Volume 76, Number 1, mars 2000 75e anniversaire de L’Actualité économique Guest-edited by Ruth Dupré
Table of contents (9 articles)
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Introduction : La machine à remonter le temps
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D’une revue d’affaires à une revue d’économique : 75 ans dans la vie de L’Actualité économique
Ruth Dupré, Yves Gagnon and Paul Lanoie
pp. 9–36
AbstractFR:
Cet article propose un bilan des activités de la revue L’Actualité économique depuis ses débuts en 1925. Nous nous attardons surtout à l’évolution de l’orientation de la revue, à travers les différents organismes qui en ont assumé la responsabilité; à la provenance des auteurs et à l’évolution du contenu. À notre connaissance, un tel exercice n’a jamais été entrepris. Nous constatons, entre autres, que la revue fut dirigée par différents groupes au cours de son histoire : les licenciés de l’École des Hautes Études Commerciales (HEC), puis l’École des HEC elle-même et finalement la Société canadienne de science économique. Ces différentes administrations ont eu une influence certaine sur le contenu de la revue. En ce qui concerne les auteurs, nous remarquons, entre autres, un déclin de la participation des professeurs de l’École et un déclin de la participation des auteurs d’autres disciplines que l’économique au profit des économistes d’autres universités que l’École. Au niveau du contenu, il ressort surtout que certains sujets marquants des premières années de la revue, comme l’agriculture et les ressources naturelles, ont perdu beaucoup de leur importance, alors que l’approche méthodologique a été marquée par trois grandes périodes : 1) la domination du commentaire descriptif; 2) la coexistence entre le commentaire descriptif et les articles analytiques et 3) la domination des articles analytiques.
EN:
This article presents the history of the academic journal L'Actualité économique since its beginnings in 1925. We investigate the evolution of the journal through its orientation, its authors and its content. To our knowledge, such an exercise has never been undertaken. Among other things, we note that the review has been managed by different groups through the years: Les licenciés de l'École des Hautes Études Commerciales (HEC), then the École des Hautes Études Commerciales and finally, la Société canadienne de science économique. These different groups have influenced the content of the journal. On the authors' side, there was an increase, through the years, in the contributions of economists out of HEC at the expense of the professors from HEC and of the non-economists. Concerning the content, we observe, in particular, that certain subjects very popular when the journal started, like agriculture and natural resources, lost their popularity later on, and that there were three phases in terms of methodological approach: 1) the dominance of the "descriptive comments"; 2) the coexistence of the descriptive comments and the analytical articles and 3) the dominance of the analytical articles.
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Plaidoyer pour une gestion de l’économie nationale
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Réflexions iconoscopiques sur la pensée économique au Québec français
Gilles Paquet
pp. 51–66
AbstractFR:
Ce texte présente l’évolution de la tribu des économistes québécois de langue française depuis 75 ans comme une histoire faite de trois grandes discontinuités : (1) le passage de l’économie politique à la coexistence pacifique entre trois curies (HEC, Laval et Montréal) dans l’après Seconde Guerre mondiale; (2) la consolidation des trois curies en deux phratries en coexistence hostile (SCSE et ASDEQ) dans les années soixante-dix et (3) l’éclatement des phratries en clans définis par les issues dans les années récentes. On montre que la réunification de la tribu est possible, mais que les progrès risquent d’être lents.
EN:
This paper defines the evolution of the tribe of French-speaking Quebec economists over the last 75 years as an experience marked by three discontinuities: (1) the passage from the era of political economy to the peaceful coexistence of three curiae (HEC, Laval and Montréal) in the post Second World War; (2) the consolidation of these three curiae into two phratries (SCSE and ASDEQ) in hostile coexistence in the 1970s; and (3) the fragmentation of the phratries in issues-related clans in the recent past. It is argued that the reunification of the tribe is a distinct possibility but that progress in this direction might be quite slow.
