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Introduction

Le 30 juin 1993, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, le Canada reconnaît pour la première fois les persécutions du fait de l’orientation sexuelle en tant que motif d’octroi du statut de réfugié. En l’espèce, cette affaire pour laquelle le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) agit à titre d’intervenant ne concernait pas le cas d’une personne persécutée en raison de son orientation sexuelle, mais celui d’un ancien membre d’une organisation politico-militaire irlandaise, qui a été condamné à mort par celle-ci pour avoir aidé des otages à s’enfuir. La Cour supérieure canadienne a alors été saisie pour déterminer le sens de l’expression « appartenance à un certain groupe social », motif invoqué par Patrick Francis Ward pour obtenir l’asile au Canada.

Dans son raisonnement, pour définir la notion d’appartenance à un certain groupe social, la Cour supérieure canadienne évoque trois critères : (i) un groupe défini par une caractéristique innée ou immuable, (ii) un groupe dont les membres s’associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association et (iii) un groupe associé par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique. Le juge La Forest précise :

La première catégorie comprendrait les personnes qui craignent d’être persécutées pour des motifs comme le sexe, les antécédents linguistiques et l’orientation sexuelle, alors que la deuxième comprendrait, par exemple, les défenseurs des droits de la personne. La troisième catégorie est incluse davantage à cause d’intentions historiques, quoi qu’elle se rattache également aux influences anti-discriminatoires, en ce sens que le passé d’une personne constitue une partie immuable de sa vie

La Forest, 1993, p. 739

C’est ainsi que, de manière presque anecdotique, le Canada devient l’un des premiers pays au monde à reconnaître explicitement les persécutions du fait de l’orientation sexuelle en tant que motif d’octroi du statut de réfugié, selon le motif de l’appartenance à un certain groupe social. Dans la foulée, plusieurs pays, notamment des pays de common law comme les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, développent une jurisprudence similaire faisant en sorte qu’aujourd’hui près d’une trentaine de pays reconnaissent ce type de persécutions en tant que motif d’octroi du statut de réfugié.

Parallèlement, au sein du HCR, on commence également à se pencher sur cet enjeu, faisant en sorte que ce motif qui n’est pas évoqué dans la Convention de Genève de 1951 ni le Protocole de New York de 1967 (ce dernier supprimant les restrictions temporelles et géographiques qui accordaient, selon la Convention, le statut de réfugié uniquement à ceux et celles dont les persécutions étaient survenues en Europe avant le 1er janvier 1951) devient aujourd’hui explicitement identifié comme motif d’octroi du statut de réfugié. Cette évolution intervient essentiellement à partir du début des années 2000, dans le cadre du deuxième volet des Consultations mondiales du HCR sur la protection internationale. Ce volet des Consultations était consacré à l’analyse et à la discussion de questions requérant une clarté accrue sur certains aspects de la Convention de Genève et du Protocole de New York à la lumière d’interprétations modernes, dont certaines avaient commencé à diverger tant au sein de certains États qu’entre certains États (Guterres, 2008).

Dans cet article, il s’agit de revenir sur la genèse de la catégorie de « réfugié LGBT » au sein du HCR en répondant à la question suivante : comment la catégorie de « réfugié LGBT » a-t-elle émergé au sein du HCR? Les données utilisées pour répondre à cette question proviennent d’une analyse documentaire réalisée dans le cadre de recherches doctorales. Lors de cette analyse j’ai consulté quatre types de sources : (i) des documents administratifs des autorités asilaires et législations liées à l’asile, (ii) des rapports d’activités et archives des autorités asilaires et de nombreuses associations aux échelons national et international, (iii) la jurisprudence et (iv) la presse. Ces différentes sources m’ont permis de « tracer » le processus de genèse de la catégorie de « réfugié LGBT » au sein du HCR à partir d’une analyse socio-historique (voir Lascoumes, 2007).

Au niveau du traitement des données et de l’analyse empirique en tant que telle, j’ai procédé de manière inductive. Ma démarche a d’abord consisté à établir une chronologie du processus de genèse de la catégorie de « réfugié LGBT » au sein du HCR. Pour ce faire, j’ai tenté dans un premier temps d’identifier le moment où cet enjeu a émergé dans la sphère publique ainsi que les acteurs investis dans ce domaine. Par la suite, j’ai suivi l’évolution et le développement du processus à travers le temps et identifié les nouveaux acteurs qui émergent au fur et à mesure. La troisième étape a consisté à identifier des tournants dans l’évolution du processus, permettant de le diviser en plusieurs phases.

