Alternative francophone
Pour une francophonie en mode mineur
Volume 3, Number 5, 2024 Écrire et (auto)traduire des langues minoritaires : engagement et créativité Writing and (Self)-translating Minority Languages: Engagement and Creativity Guest-edited by Denise Merkle and Fayza El Qasem
Numéro hommage à la mémoire de Denise Merkle (1954-2024).
Table of contents (14 articles)
Articles thématiques
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Hommage à Denise Merkle
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Introduction : traduire, (auto)traduire les langues minoritaires : engagement et créativité
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L’anglais, langue colonialiste : le défi que représente la traduction éthique, en littérature, du Rez English ou American Indian English
Mélissa Major
pp. 11–25
AbstractFR:
Une traduction éthique et décolonisée des littératures autochtones est sensible aux rapports de force entre Autochtones et Allochtones. Elle n’écarte ni les théoriciens de la littérature ni les outils de la traductologie euro-américains, mais s’intéresse surtout aux analyses des littératures autochtones issues des critiques et théoriciens autochtones, et fait particulièrement attention aux pièges de l’ethnocentrisme. Une telle traduction est aussi consciente que si la plupart des écrivains autochtones en Amérique du Nord parlent et écrivent en anglais, c’est entre autres à cause des nombreuses tentatives d’assimilation des États colonialistes. Néanmoins, un certain nombre de ces auteurs usent également, dans leurs œuvres, d’un Rez English. En effet, des membres des Premiers Peuples ont adapté l’anglais à leurs besoins et en sont venus à créer des dialectes nommés Rez Englishes. Pour illustrer la présence des Rez Englishes dans les littératures autochtones et pour montrer comment une traduction éthique et décolonisée peut les rendre, les traductions d’un extrait de House Made of Dawn, de l’écrivain N. Scott Momaday (Kiowa/Cherokee), seront analysées.
EN:
An ethical and decolonized translation of Indigenous literatures is sensitive to the power relations between Indigenous and non-Indigenous people. It does not exclude literary theorists or Euro-American tools of translation studies but is mainly interested in analysis of Indigenous literatures from Indigenous critics and theorists and pays particular attention to the pitfalls of ethnocentrism. Such a translation is also aware that if most Indigenous writers in North America speak and write in English, it is, among other things, because of the numerous attempts at assimilation by colonialist states. However, a certain number of these authors also use Rez English in their works. Indeed, members of the First Peoples adapted English to their needs and came to create dialects called Rez Englishes. To illustrate the presence of Rez Englishes in Indigenous literatures and how an ethical and decolonized translation can be made of these dialects, the translations of an excerpt from House Made of Dawn, by writer N. Scott Momaday (Kiowa/Cherokee), will be analyzed.
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Autotraduction, diglossie et revitalisation des langues autochtones dans les cinémas québécois et autochtones
Karine Bertrand
pp. 26–43
AbstractFR:
Pendant de nombreuses décennies, les langues autochtones furent dans la majorité des cas inaudibles ou absentes de nos écrans, les réalisateurs participant ainsi de manière implicite au processus de colonisation linguistique des peuples autochtones d’Amérique. Les vingt-cinq dernières années ont vu naître des initiatives visant la revitalisation des langues autochtones ainsi que la remédiation de la tradition orale à l’écrit comme à l’écran, dans un contexte où les collaborations interculturelles se font plus nombreuses. Dans le contexte québécois, des cinéastes telles que Marquise Lepage, Myriam Verrault et Chloé Leriche travaillent de manière étroite avec des individus et communautés autochtones, en développant avec eux/elles des relations horizontales (plutôt que verticales) avec ces derniers, en les intégrant au processus de création. Cet article examine ainsi un cas particulier de collaboration interculturelle, celui du collectif Arnait Video Productions, co-fondé par la cinéaste québécoise Marie Hélène Cousineau ainsi que par les Ainées inuit Susan Avingaq et Madeline Ivalu. À travers des entrevues avec Cousineau et en s’inspirant des travaux de spécialistes de langues autochtones, ce texte s’intéresse au processus de traduction, envisagé comme une action contribuant à une médiation culturelle et interculturelle, mais aussi à la façon dont ce processus engendre de nouvelles manières de voir, de penser et d’entendre les langues autochtones à l’écran. Une attention accrue est portée aux stratégies, à la portée esthétique et aux modes de résistance associés au processus de traduction dans la trilogie d’Arnait.