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Les étapes de la science économique au Québec : démarrage, construction et maturité
Pierre Fortin
pp. 67–73
AbstractFR:
Après l’époque des pionniers (1900-55), la science économique au Québec s’est développée en trois étapes : le démarrage (1955-70), la construction (1970-85) et la maturité (1985- ). Le démarrage regroupe des économistes de formation européenne, surtout préoccupés par l’économie locale et influents par leur action comme par leur réflexion. Les économistes de la construction sont de formation américaine, développent le discours scientifique, mettent en place les programmes de formation et de recherche et contribuent à l’essor de la profession d’économiste. La maturité amène la préoccupation de la compétitivité internationale en recherche et un certain raccrochage avec les milieux économiques locaux, mais subit les contrecoups des difficultés financières des universités.
EN:
Following the age of pioneers (1900-55), economic science in Quebec has developed in three stages: take-off (1955-70), construction (1970-85) and maturity (1985- ). During take-off, Quebec economists were trained in Europe, focused on the local economy, and were influential by their action as well as their thinking. During construction, training shifted to North America, the scientific discourse began to predominate, education and research programs were organized, and large numbers of professional economists graduated from universities. During maturity, the concern about international competitiveness of Quebec-based research has developed, a return to problems of the local economy is discernible, and serious financial worries have emerged.
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Écarts salariaux entre francophones et anglophones à Montréal au 19e siècle
Michael Baker and Gillian Hamilton
pp. 75–111
AbstractFR:
Notre étude fournit une perspective historique à la question des écarts de revenus entre francophones et anglophones en retournant loin en arrière, dans le Montréal du début du 19e siècle. Nous avons mis l’accent sur le marché des apprentis. Nous avons utilisé les détails présents dans les contrats signés entre maîtres et apprentis afin d’isoler les différences de rémunération entre ethnies. Nos résultats montrent des écarts ethniques considérables dans la composition et dans le niveau de rémunération. La plupart des résultats indiquent une prime « anglophone ». Nous constatons également un déclin de la pénalité subie par les francophones, mais cette tendance prend une direction opposée vers la fin des années 1830. Finalement, notre étude montre que la plupart des écarts sont associés au groupe ethnique du maître et non à celui de l’apprenti.
EN:
In this paper we extend the historical record of French-English differences in labour market compensation for Quebec by providing evidence on early 19th century Montreal. Our focus is on the market for apprenticeships. We make use of the detail in apprentice contracts signed between individual masters and apprentices to isolate ethnic differences in compensation. We find evidence of sizable ethnic differences in the composition and level of apprentices' compensation, most of which points to an 'English' premium. We also find some evidence of a decline in the penalty associated with French ethnicity, but this trend reverses direction in the late-1830s. Finally, we show that most of the differences are associated with master's, not apprentice's, ethnicity.
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La grande émigration canadienne : quelques réflexions exploratoires
Marvin McInnis
pp. 113–135
AbstractFR:
L’article s’intéresse à un événement trop souvent négligé dans l’histoire canadienne : l’émigration, tant anglophone que francophone, survenue durant les 40 dernières années du 19e siècle. Le texte fait ressortir les similitudes et les contrastes de l’émigration des deux groupes linguistiques. L’explication offerte ici repose sur l’incapacité de la croissance d’emplois industriels à absorber la croissance rapide de la population dans une société rurale qui n’avait plus de terres cultivables disponibles. Les changements majeurs apportés dans les années 1860 à la structure tarifaire américaine sont un important facteur d’explication, selon nous, de cette croissance insuffisante de l’emploi industriel canadien.
EN:
This paper reviews the too-much neglected historical experience of large-scale emigration from Canada over the last four decades of the nineteenth century. It is shown that this involved anglophone Canadians as well as French. The paper focuses on the similarities and also on some of the contrasts in the emigration characteristics of the two ethnic groups. An explanation of the emigration is offered in terms of a rate of growth of industrial employment insufficient to absorb the rapid population growth that was occuring in a rural society that had run out of cultivable land onto which to expand settlement. The major change in tariff policy in the United States that was brought about in the 1860s is identified as an important reason for the insufficient growth of industrial employment.
