Volume 75, Number 1-2-3, mars–juin–septembre 1999 L’économie publique Guest-edited by Nicolas Marceau, Pierre Pestieau and François Vaillancourt
Table of contents (20 articles)
Textes de synthèse
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Privatisation des systèmes de retraite : une évaluation critique
Pascal Belan and Pierre Pestieau
pp. 9–27
AbstractFR:
L’objectif de cet article est de contribuer à la clarté du débat entrepris dans de nombreux pays sur la réforme du système de retraite. Cette réforme est souvent présentée comme se limitant à un changement de technique de financement : on passerait de la répartition à la capitalisation. Or, il apparaît que capitalisation et répartition sont sous certaines hypothèses équivalentes et que les réformes proposées ne se limitent pas à passer de l’une à l’autre. Si seule changeait la technique de financement, il n’est généralement pas possible que la réforme soit Pareto-améliorante. Par exemple, toute réduction de l’endettement global — dette publique plus droits à la pension — favoriserait les générations futures mais pénaliserait toute, ou en tout cas une partie de la génération de transition. Il existe bien des modèles de réforme qui illustrent ce point de vue et prétendent accroître le bien-être de tous. Nous en présentons deux. Dans le premier, l’introduction de la capitalisation s’accompagne d’une réduction des distorsions liées aux cotisations sociales; dans le second, elle s’accompagne d’une subvention à l’épargne qui dans un contexte de croissance endogène a une productivité constante. Il apparaît que les gains de bien-être qu’entraînent ces réformes ne sont pas très importants; de plus ils ne sont pas liés à la privatisation comme telle; ils pourraient en effet être réalisés dans le cadre des systèmes actuels.
EN:
The purpose of this paper is to provide a critical evaluation of theoretical models showing that shifting from pay-as-you-go to fully-funded social security schemes can be made Pareto-improving. Further, it argues that what often makes a reform towards funded schemes attractive is a number of additional features that could also have been introduced in the unfunded social security system. The paper is organized in three main sections. The first one presents a taxonomy of social security systems; this allows us to show that in privatization programs the issue is not just moving from unfunded to funded mechanisms but also, and above all, to individualize the system in such a way that there is no more redistribution. The second shows that funded and pay-as-you-go schemes are equivalent as long as the payroll taxes paid during the period of inception of the pay-as-you-go scheme are duly invested. Finally, the third section presents two models of Pareto improving social security reforms and discusses the assumptions on which they rely.
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Le rôle de la théorie de l’optimum du second rang en économie publique
Robin Boadway
pp. 29–65
AbstractFR:
Cette étude analyse l’évolution de la théorie de l’optimum du second rang en économie publique. Elle soutient qu’une partie importante de l’économie publique normative moderne peut être interprétée comme une analyse du second rang. La théorie originale du second rang, telle que l’ont exposée Lipsey et Lancaster (1956), supposait l’analyse de politiques dans une économie où il n’y a qu’un seul consommateur et une distorsion fixe. De plus, elle cherchait particulièrement à savoir si la tarification au coût marginal, ou la politique à la pièce, peut être maintenue. Cette analyse a ensuite été étendue aux économies constituées de plusieurs ménages, aux cas où l’on observe de multiples distorsions, aux environnements dynamiques, pour finalement constituer la base de la révolution dans le domaine de la taxation optimale en économie publique. Toutefois, il est particulièrement important de souligner que, dans le sillage de l’analyse de l’impôt optimal et de la théorie de la dualité, la distorsion du second rang a été efficacement rendue endogène, et le problème général de la politique gouvernementale a été posé comme un problème de principal-agent. La méthode la plus courante consiste à supposer qu’il est impossible d’observer le comportement des ménages ainsi que certaines de leurs caractéristiques importantes. Suite à ces développements, la plupart des problèmes de politique publique peuvent être perçus comme une application particulière de l’analyse du second rang. Par exemple, le choix entre l’efficacité et l’équité (le problème de « l’impôt sur le revenu optimal ») d’une part et la limite en matière de redistribution d’autre part, peuvent être considérés comme des problèmes du second rang. Considérer les problèmes de politique comme des problèmes du second rang présente des caractéristiques intéressantes. Tout d’abord, de simples recommandations de politiques ne sont plus possibles. De plus, des politiques en apparence variées, comme les restrictions sur les quantités, les transferts en nature et le financement public de l’assurance sociale deviennent, dans certaines circonstances, des instruments de politiques efficaces. Les ouvrages prétendent aussi que les politiques du second rang sont habituellement incohérentes à travers le temps. Ainsi, l’optimum du second rang standard ne peut être atteint. Des politiques optimales avec cohérence intertemporelle peuvent également inclure des instruments de politique inhabituels qui, autrement, auraient été éliminés dans un cadre du second rang.