L’article est divisé en quatre parties. La première partie est une revue de littérature dans laquelle je présente les différents travaux qui ont abordé la question de la genèse de la catégorie de « réfugié LGBT ». Si plusieurs de ces travaux font état du processus de genèse de cette nouvelle catégorie de réfugiés au sein des différents États signataires de la Convention de Genève et du Protocole de New York, peu abordent la genèse de cette catégorie au sein du HCR. C’est cette lacune que veut combler cet article. Dans les deuxième et troisième parties, je reviens sur la genèse de la catégorie de « réfugié LGBT » au sein du HCR en expliquant que celle-ci est intervenue dans un double contexte : dans le cadre des persécutions liées au genre (partie 2) et dans le cadre des persécutions sur base de l’appartenance à un certain groupe social (partie 3). Enfin, la quatrième partie porte sur l’effet de cette évolution d’ordre législatif sur le parcours des demandeurs et demandeuses d’asile invoquant des persécutions du fait de leur orientation sexuelle et identité de genre. Il y est soutenu que cette évolution est loin d’être une panacée, dans la mesure où les personnes invoquant ce motif de persécutions continuent à faire face à des barrières institutionnelles et structurelles pour obtenir le statut de réfugié.

Les « réfugiés LGBT » : une nouvelle catégorie de réfugiés

En même temps que les premiers statuts de réfugié sur la base de l’orientation sexuelle furent octroyés, les chercheur·e·s se sont attelé·e·s à étudier ce phénomène. Ainsi, alors que les enjeux qui entourent les réfugié·e·s LGBT ont longtemps été absents du débat scientifique (Badgett et Crehan, 2016), on assiste aujourd’hui à un véritable engouement, qui se manifeste entre autres par le nombre de projets scientifiques en cours sur le sujet. D’abord circonscrite aux départements de droit, la problématique des réfugié·e·s LGBT est désormais traitée par des chercheur·e·s en anthropologie, en sociologie, en cultural studies, en travail social et, plus récemment, en science politique, faisant émerger un nouveau champ : les études migratoires queers (queer migration studies). Par définition interdisciplinaires, les études migratoires queer sont traversées par deux courants. D’une part, les spécialistes se sont intéressé·e·s à l’expérience migratoire des individus qui s’identifient (ou qui sont amenés à s’identifier) en tant que « réfugié LGBT ». D’autre part, les chercheur·e·s se sont intéressé·e·s à la manière dont l’émergence de cette catégorie subvertit les régimes migratoires et de citoyenneté (Luibheid, 2008).

Dans cette deuxième série de travaux, on retrouve des analyses qui ont cherché à explorer la prise en considération des persécutions du fait de l’orientation sexuelle (Kobelinsky, 2012 et 2015; Śledzińska-Simon et Śmiszek, 2013), et du genre plus généralement (Barzé, 2012; Freedman, 2010a et 2010b; Miaz, 2014; Stichelbaut, 2009), comme motifs d’octroi du statut de réfugié. Premièrement, des facteurs structurels, entre autres liés aux évolutions culturelles et sociales, sont évoqués par les spécialistes. Ainsi, à l’instar de Kobelinsky (2015), d’aucun·e·s estiment qu’au sein des pays respectueux des droits des minorités homosexuelles, les autorités nationales chargées de l’asile sont davantage sensibilisées au sort des demandeurs et demandeuses d’asile persécuté·e·s en raison de leur orientation sexuelle et considèrent donc ces persécutions en tant que motifs d’octroi du statut de réfugié : « les transformations profondes de la perception de la sexualité, d’abord aux États-Unis puis en Europe occidentale […] font entrer les persécutions en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre dans les registres des motifs de l’asile » (Kobelinsky, 2015). De même, Śledzińska-Simon et Śmiszek établissent un lien de cause à effet entre le « climat général à tendance homophobe et transphobe » au sein des pays d’Europe centrale et orientale et le « retard sur le reste de l’Europe relativement à l’approche des demandeurs et demandeuses d’asile LGBTI » des autorités nationales chargées de l’asile dans ces régions (2013, p. 16).

Deuxièmement, d’autres chercheur·e·s évoquent des variables stratégiques, en focalisant leur analyse sur les stratégies de mobilisation des acteur·e·s qui interviennent aux différents stades du processus d’incorporation de l’orientation sexuelle et du genre dans le droit d’asile. Ainsi, à partir d’une étude du système asilaire suisse, Miaz soutient que la prise en compte des persécutions liées au genre au sein de l’Office fédéral des migrations est le résultat d’un « relais “intra-institutionnel” de revendications portées par des acteurs internationaux, politiques et associatifs » (2014, p. 72). De même, dans une analyse comparative, Freedman (2010a) démontre que la capacité des associations féministes à créer des alliances avec d’autres associations et groupes « généralistes » a été déterminante pour la meilleure prise en considération des persécutions liées au genre dans les systèmes asilaires français et britannique.

