Résumés
Résumé
Compte tenu que les devoirs et leçons se trouvent confinés entre les pratiques traditionnelles qu’ils incarnent et les diverses remises en question qu’ils engendrent, il est apparu nécessaire de se pencher sur la perception des élèves à l’égard de cette pratique. Dans cet esprit, 43 élèves des 1er et 2e cycles du primaire répartis dans cinq écoles de la Mauricie ont été invités à participer à des entrevues de petits groupes (en deux temps). Les résultats montrent que les aspects positifs perçus sont associés à un meilleur apprentissage et de meilleures chances de réussite scolaire, tandis que les aspects négatifs sont attribués, entre autres, aux horaires familiaux chargés et à la fatigue accumulée au cours de la journée. Il serait pertinent, dans des études ultérieures, de s’attarder plus spécifiquement aux élèves ayant des difficultés et d’effectuer une réflexion collective sur les devoirs et leçons au sein d’une même école.
Mots-clés :
- élèves,
- devoirs,
- perceptions réussite scolaire
Abstract
Considering the changes regarding homework over time, in depth knowledge on students’ perceptions on homework is essential to understand their usefulness and benefits. This could also help minimize their negative effects. Concerned about the evolution of these perceptions over time, sixty-three students in elementary cycles 1 and 2 from five Mauricie schools were invited to participate in two focus groups. The results show that some positive aspects perceived by students include better understanding of curricular content and academic achievement. On the other hand, negative aspects were attributed to crowded family schedules and fatigue accumulated during the day. It would be important that future studies focus specifically on students with special needs. Moreover, further thought should be given to the role of homework within the same school setting.
Keywords:
- students,
- homework,
- perceptions,
- academic achievement
Corps de l’article
Dans le Dictionnaire actuel de l’éducation (2005), les devoirs sont constitués des travaux que les élèves doivent exécuter en dehors de l’horaire régulier de l’école, alors que les leçons sont composées des éléments de contenus devant être appris par les élèves. Plus concrètement, le Petit Larousse (2006) associe le travail oral aux leçons, et le travail écrit aux devoirs. Bref, les devoirs et leçons sont définis en termes de tâches à réaliser à la maison à la suite d’une demande de l’enseignant (Brossard, Bédard-Hô, Pagé, Goupil, Lusignan et Zayed, 1995; Cooper, 1989b; Corno, 1996). La problématique entourant les devoirs et leçons est complexe, compte tenu de la multitude de facteurs qui interviennent tels que les caractéristiques et les ressources des élèves et des familles ainsi que les pratiques des enseignants et des parents (Cooper et al., 2000). C’est donc dire que les devoirs et leçons se situent à l’intersection entre les préoccupations et les attentes de la famille et de l’école. Dans l’idée d’apporter un éclairage nouveau par la voix des principaux intéressés, cet article s’attarde à la perception des élèves. Ainsi, il présente les résultats d’une étude longitudinale[1] visant entre autres à examiner les représentations des élèves du primaire à l’égard des devoirs et leçons. Il rend compte, principalement, des résultats qui découlent de l’analyse des données qualitatives recueillies auprès de 43 élèves.
1. Les devoirs et les leçons : entre tradition et remises en question
Bien que plusieurs textes étatsuniens abordent les devoirs et les leçons dans une perspective historique, peu de textes québécois en font de même. Ceci dit, Charland (2005) en dresse un portrait fort intéressant qui permet rapidement de constater l’évolution importante de la fonction des devoirs et des leçons au cours des derniers siècles. Ainsi, au début du 17e siècle, les devoirs pouvaient prendre différentes formes, comme par exemple contribuer au développement du mobilier scolaire en demandant aux élèves d’apporter une bûche qui faisait office de banc. Selon l’auteur, c’est à partir du 19e siècle jusqu’au début du 20e siècle que les devoirs et les leçons ont commencé à prendre la forme que l’on connaît aujourd’hui. Par exemple, les pensionnaires de collèges dirigés par les communautés religieuses avaient une heure d’étude de prévue dans leur horaire chaque soir. Dans le but de préserver les bonnes moeurs que ces jeunes filles ou jeunes garçons avaient acquises durant l’année scolaire, on leur demandait de correspondre avec leurs enseignants pendant les vacances et on leur imposait des devoirs de vacances afin, disaient les communautés religieuses responsables de la direction des collèges, de « les préserver de l’oisiveté, toujours mauvaise conseillère » (Charland, 2005, p. 141). Précisons que la littérature américaine associe aussi aux devoirs et aux leçons une fonction d’éducation à la discipline des enfants (Cooper, Lindsay, Nye et Greathouse, 1998).
Charland (2005) suppose que les élèves fréquentant les écoles dites « publiques » devaient eux aussi faire des devoirs et des leçons lorsqu’ils rentraient le soir à la maison. En effet, ces élèves étaient soumis à des examens publics à la fin de l’année scolaire. Orchestrés par le bureau des examinateurs, ils avaient pour but de vérifier ce que les élèves avaient appris durant l’année. Pour réussir à obtenir de bons résultats, on suppose que les élèves devaient réviser ce qu’ils avaient appris durant l’année scolaire. Une fois de plus, l’histoire américaine est ici similaire alors que les enfants fréquentant les écoles publiques avaient eux aussi des devoirs et des leçons :
At a time when students were required to say their lessons in class in order, to demonstrate their academic prowess, they had a little alternative but to say those lessons over and over at home the night before. Before a child could continue his or her schooling through grammar school, a family had to decide that chores and other family obligations would not interfere unduly with the predictable nightly homework hours that would go into preparing the next day’s lessons.
