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Introduction

L’inférence statistique (tests et régions de confiance) sur des modèles autorégressifs constitue l’un des problèmes fondamentaux posé par l’analyse des séries chronologiques en économétrie et en statistique. Les méthodes utilisées pour ce faire sont habituellement basées sur des approximations asymptotiques dont la fiabilité est généralement douteuse, même sous des hypothèses paramétriques précises (p. ex., innovations gaussiennes). Ainsi les niveaux réels des tests peuvent différer de façon arbitrairement grande de ceux affichés par les approximations de grands échantillons (voir Blough, 1992; Cochrane, 1991; Dufour, 1997; Staiger et Stock 1997). C’est le cas en particulier, lorsque le processus considéré est d’un ordre plus grand que un; voir, par exemple, Diebold et Nerlove (1990), Gourieroux et Monfort (1990), Brockwell et Davis (1991), Stock (1991, 1994) et Hamilton (1994). Il n’y a aucune garantie que ces méthodes sont « valides en échantillon fini ».

Dans ce texte, nous développons des méthodes d’inférence exactes relativement simples qui permettent de réaliser des tests et de construire des régions de confiance sur les coefficients d’un processus autorégressif d’ordre p [AR(p)] gaussien contenant un paramètre constant inconnu. Il n’y a pas de contrainte sur la stationnarité du processus. Nous allons principalement nous intéresser au problème de la construction de régions de confiance pour les paramètres du modèle. La méthode générale développée est une extension de l’approche décrite dans Dufour (1990) pour des processus AR(1).

L’approche proposée comporte deux étapes principales. La première consiste à obtenir un test qui permet de vérifier n’importe quelle hypothèse fixant le vecteur complet des coefficients du processus autorégressif. La distribution de chaque statistique proposée ne comporte pas de paramètres de nuisance. Chaque hypothèse de ce type est testée en transformant les observations de façon à faire disparaître l’autocorrélation entre celles-ci sous l’hypothèse nulle – dépendance qui ne disparaît pas sous la contre-hypothèse – et en testant si les observations transformées sont indépendantes. En outre, pour traiter les cas où p ≥ 2, nous proposons un test induit qui combine plusieurs tests d’autocorrélation conçus pour détecter la dépendance aux délais 1, 2, ..., p[1].

Cette méthode a l’avantage de simplifier considérablement le calcul des distributions des statistiques sous l’hypothèse nulle et de permettre l’utilisation de tables, comme celles fournies par Vinod (1973, table IIa). Typiquement, les valeurs critiques appropriées peuvent être calculées au moyen de l’algorithme d’Imhof (1961) ou d’algorithmes semblables (p. ex., Ansley, Shively et Kohn, 1992). La seconde étape consiste à construire une région de confiance conjointe pour les coefficients du modèle. Cette dernière est obtenue en cherchant l’ensemble des vecteurs de coefficients autorégressifs qui ne sont pas rejetés par la procédure de test développée plus haut. En d’autres termes, on « inverse » la famille de tests considérée. On peut ainsi calculer de façon simple les régions de confiance. En effet, pour le cas AR(1), la région de confiance se calcule facilement en résolvant deux polynômes du second degré. Pour les processus d’ordre plus élevé (p ≥ 2), on peut avoir recours à un balayage sur p – 1 coefficients du modèle : pour chaque configuration de ces p – 1 coefficients, on obtient l’ensemble des valeurs acceptables du dernier paramètre (qui peut être vide) en résolvant 2p polynômes du second degré. La région de confiance conjointe est alors l’union des « régions conditionnelles » ainsi obtenues.

À partir de la région de confiance conjointe, on peut construire des intervalles de confiance pour les coefficients individuels du modèle par une méthode de projection et tester toute genre d’hypothèse, linéaire ou non linéaire, sur les coefficients du modèle. Ces intervalles de confiance et les tests ainsi obtenus possèdent aussi une propriété de simultanéité, telle que définie dans la littérature statistique sur l’inférence simultanée (voir Miller, 1981; Savin, 1984) : la probabilité que les vraies valeurs de tous les paramètres considérés soient simultanément couvertes par ces intervalles est au moins égale au niveau affiché (95 % par exemple). Cette propriété sera définie de façon plus formelle à la section 4. Dans le cas d’intervalles de confiance non simultanés, cette probabilité est typiquement inférieure au niveau. Les méthodes proposées sont appliquées à un modèle du produit intérieur brut (P.I.B.) réel tunisien.