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Unilingues ou bilingues? Les Montréalais sur le marché du travail en 1901
Mary MacKinnon
pp. 137–158
AbstractFR:
Cette étude utilise un échantillon du Recensement canadien de 1901 pour estimer le taux de rendement du bilinguisme pour les hommes de langue maternelle anglaise et française à Montréal. Le bilinguisme a profité aux anglophones et aux francophones; et la prime au bilinguisme pour les deux groupes semble quelque peu supérieure à celle des années 1960. En 1901, un francophone bilingue qui savait lire et écrire gagnait en moyenne à peu près le même revenu qu’un anglophone unilingue catholique. Les anglophones protestants bilingues obtenaient les revenus moyens les plus élevés.
EN:
This paper uses a sample of records from the 1901 Census of Canada to estimate returns to bilingualism for English and French mother tongue men in Montreal. Both anglophones and francophones gained from bilingualism, and the returns to bilingualism for both groups appear to have been somewhat higher than for men in the 1960s. In 1901, a bilingual, literate, francophone, on average earned about the same amount as a Roman Catholic, unilingual, anglophone. Bilingual Protestant anglophones had the highest average earnings.
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L’influence de la science économique sur les historiens : une analyse de deux revues canadiennes d’histoire (1970-1996)
Ruth Dupré and Michael Huberman
pp. 159–170
AbstractFR:
Les sciences sociales ont connu récemment une expansion dans les études multidisciplinaires sur le plan de la recherche et de l’enseignement. Les économistes ont pris part au mouvement. Ont-ils eu un impact sur d’autres disciplines? Peu d’études se penchent sur le transfert de connaissances d’une discipline à une autre. C’est ce que nous faisons ici dans le cas spécifique de la contribution de l’économie à la recherche historique au Canada dans les trois dernières décennies. L’utilisation concrète que font les historiens de la science économique dépend-elle du sujet abordé, de l’époque étudiée, de la tradition historiographique, de la méthode d’enseignement? Y a-t-il une différence entre les historiens francophones et anglophones?
Notre approche est bibliométrique. Tous les articles parus dans la Revue d’histoire de l’Amérique française et dans la Canadian Historical Review de 1970 à 1996 sont classifiés selon leur utilisation de la « cliométrie » (l’approche économique appliquée à l’histoire), de l’histoire économique traditionnelle et des sources statistiques. L’instrument de mesure de cette utilisation sont les références aux livres et aux articles appartenant à chacune de ces trois catégories.
Pour l’ensemble de la période, il y a une très grande similitude entre les deux revues avec une légère avance de trois points de pourcentage de la CHR (18 vs 15 %) en ce qui concerne l’utilisation de la première catégorie, soit celle de la cliométrie. Toutefois, ce résultat global sur le dernier quart de siècle cache des tendances différentes. Les résultats par intervalle quinquennal montrent une tendance à la hausse dans l’utilisation de la cliométrie et une à la baisse dans celle de l’histoire économique traditionnelle chez les francophones alors que la tendance pour les deux catégories est plutôt stable chez les anglophones. Il semble donc y avoir un certain mouvement de substitution de la « nouvelle » histoire économique au détriment de la « traditionnelle » chez les francophones.
EN:
Social sciences recently witnessed an increase in multidisciplinary studies. Economists are part of this movement. Do they have an impact on other disciplines? Few studies are concerned with the transfer of knowledge from one discipline to another. Our paper tries to shed some light on this issue in the specific case of the contribution of economics to historical research in Canada in the last three decades. Is the use of economic tools widespread? Does it follow an upward trend over the period? Is it related to research topic, period treated or historiographical tradition? Is there a difference between Anglophone and Francophone historians? These are some of the questions explored.
Our approach is bibliometrical. AIl articles published in La Revue d'histoire de l'Amérique française and in Canadian Historical Review from 1970 to 1996 are classified according to their use of references to books and articles belonging to three categories: cliometrics, traditional economic history, and statistics.
For the period as a whole, there is a great similarity between the two journals. The global proportion of articles making references to cliometric (that is, economics applied to history) writings is 15% for the RHAF and 18% for CHR. However, when the data are spliced into five-year intervals, there seems to be some substitution from traditional economic history to cliometrics in the Francophone journal while the respective shares remain more stable on the Anglophone side. We comment on these findings.