Gill et Schlossman, 2004, p. 175
Notons qu’avant les années 1950, tant l’histoire américaine que québécoise rend compte d’un manque de consensus chez les professionnels de l’éducation et la population générale relativement au bien-fondé des devoirs et des leçons (Gill et Schlossma, 1996; 2000, 2004; Brossard et al., 1995). Ainsi, plusieurs questionnent les devoirs et les leçons puisqu’ils suscitent des réactions négatives, ils misent sur un procédé pédagogique au détriment d’un autre (mémorisation versus résolution de problème), ils obligent à l’intrusion dans le temps personnel des élèves, ils amputent le temps des loisirs extérieurs, etc. (Cooper et al., 1998; Gill et Schlossman, 2004). Étonnamment, les années 1950 à 1960 amènent plutôt un vent d’enthousiasme face aux devoirs et aux leçons alors que l’on y associe une fonction d’aide à l’amélioration et au succès chez l’élève (Gill et Schlossman, 2000; 2004). De 1970 à 1990, les États-Unis y donnent une importance accrue dans un élan de valorisation de l’excellence académique (Gill et Schlossman, 2004). Plus près d’ici, pendant cette même période, les opinions des québécois sont toujours partagées. Certains parents :
trouvent que leurs enfants et eux-mêmes auraient mieux à faire que de passer au moins une heure tous les soirs à se disputer à leur propos [les devoirs]. Des enseignants ou des enseignantes […] pensent que cela ne donne rien parce que beaucoup d’élèves copient les devoirs des autres, ou qui ne veulent pas avoir à sévir lorsque les élèves ne les font pas.
Brossard et al., 1995, p. 15
D’autres parents affirment vouloir maintenir les devoirs et leçons et plusieurs enseignants se déclarent plutôt favorables à ce travail hors classe. Notamment, ces derniers considèrent que grâce aux devoirs et leçons, les élèves se forment à l’autodiscipline, deviennent plus autonomes, acquièrent une bonne méthode de travail et obtiennent de meilleurs résultats scolaires.
Sur une note plus actuelle, la question des devoirs et leçons demeure complexe. Bien qu’il n’y ait pas de consensus en faveur des devoirs et leçons, il s’agit d’une pratique omniprésente dans le système scolaire (Hong, Wan et Peng, 2011). Ce bref survol de l’évolution des devoirs et leçons au cours des derniers siècles permet de mettre en lumière combien cette pratique incarne une tradition du système scolaire. De ce fait, les réflexions et remises en question autour de cette pratique sont nécessairement teintées du désir de maintenir cette tradition. Malgré cela, ce survol démontre aussi combien la nécessité et la valeur des devoirs et leçons ne font pas l’unanimité. D’une part, certaines études récentes mettent en lumière que les devoirs et leçons sont associés au développement de comportements autorégulés puisque les élèves s’y engagent de manière autonome leur permettant d’être responsables et de développer des habiletés de travail (Bembenutty, 2009; Kitsantas et Zimmerman, 2009; Ramdass et Zimmerman, 2011). Toutefois, diverses recherches actuelles demeurent nuancées quant à leurs impacts sur le rendement scolaire (Cooper, 1989; 2001; Muhlenbruck, Cooper, Nye et Lindsay, 2000; Ramdass et Zimmerman, 2011). Elles mettent en lumière que les devoirs et leçons sont plus efficaces pour les élèves plus âgés (middle et high school), principalement lorsque l’on considère la qualité avec laquelle ils sont réalisés (Cooper, Robinson et Patall, 2006; Plant, Ericsson, Hill et Asberg, 2005). Pour Vatterott (2011), deux grands défis font obstacle à la contribution réelle des devoirs et leçons sur le plan des apprentissages. Premièrement, certains enseignants et certains élèves ont tendance à considérer les notes relatives aux devoirs comme des récompenses pour le travail accompli plutôt qu’en termes de rétroactions à l’apprentissage. Deuxièmement, les élèves ne comprennent pas toujours que les devoirs et leçons sont directement liés à l’apprentissage en salle de classe. Afin de clarifier l’ambiguïté de cette situation, il nous semble nécessaire de s’intéresser à ce que les élèves eux-mêmes peuvent nous livrer à ce sujet.
2. La nécessité de s’intéresser à la perception des élèves
La question des devoirs et des leçons occupe une place importante dans la littérature scientifique. Ainsi, plusieurs auteurs ont fait des devoirs et des leçons un objet d’étude examiné sous divers angles, dont la charge de travail (Gill et Schlossman, 2003; 2004), le temps que les élèves leur consacrent (Brossard et al.,1995; Cooper, Lindsay, Nye et Greathouse, 1998; Deslandes, 2005), et leur lien avec le rendement scolaire (Brossard et al., 1995; Cooper, 1989a; 2001; Deslandes, Royer, Potvin et Leclerc, 1999; Epstein, 2001). D’autres ont examiné la question des devoirs et leçons du point de vue des enseignants (Corno, 1996; Deslandes, 2009) ou des parents (Deslandes, Rousseau, Rousseau, Descôteaux et Hardy, 2008), alors que d’autres ont cherché à connaître les raisons pour lesquelles un enseignant devrait ou non demander à ses élèves de faire des devoirs et des leçons (Bryan, Burstein et Bryan, 2001; Corno, 1996; Cooper et Valentine, 2001). Bien que l’ensemble de ces travaux permettent d’accroître notre connaissance relativement à cet objet d’étude, ils restent souvent silencieux relativement à la perception des jeunes.
En effet, comment les élèves perçoivent-ils les devoirs et les leçons? Ces perceptions sont-elles les mêmes tout au long du primaire ou changent-elles au fur et à mesure que les exigences et les attentes de l’école se modifient? Ces perceptions pourraient-elles contribuer à une utilisation judicieuse des devoirs et des leçons selon le cycle de l’élève? À l’instar de Brossard et ses collègues (1995), de Goupil, Comeau et Doré (1997), de Perrenoud (2004) et de Warton (2001) ayant abordé succinctement cet angle il y a de cela plusieurs années déjà, nous sommes d’avis que la communauté scientifique doit s’intéresser à la façon dont les élèves perçoivent les devoirs et les leçons. Cette perception nous semble essentielle pour mieux comprendre comment aborder dans la pratique cet aspect du travail scolaire. Rappelons-le, la perception qu’ont les élèves du travail à accomplir influe sur leur motivation à s’y investir. Ainsi, les élèves cherchent le sens que peuvent prendre ces tâches pour eux, ce qu’elles peuvent leur apporter (Archambault et Chouinard, 2009; Viau, 2009). En toute logique, le sens qu’ils donnent aux devoirs et leçons et la perception qu’ils en ont affectent la motivation avec laquelle ils les réalisent. D’ailleurs, Hong, Wan et Peng (2011) mettent en lumière que bien que certains élèves voient des avantages aux devoirs et leçons sur le plan de leur rendement, plusieurs accordent de moins en moins de valeur intrinsèque et utilitaire à ces tâches en avançant en âge. Par le fait même, leurs attitudes sont moins positives et ils sont moins motivés. Toujours selon ces auteurs, une perception positive de la valeur des devoirs et leçons est nécessaire afin de donner un sens à ces tâches, voire d’augmenter les performances scolaires. C’est dans cet esprit que cette étude s’est intéressée à la perception des élèves.
