Relations industrielles
Industrial Relations
Volume 49, numéro 4, 1994 Syndicats et restructuration économique Unions and Economic Restructuring Sous la direction de Jacques Bélanger et Gregor Murray
Sommaire (19 articles)
Articles
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NAFTA, Social Unionism, and Labour Movement Power in Canada and the United States
Ian Robinson
p. 657–695
RésuméEN :
This paper considers how the North American Free Trade Agreement (NAFTA) is likely to affect labour movement power in Canada and the United States. The paper is divided into four parts. It first defines the concept of « labour movement power », breaking it down into its component parts. It next considers why we should care about what happens to labour movement power. It then outlines the principal negative and positive effects that the NAFTA is likely to have on labour movement power. Attention is also given to the beneficial consequences that the fight against the NAFTA has already had for the labour movement. It is argued that the NAFTA 's negative impacts are likely to outweight its positive ones in the short run and that the positive effects could substantially outweight its negative effects over the medium to long run. Whether it does will depend upon choices made in the next few years by labour movement leaders and activists.
FR :
Cet article traite des effets de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) sur le pouvoir des mouvements syndicaux au Canada et aux États-Unis. La première section de l'article définit le concept de « pouvoir du mouvement syndical » et la seconde explique l'importance du sujet. Les deux autres sections considèrent les impacts négatifs et positifs de l'ALENA sur le pouvoir du mouvement syndical.
La définition du pouvoir du mouvement syndical utilisée ici est construite à partir des travaux des économistes en politiques comparatives dans les années 1980. Ces chercheurs se sont davantage penchés sur ce qu'ils pouvaient quantifier, telle la densité syndicale. Selon nous, les sources du pouvoir organisationnel proviennent de la capacité des syndicats de mobiliser leurs propres membres et ceux des partis politiques dans des actions collectives. En se référant aux études récentes, il appert que le pouvoir de mobilisation du mouvement syndical, comme celui de tout mouvement social, dépend de son habileté à impliquer ses membres et à obtenir l'appui du public en général. Pour ce faire, le mouvement syndical doit élaborer et communiquer efficacement une critique du système économique existant, une alternative au statu quo plausible et attirante, ainsi qu'une stratégie politique crédible pour l'atteinte d'une solution de rechange.
Il est important d'étudier le pouvoir du mouvement syndical car, à notre avis, il s'agit d'une variable déterminante permettant d'expliquer les modifications dans les politiques publiques et leurs effets dans les pays de l'OCDE. Par exemple, les pays où l'on trouve les mouvements syndicaux les plus forts semblent afficher des taux de chômage plus bas et de moindres inégalités de revenus. Les différences que l'on constate entre les États-Unis et le Canada en ce qui a trait aux niveaux de chômage et de pauvreté vont dans le sens de cette analyse.
Les effets les plus négatifs de l'ALENA sur le pouvoir du mouvement syndical viennent des nouvelles sources de pouvoir qu'il confère aux entreprises multinationales, plus particulièrement en protégeant les investisseurs étrangers. Cette protection augmente la mobilité des capitaux en réduisant les risques pour les investisseurs, surtout dans les pays moins développés où l'on a connu une réglementation étendue ou même l'expulsion des investisseurs étrangers. La mobilité accrue des capitaux augmente le pouvoir de négociation des multinationales vis-à-vis des syndicats et des gouvernements, qui eux ne sont pas mobiles.
Le pire effet de l'ALENA sur le pouvoir syndical risque d'être l'accélération du déclin de la syndicalisation dans le secteur privé. Ceci peut se produire en raison d'une augmentation des fermetures d'usines, d'un pouvoir réduit de négociation collective dans le contexte de menaces de fermeture de l'entreprise, et de résistance patronale accrue devant la syndicalisation, surtout en raison des pressions croissantes venant des entreprises locales et étrangères non syndiquées.