EN:
For many decades, native languages were largely inaudible or absent from our screens, with filmmakers implicitly participating in the process of linguistic colonization of Native American peoples. The last twenty-five years have seen the emergence of initiatives aimed at revitalizing native languages and remediating the oral tradition, both in print and on screen, in a context of increasing intercultural collaboration. In the Quebec context, filmmakers such as Marquise Lepage, Myriam Verrault and Chloé Leriche work closely with aboriginal individuals and communities, developing horizontal (rather than vertical) relationships with them and integrating them into the creative process. This article examines a particular case of intercultural collaboration, that of the Arnait Video Productions collective, co-founded by Quebec filmmaker Marie-Hélène Cousineau and Inuit elders Susan Avingaq and Madeline Ivalu. Through interviews with Cousineau and drawing on the work of indigenous language specialists, this text looks at the process of translation, seen as an action contributing to cultural and intercultural mediation, but also how this process engenders new ways of seeing, thinking and hearing indigenous languages on screen. Greater attention is paid to the strategies, aesthetic scope and modes of resistance associated with the translation process in Arnait’s trilogy.
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Interpréter en LSF / FR est-il (finalement) un acte militant ? Analyse de la place des professionnels à la lumière de l’étude d’un groupe de discussion
Florine Archambeaud
pp. 44–63
AbstractFR:
En 2003, Quipourt et Gache posaient la question : interpréter est-il un acte militant ? La communauté sourde est un groupe culturel et linguistique minoritaire dans la société française (Bertin) ; les interprètes seraient associés dans ce « microcosme » (Millet) et, en tant que professionnels de la traduction, impliqués dans des structures idéologiques (Munday). Quelle est la place des interprètes entendants aujourd’hui ? Afin de réfléchir à ces questions, nous avons organisé un groupe de discussion en mars 2020 regroupant dix professionnelles exerçant sur la France entière. Nous avons identifié plusieurs thématiques lors des échanges : l’évolution du positionnement politique entre les interprètes de l’époque du Réveil Sourd et les interprètes d’aujourd’hui, le paradoxe prégnant de la visibilité de l’interprète et la responsabilité sociétale des interprètes entendants.
EN:
In 2003, Quipourt and Gache asked the question: is interpreting a militant act? The deaf community is a minority cultural and linguistic group in French society (Bertin); interpreters would be associated in this “microcosm” (Millet) and, as translation professionals, involved in ideological structures (Munday). What is the place of hearing interpreters today? To reflect on these questions, we organized a focus group in March 2020, bringing together ten professional interpreters from all over France. We identified several themes during the exchanges: the evolution of political positioning between the interpreters of the Réveil Sourd era and today’s interpreters, the prevailing paradox of the interpreter’s visibility and the societal responsibility of hearing interpreters.
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« La traduction est un acte militant » : la poésie de la Mi’kmaq Rita Joe
Sophie M. Lavoie
pp. 64–77
AbstractFR:
Dans le contexte historique canadien, la traduction et la publication d’un livre d’un auteur autochtone impliquent des engagements complexes de la part de tous les acteurs intervenant dans le processus : la personne qui écrit, la personne qui traduit, la maison d’édition, les réseaux de distribution, etc. L’acte de traduction ressort nécessairement d’un engagement culturel militant. Cet article présente l’auteure mi’kmaq Rita Joe et examine le contexte de production de la traduction d’auteur.e.s autochtone.s et les enjeux linguistiques qui compliquent ce travail au Canada Atlantique.
EN:
In the Canadian historical context, the translation and publication of a book by an Aboriginal author involve complex commitments on the part of all the players involved in the process: the person writing, the person translating, the publishing house, the distribution networks, and so on. The act of translation is necessarily a militant cultural commitment. This article introduces Mi’kmaw author Rita Joe and examines the production context of translating Aboriginal authors and the linguistic issues that complicate this work in Atlantic Canada.
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La promotion de la traduction des langues vernaculaires en Inde passera-t-elle par le numérique ?