3. Approche méthodologique
Une approche qualitative a permis de répondre à l’objectif de recherche, soit d’analyser les perceptions des élèves du primaire relativement aux devoirs et aux leçons. Ainsi, une quête d’informations contextualisées (Van der Maren, 2003) a permis de colliger des données suscitées, c’est-à-dire « des données produites dans une interaction entre l’enquêteur et l’informateur » (p. 141). Des entrevues de petits groupes ont donc été menées auprès d’élèves des 1er et 2e cycles du primaire répartis dans cinq écoles de la Mauricie (T1). Interpellés par l’évolution des perceptions dans le temps, nous avons invité les élèves à participer à une deuxième entrevue de petits groupes l’année suivante (alors qu’ils étaient toujours dans le même cycle) (T2). Comme l’illustre le tableau 1, 43 élèves ont participé au T1 à l’intérieur de cinq entrevues de petits groupes, soit 20 élèves de 1er cycle (11 filles et 9 garçons) et 23 élèves de 2e cycle (9 filles et 14 garçons). De plus, 20 élèves ont participé au T2 à l’intérieur de quatre entrevues de petits groupes, soit 7 élèves de 1er cycle (2 filles et 5 garçons) et 13 élèves de 2e cycle (6 filles et 7 garçons). L’attrition entre la première et la deuxième entrevue est attribuable, entre autres choses, à la nécessité de solliciter de nouveau la signature d’un protocole de consentement par les parents, le premier formulaire ne couvrant pas l’entièreté de la durée du projet. Les données relativement à l’âge des élèves n’ont pas été colligées. Les entrevues de petits groupes ne permettent pas non plus de distinguer les perceptions selon le sexe de l’élève.
Le protocole de l’entrevue de petits groupes au temps 1 contenait cinq questions et celui au temps 2 contenait huit questions visant à mieux comprendre les fonctions et les retombées associées aux devoirs et leçons selon les élèves du primaire. Les protocoles ont été adaptés aux compétences langagières des élèves du primaire. À titre d’exemple, il leur a été demandé : « Trouves-tu que les devoirs et les leçons sont importants pour un élève de (niveau de l’élève)? »
« Est-ce qu’il t’arrive d’avoir de la difficulté durant ta période de devoirs et de leçons? » « Qu’est-ce que tes parents font pour t’aider dans tes devoirs et tes leçons? »
Toutes les entrevues ont été enregistrées sur bandes audio et retranscrites intégralement (verbatim). Une méthode d’analyse de contenu inductive est employée (attribution d’un code à un segment de verbatim, catégorisation des codes, émergence de thèmes) avec l’assistance du logiciel N’Vivo. L’ensemble des codes (T1 = 474 énoncés et T2 = 242 énoncés) ont été regroupés en quatre thèmes, soit : 1) la perception de l’élève au primaire à propos de l’importance (utilité) des devoirs et leçons, 2) le déroulement de la période des devoirs et leçons, 3) la participation parentale, et 4) l’attitude de l’élève au primaire à l’égard des devoirs et leçons. Des extraits de verbatim sont présentés pour appuyer l’interprétation des données. La proportion du discours, présentée pour chacun des thèmes, vise uniquement à illustrer l’importance relative du thème en concordance avec la proportion des propos des élèves. Cette proportion illustre uniquement les thématiques qui suscitent le plus ou le moins d’échanges chez les élèves.
4. Résultats des analyses des perceptions des élèves
Les résultats des analyses des perceptions des élèves relativement aux devoirs et aux leçons comprennent d’abord l’importance relative du thème tel qu’en témoignent les proportions du discours pour ensuite aborder chacun des thèmes. Lorsque les perceptions se modifient au fil du temps (T1 vs T2), ces nuances sont précisées dans le texte.
Importance relative des thèmes
Comme en témoigne le tableau 2, quatre thèmes ressortent de l’analyse du discours des élèves. La proportion relative du discours permet de classer les thèmes dans l’ordre suivant : Déroulement des devoirs et leçons, participation parentale aux devoirs et leçons, attitude de l’élève à l’égard des devoirs et leçons, et perception de l’élève à propos de l’importance des devoirs et leçons. Notons toutefois qu’au fil du temps, la proportion du discours est plus élevée pour le thème « perception de l’élève à propos de l’importance des devoirs et leçons » que pour le thème « attitude de l’élève à l’égard des devoirs et leçons ».
4.1 Perception de l’élève au primaire à propos de l’importance (utilité) des devoirs et leçons
Ce thème aborde l’importance ou l’utilité des devoirs et leçons. On y traite les dimensions de perception positive et de perception négative.
4.1.1 Perception positive de l’importance ou de l’utilité des devoirs
La majorité des élèves du primaire 1er cycle considèrent que les devoirs et les leçons sont importants (T1 = 61 énoncés et T2 = 34 énoncés). Parmi les utilités mentionnées par les élèves, on retrouve :
l’apprentissage : « Pour apprendre à travailler en classe et à la maison »; « Ben y faut, y faut les faire parce [que] si t’es fait pas, tu vas rien apprendre »;
l’apprentissage de nouvelles connaissances : « Moi je trouve que c’est bien pour mieux apprendre de nouvelles choses »; « pour apprendre toutes les affaires qu’on a jamais entendues, qu’on a jamais lues »;
éviter le ridicule : « Bien parce que si tu ne sais pas, admettons lire, ben peut-être que tu vas faire rire de toi, pis ça ne sera pas le fun »;
devenir meilleur dans les compétences de base : « Ça m’aide à devenir meilleur les devoirs et les leçons parce que on apprend les choses, parce que ça nous apprend à écrire, à lire, à compter »;
à réussir à l’école : « Si on veut réussir, il faut que je fasse mes devoirs »;
la révision et la pratique : « Ça nous apprend à pratiquer à lire; « ça nous permet de relire tout ce qui est écrit, tout ce qu’on voit en classe »;
à prendre de l’avance : « Puis, on a du français alors on peut s’avancer dans notre français. On peut s’avancer dans notre lecture ».
