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Pair-aidance en santé mentale. Une entraide professionnalisée, Nicolas Franck et Caroline Cellard 2020, Elsevier Masson, 286 pages[Record]

  • Myreille St-Onge

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  • Recension de
    Myreille St-Onge
    Professeure associée, École de travail social et de criminologie, Université Laval
    Auteur correspondant
    Myreille.St-Onge@tsc.ulaval.ca

Note d’Érudit

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Le développement de la pair-aidance dans le domaine de la santé mentale est en plein essor dans le monde francophone et la publication de ce livre en témoigne. Il contient un nombre impressionnant de collaborations tant de la part de pairs-aidants – ou médiateurs santé-pairs (MSP) tels qu’on les dénomme en France – que de praticiens, surtout du domaine de la psychiatrie, mais aussi de la sociologie, de la psychologie et des sciences de l’éducation alliant ainsi savoirs expérientiels, savoirs théoriques et professionnels. Les collaborations proviennent majoritairement de la France (quatorze chapitres sur les 22 que contient le livre), avec quelques contributions du Québec (six chapitres) et de la Suisse romande (deux chapitres). Le livre se décline en trois grandes sections : les fondements théoriques et les données de la science, la pair-aidance en pratique, et enfin la formation à la pair-aidance et l’accompagnement des pairs-aidants. Selon le sociologue Baptiste Godrie « le concept de savoirs expérientiels est devenu une référence incontournable dans toutes les politiques publiques en santé mentale, cadres règlementaires des établissements de la santé et des services sociaux ainsi que dans les milieux universitaires. Ce concept est également au coeur du développement de nouveaux métiers comme les experts du vécu et les pairs-aidants » (p. 19). Mais pour Audrey Linder, une doctorante en sociologie de l’université de Lausanne, ces savoirs expérientiels ne s’élaborent pas uniquement à partir du vécu personnel, mais aussi au cours d’échanges entre pairs, par l’observation de situations similaires. Toutefois, en Suisse comme en France – et dans une moindre mesure au Québec – « il n’existe[rait] pas de lieux et de temps d’échanges, de coconstruction et de transmission des savoirs expérientiels entre pairs-aidants en santé mentale, en dehors du moment de la formation initiale (p. 10). En effet, pour la plupart, ces PA, « une fois employés dans des équipes cliniques ou en recherche [se] retrouvent souvent seuls ou, au mieux, à deux pour porter les savoirs expérientiels » (p. 10). Cette section met en relief les différences culturelles entre les pays d’origine des contributeurs. Par exemple les auteurs français traduisent peer support workers par pairs-aidants professionnalisés (p. 54), mettant ainsi l’accent sur un processus de professionnalisation les concernant, alors qu’au Québec la traduction « travailleurs pairs-aidants » renvoie à leur rôle spécifique d’entraide auprès de leurs pairs. D’ailleurs dans la majorité des chapitres de cette section la posture adoptée est celle de la professionnalisation – comme le sous-titre l’indique – de ce métier de PA. Mais à ce moment on risque que le savoir d’expérience demeure « à l’état de rhétorique, voire dissimulé, [les] pairs-aidants [ayant] ainsi tendance à adopter un rôle paraclinique, en animant des programmes d’éducation thérapeutique ou de mentorat et en dispensant des interventions généralement offertes par les cliniciens » (Linder, p. 16). Selon le psychiatre français Bernard Durand la pair-aidance, en France, serait née des groupes d’entraide mutuelle (GEM). Mais les groupes d’entraide s’appuient sur le modèle de soutien par les pairs (peer support) alors que les travailleurs pairs aidants (peer support workers) sont davantage avancés dans leur processus de rétablissement que les pairs aidés, et sont employés, comme leur nom l’indique, dans des établissements de santé mentale pour servir de modèle pour leurs pairs (St-Onge, 2017). Dans les GEM, les participants se retrouvent dans une relation symétrique de réciprocité (Repper et Carter, 2010) alors que dans le travail de pair-aidance, les travailleurs PA ne sont pas tout à fait dans une relation de ce type, mais d’hybridation, pour reprendre le terme de Baptiste Godrie. Ne serait-ce pas plutôt les organismes « par » …

Appendices