Notre texte est divisé comme suit. Après avoir décrit le modèle et les principales notations utilisées dans la première section, nous montrons à la section 2 comment construire un test combiné des paramètres du modèle autorégressif. Dans la troisième section, nous discutons comment construire une région de confiance conjointe pour les coefficients du modèle, en considérant d’abord en détail les cas AR(1) et AR(2). Dans la quatrième section, nous étudions comment construire des régions de confiance pour les coefficients individuels du modèle et comment tester diverses hypothèses sur ces coefficients. Dans la cinquième section, nous appliquons les méthodes proposées à un modèle du P.I.B. réel tunisien. Finalement, nous concluons.

1. Modèle et notations

Nous étudions ici le modèle AR(p) :

y0, y-1, ..., y-p+1 sont indépendants de u = (u1, ..., uT)′, Tp + 1 et les paramètres φ1, φ2, ..., φp, β1 et σ2 sont inconnus. Afin de faciliter l’interprétation des résultats, il sera utile de reparamétrer le modèle de manière analogue à Dickey (1976), Fuller (1976) et Beveridge et Nelson (1981). On voit facilement que

ou encore

où θ1 = φ1 + φ2 + ... + φp, θj = –equation: 007243are004n.jpg φi, Δyt-j = yt-jyt-(j+1), j ≥ 2. Les paramètres inconnus du modèle transformé (1.3) sont donc θ = (θ1, θ2, ..., θp)′, β1 et σ, tandis que les variables explicatives sont yt-1, Δyt-1, ..., Δyt-p+1. Les équations (1.1) et (1.3) sont complètement équivalentes.

2. Test de l’hypothèse H00) : θ = θ0

Nous allons maintenant étudier le problème qui consiste à tester une hypothèse de la forme

Nous dénotons par θ = (θ1, θ2, ..., θp)′ le vecteur des vraies valeurs de ces paramètres et par θ0 = (θ10, θ20, ..., θ p0)′ n’importe quel vecteur hypothétique de ces valeurs. Sous H00),

Si on définit

on voit que, sous H00), la série {zt0) : t = 1, ..., T} est un bruit blanc normal de moyenne β1. Sous la contre-hypothèse Ha0), la même série sera autocorrélée et suivra un processus ARMA(p, p). On peut donc tester H00) en testant si les variables zt0), t = 1, ..., T, sont mutuellement indépendantes contre la présence d’autocorrélation aux délais 1, 2, ..., p (voir Neifar, 1996). Comme la structure d’autocorrélation d’un processus ARMA (p, p) est complètement déterminée par les p premières autocorrélations, il sera suffisant de tester l’indépendance des zt0), t = 1, ..., T, contre la présence d’autocorrélation aux délais 1, 2, ..., p. Pour ce faire, nous allons utiliser p statistiques de la forme suivante :

Āj = MAjM, equation: 007243are006n.png = MBjM, M = ITequation: 007243are007n.jpg ι′ ι, ι = (1, 1, ..., 1)′ et Bj est une matrice positive définie. L’expression Dj0) dans (2.5) représente la forme générale de la plupart des statistiques d’autocorrélation usuelles, sauf que le test est ici appliqué au modèle transformé (de façon à éliminer la dépendance sérielle) en utilisant les valeurs des coefficients spécifiées par l’hypothèse nulle (θ = θ0). Sans perte de généralité, on peut supposer que Aj et Bj (et donc Āj et equation: 007243are008n.png) sont des matrices symétriques. L’intérêt de considérer de telles statistiques vient du fait que la distribution de chacune d’elles, sous H00), ne dépend d’aucun paramètre de nuisance et peut être calculée assez facilement (par exemple, par l’algorithme d’Imhof, 1961). En particulier, on peut considérer :

  1. des statistiques de von Neumann généralisées

  1. les coefficients d’autocorrélation

  1. des statistiques de Durbin-Watson généralisées

Il est facile de voir que toutes ces statistiques s’écrivent sous la forme (2.5)[2].

Un test bilatéral de niveau αj pour l’hypothèse H00) contre la présence d’autocorrélation au délai j consiste alors à rejeter H00) au niveau αj (0 < αj < 1) lorsque

d1j1j) et d2j2j) sont choisis de façon telle que, sous l’hypothèse nulle,

et α1j + α2j = αj, 0 ≤ α1j ≤ 1, 0 ≤ α2j ≤ 1.