Plus récemment, les chercheur·e·s ont davantage mis de l’avant des facteurs institutionnels pour expliquer la genèse de la catégorie de « réfugié LGBT » au sein des pays receveurs de demandeurs et demandeuses d’asile. Ainsi, en me concentrant sur le cas de la Belgique et dans un objectif de dépasser les thèses qui s’appuient sur des facteurs structurels et stratégiques, j’ai suggéré qu’il faut regarder au niveau interne de l’administration pour comprendre pourquoi le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) en Belgique en est venu à reconnaître les persécutions du fait de l’orientation sexuelle en tant que motif d’octroi du statut de réfugié (Hamila, 2019). Je soutiens que la genèse de cette nouvelle catégorie de réfugiés résulte de développements successifs d’instruments liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre au sein de l’autorité asilaire belge : ces instruments, du fait de leur matérialité, installent une dépendance au sentier (path dependency) (voir Pierson, 2000) qui produit des effets de verrouillage à l’origine de cette nouvelle catégorie administrative.

Ces travaux ont permis d’avoir une plus grande compréhension de la manière dont la catégorie de « réfugié LGBT » a émergé dans les pays receveurs de demandeurs et demandeuses d’asile, évoquant à la fois des facteurs structurels, stratégiques et institutionnels. Cependant, ces travaux restent focalisés sur l’échelon national, faisant fi de la manière dont cette nouvelle catégorie de réfugié a émergé à l’échelon international, notamment au sein du HCR. C’est cette lacune que le présent article vise à combler en ouvrant la « boîte noire » de la genèse de la catégorie de réfugié au sein du HCR. J’y soutiens que l’émergence de cette nouvelle catégorie de réfugié s’inscrit dans deux dynamiques parallèles qui ont toutes les deux débouchés sur l’élaboration de Principes directeurs du HCR qui reconnaissent explicitement les persécutions du fait de l’orientation sexuelle en tant que motif d’octroi du statut de réfugié.

Les « réfugiés LGBT » dans le cadre des persécutions liées au genre

Dans un premier temps, les enjeux relatifs aux demandeurs et demandeuses d’asile OSIG (Orientation Sexuelle et Identité de Genre) émergent au sein du HCR dans le contexte de l’interprétation de la définition du réfugié sous l’angle du genre. Dès le milieu des années 1980, la problématique des persécutions liées au genre devient centrale au sein du HCR mais, à cette époque, il est surtout question des demandeuses d’asile persécutées du fait de leur statut de femme et non pas des requérant·e·s OSIG (Spijkerboer, 2000). Cette préoccupation résulte du postulat selon lequel « the normative structure of international law has allowed issues of particular concern to women to be either ignored or undermined » (Charlesworth, Chinkin et Wright, 1991, p. 625). Dès lors, plusieurs actions ont été prises pour remédier à cette situation, à commencer par l’organisation d’une table ronde sur les femmes réfugiées par le HCR en avril 1985. Cette table ronde impulse l’adoption de résolutions ultérieures, notamment celles du Comité exécutif du programme du HCR qui, sur une décennie, adopte plusieurs conclusions relatives à la situation des femmes réfugiées (Edward, 2008).

Dès 1985, dans ses conclusions n° 39 sur Les femmes réfugiées et la protection internationale, le Comité exécutif du programme du HCR affirme que « les femmes en quête d’asile soumises à des traitements cruels ou inhumains pour avoir transgressé les coutumes de la communauté où elles vivent peuvent être considérées comme appartenant à un "certain groupe social", aux termes de l’article premier, 1.A(2) de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés » (ExCom, 1985). En 1988 (ExCom, 1988), puis en 1989 (ExCom, 1989), le Comité exécutif va plus loin dans ses conclusions sur les Femmes réfugiées en invitant le HCR à « prendre de nouvelles mesures efficaces visant à réaliser l’intégration des questions relatives aux femmes à tous les stades du cycle de planification des programmes » (ExCom, 1988). Il est ainsi suggéré que « tous les documents relatifs aux projets soumis aux fins de financement incluent un paragraphe consacré à leur impact sur les problèmes et besoins spécifiques des femmes réfugiées ». En 1990, dans la deuxième version de ses conclusions sur Les femmes réfugiées et la protection internationale, le Comité exécutif « invite le HCR à établir de toute urgence des directives globales concernant la protection des femmes réfugiées afin de pouvoir mettre en oeuvre sa politique concernant les femmes réfugiées » (ExCom, 1990). C’est chose faite en 1991, avec la publication des Guidelines on the protection of refugee women (HCR, 1991) qui institutionnalisent l’interprétation sous l’angle du genre de la définition du réfugié.