Précisons qu’au 2e cycle du primaire, les propos des élèves traduisent l’importance des devoirs et des leçons pour un avenir scolaire plus prometteur : « il faut les faire parce qu’ils sont importants pour aller à l’autre école, pour aller dans une autre année »; « Tu risques plus de doubler ton année ».
De plus, au 2e cycle du primaire, les élèves se préoccupent déjà de leur avenir : « Si tu n’apprends pas, tu vas avoir de la misère à te trouver un travail, pis, si tu ne trouves pas un travail tu vas devenir pauvre »; « tu vas avoir une moins bonne job »; « pour bien apprendre ou sinon on ne va pas tellement avancer dans vie ».
L’analyse des données du temps 2 ne révèle aucune mouvance importante relativement à l’importance ou l’utilité des devoirs. Ceci dit, un accent est placé sur :
la préparation aux examens : « c’est les préparations à l’examen, [sinon], tu vas pocher c’est sûr »;
le passage au secondaire : « Ben moi je trouve que c’est important les devoirs parce que c’est une révision de ce qu’on a appris pis ça peut nous aider au secondaire »;
la crainte de l’échec, compromettant le passage au secondaire : « Puis en plus, ils ont réinstallé les examens du ministère, maintenant si on les poche, on ne va pas au secondaire, on va au présecondaire ».
4.1.2 Perception négative
Les perceptions négatives face aux devoirs et aux leçons vont rarement à l’encontre de leur importance ou leur utilité, et ce, ni au temps 1, ni au temps 2. Ceci dit, c’est plutôt la dimension de plaisir qui entre en jeux : « Je trouve ça important les devoirs, mais je n’aime pas ça »; « je trouve ça poche ». Les sentiments plutôt négatifs à l’égard des devoirs résultent :
d’un manque de compréhension de la matière étudiée ou des consignes qui régissent le devoir : « … y est marqué des choses, mais je ne comprends pas qu’est-ce qui est marqué »; « ... des fois… je ne savais pas trop quoi faire, avec mes devoirs »;
d’un manque de temps pour les loisirs : « … il y a tout le temps une ou deux ou trois émissions que j’écoute. Je ne suis pas concentrée, pis toute. Faut que tu fasses tes devoirs, faut que tu fasses ci, pis ça »; « … moi, je n’ai pas beaucoup de temps pour jouer ».
d’un manque d’intérêt pour la nature même du devoir : « […], mais des fois il y a des devoirs qui ont tellement pas rapport... C’est comme inutile, … on n’est pas con!; « Moi les leçons OK, mais les devoirs, pas pantoute [rire], c’est plate les devoirs ».
4.2 Perception des élèves relativement au déroulement de la période des devoirs et leçons
Ce thème aborde le déroulement de la période des devoirs et des leçons chez l’élève au primaire participant à l’étude. Six dimensions sont exposées : 1) perception positive du déroulement de la période des devoirs et des leçons; 2) perception négative du déroulement de la période des devoirs et des leçons; 3) organisation de l’espace (lieu); 4) organisation du temps (durée); 5) types de devoirs et leçons et; 6) difficultés et changements rencontrés pendant les devoirs et les leçons.
4.2.1 Perception positive du déroulement des devoirs et des leçons
En général, les élèves participant, tant au temps 1 qu’au temps 2, ont une perception positive du déroulement de la période des devoirs et des leçons : « Moi bien »; « Ça se passe bien ». Certains élèves spécifient que c’est la participation de leurs parents qui fait en sorte que cette période se passe bien : « Oui. C’est le fun parce que nos parents peuvent nous aider. »; « C’est un moment agréable parce que je les fais avec mes parents. »; « Cela va bien quand mes parents m’aident. » Pour d’autres, le bon déroulement de la période des devoirs et des leçons est relatif à leur humeur : « Ben moi, ça dépend. Quand que je suis marabout, bien, des fois, mais c’est rarement. D’habitude, ça se passe bien. »
4.2.2 Perception négative du déroulement des devoirs et des leçons
Les perceptions négatives à l’égard du déroulement des leçons sont attribuables à :
un manque de compréhension dans la tâche à effectuer : « Des fois, je ne comprends pas les choses »;
une difficulté dans la réalisation des devoirs et des leçons : « Ouais. Des fois, je trouve ça difficile »;
une trop longue durée de la période des devoirs et des leçons : « … C’est plus long pour moi que les autres…, je pense qu’ils sont capables de faire mieux que moi…, je pense que ça va plus vite dans les autres maisons »;
une période conflictuelle à la maison : « Je n’aime pas vraiment ça parce que… mes parents me chialaient toujours après quand j’avais des fautes. Maintenant là, ils ont un travail, je peux les faire tout seul. »; à l’inverse, un élève trouve la période des devoirs plus difficile depuis l’absence de ses parents pour cette période : « Ben moi, je trouve cela bien plus difficile. Sauf qu’avant mes parents étaient plus là pour m’aider. Et là, ils ne sont jamais là. Je suis obligé de faire mes devoirs tout seul. C’est long et c’est plate. »
4.2.3 Organisation de l’espace (lieu)
La majorité des élèves participant au projet font leurs devoirs et leçons à la maison, et ce, dans plusieurs endroits, « la cuisine » étant la pièce nommée la plus souvent. Les autres endroits mentionnés par les élèves sont : le salon, la chambre à coucher et la table de pique-nique (les journées chaudes). Seuls deux participants déclarent faire leurs devoirs dans la bibliothèque ou dans l’autobus sur le chemin du retour à la maison.