En combinant les statistiques Dj0), j = 1, ..., p, il est facile d’obtenir un test de H00) contre la présence d’autocorrélation aux délais j = 1, ..., p : il suffit de rejeter H00) lorsqu’au moins un des tests Dj0), j = 1, ..., p, rejette H00). On appelle une telle procédure un test induit[3]. Pourvu que α1 + α2 + ... + αp ≤ α, le niveau global de la procédure n’excède pas α (par l’inégalité de Boole-Bonferroni). Le test induit ainsi construit a les particularités suivantes : d’une part, on teste le vecteur complet des valeurs de θ et, d’autre part, c’est un test exact de niveau qui n’excède pas α.

3. Région de confiance pour θ

Si on se sert du test induit décrit à la section précédente, l’hypothèse H00) : θ = θ0 n’est pas rejetée lorsque d1j1j) ≤ Dj0) ≤ d2j2j) pour j = 1, ..., p. Par conséquent, l’ensemble des valeurs de θ0 qui ne sont pas rejetées par cette procédure,

est une région de confiance de niveau 1 – α pour θ = (θ1, θ2, ..., θp)′ :

Autrement dit, la région est obtenue en « inversant » la famille de tests proposée pour des hypothèses de type H00). Si, de plus, on restreint θ à un ensemble de valeurs admissibles equation: 007243are013n.png, l’ensemble Iequation: 007243are014n.png constitue aussi une région de confiance de niveau 1 – α (quand les conditions imposées sont correctes). Bien que classique en statistique mathématique (voir Lehmann, 1986 : chapitre 3), l’approche qui consiste à inverser un test général pour obtenir une région de confiance a été rarement utilisée de façon explicite en économétrie; pour quelques exemples, le lecteur, pourra consulter Anderson et Rubin (1949), Dufour (1990, 1997), Staiger et Stock (1997), Dufour et Kiviet (1998), Dufour et Torrès (1998) et Dufour et Jasiak (2001).

Nous allons maintenant étudier de façon plus précise comment construire la région de confiance I. Pour ce faire, il sera utile d’examiner d’abord des cas spéciaux, les processus AR(1) et AR(2), pour ensuite traiter le cas général d’un processus AR(p).

3.1 Processus autorégressif d’ordre 1

Dans le cas d’un processus AR(1), les équations (1.1) et (1.3) s’écrivent :

utequation: 007243are015n.jpg N[0, σ2], t = 1, ..., T, T ≥ 2, θ1 = φ et y0 est indépendant de u = (u1, ..., uT)′. Nous n’imposerons pas de conditions supplémentaires sur la distribution de y0. Afin de construire une région de confiance exacte pour θ1, on considère une famille de tests de la forme (2.9) pour les hypothèses H010). Alors l’ensemble des valeurs θ10 qui ne sont pas rejetées par cette méthode,

est une région de confiance de niveau 1 – α pour θ1, où α = α11 + α21. Il est clair que

ce qui équivaut à dire que θ1I1I2

et «  ssi  » signifie « si et seulement si ». En remplaçant D11) par la formule (2.5), on aura : θ1I1I2 ssi

ou, de façon équivalente,

equation: 007243are018n.png

En remplaçant z1) par sa valeur en (3.9) et, après quelques manipulations, on peut voir que θ1I1I2 ssi

Une fois qu’on a les racines des deux polynômes du second degré en (3.10), il est facile de trouver les valeurs de θ1, pour lesquelles a11θ21 + b11θ1 + c11 ≥ 0 et a21θ21 + b21θ1 + c21 ≤ 0. Ces dernières constituent la région de confiance I = I1I2. Si de plus, on impose la condition de stationnarité ∣θ1∣ < 1, l’ensemble equation: 007243are021n.png = I1I2 ∩ (–1, +1) constitue toujours une région de confiance de niveau α. De même, si on impose plutôt ∣θ1∣ ≤ 1, l’ensemble equation: 007243are022n.png = I1I2 ∩ [–1, +1] sera une région de confiance de niveau α.

3.2 Processus autorégressif d’ordre 2

Dans le cas d’un processus AR(2), l’équation (1.3) devient :

utequation: 007243are023n.jpg N[0, σ2], t = 1, ..., T, T ≥ 3 et y-1, y0 sont indépendants de u = (u1, ..., uT)′. Afin de construire une région de confiance valide pour θ = (θ1, θ2)′, on considère une famille de tests du type (2.9) avec j = 1, 2, pour des hypothèses de la forme H00), où θ0 = (θ10, θ20)′ est le vecteur des valeurs hypothétiques. L’ensemble des valeurs de θ0 non rejetées par le test,

est une région de confiance conjointe pour θ de niveau supérieur ou égal à 1 – α. Nous avons :

En remplaçant de nouveau Dj(θ) par la formule (2.5), on voit que

equation: 007243are026n.png

et y-1 = (y0, ..., yT-1)′, Δy-1 = (y0y-1, y1y0, ..., yT-1yT-2)′.