Bénédicte Diot
pp. 78–95
AbstractFR:
La politique linguistique de l’Inde, État plurilingue par excellence, se veut inclusive jusqu’aux langues les plus minoritaires avec une application multidirectionnelle de la traduction administrative protégée par la loi. En réalité cette politique est hiérarchisée. Elle met en avant l’hindi parmi les langues régionales et n’est pas appliquée pour de nombreuses minorités. Ceci transparaît dans les initiatives public/privé qui développent à grands pas depuis 2020 la localisation des technologies numériques pour les langues vernaculaires. La combinaison de traduction est le plus souvent de l’anglais vers les autres langues selon un ordre récurrent (hindi, puis les sept premières langues régionales, puis les autres langues répertoriées), indiquant la prééminence de l’anglais et la place symbolique des autres langues dans cette hiérarchie. Cette valorisation de la maîtrise des langues « du sommet » de la pyramide n’incite pas au développement de la traduction dans les langues minoritaires ou même entre « langues répertoriées » autres que l’hindi. De plus, la politique de traduction actuelle ne définit pas précisément les critères de sa mise en œuvre. Par ailleurs, depuis près de 10 ans, l’Inde a choisi de miser sur le développement de son économie par le numérique. Les internautes non anglophones constituent un marché gigantesque pour le secteur privé et un vivier de compétences pour peu qu’ils puissent accéder aux savoirs dispensés jusqu’ici en anglais. Ce développement vers les langues indiennes répond aussi à l’idéologie nationaliste prônée par le gouvernement en place. L’exemple de la diffusion de l’information lors de la pandémie du COVID-19 montre cependant que les langues des minorités les plus fragiles n’ont pas été prises en compte. Pourtant, les nouvelles technologies de l’information, en particulier l’IA, peuvent pourtant devenir des alliées dans la préservation et la traduction des langues minoritaires.
EN:
The language policy of India, a multilingual state par excellence, is intended to be inclusive, right down to the most minority languages, with a multidirectional application of administrative translation protected by law. In reality, this policy is hierarchical. It gives pride of place to Hindi among regional languages, and is not applied to many minorities. This is reflected in the public/private initiatives that have been developing digital localization technologies for vernacular languages at a rapid pace since 2020. The combination of translation is most often from English to other languages in a recurring order (Hindi, then the first seven regional languages, then the other listed languages), indicating the pre-eminence of English and the symbolic place of other languages in this hierarchy. This emphasis on mastery of the languages “at the top” of the pyramid does not encourage the development of translation into minority languages, or even between “listed languages” other than Hindi. What’s more, the current translation policy does not precisely define the criteria for its implementation. Moreover, for almost 10 years now, India has been banking on the development of its economy through digital technology. Non-English-speaking Internet users represent a gigantic market for the private sector, as well as a pool of skills, provided they can access the knowledge hitherto dispensed in English. This development towards Indian languages also reflects the nationalist ideology advocated by the current government. The example of the dissemination of information during the COVID-19 pandemic shows, however, that the languages of the most vulnerable minorities were not taken into account. And yet, new information technologies, particularly AI, can become allies in preserving and translating minority languages.
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De l’absence à l’omniprésence de la traduction. Stratégies d’écriture dans le domaine francoprovençal rhônalpin
Manuel Meune
pp. 96–118
AbstractFR:
Le francoprovençal, parlé historiquement en France, en Suisse et en Italie, a été langue de communication orale dès le 6e siècle et langue littéraire depuis le 13e siècle. Diffusé à partir de Lyon de part et d’autre des grands cols alpins, il comprend de nombreux dialectes, mais a souvent affiché son autonomie face au français. La production de textes en francoprovençal est désormais rare dans la région Rhône-Alpes, y compris en Savoie ou en Bresse, où il reste des locuteurs. La diffusion de la langue est devenue indissociable de la traduction vers le français s’il s’agit de trouver un public, même restreint — d’autant que les personnes comprenant encore la langue ne sont guère habituées à la lire. Pourtant, il fut un temps, notamment au 17e siècle, où l’on publiait des épopées ou du théâtre en francoprovençal sans traduction d’appoint. Seul le paratexte était en français. Au tournant du 20e siècle, nombreuses étaient encore les chroniques qui, dans les journaux locaux, étaient publiées uniquement en « patois ». Puis, à mesure que l’assimilation linguistique a progressé après 1945, le français est apparu aux côtés du francoprovençal, en particulier dans des bulletins d’associations de patoisants ou les glossaires, qui se sont multipliés depuis les années 1980 et sont souvent accompagnés d’histoires bilingues. La traduction vers le francoprovençal joue également un rôle, mais enrichie de commentaires métalinguistiques en français et surtout dans le cas de bandes dessinées ou de fables facilement accessibles en langue originale. Alors que la langue autochtone est devenue presque inaudible dans l’espace public, nous cherchons à illustrer les enjeux existant autour de la traduction, qu’il s’agisse d’autotraduction et d’écriture double (deux langues en regard), de coexistence des langues pour refléter l’ancienne diglossie sociétale, ou encore de la question de la graphie — régionale ou supradialectale selon le cas.