Une fois ces lignes directrices relatives aux femmes réfugiées adoptées, l’enjeu est désormais que les États signataires de la Convention de Genève de 1951 les appliquent. Ainsi, en 1993, le Comité exécutif recommande aux États l’élaboration « de lignes directrices adéquates concernant les femmes demandeurs d’asile, pour reconnaître que les femmes réfugiées vivent, bien souvent, l’expérience de la persécution différemment des hommes réfugiés » (ExCom, 1993) ainsi que l’établissement « de programmes de formation visant à sensibiliser aux questions liées au sexe et à la culture les personnes qui jouent un rôle dans le processus de reconnaissance du statut de réfugié ». À cette époque, si certains pays se montrent enclins à suivre la ligne de conduite du HCR, la mise en oeuvre de ces lignes directrices demeure inconsistante et incomplète parmi les signataires de la Convention de Genève de 1951 (Ward, 2002, p. 2).

À partir de 1995, la problématique des femmes réfugiées devient transversale. Alors que cette question était jusque-là exclusivement traitée dans les conclusions du Comité exécutif relatives aux femmes, elle est désormais également abordée dans les conclusions générales. Cette année-là, le Comité exécutif invite le HCR à :

Appuyer et promouvoir les efforts déployés par les États pour élaborer et appliquer les critères et principes directeurs sur les réponses à la persécution visant spécifiquement les femmes. […] Conformément au principe qui veut que les droits des femmes participent des droits de l’Homme [sic], ces principes directeurs doivent reconnaître comme réfugiées les femmes dont la demande de statut de réfugié s’appuie sur une crainte fondée de persécution pour les raisons énumérées dans la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, y compris la persécution du fait de violences sexuelles ou toute autre persécution liée à l’appartenance sexuelle

ExCom, 1995

Les États signataires de la Convention de Genève, sous la houlette des États-Unis (1995), du Canada (1996) et de l’Australie (1996), commencent à répondre à la demande du Comité exécutif en élaborant des lignes directrices afin d’assurer un accès effectif des femmes à la protection internationale (Edward, 2008). En 1996, le HCR organise un symposium sur les persécutions liées au genre où les pratiques des États sont comparées les unes aux autres dans l’objectif d’établir une liste de bonnes pratiques. Ce symposium, intitulé « UNHCR Symposium on Gender-Based Persecution », a été organisé à Genève les 22 et 23 février 1996. L’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France, l’Irlande, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse y sont représentés (voir les actes dans International Journal of Refugee Law, 1997). À la suite du symposium, en janvier 2000, le HCR publie un document de principe dans lequel il spécifie son approche concernant la prise en compte des persécutions liées au genre dans la procédure d’asile (HCR, 2000). Bien que ce document traite essentiellement des persécutions subies par les demandeuses d’asile du fait de leur statut de femme, il identifie également les persécutions du fait de l’orientation sexuelle en tant que motif d’octroi du statut de réfugié (p. 4). Près de deux ans après la publication de ce document de principe, le HCR publie, le 7 mai 2002, ses Principes directeurs sur la protection internationale n°1 sur la persécution liée au genre (HCR, 2002a). Ces derniers résultent du second volet des Consultations mondiales sur la protection internationale qui, du 6 au 8 septembre 2001, a étudié cet enjeu lors de la réunion d’expert·e·s à San Remo évoquée plus haut. Une section entière traite des persécutions du fait de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Les persécutions reconnues comme contenant un élément lié au genre peuvent de ce fait être invoquées pour obtenir le statut de réfugié :

Les demandes fondées sur une différence d’orientation sexuelle contiennent un élément lié au genre. La sexualité ou les pratiques sexuelles d’une requérante ou d’un requérant peuvent être des éléments pertinents dans le cadre de la demande de statut de réfugié lorsque la requérante ou le requérant a été l’objet d’actions de persécution (y compris discriminatoires) en raison de sa sexualité ou de ses pratiques sexuelles. Dans nombre de cas, la requérante ou le requérant refuse de se conformer à des rôles sociaux ou culturels prédéfinis ou à des comportements attribués à l’un ou l’autre sexe. Les demandes les plus courantes concernent des homosexuel(le)s, des transsexuel(le)s ou des travestis(e) qui ont été exposé(e)s à de graves manifestations publiques d’hostilité, des actes de violence, des mauvais traitements ou des discriminations graves ou cumulées