Ici z(θ) dépend de deux paramètres inconnus θ1 et θ2. Si on fixe θ2 = θ20, la résolution de ces inéquations nécessite la recherche des racines de quatre polynômes du second degré comme dans le cas d’un processus AR(1). Pour θ20 donné, définissons :

et I20) = {θ : θ ∈ I120) et θ ∈ I220)}.

I20) représente le sous-ensemble conditionnel (possiblement vide) des éléments de I tels que θ2 = θ20. On voit facilement que I = equation: 007243are027n.jpgI20) où S2 est l’ensemble des valeurs admissibles de θ2. (θ1, θ20)′ ∈ I20) ssi les inéquations (3.15) sont vérifiées pour

De plus,

et θ ∈ I220) ssi (a2jθ21 + b2jθ1 + c2j ≤ 0, j = 1, 2)

Notons que le choix de fixer θ2 plutôt que θ1 n’est pas arbitraire, car si on impose les conditions de stabilité, le domaine des valeurs admissibles de θ2 est plus restreint que celui de θ1. On peut alors effectuer un balayage des valeurs admissibles de θ20, en résolvant à chaque fois les inéquations (3.15) correspondantes. On trouve ainsi :

En particulier, si on impose les conditions de stabilité sur θ2 et θ1, la région de confiance

equation: 007243are031n.png = {(θ1, θ2)′ : –3 < θ1 < 1, ∣θ2∣ < 1, 2θ2 + θ1 > – 1}, est de niveau 1 – α pour θ[4].

3.3 Processus autorégressif général

Pour le cas d’un processus AR(p), où p ≥ 1, on peut procéder de façon analogue. On considère p tests de la forme (2.9) et l’ensemble des valeurs de θ0 qui ne sont rejetées par aucun de ces tests,

constitue une région de confiance conjointe de niveau 1 – α pour θ. Il est facile de voir que

En particulier,

equation: 007243are034n.png

et Δy-k = (Δy-k, ..., Δy0, ..., ΔyT-k+1)′, k ≥ 1.

Les inéquations (3.18) dépendent de p paramètres inconnus. equation: 007243are036n.png = (θ20, ..., θp0)′, le problème se réduit à la résolution de polynômes du second degré en θ1. Plus précisément,

Il s’agit donc de trouver les valeurs de θ1 qui satisfont les inéquations

equation: 007243are039n.png De la même façon,

equation: 007243are041n.png Pour chaque equation: 007243are042n.png fixe, on obtient une région de confiance equation: 007243are043n.png pour θ1 (conditionnelle par rapport à equation: 007243are044n.png). En faisant ainsi un balayage de l’ensemble des valeurs possibles de equation: 007243are045n.png et en résolvant les 2p polynômes du second degré en (3.20) et (3.21), on construit alors la région de confiance conjointe

S2 est l’ensemble des valeurs de equation: 007243are047n.png admissibles (par exemple, sous l’hypothèse de stationnarité).

4. Tests d’hypothèses générales

Supposons maintenant que l’on s’intéresse à p fonctions g1(θ), ..., gp(θ) de θ. Étant donné la région I, on peut construire par une méthode de projection des régions de confiance simultanées de niveau 1 – α pour g1(θ), ..., gp(θ). En effet,

et donc

Les régions de confiance gi(I), i = 1, ..., p ainsi définies sont dites simultanées, car la probabilité que les p événements gi(θ) ∈ gi(I), i = 1, ..., p, se produisent ensemble (simultanément) est au moins égale à 1 – α. Les intervalles de confiance usuels (comme les intervalles de niveau 1 – α habituellement rapportés pour les coefficients d’une régression) ne sont pas simultanés (voir Miller, 1981 et Savin, 1984), ce qui signifie que la fiabilité de l’analyse peut se détériorer de façon marquée si l’on considère des transformations qui font intervenir plusieurs paramètres du modèle. Comme cas spécial, on peut s’intéresser aux composantes individuelles θi du vecteur θ, ce qui permet d’obtenir des intervalles de confiance simultanés pour les différents coefficients θ1, θ2, ..., θp. Il est clair en outre que la condition (4.2) implique

c’est-à-dire les régions de confiance gi(I) sont aussi des régions de confiance marginales au sens usuel du terme. Comme autre cas spécial, on peut s’intéresser à la construction de régions de confiance pour les racines du polynôme autorégressif en (1.1) et, à partir de là, examiner si ces racines se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur du cercle unité.