EN:
This paper surveys the evolution of the use of the theory of second best in public economics. It argues that much of modern normative public economics can be interpreted as simply applied second-best analysis. The original theory of second best as expounded by Lipsey and Lancaster involved analysing policy in a single-consumer economy with a fixed distortion, and was especially interested in whether marginal cost pricing, or piece-meal prescriptions, could still be maintained. That analysis was subsequently extended to multi-household economies, to multi-distortion cases and to dynamic settings, and became the basis for the optimal tax revolution in public economics. However, more significantly, in the wake of optimal tax analysis and duality theory, the second-best distortion has effectively been made endogenous; and the general government policy problem has been posed as a principal-agent one. The most common method is by assuming non-observability of some important household characteristic or behavioural outcome. As a consequence of these developments, most public policy problems can be viewed as special applications of second-best analysis. For example, the general problem of the efficiency-equity trade-off (the "optimal income tax" problem) and the limit to redistribution can be viewed as second-best problems. A couple of the interesting features of viewing policy problems as second-best problems are as follows. For one, simple policy prescriptions no longer become possible. For another, seemingly odd types of policies, such as quantity restrictions, in-kind transfers and public provision of social insurance become "efficient" policy instruments in certain circumstances. The literature also stresses that second-best policies are typically time-inconsistent. In the face of this, standard second-best optima cannot be attained. Optimal time-consistent policies can also include unusual policy instruments that would otherwise be ruled out in a second-best setting.
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Concurrence fiscale : un survol
Benoit Delage
pp. 67–93
AbstractFR:
Une décentralisation des décisions fiscales et l'utilisation du stock de capital comme assiette fiscale peuvent entraîner une compétition entre États. Cette compétition fiscale a pour conséquence que trop peu de biens publics sont produits et ce peu importe si ce sont les habitants ou les firmes de la région qui en bénéficient. Ce survol explore certaines facettes du problème de la compétition fiscale.
EN:
Decentralized taxation decision making may lead to tax competition and to the underprovision of public goods. This will happen whenever revenues obtained from a tax on capital are used to finance the public good, whether the latter is to the benefits of firms or residents of one region. This survey explores some aspects of this tax competition literature.
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Inégalité et redistribution du revenu, avec une application au Canada
Jean-Yves Duclos and Martin Tabi
pp. 95–122
AbstractFR:
L’utilité des courbes de Lorenz pour l’analyse de la répartition des revenus est bien connue depuis l’article influent d’Atkinson (1970). Nous indiquons dans le présent article comment l’usage combiné de ces courbes de Lorenz et des courbes de concentration des revenus, des impôts ou des transferts permet de résumer facilement et intuitivement l’impact de l’État sur la distribution des revenus. Nous nous intéressons plus particulièrement à la redistribution des revenus ainsi qu’à l’équité verticale et l’iniquité horizontale exercées par l’impôt direct et les politiques de transferts. En appliquant des poids « éthiques » à la distance entre les courbes de Lorenz et de concentration, l’on obtient des indices synthétiques d’inégalité, de redistribution et d’équité qui peuvent être facilement décomposés en contributions individuelles des différents types d’impôts et de transferts. Ces indices représentent une généralisation et une extension de l’indice d’inégalité bien connu de Gini. Cette approche est illustrée à l’aide de la distribution et de la redistribution des revenus au Canada au cours de la dernière décennie. On confirme le résultat bien connu que l’inégalité des revenus bruts s’est accrue de 1981 à 1990 alors qu’elle a chuté pour le revenu net. La redistribution opérée par le système fiscal s’est considérablement accrue au cours de cette décennie, au prix entre autres choses d’une plus grande iniquité horizontale. Le groupe de transferts reliés à la retraite et à la vieillesse est celui qui exerce de loin le plus d’impact sur la redistribution des revenus. L’impact redistributif de l’impôt direct est quant à lui très sensible au paramètre de subjectivité éthique utilisé.