L’espace choisi peut aussi correspondre à l’endroit où l’un des parents est présent : « Dans le salon, ben des fois mon père lit le journal. Pendant que papa lit le journal, moi je lis des livres de lecture. »; « C’est quand c’est des affaires de français que je les fais dans la cuisine. Ma mère est souvent dans la cuisine faque elle peut m’aider. »
Le choix de l’endroit peut aussi résulter de la nature de la tâche à effectuer : « […] Ben quand c’est de la lecture j’aime mieux ça dans le salon. » Les élèves sont aussi à la recherche de tranquillité, ainsi, ils « ferment les portes », évitent « les choses qui font du bruit » et au besoin, « [je] change de place » pour faire leurs devoirs et leçons dans le silence. Malgré ces précautions, des irritants demeurent, tels que la présence d’un chat; la présence des frères et soeurs; les amis qui frappent à la porte pour aller jouer; les bruits de la maison, dont les discussions à voix haute entre adultes. Étonnamment, le bruit de la télévision dérange peu, certains disent même « regarder la télé en même temps ». Toutefois « mettons quand que je trouve un problème dur ben là, je la ferme ou ben je ferme le son ».
Contrairement aux propos des participants recueillis au temps 1, les propos du temps 2 changent en ce qui a trait à l’endroit utilisé pour les devoirs et des leçons. Ainsi, certains font dorénavant leurs devoirs au service d’aide aux devoirs.
4.2.4 Organisation du temps
L’organisation des devoirs et des leçons est déterminée en grande partie par le mode d’assignation des enseignants. Ainsi, une majorité d’élèves reçoivent les devoirs de la semaine en début de semaine et en font un peu tous les jours. D’autres élèves précisent plutôt recevoir la liste des devoirs et leçons à effectuer aux deux semaines. Une fois cette assignation reçue, l’avis des élèves relativement au moment privilégié pour la réalisation des devoirs et leçons demeure partagé. Certains préfèrent travailler « à tous les jours » et selon une routine établie : « chaque soir, c’est toujours la même affaire; à telle heure, je fais ça et pis c’est toujours comme ça... C’est comme tout en ordre ». D’autres encore « pren[nent] ça relaxe », où encore, donnent un grand coup pour les compléter le plus rapidement possible : « D’habitude, je les fais toute le lundi, pour qu’après j’aie plus le temps pour jouer dehors avec mes amis »; « Ouais. Ben, à tous les lundis. Ouais. Pour avoir la paix. »
Quelques élèves semblent plutôt désorganisés : « Ben de fois, je me dis ça, je fais ça tel soir et des fois, je ne le fais pas »; « Moi, je les fais un peu n’importe quand, même si ça ne m’aide pas à m’organiser, là, […]. »
Les activités parascolaires ou le jeu ont une influence sur le moment pour faire les devoirs et les leçons. Ainsi, l’heure (avant ou après le souper) dépend des activités sportives, des loisirs ou de la disponibilité des parents.
Les élèves utilisent des stratégies pour faciliter la réalisation des devoirs :
commencer par le plus facile : « […] surtout, quand […] c’est des devoirs compliqués, je commence une affaire que j’aime le plus. Comme dans un dessert […]. Je commence par ce que j’aime le plus, pis je finis par ce que j’aime le moins. »
utiliser un aide-mémoire dans la chambre à coucher : « Moi pour étudier j’ai un truc, c’est à cause que le soir quand je suis dans mon lit je peux étudier parce que j’ai fait une feuille avec tous mes mots de vocabulaires et les verbes dessus. Pis je la colle à côté de mon lit, comme ça si j’ai rien à faire je peux les regarder et les étudier en même temps. »
Contrairement aux données recueillis au temps 1, les propos du temps 2 départagent le temps d’étude entre leurs devoirs et leurs leçons : « Ben si mettons je finis mes devoirs en premier mettons le lundi, le premier jour qu’elle me les donne, tout le reste de la semaine je peux étudier. »; « Ok, ben moi je fais toujours mes devoirs le lundi, faque le mardi j’étudie, pis après ça… le reste du temps, j’étudie... Pis comme le jeudi, j’étudie, j’étudie beaucoup pour l’examen qu’on a le lendemain. » Les propos recueillis au temps 2 révèlent aussi une préférence pour des routines d’étude.
La durée des devoirs et des leçons varie d’un élève à l’autre. Ceci dit, la plupart des élèves estiment que cette période est longue : « […] cela prend beaucoup de temps »; « […] ça prend une heure faire mes leçons. C’est long. »; « […] c’est trois heures »; « […] je travaille une heure une heure et demie en tout »; « […] c’est entre 45 minutes pis une heure ». Les élèves qui qualifient les devoirs et les leçons de courte durée leur accordent de 15 à 30 minutes : « C’est pas long, 30 minutes peut-être »; « Moi ça prend 20 minutes »; « Ben c’est court ça me prend rien que une demi-heure »; « […] ça me prend 10, 15 minutes maximum ».
Sans surprise, le temps consacré aux devoirs et aux leçons est influencé par la facilité ou la difficulté scolaire ou la matière étudiée : « Moi, moi [euh], un ça va quand même assez vite, […] mais moi, c’est avec l’anglais que j’ai de la misère. Là, cela peut me prendre plus de temps. »; « […] moi ça dépend genre si c’est mathématique pis, ben plus, ça va me prendre plus de temps que genre le français ou les choses plus simples. »
Les propos recueillis au temps 2 traduisent une hausse du temps consacré aux devoirs et leçons : « […] c’est devenu plus long. Avant, mes devoirs, ça me prenait 15 minutes pour tout faire. Maintenant des fois, ça va me prendre deux heures. »; « Pour les devoirs faciles, ça prenait genre une demi-heure maximum. Peut-être une heure c’était plus compliqué. Avant ça, cela me prenait moins de temps. »
Pour l’élève ayant un retard scolaire, la situation est encore plus difficile : « Ben comme au début de l’année, puisque je devais rattraper une année... […] Je faisais comme une heure et demie ou deux heures de devoirs pour arriver dans le temps, pi là je me couchais, j’étais fatigué ça avait pas de bon sens... Je dormais sur mon bureau, et puis le soir j’arrivais, je faisais encore deux heures de devoirs, […]. »
Enfin, la majorité des élèves disent ne pas remettre à plus tard la réalisation des devoirs et des leçons, et ce, soit pour éviter d’être « pressé » ou pour respecter les exigences des parents, et surtout les conséquences associées aux devoirs non faits (privation d’activités variées). Certains disent parfois reporter la réalisation des devoirs au lendemain à cause de la fatigue, de la nature répétitive des devoirs, de l’incompréhension de la tâche à effectuer, ou encore dû au manque de temps pour les compléter en raison de la durée des devoirs qui empiète sur le temps des repas ou sur l’heure du coucher.
