Abstracts
Résumé
Cet article explore certaines limites de l’interculturel, en se penchant sur le cas des autochtones hurons‐wendat de la région de Québec (Canada), et plus particulièrement sur le projet, toujours en cours, de revitalisation de leur langue ancestrale, celle‐ci n’étant plus utilisée depuis environ 150 ans. Biologiquement métissés, de langue et de culture franco‐québécoises, les Wendat ne se distinguent presque plus de leurs voisins allochtones. Et pourtant, ils continuent à s’identifier comme appartenant à une nation différente de celle des Québécois et des Canadiens. Afin de bien marquer la frontière sociale les séparant des allochtones, ils ont ré‐imaginé et se sont réapproprié depuis quelques décennies divers éléments de leur culture ancestrale. La revivification de la langue wendat fait partie de ce processus d’affirmation identitaire : on crée un champ de différentiation interculturelle là où il n’en existait pas, afin de ré‐établir une distance sociale qui s’était presque totalement effacée au cours des ans. Ce qui peut être présenté par certains chercheurs et intervenants comme des différences objectives entre ensembles de pratiques et représentations qualifiés de « cultures » (justifiant ainsi l’existence du domaine des études interculturelles) relève donc souvent d’un processus idéologique de construction identitaire, qui cherche à marquer une frontière ethnique autrement peu apparente. Pour analyser ce processus à partir du cas wendat, l’article fait appel, entre autres, aux apports théoriques de Barth (1969) sur les frontières ethniques, de Bourdieu (1982) sur la notion de marché linguistique et de Friedman (2009) sur celle d’autochtonie. Les données, de nature qualitative, sont tirées de la participation de l’auteur, depuis 2006, à un projet d’anthropologie linguistique appliquée décrit dans le texte, visant à faire réentendre la langue wendat au sein de la communauté.
Mots-clés :
- identité,
- autochtonie,
- ethnicité,
- marché linguistique,
- interculturel,
- Québec