L'ALENA peut cependant être en bout de ligne positif pour les sources du pouvoir du mouvement syndical s'il augmente suffisamment la capacité de mobilisation des syndicats pour contrecarrer les effets négatifs mentionnés. Ceci peut être accompli de trois façons. Premièrement, l'ALENA, en exacerbant les inégalités de revenus et la pauvreté, peut rendre un plus grand nombre de personnes réceptives à la critique syndicale de la situation économique. Deuxièmement, en augmentant l'hostilité patronale envers les syndicats, l'ALENA va contribuer à favoriser une forme de syndicalisme plus sociale que d'affaires. Les mouvements syndicaux nationaux à caractère social sont en meilleure position pour répondre adéquatement à l'occasion politique créée par la désillusion croissante de l'opinion publique au sujet des politiques économiques néolibérales. Ils sont aussi plus ouverts envers l'alliance avec d'autres mouvements ou organismes progressistes. Nous croyons que de telles alliances sont non seulement importantes pour élaborer des solutions de rechange à la situation économique, mais aussi qu'elles constituent la meilleure stratégie politique pour atteindre avec succès les solutions proposées.
Troisièmement, l'opposition à l'ALENA a déjà favorisé l'émergence d'idées créatrices au sujet de la meilleure solution de rechange à 1 ' approche néo-libérale de globalisation au sein des mouvements sociaux qui ont coopéré en vue d'empêcher l'adoption de cet accord de libre-échange. En conséquence, l'ALENA a déjà contribué considérablement au pouvoir du mouvement syndical de cette autre façon. Le succès du front commun contre l'ALENA à influencer l'opinion publique sur les questions de libre-échange le prouve.
La formation d'alliances et la détermination des règles de fonctionnement qui vont guider leurs activités sont des questions de choix stratégiques pour les dirigeants syndicaux et leurs militants. Nous croyons qu'il existe de bonnes raisons de poursuivre ces stratégies de front commun et cette proposition est de plus en plus supportée par les syndicats canadiens et américains. Cependant, il y a aussi plusieurs obstacles au maintien et au développement de telles stratégies communes et certains dirigeants peuvent être réticents à poursuivre dans cette voie.
Finalement, l'effet net de l'ALENA sur le pouvoir du mouvement syndical dépend de la façon dont les dirigeants syndicaux et militants de chaque pays vont y réagir. S'ils saisissent cette occasion pour faire front commun et revitaliser le mouvement, l'ALENA peut jouer un rôle catalyseur positif semblable à celui de la Dépression des années 1930. Si, par contre, ils ne profitent pas de cette situation, il faut s'attendre à ce que les effets négatifs de l'accord dominent et ainsi que le pouvoir du mouvement syndical continue de décroître dans les deux pays.
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Confiance, coopération et partenariat : un processus de transformation dans l'entreprise québécoise
Denis Harrisson et Normand Laplante
p. 696–729
RésuméFR :
Les transformations de l'organisation du travail reposent sur les relations de confiance entre les principaux agents du travail et de la gestion. Nous présentons quatre cas de coopération concertée vers une réorganisation de la production dans des établissements manufacturiers syndiqués. Le processus de mise en confiance se fonde sur la présence de personnes réputées et compétentes.
La répétition de l'expérience, la durée des contacts interpersonnels et l'échange d'informations jugées crédibles permettent de consolider la confiance entre les représentants syndicaux et les membres de la direction qui solutionnent des problèmes particuliers au processus de transformation de l'organisation du travail dans leur établissement. Les ententes patronales syndicales sont de nature consensuelle et permettent la flexibilité recherchée par les acteurs. Des facteurs hors de leur contrôle les incitent toutefois à cosigner ces ententes et à cristalliser de nouvelles formes de relations fondées sur la coopération.
EN :
Attempts to reorganize work which are introduced unilaterally and controlled by management do not achieve the expected results. These negative experiences more than often perpetuate mistrust and reinforce workers' insecurity, particularly in a context of economic difficulty and job reduction. The absence of reciprocity is an obstacle to the transition to a more harmonious relationship, which is fundamental to the development of co-operation between the actors.
The reorganization of production in some firms, however, gives way to new social relations based on trust between the main actors: managers and union representatives. These firms are more characterized by open communication and mutual trust than by formal rules. These organizational innovations typically aim for both greater functional flexibility and workers support for the firm's production goals. These changes are made possible by the interaction of those present in the firm based on a consensus in decision-making. The required co-operation is built on reciprocity and mutual trust, not on coercion and external constraints. The transformation of the relationship is based on frequent face-to-face contacts. A new System of relations, initially not defined, is built by the representatives in a partnership where trust is first established between people. The context in which new forms of social relations are formed links the agents in a state of dependence, uncertainty and risk.