EN:
The usefulness of Lorenz curves for analysing the distribution of income is well understood since the influential article of Atkinson (1970). We show in this paper how combining Lorenz and concentration curves for incomes, taxes and transfers allows one to summarise easily and intuitively the impact of government on the distribution of income. We more particularly look at income redistribution and at the vertical and horizontal equity exerted by direct taxes and transfers. By applying "ethical weights" to the distance between the Lorenz and the concentration curves, we obtain summary indices of inequality, redistribution and equity that are easily decomposed additively into separate tax and benefit components. These indices are a generalisation of the well-known Gini index of inequality. The approach is illustrated using micro data on the distribution and the redistribution of income in Canada in the last decade. It confirms the well-known result that the inequality of gross income increased between 1981 and 1990, whereas the inequality of net income fell during the same period. The redistribution exerted by the tax and transfer system increased considerably during that period, at the cost of a higher level of horizontal inequity. Income redistribution is largely generated by the group of transfers related to retirement and old age. As for the redistributive impact of direct taxes, it is quite sensitive to the value of the ethical parameter used in computing the summary indices of equity and redistribution.
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Dissuader le crime : un survol
Nicolas Marceau and Steeve Mongrain
pp. 123–147
AbstractFR:
Depuis une trentaine d'années, les économistes ont appliqué leurs outils et leurs méthodes au problème de la dissuasion du crime. Dans ce texte, nous présentons une revue de leurs principales contributions.
EN:
In the last thirty years, economists have been applying their tools and methods to the study of crime deterrence. In this paper, we review their most important contributions.
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Une introduction aux subventions intergouvernementales
Tracy Snoddon and Jean-François Wen
pp. 149–187
AbstractFR:
Notre article vise principalement à donner des notions élémentaires sur les fondements de la théorie des subventions intergouvernementales, qui pourront être utiles aux nouveaux venus dans ce domaine actif de la recherche. En outre, nous donnons un aperçu sélectif des récents articles théoriques sur les subventions, en soulignant particulièrement les jeux non coopératifs entre divers niveaux de gouvernement dans un système fédéral. Les parties de notre article correspondent à des sujets généraux : les subventions de péréquation, les subventions liées au partage des recettes et les subventions conditionnelles. Pour rehausser la valeur pédagogique de cet article, nous fournissons pour chaque sujet une étude mathématique simple et unifiée (dans la mesure du possible) qui accompagnera une description discursive des points principaux relevés dans la documentation.
EN:
The principal aim of our paper is to provide a primer on the foundations of the theory of intergovernmental grants, suitable for newcomers to this active field of research. In addition, we provide a selective survey of recent theoretical papers on grants, focusing particularly on non-cooperative games between different levels of government in a federal system. The sections of the paper correspond to broad topics: equalization grants, revenue-sharing grants, and conditional grants. To enhance the paper's pedagogical value, we provide a simple and (as much as possible) unifïed mathematical treatment of each topic to accompany a discursive description of the main insights found in the literature.
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La démocratie : oui, mais laquelle?
Michel Truchon
pp. 189–214
AbstractFR:
Cet article illustre les difficultés inhérentes au processus démocratique à partir des résultats d’une consultation tenue à l’Université Laval, dans le cadre de la nomination d’un doyen. Lors de ce scrutin, les votants devaient en principe ordonner tous les candidats, au nombre de quatre. La compilation des résultats s’avérait donc un exercice d’agrégation des ordres (préférences) individuels en ordre (préférence) collectif. L’article emprunte abondamment à la littérature sur la théorie des choix sociaux et constitue en quelque sorte un survol partiel de cette dernière. Il montre d’abord comment des résultats, en apparence si clairs selon la règle de la pluralité, peuvent venir en contradiction avec le principe de la majorité préconisé par Condorcet. Ce dernier veut qu’un candidat, que la majorité des votants placent avant un autre, se retrouve également avant ce dernier dans l’ordre collectif. L’article présente ensuite les procédures de vote pondéré, les plus connues étant celles de la pluralité et de Borda. Il discute des possibilités de manipulation de ces procédures selon le système de pondération choisi. Pour revenir au principe de Condorcet, son application à toutes les paires de candidats peut malheureusement donner des cycles dans les préférences collectives. C’est le fameux paradoxe de Condorcet. Plusieurs méthodes ont été proposées pour briser ces cycles. L’article présente la méthode dite du maximum de vraisemblance comme celle qui se rapproche davantage de l’esprit du principe de Condorcet. Plusieurs exemples sont fournis tout au long de l’article.
