alors pour le comprendre, c’est difficile » (participant 6, 29 ans, Algérie). L’obstacle n’est pas spécifiquement déterminé par le français, mais plutôt pas l’absence de partage d’une langue commune. Si le patient ne parle ni français, ni anglais, ni espagnol par exemple et que l’étudiant non plus, il est bien plus difficile pour l’un et l’autre de communiquer, d’interagir et de chercher les informations utiles lors de la séance de soins. En effet, la barrière de la langue « ne permet pas d’exprimer les choses avec les nuances qui sont nécessaires pour aborder les choses de manière adéquate » (étudiant stagiaire, 23 ans).

Maintenant, il y a aussi des patients chinois, des patients arabes qui ne parlent pas français et donc là c’était quand même problématique. Pas vraiment pour avoir une relation avec le patient, mais vraiment pour être précis dans les bilans. Nous, on doit déjà des fois avoir des informations vraiment précises et là c’est difficile d’avoir les bonnes réponses en fait.

étudiante stagiaire, 24 ans, 2e année

Pour certains patients, la barrière de la langue apparaît plus souvent quand il s’agit d’évoquer ce qui se passe dans leur corps : « parfois, le nom des mots quand c’est pour parler de ce qui se passe à l’intérieur de mon corps, je ne connais pas le nom des mots » (participante 6, 32 ans, Bolivie). Il s’agit ici de difficultés de compréhension qui peuvent se répercuter sur la prise en charge des patients dans la mesure où le traitement en physiothérapie utilise des termes techniques.

Pour faire face aux problèmes de communication, certains outils sont à disposition des stagiaires pour expliquer les éléments utiles à la compréhension des douleurs, des exercices et du traitement qu’il faut effectuer. Le stagiaire peut montrer lui-même un exercice : « d’abord, elle me montre et après je fais. Elle me dit vous faites comme cela et je regarde et après je fais » (participante 3). Le dessin, l’image ou le squelette sont d’autres outils efficaces. Ils aident à conceptualiser les parties du corps difficiles à visualiser lorsque le patient ne connaît pas l’anatomie humaine. Une autre stratégie qui facilite la communication entre les stagiaires et les patients est d’apprendre certains mots qui deviennent un langage partagé : « Avec certains patients, j’utilise toujours les mêmes mots à chaque fois pour dire la même chose » témoigne un des stagiaires. En effet, certains étudiants et patients ont adapté, à partir des quelques bribes de mots partagés dans une langue, une manière de communiquer lorsque l’un et l’autre des protagonistes ne peuvent pas se comprendre. Cette communication a cependant des limites et ne permet pas de mieux échanger lors des consultations pour partager les informations. Les stagiaires se débrouillent à défaut de recourir aux interprètes qu’il faudrait rémunérer, alors que les soins au cabinet de physiothérapie de la HEdS sont gratuits.

Outre ces enjeux communicationnels, les stagiaires se trouvent confrontés à d’autres enjeux interculturels dans la prise en charge des patients migrants, à savoir les représentations culturelles de la maladie et du corps.

Les représentations culturelles de la maladie et du corps

La gêne de demander des explications de la part des patients peut être un des facteurs d’une mauvaise communication. Le problème s’accentue si le patient n’a jamais effectué de physiothérapie ou ne connaît pas son diagnostic médical, car il risque de n’avoir que peu de représentations préalables de ce type de soins. Un étudiant stagiaire parle par exemple « des gens qui ont mal au genou et qui pensent que c’est super dangereux et puis que ça va exploser et qu’ils ne seront plus capables de marcher dans deux jours » (étudiant stagiaire, 24 ans).