Sur la base d’une région de confiance I pour θ, on peut aussi tester n’importe quelle restriction sur les paramètres du modèle. Considérons en effet une hypothèse générale de la forme

où Ω0 est un sous-ensemble non vide de ℝp. Une façon simple de tester H0 consiste à

I est une région de confiance de niveau 1 – α pour θ, c’est-à-dire

Le test ainsi construit est de niveau α. Sous H0, l’événement θ ∈ I est équivalent à θ ∈ I ∩ Ω0, et donc

Par exemple, on peut tester des hypothèses portant sur les racines du polynôme autorégressif en (1.1) ou (1.3), lesquelles constituent en général des transformations non linéaires des coefficients de ces polynômes. Pour ce faire on peut associer à la région I les régions correspondantes Ri(I), i = 1, ..., p, pour les racines de ces polynômes (qu’on peut ordonner de façon naturelle par ordre croissant des modules). De là, on peut tester n’importe quelle hypothèse sur la position de ces racines, sur la plus grande racine en module, etc. Le lecteur trouvera une discussion plus approfondie de ce genre de méthodes dans Dufour (1997), Abdelkhalek et Dufour (1998), Dufour et Kiviet (1998) et Dufour et Jasiak (2001).

5. Application au P.I.B. réel tunisien

Afin d’illustrer les méthodes proposées plus haut, nous allons étudier la série du P.I.B. réel tunisien (PIBt) de 1961 à 1992 (annuel, en millions de dinars de 1990)[5]. Si on commence par examiner le graphe de la série PIBt, on voit que cette dernière croît de façon exponentielle. Il apparaît donc approprié de prendre le logarithme de la série, que nous noterons yt = ln (PIBt). Cette dernière croît de façon linéaire. Après avoir examiné (suivant la méthode de Box et Jenkins, 1976) les autocorrélations et les autocorrélations partielles de cette série (voir les graphiques 1 et 2), il nous est apparu qu’un modèle de type AR(2) serait approprié pour la série yt; pour plus de détails, le lecteur pourra consulter Neifar (1996). Si on estime un tel modèle par moindres carrés ordinaires (MCO), on trouve le résultat suivant :

où les chiffres entre parenthèses sont respectivement les écarts-types et les statistiques t de Student, DW est la statistique de Durbin-Watson et SSR la somme des carrés des erreurs. Si on suppose que les statistiques t de Student pour tester différentes valeurs de θ1 et θ2 dans ce modèle suivent approximativement une loi t(27), on peut calculer des intervalles de confiance pour θ1 et θ2. Ainsi aux niveaux 0,95 et 0,975 [t0,025(27) = 2,052 et t0,0125(27) = 2,3734], on obtient de cette manière les intervalles suivants : au niveau 0,95,

et, au niveau 0,975,

Graphique 1

Autocorrélations du logarithme du P.I.B. tunisien (1961-1992)

Autocorrélations du logarithme du P.I.B. tunisien (1961-1992)

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Graphique 2

Autocorrélations partielles du logarithme du P.I.B. tunisien (1961-1992)

Autocorrélations partielles du logarithme du P.I.B. tunisien (1961-1992)

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Bien entendu, la fiabilité d’une telle approximation peut être fort mauvaise ici (même asymptotiquement), notamment dans le voisinage du cercle unité. Nous rapportons ces intervalles seulement pour fin de référence.

Maintenant, nous allons utiliser l’approche développée dans les sections précédentes pour construire une région de confiance de niveau 0,95 pour θ = (θ1, θ2)′. Les points critiques d1j et d2j, utilisés pour les statistiques d1 et d2, calculés par l’algorithme d’Imhof (1961), sont les suivants : d11 = 1,222, d21 = 2,77797, d12 = 1,1597, d22 = 2,7135. Ces points correspondent à des probabilités de queue égales à α/4 = 0,0125, de façon à ce que la probabilité de rejet du test global ne soit pas supérieure à α = 0,05.