EN:
This paper uses the results of a poll held at Université Laval to illustrate the difficulty in aggregating individual preferences. In this poll, voters were asked to rank four candidates for a position of dean. The paper provides a brief survey of the literature on the theory of social choice, from which it borrows heavily. It first shows how apparently clear results, from the perspective of the plurality rule, may violate the Condorcet principle according to which a candidate who is ranked ahead of another candidate by a majority of voters should also come ahead in the collective ranking. Next, it presents weighted majority procedures, or positional rules, among which the plurality rule and the Borda count. It discusses manipulation of these rules as a function of the weighting scheme. Going back to the Condorcet principle, it is well known that its application to all pairs of candidates may yield a cycle. This is the famous Condorcet paradox. Many procedures have been proposed to break these cycles while retaining the Condorcet principle whenever possible. This paper advocates for the maximum likelihood procedure as the more natural way out of these cycles. Many examples are provided.
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Les coûts de conformité à la fiscalité des firmes et des individus : une recension des écrits
François Vaillancourt
pp. 215–237
AbstractFR:
Ce texte présente les résultats de 15 études traitant des coûts encourus par les firmes ou par les individus de se conformer aux exigences fiscales. On constate que les coûts décroissent avec la taille des firmes et croissent avec la complexité des sources de revenus.
EN:
This paper presents the results of 15 studies examining the tax compliance costs of businesses and individuals. We find that costs decrease with the size of businesses and increase with the complexity of revenue sources.
Textes d’analyse
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Traitement fiscal optimal des familles quand la fécondité est endogène
Alessandro Cigno and Anna Pettini
pp. 239–252
AbstractFR:
Les effets et le choix optimal d’instruments de politique destinés aux familles (allocations pour enfants à charge, taxes sur les biens consommés spécifiquement par les enfants, etc.) sont analysés à l’aide d’un modèle économique où les ménages possèdent un choix en matière de fécondité. Quand la fécondité est un facteur endogène, nous obtenons des résultats remarquables si nous considérons simultanément les avantages pour enfants à charge et l’imposition du revenu et de la consommation. Entre autres, les différentes capacités des familles à élever des enfants et, par conséquent, toutes choses étant égales par ailleurs, les variations du nombre d’enfants, peuvent ne pas être pertinentes d’un point de vue fiscal si l’État peut effectuer des transferts forfaitaires (impôts/subventions) personnalisés aux familles. Plus surprenant encore, on peut montrer que, si l’État est dans l’impossibilité de procéder à des transferts forfaitaires personnalisés, mais qu’il est en mesure de distinguer les biens consommés exclusivement par les enfants de ceux qui sont propres aux adultes, il pourrait alors être optimal d’imposer selon le nombre d’enfants et de subventionner les biens propres aux enfants (c’est-à-dire d’aider financièrement les parents de manière à les inciter à dépenser davantage pour chaque enfant mis au monde, plutôt que de les amener à avoir plus d’enfants et à lésiner quand il s’agit de subvenir à leurs besoins).
EN:
The effects and optimal choice of policy instruments affecting the family (child benefits, taxes on child-specific goods, etc.) are examined within the context of a household economics model with fertility choice. The simultaneous consideration of child benefits, and income and commodity taxes in the presence of endogenous fertility yields some remarkable results. One is that differences between families in the ability to raise children and thus, other things equal, in the number of children, may be fiscally irrelevant if the government can make personalized lump-sum transfers (taxes/subsidies) to families. Another and, perhaps, more striking result is that, if the government cannot make personalized lump-sum transfers, but can distinguish between child-specific and adult-specific goods, it may then be optimal to tax family size and subsidize child-specific goods (i.e., to subsidize parents in a way that induces them to spend more for each child they beget, rather than to have more children and skimp on their maintenance).
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Un modèle simple de concurrence fiscale où la mobilité des pauvres favorise la redistribution
Philippe De Donder and Jean Hindriks
pp. 253–268
AbstractFR:
Cet article développe un modèle de concurrence fiscale entre deux pays identiques. Dans chaque pays la population se partage en trois classes de revenus et choisit sur base d’un vote majoritaire sa politique fiscale en anticipant correctement les mouvements migratoires qui en résultent. Les rendements décroissants du travail équilibrent les flux migratoires. À l’opposé de la littérature existante, nous mettons l’accent sur les interactions entre la mobilité des différentes classes.