Pour que les patients arrivent à reproduire correctement les exercices physiothérapeutiques et en ressentent les bénéfices, il est essentiel de sentir les différents mouvements du corps et d’arriver à localiser les troubles. Les étudiants stagiaires ont évoqué un décalage, dans certains cas, entre les attentes des soignants et celles des patients. Ce décalage s’explique parfois par des représentations différentes de la physiothérapie et de l’importance des exercices ou d’une volonté de retrouver complètement son meilleur état de santé. Il arrive aussi qu’une construction culturelle, religieuse ou sociale de l’Autre remette en question l’action et la communication lors de la consultation comme l’exprime cet étudiant :

J’ai eu une patiente asiatique. Il y avait la barrière de la langue orale donc je ne savais pas où elle en était... Et je ne savais pas si culturellement j’étais trop proche d’elle ou si je brisais des codes. […] J’avais l’impression d’être tout le temps sur le qui-vive pour savoir si j’étais ok par rapport à elle ou si je dépassais des limites.

étudiant stagiaire, 21 ans

Discussion des résultats

Dans cette partie, nous discuterons deux éléments importants qui ressortent de l’analyse des entretiens :

  • la précarité des migrants sans statut de séjour légal qui fréquentent le cabinet de physiothérapie de la HEdS et ses conséquences sur leur santé musculosquelettique et

  • l’interculturalité dans la prise en charge physiothérapeutique de ces patients.

La précarité des migrants est principalement associée au manque de statut de séjour légal en Suisse qui met ces derniers dans une situation de vulnérabilité caractérisée par les difficultés d’accès à l’emploi, au logement, aux ressources financières et au réseau social (isolement). Le stress revient souvent dans le discours de certaines personnes interviewées. Elles font le lien avec la nostalgie du pays d’origine, l’éloignement de la famille, la déqualification, la violence domestique et des conditions de vie et de travail difficiles. Ce stress se manifeste par des douleurs musculaires et une fatigue intense. Le stress apparaît comme un facteur déterminant de la santé musculosquelettique. D’autres études montrent le rôle des facteurs individuels et psychosociaux dans la genèse de diverses lésions musculosquelettiques chez les travailleurs (Côte et al. 2008 ; Hauke, Flintrop, Brun et Rugulies, 2011 ; Macfarlane et al. 2009 ; Van Rijin, Huisstede, Koes et Burdorf, 2009 ). Le lien entre les parcours migratoires et les douleurs somatiques sont aussi mis en évidence par Goguikian Ratcliff (2009), Nabi (2014) et Gerbes et al. (2015).

Les patients migrants interviewés ont exprimé le besoin de raconter leur histoire personnelle en lien avec la migration et adressent parfois des demandes psychosociales aux stagiaires lors des consultations. Ces derniers font preuve d’écoute et d’empathie, mais mentionnent des limites du fait de ne pas pouvoir apporter des réponses aux problèmes sociaux évoqués par les patients. Les limites de ces stagiaires s’expliquent par l’absence de formation spécifique adaptée à la prise en charge physiothérapeutique des patients migrants. Dominicé Dao et Allaz (2012) suggèrent par exemple un guide de formulation culturelle qui propose un outil anamnestique performant avec des patients migrants. Selon les auteurs, « pour comprendre le vécu des plaintes somatiques du patient, il est nécessaire de connaître son contexte prémigratoire et son histoire de migration (comment, pourquoi…) et les différences entre sa situation actuelle et les représentations qu’il s’en faisait » (p. 1406). Dans nos entretiens avec les stagiaires, ceux-ci nous ont mentionné leur manque de connaissances sur les politiques migratoires en Suisse et les conditions de vie des migrants. Une considération des questions sociales et culturelles dans la pratique des soins de physiothérapie aux patients migrants nécessite aussi un travail interdisciplinaire entre les stagiaires physiothérapeutes, les interprètes et les travailleurs sociaux afin d’apporter des réponses aux demandes sociales formulées par les patients migrants. Comme le précisent Sleptsova, Wössmer et Langewitz (2009), le traitement des douleurs chroniques s’avère plus efficace si l’on prend en compte la situation psychosociale et le passé migratoire des patients.