4.2.5 Types de devoirs et de leçons
Au temps 1, les élèves déclarent que la majorité des devoirs sont consacrés au français et aux mathématiques par le biais de livres ou de guides prédéfinis tels que : « Mélissa, un livre en français, ou Allégro, en mathématique »; « Puis, il y a Zigzag. C’est avec plein de lettres pour faire de la calligraphie. »; « Petit guide, il s’appelle comme ça. Il faut répondre à des questions… entourer les verbes conjugués ou faire des phrases. Des fois, il y a les terminaisons si ça se termine par al au pluriel ça fait aux, pis il y a des exceptions. »; « On a aussi un cahier, ça s’appelle Compréhension de lecture. […] tu as un texte à lire, mais sur l’autre page, faut que tu répondes aux questions qu’il y a dans le texte. Pis des fois […] c’est ton opinion qu’il faut que tu écrives. »; « Oui ben les mathématiques aussi c’est ça, tu as comme un petit guide qui explique en haut avant qu’on commence. » Un seul élève parle d’activité de créativité telle que le dessin.
Au temps 2, les élèves disent continuer de travailler dans les livres et les guides prédéfinis en plus d’autres types de devoirs tels que l’avancement des projets.
Les deux devoirs les plus appréciés sont : la révision « … parce que des fois tu oublies un peu pis tu y repenses, pis après ça c’est moins dur de l’oublier parce que ça fait deux fois que tu le réapprends »; « Ça peut aider à ce que ce soit plus frais dans la mémoire. »; et la lecture « ça peut nous apprendre plein de choses »; « t’apprends les in, on, è, é pis tout ça là » (97: EP4HT2); « les verbes »; « tu apprends des nouveaux mots, des fois tu cherches dans le dictionnaire parce que tu ne sais pas ce que ça veut dire ».
4.2.6 Difficultés et changements rencontrés pendant les devoirs et les leçons
Pour certains élèves, la lourdeur des devoirs et des leçons est notable, on la qualifie même de « surcharge » ou « d’exagéré », et ce, qu’ils aient ou non difficultés scolaires.
4.2.6.1 Difficultés associées aux différentes matières scolaires
Les difficultés rencontrées par les élèves pendant les devoirs et les leçons sont souvent associées à l’une des trois matières suivantes : l’anglais, les mathématiques et le français. La complexité de certains exercices est soulignée; la complexité du travail à exécuter est aussi identifiée par les élèves : « Il y a des pages qui sont tellement comme trop, on va dire scientifiques, tu catches rien. »; « Ça n’a pas de bon sens comment c’est compliqué, faut quasiment avoir un bac en université pour pouvoir comprendre. »
4.2.6.2 Devoirs plus complexes
Au temps 2, les élèves relèvent des changements au niveau de la forme des devoirs et des leçons. Ainsi, le niveau de difficulté serait augmenté. Les élèves qualifient les devoirs de « plus difficiles »; « plus durs »; « plus importants » et « plus compliqués », et ce, dû au nombre d’exercices à réaliser ou au fait que les devoirs visent l’apprentissage de « nouvelles affaires surtout ». Les élèves considèrent également que le temps requis pour la réalisation des devoirs est aussi augmenté : « on en a foule »; « C’est la quantité qui a changé »; « c’est devenu plus long… des fois ça va me prendre deux heures ».
En réponse à la complexité grandissante des devoirs et à l’augmentation du temps requis pour les réaliser, un élève propose la solution suivante :
[…] les leçons, quand il n’y en a pas trop […], parce que si t’en as trop, t’en étudies tellement que tu te souviens même plus, […] il en faudrait comme juste un petit peu pis des devoirs […], moi je dirais que ce serait mieux si tu les choisissais toi-même. Parce que les devoirs […], c’est quelque chose de personnel. Oui, exemple un devoir en maths un devoir en français, tu choisis lequel, parce que là, si tu as une affaire full facile que toi tu sais full de même en cinq secondes, ça va pas t’aider pantoute. Ça pourrait aider quelqu’un d’autre, mais pas toi. Faque pourquoi tu ne les choisis pas toi-même? Selon le niveau de chacun, les forces et difficultés de chacun. Choisir les devoirs qui t’aideraient le plus.
4.3 Participation parentale aux devoirs et aux leçons
Ce thème aborde la participation parentale lors de la période des devoirs et des leçons. On y traite des dimensions suivantes : 1) engagement parental, 2) perception de la compétence parentale par l’enfant, et 3) personne « aidante » lors des devoirs et des leçons.
4.3.1 Engagement parental
L’engagement parental se traduit par l’implication directe, l’encouragement et/ou, au contraire, l’interférence des parents perçus par les élèves au moment des devoirs et des leçons.
Plusieurs élèves estiment que leurs parents participent aux devoirs et aux leçons : « Moi, elle (maman) est toujours alentour. Quand j’ai de la misère elle vient m’aider. »; « Ils font les devoirs et les leçons avec moi. Ils me font des dictées. » Des élèves disent aussi demander des conseils ou des explications à leurs parents : « Quand je ne comprends pas mes devoirs, je demande des conseils à maman. Elle m’aide. Cela va plus vite. Cela m’aide à comprendre. »; « Et ben, je demande des explications. Il m’explique des choses que j’ai pas encore compris. »
D’autres élèves mentionnent que leurs parents, tout particulièrement les mères, donnent des « indices », des « trucs » ou posent « des questions » pour les aider à trouver eux-mêmes la solution à leurs difficultés. Pour certains élèves, l’implication des parents (tant les pères que les mères) se traduit plutôt par la vérification ou la correction des devoirs, ou bien par la vérification des leçons après le retour du travail, alors que quelques parents, selon une minorité d’élèves, ont plutôt tendance à donner les réponses.