Notre modèle suggère que si l’électeur décisif retire un bénéfice élevé de la taxation, alors les pauvres préfèrent l’attrait d’une base imposable plus élevée et accompagnent les riches là où le taux de taxation est le moins élevé. En conséquence, la mobilité des pauvres a pour effet de réduire l’élasticité de la base imposable au taux de taxation et permet de soutenir un niveau de redistribution plus élevé à l’équilibre. Si à l’inverse l’électeur décisif retire un faible bénéfice de la taxation, alors les pauvres préfèrent migrer en sens contraire des riches là où le taux de taxation est le plus élevé, ce qui augmente l’élasticité de la base imposable au taux de taxation et diminue le niveau de redistribution à l’équilibre.
EN:
This paper presents a model of fiscal competition between two identical jurisdictions. The population in each jurisdiction is divided in three income classes and chooses non-cooperatively, by majority voting, its redistributive policy anticipating correctly the migration flows that will result and taking as given the policy choice of the other jurisdiction. Decreasing returns on the labour market balance migration flows. By contrast with the existing literature, we focus on the interaction between the mobility of each class.
Our model suggests that if the benefit of taxation for the decisive voter is large enough, then the poor may accompany the rich where the tax rate is lower to benefit from a better tax base. In this case, the mobility of the poor counter-balances the effect of the mobility of the rich on the tax base and therefore leads to a higher equilibrium level of redistribution. However, the analysis also reveals that if the decisive voter has a low benefit of taxation, the poor would migrate in opposite direction of the rich, which increases the elasticity of the tax base and leads to a lower equilibrium level of redistribution.
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Analyse de l’effet des règles d’obtention d’un permis de conduire au Québec (1991) sur la sécurité routière
Georges Dionne, Claire Laberge-Nadeau, Urs Maag, Denise Desjardins and Stéphane Messier
pp. 269–332
AbstractFR:
La réglementation de la sécurité routière a été l’objet de plusieurs études. Sa principale motivation est reliée aux externalités que certains conducteurs peuvent générer à d’autres individus (conducteurs, piétons) et qui ne peuvent être tarifées directement par différents marchés privés. L’objectif de notre recherche est d’évaluer l’effet des règles d’obtention d’un permis de conduire au Québec (1991) sur les taux d’accidents des nouveaux conducteurs. Il n’est pas toujours évident qu’un changement de réglementation affectera le niveau d’équilibre de prévention routière dans une société. Dans cette recherche, nous vérifions que l’effet de la réforme n’est pas significatif sur les taux d’accidents et ce, ni pour l’ensemble des nouveaux conducteurs, ni pour l’ensemble des nouvelles conductrices, et ni pour chaque groupe d’âge analysé séparément. Par contre, il y a clairement des effets d’âge sur les taux d’accidents. Les nouveaux conducteurs comme les nouvelles conductrices âgés de 20 ans et plus, sont moins à risque d’avoir un accident que ceux et celles âgés de 16 ans à l’obtention du permis. Les nouveaux conducteurs âgés de 17 ans et ceux âgés de 18-19 ans enregistrent des risques semblables aux 16 ans. Ces variations entre les groupes d’âges montrent une grande hétérogénéité des nouveaux conducteurs et conductrices même durant leur première année de conduite alors que la réglementation de 1991 des nouveaux conducteurs et conductrices les considérait comme homogènes. Nous avons également vérifié si l’expérience accumulée durant la première année affecte les taux d’accidents. Nous obtenons que les taux moyens d’accidents observés durant les trois premiers mois chez les femmes et les quatre premiers mois chez les hommes, sont plus élevés que ceux des périodes subséquentes de 30 jours.
EN:
Road safety regulation has been the object of many studies. Its main motivation is related to externalities between individuals (drivers, pedestrians) that cannot be priced directly in different private markets. The object of this research is to evaluate the effects of the change in the regulation (Quebec 1991) on access to the driving permit on crash rates. It is not always evident that a regulation change will affect the equilibrium level of safety in a given society. We found that the 1991 reform had no significant effect on crash rates, be it for all new drivers, male drivers, female drivers, or any age group taken separately. However, there is an age effect on accidents. New drivers, male and female who are at least 20 years old, are at a lower risk than those 16 years old when obtaining the permit. Male drivers who are 17 or 18-19 years old have similar risks as the 16 year old. These differences between age groups show a great heterogeneity among the new drivers even in their first year, but the 1991 regulation treated all new drivers uniformly. We have also investigated the effect of experience during the first year on crash rates. Average rates for the first three months for women and for the first four months for men are higher than the rates for the subsequent months.