This formation of new types of interaction during a process of work reorganization was observed over an eighteen-month period in four manufacturing establishments whose unions are affiliated to the Confédération des syndicats nationaux. In the context of organizational innovations, we were able to observe, at local level, a transformation in the relationship between management and the union. Two of these establishments were faced with economic difficulty. Their changes aimed to optimize existing work rules. In the two other establishments, the changes in work relations took place within the context of strategic planning and set about deeper transformations in work organization.
In all cases, the changes were guided by a steering committee consisting of union representatives and managers. Co-operation entalled mutual trust between people who held distinct social positions within the establishment. Decisions were made by consensus. The presence of these credible people was essential, but insufficient. Trust was gained in a typical process of trustworthiness observed in all four establishments. It was built on dispute settlements, problem solving related to working conditions, the regularity of contact between the actors and the quality of information exchanged. When trust was established between union representatives and local management, the establishment was run jointly under a form of partnership, but within the limits of each party's respective role.
This type of trust stems from the changing conditions of an abstract System. It expands in a firm experiencing restructuring and characterized by uncertainty and risk. Trust solves tensions while the actors search for consensus through value sharing and joint decisions. Trust between the participants remains fragile and is subject to demands that are beyond the scope of their action. They are attempting to create another System from routine interactions but whose definitive forms still remain unclear.
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Tendances récentes de la négociation collective dans l'industrie du papier au Québec
Reynald Bourque et Claude Rioux
p. 730–749
RésuméFR :
Cet article examine les développements récents de la négociation collective et de l'organisation du travail dans l'industrie québécoise du papier. L'analyse des négociations menées ces dernières années par les syndicats du papier affiliés à la CSN révèle le caractère central des stratégies de flexibilisation du travail chez les employeurs, et de protection de l'emploi du côté syndical. La flexibilité fonctionnelle constitue l'aspect essentiel des changements en cours dans cette industrie depuis la fin des années 1980, les employeurs cherchant à améliorer l'efficacité productive par une rationalisation des tâches et une réduction des emplois. Dans certaines usines, la réorganisation du travail a suscité un renouveau de l'action syndicale à travers l'implication des salariés et de leur syndicat dans la gestion de l'entreprise.
EN :
The paper industry plays a leading role in the Canadian economy, both because of the number of persons it employs and the value of exports it generates. This industry is often the source of the only major economic activity in small remote communities, particularly in Quebec. While it has maintained its leading role in the Canadian economy, the paper industry faced severe financial difficulties in the 1980's due to an accelerated rate of technological change, more restrictive environmental regulations and increased international competition. These changes have influenced industrial relations policies and practices in the industry.
Many recent agreements introducing significant changes in the traditional organization of work have been concluded by unions affiliated with the Federation of Pulp and Paper Workers (FTPF-CSN) representing about one third of the unionized employees in the industry in Quebec. In most cases, the agreements were negotiated under difficult conditions due to the economic and financial crisis affecting major employers in the industry. Those agreements involved substantial modifications in work rules and important reductions in the work forces of several mills. These latter were achieved through early retirements and attrition.
An analysis of recent collective negotiations conducted by unions affiliated with the CNTU in the Quebec paper industry reveals the importance of job flexibility for employers and of job security for unions. Functional flexibility associated with work reorganization has been the focus of negotiations concluded in this industry since the mid-1980's. Employers were looking for a means of improving the efficiency of production through job reductions and the rationalization of work practices. Current changes in work organization have directly affected both the nature and content of tasks performed by workers as well as the traditional role of unions. In a few cases, the reorganization induced a renewal of collective action through the involvement of workers and their union representatives in plant management.
Craft workers were the first to be affected by this reorganization that was later extended to production employees. However, these changes did not lead to a deskilling of craft workers since the transfer of marginal maintenance tasks to production operators did not affect core tasks in the crafts. The acceptance by unions of flexibility in return for early retirement plans, training programs and protection against technological change, reflects a readiness on their part to tie work effort to job security. This compromise is considered by unions to be a more acceptable solution to current economic problems than are salary reductions or reduced job security.