EN:
Historically spoken in France, Switzerland and Italy, Francoprovençal has been a language of oral communication since the 6th century and a literary language since the 13th century. Diffused from Lyon on both sides of the major Alpine passes, it includes many dialects, but has often been autonomous from French. Production of texts in Francoprovençal is now rare in the Rhône-Alpes region, even in Savoie and Bresse, where there are still some speakers. If the language is to find an audience, even a small one, translation into French has become essential - especially as people who still understand the language are not used to reading it. Yet there was a time, particularly in the 17th century, when epics and plays were published in Francoprovençal without translation. Only the paratext was in French. At the turn of the 20th century, many chronicles in local newspapers were still published solely in “patois”. Then, as linguistic assimilation progressed after 1945, French appeared alongside Francoprovençal, particularly in bulletins from associations of “Patois” speakers or glossaries, which have multiplied since the 1980s and are often accompanied by bilingual stories. Translation into Francoprovençal also plays a role, but enriched with metalinguistic comments in French, especially in the case of comic strips or fables that are easily accessible in the original language. At a time when the native language has become almost inaudible in the public sphere, we seek to illustrate the issues surrounding translation, whether in terms of self-translation and double writing (two languages facing each other), the coexistence of languages to reflect the former societal diglossia, or the question of spelling - regional or supradialectal as the case may be.
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La confiance comme axe de définition des politiques de traduction dans les langues autochtones
David ar Rouz
pp. 119–142
AbstractFR:
Les politiques linguistiques devraient être conçues pour les locuteurs et non pour les langues. Pour cela, la confiance des locuteurs et aux locuteurs pourrait être un axe de définition des politiques de traduction sur au moins trois points : le droit d’utiliser sa « langue de cœur » nécessite une information constante des locuteurs, et aussi des non-locuteurs des langues autochtones d’un territoire donné, sur le multilinguisme ; la traduction et l’autotraduction, la terminographie, ainsi que l’interprétation, sont de nature à soutenir le choix de vivre dans cette langue ; des formations, des ressources et des outils linguistiques sont requis pour permettre l’exercice de ces activités. Pour ce type de politique de traduction, le cas breton étudié ici suggère d’explorer les voies d’une terminologie descriptive plutôt que prescriptive, la dialectologie, la science et les productions collaboratives.
EN:
Language policies should be designed for speakers, not languages. To this end, trust in speakers and of speakers of indigenous languages could be a guiding principle in the definition of translation policies on at least three points: the right to use one's “heart language” requires constant information on multilingualism for speakers, and also for non-speakers, of the indigenous languages of a given territory; translation and self-translation, terminography and interpreting are likely to support the choice to live in this language; training, resources and linguistic tools are required to enable the exercise of these activities. For this type of translation policy, the Breton case studied here suggests exploring the paths of descriptive rather than prescriptive terminology, dialectology, science and collaborative productions
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Engagement et créativité des traducteurs mə̀dʉ̂mbὰ au Cameroun : le CEPOM et la correction de l’histoire
Cyrille Ndjitat Tatchou
pp. 143–157
AbstractFR:
Les méandres d’une mondialisation à sens unique, supposée ou réelle, sont de nature à susciter des réactions rentrant dans ce qu’il est désormais convenu de nommer « exception culturelle ». Sur le plan des langues, véhicules par excellence des cultures, les droits linguistiques sous-tendent toutes les initiatives visant à sauvegarder et à valoriser des niches écolinguistiques, particulièrement. C’est dans cette brèche que s’engouffrent les promoteurs de la langue medumba (mə̀dʉ̂mbὰ) au Cameroun. La créativité dans la sensibilisation, la standardisation, l’enseignement, les travaux terminologiques, les opérations traductives et la vulgarisation de l’usage dévoile l’élan engagé du Comité de langue et d’étude pour la production des œuvres mə̀dʉ̂mbὰ (CEPOM).
EN:
The intricacies of one-way globalization, whether real or imagined, are likely to provoke reactions that fall within the scope of what has come to be known as “cultural exception.” When it comes to languages, the conveyor par excellence of cultures, linguistic rights underpin all initiatives aimed at safeguarding and enhancing ecolinguistic niches in particular. The promoters of the Medumba language (mə̀dʉ̂mbὰ) in Cameroon have stepped into this breach. Creativity in awareness-raising, standardization, teaching, terminology work, translation operations and popularizing usage unveils the committed momentum of the Comité de langue et d’étude pour la production des œuvres mə̀dʉ̂mbὰ (CEPOM).