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Comptabilité générationnelle et vieillissement démographique : les enseignements d’un modèle d’équilibre général calculable calibré pour la Belgique
Frédéric Docquier, Philippe Liégeois and Jean-Philippe Stijns
pp. 333–356
AbstractFR:
Dans la plupart des pays développés, un vieillissement démographique important s’annonce. À politique économique inchangée, ce vieillissement générera un accroissement important des charges supportées par les individus jeunes et actifs, présents et à venir, et donc une détérioration de la situation des générations futures. Dans ce débat, la comptabilité générationnelle d’Auerbach et al. (1991, 1994) et Kotlikoff (1992) occupe une place prépondérante. Elle permet, en effet, de comparer le bilan fiscal moyen des générations à venir avec la charge supportée par les générations actuelles.
Nous proposons dans ce papier une extension immédiate de la comptabilité générationnelle d’Auerbach et al., qui consiste à estimer, de manière mécanique, la distribution de la charge léguée entre les générations futures. En supposant que la taxe sur les salaires équilibre le budget de l’État à chaque période, il ressort que ce sont les générations qui atteignent l’âge adulte entre 2020 et 2035 qui supportent la charge la plus forte. Les résultats sont établis sur base de données valables pour la Belgique.
Puis nous comparons les enseignements de cette approche avec les résultats livrés par un modèle d’équilibre général dans lequel les agents ont une durée de vie incertaine. Ce type de modèle restitue un ensemble de grandeurs établies sur base d’hypothèses de comportement rationnel des individus et d’équilibre des marchés. Il nous montre que les écarts entre les charges supportées par les individus actuellement en vie et ceux à naître pourraient être beaucoup plus prononcés que ceux dégagés par une simple extrapolation mécanique. Cet effet est essentiellement dû à un rétrécissement des bases fiscales résultant d’une hausse du taux de taxation des salaires.
EN:
In most developed countries, the age distribution of the population is shifting rapidly towards the elderly. If transfers and the tax schedule are unchanged, future generations will then have to bear an increased charge and, consequently, they could be deprived.
This process is the subject of much debate, using tools like the Auerbach et al. (1991, 1993) and Kotlikoff's (1992) generational accounting. These aim to compare the mean charge to be borne by future generations with the net payments of the people presently alive.
In this paper, we first propose an immediate extension of the Auerbach and Kotlikoff's standard generational accounting. We mechanically evaluate the distribution of the inherited charge between the future generations. If we suppose that the income tax is adapted on a yearly basis to meet the instantaneous public budget constraints, for a given debt ratio, people born at the beginning of the next century will be the most charged. These results are presented for the Belgian case.
We then extend the Auerbach and Kotlikoff's standard generational accounting by developing a computable general equilibrium model with overlapping generations in which lifetime is uncertain. The general equilibrium approach yields results that are compatible with the hypothesis of an individual's rational behaviour and with the balancing of the markets. It is shown that the gap occurring between the charges borne by the present generations and the individuals to be born could be much higher than the one estimated through a simple mechanical methodology. This results from a shrinkage of the fiscal basis due to a higher tax on wages.
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Le secteur public : moteur de croissance ou obstruction à l’industrie?
Leonard Dudley and Claude Montmarquette
pp. 357–377
AbstractFR:
Trois mesures sont proposées dans la littérature récente pour évaluer l’impact des dépenses gouvernementales sur la croissance économique : premièrement, la croissance du revenu per capita est régressée sur la taille relative du secteur public, deuxièmement, la croissance du PIB est régressée sur le taux de croissance de la consommation publique et, enfin, on a effectué des tests de causalité à la Granger entre les dépenses publiques passées et l’output courant. Les trois mesures fournissent des conclusions contradictoires : l’une suggère que le secteur public devrait être réduit, l’autre qu’il devrait être important et, la dernière, que cela n’a pas d’importance. Dans cet article, nous contournons les problèmes reliés à chacune de ces approches en considérant un modèle dans lequel le gouvernement maximise l’output sous la contrainte d’un contrat social qui fixe les parts des dépenses de consommation publique et des transferts. Nous trouvons que la consommation publique a un effet positif et les transferts un effet négatif sur la productivité totale des facteurs. Si les transferts sont contraints de représenter la moitié du secteur public, la taille optimale de l’ensemble du secteur public est d’environ 25 % du PIB.