HCR, 2002a, p. 5

L’interprétation sous l’angle du genre de la Convention de Genève a eu pour effet d’élargir la définition du réfugié aux minorités sexuelles en vertu du raisonnement selon lequel ces minorités sont également considérées comme transgressant les rôles sociaux attribués au genre : « de même que les femmes qui refusent de porter le voile dans certaines sociétés sont considérées comme transgressant les coutumes sociales établies, les hommes homosexuels dans certaines sociétés se retrouvent aussi en situation de violation à la fois des rôles liés au genre et des règles sociales et sont persécutés de ce fait » (Edwards, 2008, p. 83). Les persécutions OSIG étant désormais reconnues comme un motif d’octroi du statut de réfugié, à partir du début des années 2000, l’enjeu des « réfugiés LGBT » ne se pose plus en termes d’inclusion dans la définition juridique du réfugié, mais davantage en termes de protection effective.

Les « réfugiés LGBT » dans le cadre de l’appartenance à un certain groupe social

Au sein du HCR, l’enjeu des « réfugiés LGBT » émerge parallèlement dans le cadre de l’interprétation du motif d’appartenance à un certain groupe social. Parmi les cinq motifs d’octroi du statut de réfugié énumérés dans la Convention de Genève, le motif d’appartenance à un certain groupe social est considéré comme étant le plus ambigu, sa définition ayant créé de nombreuses controverses juridiques (Foster, 2012). Généralement, pour interpréter une disposition législative internationale de ce type, les juristes examinent les débats lors de son adoption pour déterminer l’esprit de la loi. Or, dans le cas de la notion d’appartenance à un certain groupe social, les spécialistes ne sont pas unanimes quant aux motivations du législateur lorsqu’il a proposé d’ajouter ce motif lors des travaux préparatoires de la Convention de Genève. Le fait est que cette notion a été ajoutée quasiment à la fin des délibérations, sans débat ni opposition, à la suite d’une proposition du délégué suédois Sture Petren, selon lequel : « l’expérience a montré que certains réfugiés étaient persécutés parce qu’ils appartenaient à certains groupes sociaux. Le projet de convention ne prévoit pas ce cas et il conviendrait d’y introduire une disposition destinée à les couvrir » (Assemblée générale des Nations Unies, 1951).

Face au peu d’informations quant aux motivations des rédacteurs et rédactrices de la Convention de Genève de 1951, chaque juridiction a développé sa propre interprétation du motif. Les spécialistes distinguent deux approches : celle des « caractéristiques protégées » et celle de la « perception sociale » (Aleinikoff, 2008). Selon la première, l’appartenance à un certain groupe social englobe (i) les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable, (ii) les groupes dont les membres s’associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’iels ne devraient pas être contraint·e·s à renoncer à cette association et (iii) les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique. Cette approche fut adoptée par le juge canadien en 1993 dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, évoqué dans l’introduction de cet article. Selon la seconde, pour constituer un certain groupe social, un groupe doit (i) partager une caractéristique commune qui unit les membres du groupe et (ii) les distingue du reste de la société. Cette approche fut adoptée par le juge australien en 1997 dans l’arrêt Applicant A. and Another v. Minister for Immigration and Ethnic Affairs and Another. Pour harmoniser l’interprétation de la notion d’« appartenance à un certain groupe social », le HCR suggère de concilier les deux approches dans ses Principes directeurs sur la protection internationale n°2 sur l’appartenance à un certain groupe social (HCR, 2002b), résultant des Consultations mondiales sur la protection internationale menées entre 2000 et 2002. Selon ce document :

Un certain groupe social est un groupe de personnes qui partagent une caractéristique commune autre que le risque d’être persécutées, ou qui sont perçues comme un groupe par la société. Cette caractéristique sera souvent innée, immuable, ou par ailleurs fondamentale pour l’identité, la conscience ou l’exercice des droits humains