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Contribuer à la valorisation de la documentation des langues autochtones au Québec : le projet Awikhiganisaskak à l’Université de Sherbrooke
Philippe Charland, Patricia Godbout and René Lemieux
pp. 158–174
AbstractFR:
Le présent article brosse le portrait du projet Awikhiganisaskak, une collaboration entre la nation abénakise, une des onze nations autochtones du Québec, et quelques chercheurs associés à l’Université de Sherbrooke. Se voulant une initiative pour la valorisation de la documentation des langues et cultures autochtones, la première phase du projet s’est surtout attardée à la langue abénakise, une des langues de la famille linguistique algonquienne. Face au déclin rapide des langues autochtones au cours du XXe siècle, l’abénakis n’y échappant pas, diverses initiatives de préservation ont été tentées par la nation, principalement à travers l’enseignement de la langue. Le projet présenté s’est surtout concentré sur la cueillette et le traitement de la documentation écrite et orale en lien avec la langue. Deux exemples du travail effectué par le projet Awikhiganisaskak sont abordés dans l’article : dans un premier temps, l’étude de la traduction en français-abénakis d’un ouvrage anglais-abénakis intitulé New Familiar Abenakis and English Dialogues, de Joseph Laurent (1884) et la création d’un enregistrement sonore de l’ouvrage lu par des locuteurs de la langue; dans un deuxième temps, l’étude de la transcription, traduction en anglais et enregistrement oral du dictionnaire français-abénakis de Joseph Aubéry (1715) par Étienne (Stephen) Laurent, fils de Joseph Laurent. Enfin, un des intérêts de recherche du projet porte sur la traduction depuis et vers des langues autochtones et tente de documenter les multiples facettes du phénomène.
EN:
This article describes the Awikhiganisaskak project, a collaboration between the Abenaki nation, one of the eleven Aboriginal nations of Quebec, and a number of researchers associated with the Université de Sherbrooke. Intended as an initiative to enhance the documentation of Aboriginal languages and cultures, the first phase of the project focused on the Abenaki language, a member of the Algonquian linguistic family. Faced with the rapid decline of native languages over the course of the 20th century, Abenaki being no exception, various preservation initiatives have been attempted by the nation, mainly through the teaching of the language. The project presented here focuses on the collection and processing of written and oral documentation related to the language. Two examples of the work carried out by the Awikhiganisaskak project are discussed in the article: firstly, the study of the translation into French-Abenaki of an English-Abenaki work entitled New Familiar Abenakis and English Dialogues, by Joseph Laurent (1884) and the creation of an audio recording of the work read by speakers of the language; secondly, the study of the transcription, translation into English and oral recording of Joseph Aubéry's French-Abenaki dictionary (1715) by Étienne (Stephen) Laurent, son of Joseph Laurent. Finally, one of the project's research interests focuses on translation from and into native languages, and attempts to document the many facets of the phenomenon.
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Prendre l’inuktitut au sérieux : la traduction de ᐆᒪᔪᕐᓯᐅᑎᒃ ᐅᓈᑐᐃᓐᓇᒧᑦ [Uumajursiutik unaatuinnamut]
Valerie Henitiuk and Marc-Antoine Mahieu
pp. 175–186
AbstractFR:
Cet article présente le projet qui a conduit les auteurs à traduire le premier texte de fiction littéraire jamais publié dans une langue autochtone du Canada, la langue des Inuit. Intitulé Uumajursiutik unaatuinnamut, ce texte de Markoosie Patsauq a paru en 1969-1970 dans la revue Inuktitut. Nos recherches ont démontré que ce texte n’avait jamais été traduit, au sens rigoureux du terme. Le livre intitulé Harpoon of the Hunter, publié dès 1970 par McGill-Queen’s University Press, signé par Markoosie Patsauq lui-même, en est une adaptation, demandée et éditée par l’auteur de littérature jeunesse James H. McNeill. Avant que nous n’examinions le manuscrit d’origine, l’intégralité des traductions et des recherches menées sur l’oeuvre de Markoosie Patsauq s’étaient fondées sur l’adaptation anglaise, sans aucune prise en compte des circonstances entourant la publication de cette adaptation, ni du sens du texte en inuktitut. Une traductrice estime pourtant que nos traductions témoignent d’un manque de respect envers Markoosie Patsauq, qualifiant notre projet de « colonialiste ». Nous répondons à cette accusation et donnons un exemple du travail effectué à partir de l’unique manuscrit d’origine.