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Worker Commitment and Labour Management Relations under Lean Production at CAMI
James Rinehart, Christopher Huxley et David Robertson
p. 750–775
RésuméEN :
Efforts by CAMI, a unionized Suzuki-General Motors auto plant in Ontario, to construct a workplace characterized by worker commitment and cooperative labour-management relations are examined. Why did these efforts fall? Why, of all the Japanese or joint-venture transplants in North America, was it at CAMI that industrial conflict occurred? Does the experience hold important implications for worker and union responses to lean production in other settings? The findings presented are the result of a longitudinal investigation conducted over a two year period by the CAW Research Group on CAMI. The researchers had an unusual degree of access to the shopfloor, and base many oftheir observations on data drawn from a randomly selected sample of workers.
FR :
Les auteurs examinent les efforts de CAMI, une entreprise conjointe de General Motors et de Suzuki qui opère en Ontario, afin de favoriser l'engagement des salariés et le développement de relations patronales- syndicales caractérisées par la coopération. Quelles sont les causes de cet échec? Pourquoi, de tous les transplants nord-américains, est-ce à CAMI que les rapports de travail ont évolué vers le conflit ouvert? Quelles sont les implications de la production allégée (lean production) pour les salariés et quelles sont les réponses syndicales à ce système de production?
Les conclusions présentées dans cet article sont le résultat d'une enquête longitudinale réalisée sur une période de deux ans par le Groupe de recherche des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA) sur CAMI. Une attention particulière a été portée aux rapports sociaux de travail et à l'organisation du travail. Les résultats de l'enquête auprès d'un échantillon de salariés tirés au hasard alimentent les conclusions des auteurs.
L'entente collective signée initialement entre CAMI et la section locale 88 des TCA reconnaissait plusieurs des caractéristiques des méthodes japonaises de gestion. La direction de l'entreprise a déployé des efforts considérables pour favoriser le développement d'une force de travail engagée envers la compagnie et ses valeurs. Les résultats de l'enquête montrent l'évolution de l'attitude des salariés à l'égard des politiques, des pratiques et des valeurs de la compagnie sur une période de deux ans, soit entre l'ouverture de l'usine et la grève de 1992. À chaque nouvelle ronde d'entrevues, les répondants ont fait preuve d'un scepticisme croissant envers les valeurs de la compagnie.
Le nombre de salariés qui n'ont indiqué aucun engagement symbolique à l'égard de CAMI a presque doublé au cours de la période d'enquête. Durant la période qui a suivi l'ouverture de l'usine, les relations du travail étaient relativement harmonieuses et l'environnement de travail assez détendu. Cette situation devait changer lorsque la production a atteint son plein régime. L'insatisfaction des salariés a augmenté avec l'intensification du travail, la réduction des temps de cycle, la standardisation du travail et une politique de rotation des tâches qui ne favorisait pas vraiment la polyvalence des salariés. Les exigences associées à la réduction des coûts de production par l'intensification du travail ont coupé court à la participation des salariés au programme d'amélioration continue (Kaizen), surtout que l'organisation du travail ne conduisait pas à des tâches plus stimulantes pour les salariés.
Les chefs d'équipes, les représentants syndicaux et les cadres ont exprimé leur désillusion face à l'écart croissant entre les idéaux véhiculés par CAMI et la réalité quotidienne. L'article rejette la proposition à l'effet que les problèmes vécus à CAMI peuvent être attribuables à l'adoption partielle du système de production allégée ou à une mauvaise stratégie d'implantation de ce système. Au contraire, les auteurs soutiennent que les problèmes de production et le style de gestion observés sont le fruit de ce système de production. Les problèmes éprouvés à CAMI résultent de l'implantation intégrale et non partielle d'un système qui cherche à maximiser la production avec une force de travail réduite au minimum.
En plus des résultats de l'enquête par questionnaire, l'article s'appuie sur l'observation de comportements et d'actions qui expriment un déclin de l'engagement des salariés. La participation aux cercles de qualité, au programme de suggestion et aux rencontres d'équipe a diminué. Le nombre de griefs a augmenté alors que les ralentissements de la cadence de travail et les refus d'affectation devinrent plus courants. De plus en plus, les équipes agissaient de façon solidaire dans leur opposition aux stratégies managériales de réduction de main-d’œuvre et, de façon plus générale, aux politiques de la compagnie.