HCR, 2002b, p. 3-4

De manière frappante, dans ces Principes directeurs, le HCR a à plusieurs reprises recours au cas des personnes homosexuelles pour illustrer la définition du motif d’appartenance à un certain groupe social. Cet exemple n’est bien évidemment pas choisi au hasard par le HCR : il s’appuie sur la jurisprudence des pays du common law qui sont les premiers à avoir reconnu les persécutions du fait de l’orientation sexuelle en tant que motif d’octroi du statut de réfugié. En effet, aussi bien les pays qui utilisent l’approche des « caractéristiques protégées » (comme le Canada) que ceux qui utilisent l’approche de la « perception sociale » (comme l’Australie) ont eu recours au cas des personnes homosexuelles pour illustrer la définition du motif d’appartenance à un certain groupe social, dans des affaires sans rapport avec l’orientation sexuelle, le transformant en un cas paradigmatique. Ainsi, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Ward (30 juin 1993) évoquée en introduction, la Cour suprême canadienne, qui se place dans l’approche des « caractéristiques protégées », soutient que l’orientation sexuelle est une caractéristique innée ou immuable et que, de fait, les personnes homosexuelles appartiennent à un certain groupe social au sens de la Convention de Genève de 1951. De même, dans l’affaire, Applicant A. and Another v. Minister for Immigration and Ethnic Affairs and Another (24 février 1997) qui concernait des requérant·e·s faisant valoir des craintes de stérilisation forcée en raison de leur refus de la politique chinoise de l’enfant unique, la Cour suprême australienne, qui se place dans l’approche de la « perception sociale », soutient que « if the homosexual members of a particular society are perceived in that society to have characteristics or attributes that unite them as a group and distinguish them from society as a whole, they will qualify for refugee status. Nor is it necessary that the group should possess the attributes that they are perceived to have ».

À son tour, l’exemple des personnes homosexuelles est utilisé par le HCR parce qu’il permet de montrer la convergence entre ces deux interprétations du motif « appartenance à un certain groupe social » (caractéristiques protégées et perception sociale). En effet, quelle que soit l’interprétation préférée par les juges, les personnes homosexuelles répondent à la définition dans les deux cas, comme le soulignent les Principes directeurs du HCR :

La première approche des « caractéristiques protégées » (parfois évoquée en tant qu’approche de « l’immuabilité ») vérifie si un groupe est uni par une caractéristique immuable ou par une caractéristique tellement fondamentale pour la dignité humaine qu’on ne saurait contraindre quelqu’un à la modifier. […] En application de cette approche, des tribunaux et des organes administratifs d’un certain nombre de juridictions ont conclu que les femmes, les homosexuel(le)s et les familles, par exemple, peuvent constituer un certain groupe social au sens de l’article 1.A(2). La seconde interprétation examine si les membres d’un groupe partagent une caractéristique commune qui rend ce groupe reconnaissable ou le met en marge de la société. C’est ce qui est appelé l’approche de « la perception sociale ». Là encore, les femmes, les familles et les homosexuel(le)s ont été reconnu(e)s comme constituant certains groupes sociaux en suivant cette analyse, en fonction de la société dans laquelle ils se trouvent. […] Les analyses résultant de ces deux conceptions présentent fréquemment des points de convergence. […] Étant donné les différentes conceptions en cours et les lacunes de protection qui peuvent en résulter, le HCR estime nécessaire de concilier les deux approches

HCR, 2002b, p. 3

Ainsi, l’enjeu des « réfugié·e·s LGBT » émerge dans le contexte d’interprétation du motif d’appartenance à un certain groupe social parce qu’il s’agissait d’un exemple assez commode pour concilier l’approche des « caractéristiques protégées » et celle de la « perception sociale ».

La genèse de la catégorie de « réfugié LGBT » au sein du HCR : une panacée?

Malgré la reconnaissance des persécutions OSIG en tant que motif d’octroi du statut de réfugié au sein du HCR à travers les principes directeurs n°1 relatifs aux persécutions liées au genre (HCR, 2002a), les principes directeurs n°2 relatifs à la notion d’appartenance à un certain groupe sociale (HCR, 2002b), et près d’une décennie plus tard, les principes directeurs n°9 relatifs aux persécutions liées à l’orientation sexuelle ou identité de genre (HCR 2012), les demandeurs et demandeuses d’asile continuent de faire face à des barrières institutionnelles et structurelles pour d’obtenir une protection internationale sur la base de ce motif (Ausserer, 2016), subissant une « double marginalisation » (Zappulla, 2018) du fait de leur statut migratoire et de leur statut de minorité sexuelle, de même que de « multiples oppressions » (McDermott, 2016).

C’est particulièrement marquant en Europe, comme l’indique le rapport Fleeing Homophobia : demandes d’asile liées à l’orientation sexuelle et à l’identité sexuelle en Europe (Jansen et Spijkerboer, 2011), financé par le Fonds européen pour les réfugiés (FER) et présenté au Parlement européen en 2011. Dans ce rapport, on souligne que :

[…] sur de nombreux plans, la pratique des États européens est en deçà des normes requises par le droit des réfugiés. La pratique européenne montre clairement que les autorités nationales s’appuient dans de nombreux cas sur des stéréotypes lorsqu’ils examinent les demandes d’asile des personnes LGBTI. Ainsi, les décisions de justice reposent encore souvent sur l’idée que l’orientation sexuelle du demandeur d’asile ne doit être prise au sérieux que lorsque celui-ci ressent un besoin ‘impérieux et irréversible’ d’avoir des relations sexuelles avec une personne du même sexe. De tels stéréotypes interdisent aux bisexuels faisant l’objet de persécutions l’accès à une protection internationale, ainsi qu’à d’autres personnes LGBTI dont le comportement ne correspond pas aux stéréotypes des décideurs, qui ne tiennent pas nécessairement compte des lesbiennes qui ne se comportent pas de manière masculine, des gays non efféminés, ou des personnes ayant été mariées ou qui ont des enfants.