Seuls quelques élèves abordent l’absence d’implication de leurs parents lors de la réalisation des devoirs et des leçons. Ainsi, ces parents « ne vérifient pas mes devoirs à la fin de la journée »; « Ils s’en occupent pas » ou vérifient uniquement qu’ils ont été faits sans vérifier le contenu.
Les élèves estiment que leurs parents (particulièrement les mères) les encouragent régulièrement à faire leurs devoirs et leçons. Ces encouragements prennent plusieurs formes : les rétroactions positives telles que « bravo », « c’est beau » et « lâche pas »; les rétroactions incitatives telles que « vas-y mon gars, c’est l’heure »; « plus vite tu auras fini, plus vite que tu pourras prendre ton bain et t’amuser »; « plus vite tu fais tes devoirs, plus vite que tu pourras aller jouer avec tes amis »; et les rétroactions de persévérance et de satisfaction personnelle « continue, tu vas finir par comprendre »; « tu vas être contente de toi ». Selon plusieurs élèves, c’est particulièrement en situation de difficulté que leurs parents les encouragent. Seuls quelques élèves affirment ne pas recevoir d’encouragement de leurs parents.
4.3.2 Compétence parentale
Des élèves considèrent que leurs parents sont compétents et capables, totalement ou en partie, de les aider à faire leurs devoirs et leçons. Ceci dit, au temps 2, le niveau de compétence perçu varie en fonction de la matière étudiée. Plusieurs élèves semblent avoir recours à leur mère pour l’étude du français et à leur père pour l’étude des mathématiques. Le niveau de compétence perçu peut aussi varier en fonction de la capacité du parent à donner des explications claires, et ce, sans montrer d’irritation ou d’impatience en situation de difficultés. Les élèves estiment que c’est parfois difficile pour les parents d’aider en mathématiques dû à l’écart entre les différentes façons de résoudre un même problème. Par exemple : « Mais moi la plupart du temps faut que je m’arrange toute seule dans les mathématiques parce que mes parents, eux, ils ont appris la méthode d’avant. » Ceci dit, plusieurs élèves estiment que leurs parents « s’adaptent » aux nouvelles façons de faire. Certains élèves croient toutefois que leurs parents ne sont pas en mesure de les accompagner dans la réalisation de leurs devoirs, puisqu’ils « ne comprennent pas pantoute ! ».
4.3.3 Personne aidante dans la réalisation des devoirs et des leçons
La personne aidante désigne celle, autre que les parents, qui assiste les élèves dans la réalisation des devoirs et des leçons. Ainsi, outre le soutien parental, d’autres membres de la famille, dont les frères et les soeurs et occasionnellement les grands-parents, sont sollicités pour aider aux devoirs et aux leçons. Les enseignants sont aussi identifiés comme aide à la réalisation des devoirs et des leçons. Notons que la réalisation des devoirs en classe faciliterait la compréhension immédiate des problèmes plus complexes. Un retour sur les devoirs effectué dès l’arrivée à l’école le matin serait aussi très apprécié par les élèves.
4.4 Attitude des élèves à l’égard des devoirs et leçons
Ce thème aborde la notion d’attitudes des élèves à l’égard des devoirs et des leçons. Les attitudes positives, négatives, de même que les oublis et la persévérance y sont abordés.
4.4.1 Attitude positive à l’égard des devoirs et leçons
Certains élèves prennent plaisir à faire des devoirs et des leçons. Ainsi, ils disent « avoir le goût » et « aimer » ce temps d’étude, et ce, qu’il y ait ou non congé de devoirs. Ceci dit, pour une majorité d’entres eux, un facteur motivant la réalisation des devoirs et les leçons se traduit par le temps destiné aux activités ludiques et aux loisirs qui suivent cette période.
4.4.2 Attitude négative à l’égard des devoirs et leçons
L’attitude négative des élèves à l’égard des devoirs et des leçons semble associée au manque de temps dû aux impératifs familiaux (heure d’arrivée à la maison) ou encore aux jeux et loisirs limités compte tenu du temps consacré aux devoirs et aux leçons (de 15 minutes à 2 heures selon les propos des élèves, durée qui augmente entre le temps 1 et le temps 2). Ces jeux et loisirs, compromis par le temps consacré aux devoirs, comprennent les activités extérieures, les amis, les jeux vidéo et les émissions télévisées.
Outre le manque de temps, certaines attitudes négatives à l’égard des devoirs et des leçons résultent de difficultés dans une matière précise. Ainsi, les élèves disent anticiper et même détester certains devoirs : « Moi, je ne veux pas les faire. Des fois, c’est dur. »; « des devoirs comme faire, tsé conjuguer, faire la grammaire, épeler des mots, là j’haïs ça ».
Enfin, la charge de travail effectuée à l’école ou le déroulement de la journée scolaire peuvent contribuer aux attitudes négatives envers les devoirs et leçons : « Ouais. Quand j’en ai trop faite dans la journée, […] ça me tente pu là. »; « […] Quand j’ai passé une mauvaise journée à l’école, vraiment pas. Ben là, ça ne me tente pas pantoute de faire mes devoirs à ce moment-là. » Plusieurs apprécient « moyennement les devoirs » sans pour autant les détester : « J’aime juste un petit peu ça les devoirs »; « […] j’ai pas tout le temps envie de les faire, mais souvent; « […] des fois, ça me tente pas. ».
4.4.3 Oublis et persévérance face aux devoirs et leçons
La majorité des élèves mentionnent qu’ils n’oublient généralement pas de faire leurs devoirs ou leurs leçons. Ceci dit, certains indiquent qu’ils oublient parfois quelques articles scolaires nécessaires à la réalisation des devoirs et des leçons tels que « quelques livres », « mes crayons », « mes mots de vocabulaire », « mon agenda » et « les feuilles à signer ». Selon les élèves, l’utilisation d’une feuille de route préparée par l’enseignante contribuerait à contrer les oublis de matériel. Il en va de même lorsque l’enseignante écrit les devoirs du jour sur le tableau ou encore lorsqu’elle aide à la préparation des sacs d’école à la fin de la journée.