Le syndicat local, affaibli par une première convention collective qui limitait sa capacité d'intervention, mais supporté par les politiques et les conseils du syndicat national des TCA, appuyait et prenait dans bien des cas l'initiative de diverses formes de résistance aux politiques de la direction. Les auteurs examinent ensuite les litiges qui ont débouché sur une grève de cinq semaines en septembre et octobre 1992. Bien sûr, les conditions monétaires moins avantageuses que chez les trois grands producteurs de l'industrie représentaient une considération importante pour les syndiqués, mais ce sont surtout les questions relatives à l'organisation du travail qui ont conduit au déclenchement de la grève. Considérant que les idéaux et les valeurs véhiculés par la compagnie ne ce sont pas traduits dans le réalité, ces questions sont devenues les enjeux primordiaux pour les salariés.
La nouvelle convention collective d'une durée de trois ans témoigne du succès du syndicat à résister aux tentatives de la compagnie de se détacher de la négociation type (pattern bargaining) et de lier la rémunération à la performance économique de l'entreprise. L'entente conclue comprend un ensemble de gains importants en ce qui a trait à l'organisation du travail, tels l'élection des chefs d'équipe (à titre expérimental pour une période d'un an), des restrictions quant aux normes de production et à la cadence de travail, le renforcement du rôle du syndicat en matière de santé et sécurité au travail ainsi la création d'équipes volantes pour remplacer les travailleurs absents.
Les phénomènes observés dans cette usine ne constituent pas un cas isolé. Même parmi les promoteurs du système japonais de production, certains admettent que les salariés doivent alors composer avec une pression forte et un travail stressant. Les conditions de travail observées à l'usine CAMI sont sensiblement les mêmes que celles rapportées chez d'autres transplants aux États-Unis, qu'ils soient syndiqués (par exemple l'usine Mazda à Fiat Rock au Michigan) ou non syndiqués (telle l'usine SIA Subaru-Isuzu en Indiana).
Aux États-Unis, les efforts concertés des dirigeants des usines transplantées pour amadouer les syndicats locaux et en faire des partenaires avec les employeurs pour la promotion des approches consensuelles auprès de leurs membres ont été facilités par le syndicat des United Auto Workers (UAW) qui rejetait les stratégies de confrontation et appuyait la coopération patronale-syndicale. Adoptant une position différente, l'exécutif national des TCA a fait connaître son opposition à ce nouveau système de production s'il entraînait l'érosion de l'autonomie syndicale et la dégradation des conditions du travail, tout en donnant son aval à d'importantes modifications aux règles de travail usuelles en contrepartie de la syndicalisation des salariés de CAMI. Le syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile a encouragé la section locale de CAMI à se forger une identité distincte de la compagnie et à défendre et promouvoir les intérêts des salariés.
Bien que ces différences idéologiques entre les TCA et le UAW aient en effet important sur l'évolution des relations du travail au sein des transplants, les enquêtes menées jusqu'à présent portent à croire qu'il ne s'agit pas du facteur décisif. Alors que l'usine NUMMI, en Californie, semble représenter le pôle extrême de l'harmonie sur un continuum des relations industrielles dans les transplants, la distance qui sépare celle-ci de son pôle opposé, représenté par CAMI en Ontario et Mazda au Michigan, ne paraît pas aussi grande qu'on le suggère parfois. En ce sens, l'usine CAMI ne représente pas un cas exceptionnel dans les rapports de production au sein des usines transplantées en sol nord-américain.
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Les facteurs explicatifs de la propension à se syndiquer dans les services privés
Jean-Guy Bergeron
p. 776–793
RésuméFR :
Au Canada, le secteur des services privés, qui compte 40,4 % de la main-d’œuvre, n'a qu'une densité syndicale de 10,7 % comparativement à 37,9 % pour le secteur privé des biens (26,9 % de la main-d’œuvre) et 58,6 % pour le secteur public (32,7 % de la main-d’œuvre). Notre enquête démontre pourtant que près de 40 % des travailleurs non syndiqués des services privés des villes de Montréal et de Toronto désirent se syndiquer. Les facteurs explicatifs les plus importants de cette propension à se syndiquer sont les attitudes envers les syndicats, l'influence du groupe informel de travail, la solidarité avec les travailleurs et la satisfaction au travail. Les implications de cette enquête pour les acteurs du système de relations industrielles sont explorées.