Jansen et Spijkerboer, 2011, p. 7

Pour remédier à cette situation, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tenté dans trois décisions successives, sur renvois préjudiciels des Pays-Bas et de la Hongrie, de préciser la manière dont les États membres de l’Union européenne doivent évaluer la crédibilité des demandeurs et demandeuses d’asile invoquant des persécutions OSIG. L’arrêt X., Y. & Z. rendu le 7 novembre 2013 stipule que les personnes LGBT sont considérées comme un groupe social particulier au sens de la Convention de Genève de 1951 et que, de ce fait, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’un·e requérant·e dissimule son orientation sexuelle dans son pays d’origine ou fasse preuve d’une réserve dans l’expression de celle-ci pour éviter d’être persécuté·e (X [C-199/12], Y [C-200/12], Z [C-201/12] c. Minister voor Immigratie en Asiel [Pays-Bas]).

L’arrêt A., B. et C. rendu le 2 décembre 2014 stipule que l’orientation sexuelle d’un·e requérant·e ne devrait pas être établi au moyen d’interrogatoires fondés sur la seule base de notions stéréotypées concernant les personnes LGBT. Dans cette même décision, le juge européen exige des autorités nationales de l’asile de ne pas s’appuyer sur des interrogatoires détaillés sur les pratiques sexuelles pour établir son orientation sexuelle (A [C-148/13], B [C-149/13], C [C-150/13] c. Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie [Pays-Bas]).

Dans l’arrêt F. rendu le 25 janvier 2018, la CJUE s’oppose à la réalisation et à l’utilisation d’une expertise psychologique en vue d’apprécier la véracité de l’orientation sexuelle alléguée d’un.e requérant.e. En revanche, le juge européen ne s’oppose pas à ce que l’autorité responsable de l’examen des demandes d’asile ordonne une expertise dans le cadre de l’évaluation des faits et des circonstances relatifs à l’orientation sexuelle alléguée, pour autant que les modalités d’une telle expertise soient conformes aux droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (F [C-437/16] c. Szegedi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság [Hongrie].

Les barrières institutionnelles et structurelles auxquelles font face les demandeurs et demandeuses d’asile OSIG ne sont pas propres au contexte européen. En effet, des barrières similaires se retrouvent dans d’autres pays receveurs de demandeurs et demandeuses d’asile invoquant des persécutions OSIG, bien que ces pays aient reconnu ces persécutions en tant que motif d’octroi du statut de réfugié depuis près de trois décennies. C’est notamment le cas de plusieurs pays de common law dont le Canada et les États-Unis, deux pays signataires de la Convention de Genève et du Protocole de New York, où il n’est toujours pas aisé pour les demandeurs et demandeuses d’asile OSIG d’obtenir la protection internationale. C’est notamment ce qui ressort d’une revue de littérature systématique mené par une équipe coordonnée par Edward Lee dans le cadre du projet The state of knowledge about LGBTQI migrants living in Canada in relation to the global LGBTQI rights agenda (Lee, Hafford-Letchfield, Pullen Sansfaçon, Kamgain et Gleeson, 2017).

À partir d’une analyse de 241 publications, dont 56 du Canada et 74 des États-Unis, les auteur·e·s de cette revue de littérature systématique présentent une analyse similaire en plusieurs points à ce qui peut être observé en Europe, soit le fait que le processus d’asile dans ces pays est fortement marqué par une conception stéréotypée des personnes LGBT ainsi qu’une vision ethnocentrée et occidentale de l’orientation sexuelle et l’identité de genre, pensées comme linéaires et innées (Lee et al., p. 16). Cependant, les auteur·e·s constatent une évolution dans les motifs invoqués par les autorités asilaires pour refuser l’asile au requérant·e·s OSIG. Dans un premier temps, ces réqurant·e·s étaient refusé·e·s au motif qu’il leur aurait été possible de bénéficier de la protection de leur État d’origine ou de s’établir dans d’autres régions dans leur pays d’origine pour échapper aux persécutions. Dans un deuxième temps, la protection internationale a été refusée à ces requérant·e·s au motif que les violences qu’iels subissaient étaient davantage assimilées à des discriminations qu’à des persécutions au sens de la Convention de Genève de 1951. Enfin, dans une troisième phase, la protection internationale a été refusée aux requérant·e·s OSIG au motif qu’il n’y avait pas de documentation disponible faisant état de violations des droits de la personne des personnes LGBT dans leur pays d’origine, ce que les autorités asilaires perçoivent comme une preuve que les personnes LGBT ne sont pas persécutées dans le pays en question (Lee et al., p. 16).