EN:
Three commonly used measures of the impact of public spending yield conflicting results: one suggests that the public sector should be small, another that it should be large, and the third that it does not matter. Here, we avoid the problems of each approach by formulating a model in which the government maximizes output subject to a social contract that fixes the spending shares of public consumption and transfers. We find that public consumption has a positive effect and transfers a negative effect on output. The optimal size of the total public sector is about 25 percent of GDP.
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Régulation des risques et insolvabilité : le rôle de la responsabilité pour faute en information imparfaite
Claude Fluet
pp. 379–399
AbstractFR:
Avec la règle de la responsabilité sans faute, un agent potentiellement insolvable est incité à prendre insuffisamment de précautions dans la pratique d’activités imposant des risques à des tiers. La règle plus courante de la responsabilité pour faute peut pallier ce problème puisqu’elle conditionne la responsabilité légale sur le comportement de prévention de l’agent, observé ex post. Cet article généralise l’analyse de la responsabilité pour faute au cas où la cour n’obtient qu’une information imparfaite sur le comportement de l’agent. En particulier, je montre que le critère juridique de la prépondérance de preuve est compatible avec l’efficacité incitative.
EN:
Under the tort law strict liability rule, a potentially judgment proof agent will take suboptimal care in the conduct of risk generating activities, thereby imposing excessive risks on third parties. The more common negligence rule can alleviate this problem by conditioning liability on the agent's actual level of care, observed ex post. This paper extends the analysis of the negligence rule to the case where courts can obtain only imperfect information on the level of care. In particular, I show that the legal practice concerning standards of proof is compatible with incentive efficiency.
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L’imposition des revenus de l’investissement en Europe, une hétérogénéité coûteuse
Marcel Gérard
pp. 401–426
AbstractFR:
L’imposition des revenus du capital en Europe est caractérisée par l’autonomie de juridictions parcellisées d’une part, l’intégration du marché du capital d’autre part. Cette situation ouvre la voie à une concurrence entre juridictions coûteuse en termes de bien-être, tant du fait des pertes de recettes fiscales qu’elle implique, que des modifications qu’elle induit dans la distribution de la charge des dépenses publiques et l’allocation des dépenses des États. Dans cet article nous commençons par décrire cette situation, ensuite nous en proposons une analyse, lecture selon la grille du discours économique sur les finances publiques, enfin nous discutons quelques pistes pour sortir de cette hétérogénéité coûteuse.
EN:
Taxation of capital income on the European Union territory is characterised by the autonomy of parcelled jurisdictions on one hand, and by the integration of capital market on the other hand. Such a situation prepares the way for an interjurisdictional competition. Such competition is costly in terms of social welfare, due to the involved loss of tax revenue and the induced changes in the distribution of public finances' charge and in the allocation of governments' expenditures. In this article we first describe that situation; then we propose an analysis based on standard public finance theory, and, finally we discuss some avenues to abandon that costly heterogeneity.
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Transferts financiers et optimum coopératif international en matière de pollutions-stocks
Marc Germain, Philippe L. Toint and Henry Tulkens
pp. 427–446
AbstractFR:
Il est bien connu que le caractère transnational de certains problèmes d’environnement requiert que les pays concernés coopèrent afin d’atteindre l’optimum social. Parmi les nombreuses contributions qui ont traité des difficultés que cette coopération est susceptible de poser, beaucoup ne traitent que de pollutions qui ne s’accumulent pas. En revanche, nombre d’articles qui prennent en compte la dimension dynamique du problème quand il y a accumulation du polluant laissent de côté le problème de la mise en oeuvre volontaire de l’optimum international. La présente contribution vise à dépasser les limites précitées. Recourant à la fois à la théorie des jeux coopératifs et à celle des jeux différentiels, on établit au moyen de transferts financiers une répartition des coûts de dépollution entre pays qui rend la coopération à la fois individuellement rationnelle et rationnelle au sens des coalitions.
EN:
It is well known that the transnational character of many environmental problems requires cooperation amongst the countries involved, if a social optimum is at all to be achieved. Most of the numerous contributions which deal with the problems raised by this cooperation only deal with pollutants that do not accumulate. On the other hand, a lot of contributions which deal with the dynamic dimension of the problem when the pollutant accumulates leave aside the issue of the voluntary implementation of the international optimum. The aim of the present contribution is to overtake the two above limitations. Using both cooperative game theory and differential game theory, we define by means of sidepayments a sharing scheme of the abatement costs between countries which makes cooperation both individually rational and coalitionally stable.