Malgré une attitude parfois négative et les quelques oublis de matériel, les élèves estiment qu’ils sont somme toute persévérants dans la réalisation de leurs devoirs et leçons : « Je les termine toujours »; « Je finis toujours par les faire toutes mes devoirs »; « Ouais. Je dois donner un peu d’effort. Des fois, je dois me forcer, mais je les fais. »; « Oui oui, je termine toujours mes devoirs même si des fois je me choque et que je perds patience », etc.
Au temps 2, les élèves s’estiment tout aussi persévérants, quoiqu’ils mettent en évidence la durée accrue des devoirs et des leçons de même que la fatigue cumulée après une journée d’école : « […] j’étais épuisé. Tsé, quand on fait deux heures de devoirs, pis quand tu viens de faire cinq heures d’école, c’est quelque chose ça! ».
5. Discussion et conclusion
En premier lieu, les résultats de l’étude ont permis d’identifier les représentations des élèves en regard des devoirs et leçons. Celles-ci sont regroupées autour de l’importance et du déroulement des devoirs et leçons, de la participation parentale et de l’attitude des élèves. Les données recueillies mettent en évidence les bénéfices que la majorité des élèves répondants associent aux devoirs et leçons, allant des apprentissages réalisés à une meilleure réussite scolaire. Leurs propos rejoignent en grande partie ceux exprimés par les élèves participants à l’étude de Goupil, Comeau et Doré (1997) qui, rappelons-le, recevaient des services orthopédagogiques. Il y a lieu de se demander s’ils croient sincèrement aux retombées positives des devoirs et leçons ou s’ils ont tout simplement intégré le discours des principaux acteurs qui les entourent. D’un autre côté, il est plausible d’envisager, dans la même lignée de pensée que Viau (2009), que ces élèves sont motivés à les réaliser car ils semblent percevoir leur utilité.
En deuxième lieu, comment expliquer que cette perception positive de l’utilité des devoirs et leçons semble se modérer avec le temps? Comme mis en lumière par Hong, Wan et Peng (2011), en avançant en âge, la perception positive des devoirs et leçons a tendance à s’atténuer, plusieurs accordant de moins en moins de valeur intrinsèque et utilitaire à ces tâches. Parmi les quelques éléments de réponse fournis par les participants figurent, entre autres, le manque d’intérêt pour la nature et le type de travaux assignés, la durée et la complexité croissante de ces derniers et le manque de temps pour les loisirs qui en découle ainsi que le climat conflictuel à la maison qu’ils engendrent parfois. Ces éléments renvoient aux responsabilités des enseignants à l’égard des devoirs et leçons assignés qui consistent à s’assurer que les consignes données soient bien comprises et que des rétroactions leur soient fournies par la suite, à varier les types et la nature des devoirs en fonction des intérêts des enfants et à doser la quantité des travaux de sorte qu’ils n’entrent pas en conflit avec les autres activités de l’enfant et de la famille et à outiller les parents pour mieux aider leur enfant (Cooper, 2001; Deslandes, 2009). Ces responsabilités impliquent d’éviter l’émergence de trop grandes difficultés empêchant de réaliser les tâches. D’ailleurs, bien que cela dépende des matières scolaires, une étude a mis en lumière que les enseignants et les élèves ne partagent pas toujours la même perception du niveau de difficulté des tâches demandées lors des devoirs et des leçons (Hong, Wan et Peng, 2011).
En troisième lieu, comment comprendre l’attitude négative de certains face aux devoirs et leçons? Force est de constater que cette attitude à l’égard des devoirs et leçons est expliquée par plusieurs facteurs tels que des horaires familiaux chargés, des difficultés rencontrées lors de la réalisation des travaux assignés et la fatigue accumulée au cours de la journée. Ces propos vont dans le même sens que ceux rapportés dans une étude antérieure par des parents issus de familles non traditionnelles, peu scolarisées et ayant un enfant en difficulté (Deslandes et al., 2008). D’ailleurs, il semble que les élèves ayant des difficultés mettent en moyenne plus de temps quotidiennement à faire leurs devoirs que les autres élèves (Brossard et al., 1995). Somme toute, ces récriminations font appel au gros bon sens des enseignants pour assurer un juste dosage dans les travaux assignés tout en prenant en considération les contextes de réalisation des travaux en dehors des heures de classe. Encore faut-il qu’il y ait des liens significatifs entre le temps consacré aux devoirs et leçons au primaire et les résultats scolaires. Or, la littérature scientifique recensée jusqu’à maintenant relève des effets mitigés à cet égard (Cooper, Robinson et Patall, 2006; Plant, Ericsson, Hill et Asberg, 2005; Ramdass et Zimmerman, 2011). Dans une telle situation, nous ne pouvons que souscrire à la recommandation du Conseil supérieur de l’éducation (2010) d’effectuer une réflexion collective sur les devoirs et leçons au sein d’une même école.
Cette étude comporte des limites qui concernent surtout l’utilisation de l’approche qualitative, rendant impossible toute généralisation des résultats obtenus. Dans le même ordre d’idées, les propos recueillis lors de la deuxième entrevue et utilisés pour fins de comparaison dans le cadre de cet article doivent être interprétés prudemment, compte tenu du nombre restreint d’élèves. Finalement, les échantillons, tels que conçus, ne permettent pas de distinguer les commentaires des élèves ayant des difficultés de ceux qui réussissent bien. Il serait pertinent dans des études ultérieures de s’attarder plus spécifiquement aux élèves ayant des difficultés et de se pencher sur les représentations des élèves inscrits au secondaire. Recueillir le point de vue des élèves apparaît ainsi incontournable dans l’étude de la problématique des devoirs et leçons.
Parties annexes
Note
-
[1]
Deslandes, R. et Rousseau, N. (CRSH 2004-2007). Étude longitudinale et transversale sur les devoirs et leçons au primaire et au premier cycle du secondaire.
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