EN:
This article details what led the authors to translate the first literary fiction ever published in a Canadian Indigenous language, namely the language of the Inuit. Entitled Uumajursiutik unaatuinnamut, this text by Markoosie Patsauq appeared in 1969-1970 in the magazine Inuktitut. Our research has shown that this text has never been translated, in the rigorous sense of the term. The book Harpoon of the Hunter, published in 1970 by McGill-Queen's University Press and signed by Markoosie Patsauq himself, is an adaptation, commissioned and edited by children's author James H. McNeill. Prior to our examination of the original manuscript, all translations and research on Markoosie Patsauq's work had been based on the English adaptation, without any consideration of the circumstances surrounding that adaptation's publication, or the meaning of the Inuktitut text. One translator, however, felt that our translations showed a lack of respect for Markoosie Patsauq, terming our project "colonialist". We respond to this accusation with an example of our work based on the sole original manuscript.
Contributions libres
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La linguistique du discours en classe de français : objet ou moyen d’enseignement ?
Mansour Chamkhi
pp. 187–208
AbstractFR:
La didactique des langues avait substitué, depuis l’avènement des approches communicatives, l’objectif de « maîtrise des discours » à celui de « maîtrise de la langue ». L’évolution de la visée assignée à l’enseignement des langues implique des révisions quant aux théories linguistiques de référence à solliciter en didactique. Le recours à la linguistique du discours, discipline de référence des approches communicatives, oscille entre des exploitations à dominante applicationniste, faisant de cette linguistique un objet explicite d’apprentissage et d’autres à visée praxéologique, la convoquant comme moyen au service de l’ingénierie curriculaire. Ces deux types de références feront l’objet de notre réflexion à travers l’analyse de deux modèles de corpus : le premier correspond à des manuels scolaires tunisiens illustrant la première forme d’exploitation, le second à des documents publiés par le Conseil de l’Europe, reflétant l’apport de la linguistique du discours pour l’ingénierie des formations en langues.
EN:
Since the advent of communicative approaches, language didactics have replaced the goal of “mastering discourse” with that of “mastering language”. The evolution of language teaching implies a revision of the reference linguistic theories to be used in didactics. The reference to discourse linguistics, the benchmark discipline of communicative approaches, oscillates between predominantly applicationist exploitations, making this linguistics an explicit object of learning, and others with a praxeological aim, calling upon it as a means at the service of curricular engineering. These two types of reference will be the subject of our reflection through the analysis of two corpus models: the first corresponds to Tunisian school textbooks illustrating the first form of exploitation, the second to documents published by the Council of Europe, reflecting the contribution of discourse linguistics to language training engineering.
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La bande dessinée féministe au Québec dans les années 1970 et 1980 : une origine semée d’embuches et un legs durable
Mira Falardeau and Jean-Marie Lafortune
pp. 209–224
AbstractFR:
Cet article vise à fournir une histoire des principales oeuvres féministes de cette période riche en productions culturelles politiques dans le domaine de la bande dessinée. Il met en lumière les principaux thèmes abordés ainsi que l’image de la femme véhiculée par ces bandes dessinées. Il compare ces chefs-d’oeuvre et diverses oeuvres de la même période dans le but de démontrer la force du discours de ces bandes dessinées qui sont le plus souvent ouvertement critiques sur la condition féminine. Les principaux magazines examinés sont Croc, Châtelaine, La Vie en Rose, mais aussi quelques ouvrages tirés de fanzines. Le texte est construit comme un dialogue entre un chercheur en communication et une auteure qui a publié des bandes dessinées féministes au cours de cette période. Les conclusions montrent la charge corrosive derrière les oeuvres répertoriées qui n’épargne personne, le désir de provocation de leurs auteures pour susciter un changement de mentalité profond et un imaginaire prolifique qui a permis de renouveler la forme des bandes dessinées qui dominait jusque-là.
EN:
This article aims to provide a history of the main feminist works of this period rich in political cultural productions in the field of comics. It sheds light on the main themes covered as well as the image of women that these comics conveyed. It compares these masterpieces and various works from the same period with the aim of demonstrating the force of discourse of these comics, which are most often openly critical about women’s condition. The main magazines looked at are Croc, Châtelaine, La Vie en Rose, but also some works taken from fanzines. The text is constructed like a dialogue between two communication researchers, one of them being also an author who has published feminist comics during this period. The findings show the caustic charge behind the listed works that spares no one, the desire of their authors to provoke a profound change of mentality and a prolific imagination that allowed to renew the shape of the comics that dominated until then.