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Assurance-maladie : comment adapter les taux de remboursement aux dépenses individuelles de santé?
Barbara Lipszyc and Maurice Marchand
pp. 447–473
AbstractFR:
Nous considérons un modèle d’assurance-maladie dans lequel les agents ne se différencient que par la gravité de la maladie qui les atteint. L’État cherche à maximiser l’espérance d’utilité des assurés et décide en conséquence de rembourser une fraction des dépenses de santé. En l’absence d’aléa moral ex post, suivant lequel la décision individuelle de dépenses de santé est affectée par leur taux de remboursement, celui-ci pourrait être de 100 %. Cependant, avec aléa moral, la gratuité des soins n’est plus de mise. Après une brève présentation du cas d’un taux de remboursement uniforme, nous envisageons d’abord une structure de remboursement à deux taux, le premier s’appliquant en dessous d’un certain seuil de dépenses et le second au-delà du seuil. Nous voulons connaître la valeur relative de ces deux taux de remboursement, ainsi que le montant du seuil. Ensuite nous montrons les caractéristiques d’un remboursement non linéaire, qui nous rapproche un peu plus de la solution de premier rang. Des exemples numériques illustrent les développements analytiques et montrent comment le partage des risques entre bien-portants et malades et la perte d’efficacité due à l’aléa moral varient selon le schéma de remboursement.
EN:
We consider a health insurance model with heterogeneous agents who only differ in illness severity. The public insurer intends to maximize the expected utility of people insured taking into account the premium paid by them to balance the insurer's budget. Without any ex post moral hazard, the reimbursement rate would be set at 100%. But with moral hazard, the individual decision, as regards medical expenses, varies with this rate. After a short presentation of the single rate case, we consider a two-rate reimbursement structure, with a threshold defining the scope of each rate, the one applying below the threshold and the other taking effect above this cut-off point. We want to determine the relative value of these two rates, as well as the amount of the threshold. Then we characterize a non-linear reimbursement, which is closer to the first-best solution. Some numerical simulations illustrate the analytical developments. They show how the reimbursement structure affects the risk sharing between the healthy and the sick and the efficiency loss caused by moral hazard.
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Prudence fiscale, indicateurs d’endettement et évolution de l’état des finances des administrations publiques au Canada
Alain Paquet
pp. 475–518
AbstractFR:
Ce texte discute de la mesure, des causes et des conséquences de l’endettement public et revoit divers indicateurs d’endettement, de solvabilité et de prudence fiscale. Après avoir présenté une analyse descriptive et comparative de la situation de la dette publique des gouvernements au Canada et ailleurs dans le monde, nous évaluons la solvabilité des gouvernements au Canada. Finalement, nous construisons des indicateurs de prudence fiscale pour les gouvernements fédéral et québécois qui révèlent dans quelle mesure les politiques financières poursuivies ont été insoutenables.
EN:
This paper discusses the measurement, the causes and the implication of public indebtedness. Several indicators of indebtedness, solvency and fiscal prudence are also reviewed. Having presented a descriptive and comparative analysis of public indebtedness of the various levels of government in Canada and elsewhere, we assess the solvency of governments in Canada. Finally, we construct indicators of fiscal prudence for the Federal and the Quebec governments that reveal to which extent the fiscal policies that were followed were unsustainable.
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Comment lutter contre le chômage lorsque les travailleurs sont hétérogènes?
Yves Zenou
pp. 519–536
AbstractFR:
Dans cet article, nous proposons une explication différente du chômage fondée sur l’introduction explicite de l’hétérogénéité de la main-d’oeuvre et des entreprises sur le marché du travail. Le chômage est dû ici à la fois à un problème d’appariement entre le niveau exigé par les entreprises en terme de qualification et celui des individus, et aux fluctuations incertaines de la demande des produits. Dans ce contexte, nous tentons d’évaluer les différentes politiques qui permettent de réduire le chômage : allocations chômage, salaire minimum, subvention de la formation professionnelle.
EN:
In this paper, we propose a different explanation of unemployment based on both workers' and firms' heterogeneity in the labor market. Indeed, even though workers have the same general human capital level, they differ in their ability of learning a specific technology whereas firms are heterogeneous in their job requirement. In this framework, we show that unemployment is due to both job mismatch and uncertain fluctuations of product prices. We then contemplate different policies aiming at reducing unemployment: reducing unemployment benefits, establishing a minimum wage, subsidizing specific training.