Pour remédier à ces situations qui continuent d’affecter le parcours des requérant·e·s OSIG dans la plupart des pays du Nord, malgré l’émergence de la catégorie de « réfugié LGBT » dans une trentaine d’entre-eux, à l’instar de La Violette (2009), les spécialistes suggèrent qu’il faut que les autorités asilaires développent des lignes directrices spécifiquement sur le traitement des demandes d’asile liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. C’est chose faite dans plusieurs pays, aussi bien en Europe qu’en Amérique du Nord. Reste à évaluer leur application sur le terrain.

Conclusion

Le système de protection international est régi par la Convention relative au statut des réfugiés, adoptée à Genève en 1951, complétée par le Protocole relatif au statut des réfugiés, adopté à New York en 1967. Ces conventions internationales ne reconnaissent pas explicitement les persécutions du fait de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre en tant que motif d’octroi du statut de réfugié. Cependant, au cours des trois dernières décennies, le HCR a été amené à reconnaître ces persécutions en tant que motif d’octroi de la protection internationale.

La genèse de la catégorie de « réfugié LGBT » au sein du HCR intervient dans les années 2000. Elle s’inscrit dans deux dynamiques parallèles qui ont toutes les deux débouché sur l’élaboration des Principes directeurs du HCR qui reconnaissent explicitement les persécutions du fait de l’orientation sexuelle en tant que motif d’octroi du statut de réfugié. D’une part, c’est dans le contexte d’une plus grande attention portée aux femmes réfugiées, et notamment aux persécutions liées au genre, qu’il est pour la première fois question des persécutions liées à l’orientation sexuelle. Dans ce cadre, le Comité exécutif du HCR joue un rôle déterminant. Adoptant une démarche de gender mainstreaming, inspirée du Programme d’action de Beijing de 1995 et des résolutions du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) de 1997, il met la question de la place du genre au sein du régime de protection internationale sur la table. Une fois cette question posée, celle des persécutions liées à l’orientation sexuelle apparaît rapidement, débouchant sur l’adoption en 2002 des Principes directeurs sur la protection internationale n°1 sur la persécution liée au genre, qui reconnaissent explicitement les persécutions du fait de l’orientation sexuelle comme motif d’octroi du statut de réfugié.

D’autre part, la question des persécutions liées à l’orientation sexuelle apparaît aussi dans le contexte de l’interprétation de la notion d’appartenance à un certain groupe social. Dans ce cadre, les cours de justice des pays de common law jouent un rôle déterminant, en se référant au cas des personnes homosexuelles pour interpréter cette notion. Deux approches d’interprétation sont proposées (caractéristiques partagées et perception sociale) et toutes les deux incluent les personnes homosexuelles. Afin de souligner que ces deux approches sont davantage complémentaires que contradictoires, le HCR se réfère lui aussi à cet exemple assez commode pour définir la notion d’« appartenance à un certain groupe social », ce qui débouche sur l’adoption en 2002 de Principes directeurs sur la protection internationale n°2 sur l’appartenance à un certain groupe social qui reconnaissent également les persécutions du fait de l’orientation sexuelle en tant que motif d’octroi du statut de réfugié. Les « réfugiés LGBT » étant désormais inclus dans la définition juridique du réfugié, la protection effective devient le principal enjeu.

Malgré ces évolutions sur le plan législatif, il demeure toujours compliqué dans les faits pour les demandeurs et demandeuses d’asile invoquant des persécutions OSIG d’obtenir la protection internationale sur la base de ce motif. C’est notamment le cas en Europe, où l’Union européenne s’est saisie de cet enjeu dans les deux dernières décennies, mais également en Amérique du Nord, où les pays se targuent d’être les premiers à avoir reconnu les persécutions OSIG en tant que motif d’octroi du statut de réfugié. Pour remédier à cette situation, à l’instar du Canada en 2017, plusieurs pays ont développé des lignes directrices pour traiter spécifiquement des demandes d’asile OSIG, dont il convient désormais d’évaluer l’application effective et l’effet sur le parcours des demandeurs et demandeuses d’asile.