Nous avons aussi constaté que les barrières linguistiques entre les patients migrants et les stagiaires demeurent un obstacle à des soins de physiothérapie de qualité. Les stagiaires sont obligés de se débrouiller pour faire face à ces barrières puisque le cabinet de physiothérapie ne peut pas faire appel aux interprètes professionnels pour des raisons financières. Plusieurs études montrent en effet le rôle des interprètes dans la qualité des soins aux patients qui ne parlent pas la langue du soignant (René de Cotret, Tamouro, Ošlejšková et Leanza, 2017). La maîtrise de la langue durant la consultation semble essentielle pour garantir la participation des patients (Rocque, Levesque et Leanza, 2019).

En dépit des barrières linguistiques et des limites à la capacité de répondre aux demandes sociales, les soins de physiothérapie dispensés par les étudiants stagiaires sont appréciés par les patients migrants, qui reconnaissent leur professionnalisme. Une confiance s’installe entre les patients et les stagiaires. Les premiers se sentent considérés en tant que personnes en situation de précarité évoluant au sein d’une structure de santé qui les reconnaît. De leur côté, en étant reconnus par les patients qui apprécient leur travail, les étudiants jugent leur stage très utile en termes d’apprentissages ainsi qu’en termes d’apports à la prise en charge des personnes migrantes vulnérables sans assurance maladie.

Conclusion

Cet article avait pour objectif d’aborder les enjeux psychosociaux et interculturels de la prise en charge physiothérapeutique de migrants sans statut de séjour légal par les étudiants stagiaires de la HEdS-Genève. Le stage en cabinet de physiothérapie est apprécié par les étudiants qui le choisissent pour vivre une expérience de consultation avec une population migrante défavorisée de Genève. Pour ces étudiants, le cadre du stage est professionnalisant parce qu’il leur donne de grandes responsabilités au niveau des soins de physiothérapie et de gestion des consultations. L’article met en évidence les liens entre la précarité des patients migrants, leurs parcours migratoires et la santé musculosquelettique. Pour ces patients, la précarité engendre le stress, qui se caractérise par des douleurs musculaires. En plus des problèmes de santé physiothérapeutiques, les patients formulent souvent aux étudiants stagiaires des demandes sociales et juridiques liées à leurs conditions de vie difficiles. Les stagiaires éprouvent cependant des difficultés à répondre à ces demandes et à les intégrer dans la pratique des soins. Dans certaines situations, les problèmes de communication dus à la langue ainsi qu’aux représentations de la maladie et du corps se posent lors des consultations avec les patients migrants. Pour assurer des soins de qualité à ces patients, le recours aux interprètes professionnels nous paraît indispensable.

Le travail interdisciplinaire entre stagiaires physiothérapeutes et professionnels du social est également nécessaire dans la prise en charge des patients migrants. Les professionnels du social, notamment ceux qui interviennent déjà auprès des sans-papiers, pourront apporter des réponses aux demandes sociales des patients, ce qui pourra alléger le stress de ces derniers. Il convient enfin d’assurer une formation interculturelle aux étudiants en physiothérapie. Cette formation devrait mettre l’accent sur les liens entre les aspects socioculturels de la migration et la santé, sur l’interprétariat dans les soins, sur les compétences interculturelles, sur les politiques migratoires et d’asile en Suisse ainsi que sur le réseau social et juridique genevois qui travaille avec les migrants. Elle pourrait faire référence au guide de formulation culturelle proposé par Dao (2012) pendant la consultation des patients migrants.

Au terme de cet article, nous ne prétendons pas avoir approfondi tous les enjeux psychosociaux et interculturels de la prise en charge physiothérapeutique des migrants sans statut de séjour légal par les étudiants stagiaires de la HEdS-Genève. Notre recherche avait des limites, dans la mesure où nous avons interviewé qu’une dizaine de personnes. De plus, le discours des patients migrants a sans doute été influencé par la gratuité des soins. Ces derniers n’ont jamais mis en cause les pratiques des étudiants stagiaires. D’autres études pourraient approfondir certaines questions abordées dans l’article, notamment la formation en interculturalité des physiothérapeutes ou la collaboration entre physiothérapeutes et professionnels du social dans la pratique des soins.