Comme en présence d’une constante, la statistique dj(θ) a une distribution symétrique par rapport à 2, il est naturel de choisir αij = αj/2. De plus, nous avons traité de façon symétrique les deux coefficients θ1 et θ2, d’où le choix de αij = α /4. Notons que les différents partages de α en αj, j = 1, ..., p conduisent à des procédures différentes dont les puissances ne sont pas en principe identiques. A priori il n’est pas évident qu’un certain partage domine uniformément les autres.

Si on considère d’abord un ensemble admissible de valeur de θ2 contraint sur [–2,0, 2,0], sans imposer les conditions de stationnarité, on obtient la région de confiance conjointe pour θ1 et θ2 qui apparaît sur le graphique 3. On remarque que celle-ci est très allongée autour de θ1 = 1, qu’elle est petite par rapport au triangle de stationnarité et que l’estimation de θ1 paraît beaucoup plus précise que celle de θ2[6]. Sur le graphique 4, nous montrons un agrandissement de la région pertinente.

Graphique 3

Région de confiance exacte de niveau 0,95 pour les coefficients du modèle AR(2) du P.I.B. tunisien (1961-1992)

Région de confiance exacte de niveau 0,95 pour les coefficients du modèle AR(2) du P.I.B. tunisien (1961-1992)

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Graphique 4

Région de confiance exacte agrandie de niveau 0,95 pour les coefficients du modèle AR(2) du P.I.B. tunisien (1961-1992)

Région de confiance exacte agrandie de niveau 0,95 pour les coefficients du modèle AR(2) du P.I.B. tunisien (1961-1992)

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Pour obtenir des intervalles de confiance pour θ1 et θ2, nous procédons par projection sur les axes θ1 et θ2, ce qui donne les intervalles de confiance (simultanés) suivants :

On remarque que l’intervalle pour θ1 est très précis, tandis que l’intervalle pour θ2 n’est pas informatif. Ces résultats illustrent le fait que c’est la paire de coefficient (θ1, θ2)′ qui est importante pour déterminer la distribution des données et non les coefficients individuels θ1 et θ2. Il est clair d’après ces résultats que l’hypothèse θ1 = 1 ne peut être rejetée au niveau 0,05.

Si on impose maintenant une condition de stationnarité sur θ1 et θ2, c’est-à-dire on restreint les coefficients à l’ensemble

on obtient la portion de la région de confiance originale située à l’intérieur du triangle du graphique 3. Cette région est aussi de niveau au moins égal à 0,95 (pourvu que la contrainte de stationnarité soit satisfaite). Les intervalles de confiance par projection correspondants sont alors :

Nous remarquons enfin que ces résultats sont compatibles avec ceux que suggèrent l’équation (3.1), car les paramètres trouvés par la première méthode appartiennent aux intervalles de confiance exacts. En outre, les intervalles de confiance pour θ1 sont très proches (notamment sous l’hypothèse de stationnarité), tandis que l’intervalle asymptotique pour θ2 (voir 5.2) est beaucoup plus petit que celui fondé sur la méthode exacte, ce qui jette un doute sur la fiabilité de l’approche asymptotique dans ce cas.

La région de confiance simultanée présentée sur le graphique 3 a été obtenue en fixant d’abord θ2 = θ20 puis, pour chaque valeur de θ2 dans l’intervalle [–2, 2], les valeurs de θ1 qui ne sont pas rejetées (par résolution des équations du second degré décrites à la section 3.2). On pourrait procéder à l’inverse en fixant d’abord θ1 = θ10 et en cherchant les différents valeurs acceptables pour θ2. Cette modification conduit au même résultat.

Conclusion

L’inférence statistique sur des modèles autorégressifs d’ordre p est un problème central de l’analyse économétrique. Les méthodes disponibles sont généralement fondées sur des approximations asymptotiques. Il n’y a aucune garantie que ces méthodes sont « valides en échantillon fini ».

Dans cet article, nous avons proposé des méthodes d’inférence valide en échantillon fini pour des processus possiblement non stationnaires. La particularité du calcul des régions de confiance réside dans sa simplicité. Dans le cas AR(1), la construction de régions de confiance se limite à la résolution de deux polynômes de second degré. L’application des méthodes proposées à un modèle du P.I.B. réel tunisien nous a permis d’obtenir des régions de confiance conjointes et individuelles qui sont assez précises. La recherche d’autres méthodes d’inférence exactes est souhaitable afin de faire une comparaison rigoureuse des résultats en terme de puissance et robustesse des différentes approches.