EN :
In Canada, according to the 1989 Labour Market Activity Survey,more than 40 % of nonagricultural paid workers work in the private service sector. Only 10.7 % of these workers are unionized compared with 37.9 % in the goods sector and 58.6 % in the public sector.
A model of the determinants of individual propensity to unionize was designed including demographic, occupational, perceptual and attitudinal variables. The model was tested with a Gallup telephone survey of 495 nonunionized workers of the private service sector in Montreal and Toronto. The propensity of these workers to unionize was measured on a 0 to 100 point scale. Close to 40 % of the respondents surveyed would like to be unionized. Regressing the propensity to unionize on this scale with ordinary least squares gives a percentage change of propensity to unionize by unit change of the independent variables.
Contrary to expectations, even controlling for all other factors, it was found that women are less prone to unionize than men in this sector. Also contrary to expectations, workers in small establishments of the private service sector are more prone to unionize than those working in larger establishments. As expected, other demographic and occupational characteristics have no effect on propensity to unionize.
The Gallup survey confirmed the well known negative relation between job satisfaction and propensity to unionize, and the equally well known negative relations between a big union image and a perception of union as antidemocratic bodies, and propensity to unionize. A positive relation between the perceived instrumentality of unions and propensity to unionize was also confirmed. Even if workers in the private service sector see unions as big organizations and antidemocratic bodies they, like other workers, still see unions as instrumental in providing better working conditions.
One main contribution of this paper is the identification of a very strong positive relation between the cohesiveness of a worker's work group, the attitudes of the work group towards unions, and the individual propensity to unionize. The survey also confirmed an even larger effect of "significant others" with whom one lives and the community in which she or he lives and propensity to unionize. The socialization of attitudes towards unions and the influence of the work group's attitudes towards unions and its cohesiveness are the most important factors shaping one's propensity to unionize. A feeling of solidarity with workers in general is also instrumental in improving the propensity to unionize. On the contrary, a greater identification with the employer will decrease the desire to be unionized.
The paper also demonstrates the importance of the substitution effect of employment laws on the desire of private service workers to be unionized. Finally, the Gallup survey could not establish any link between perceived employer resistance to unionization and the propensity to unionize.
There are many strategic implications of those findings for the actors in the System of industrial relations. Among them, employers may be more succesfull in opposing unions with human resource policies aimed at enhancing job satisfaction than with direct opposition to union drives. Govemments, if aware of the substitution effect of employment laws on unions, will have to assess more closely the role that union may have to play in democratization of the workplace in the private service sector. Unions will have to pay more attention to women's needs in the private service sector. Workers in smaller firms should also be targeted because they are more prone to unionize. The union movement will also have to try to organize in communities where the socialization towards unions is more positive.
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The Politics of Restructuring : Trade Unions on the Defensive in Britain Since 1979
Jeremy Waddington et Colin Whitston
p. 794–820
RésuméEN :
This paper shows that restructuring and the associated political programme have thrown British unions onto the defensive. It rejects arguments that unions have been 'tamed' and that unions are in terminal crisis, but argues that union structures and practices intended for application in the 1960s and 1970s were found to be inappropriate for the circumstances of the 1990s. Since 1979 a range of policy initiatives have been launched to address existing weaknesses. A review of these identifies several shortcomings and suggests that attempts to establish a 'new' agenda have only just begun.
FR :
L'idée maîtresse de cet article est que les syndicats britanniques se retrouvent depuis 1979 dans une position défensive face à la restructuration économique et aux politiques qui l'accompagne. Bien que les formes d'organisation et d'activités que les syndicats ont développées au cours des années 1960 et 1970 soient devenues inadéquates dans ce contexte, les auteurs réfutent la thèse de la marginalisation de l'action syndicale avancée par certains dans les années 1980. Ils montrent, à contrario, que les syndicats élaborent maintenant un nouveau programme et les structures favorables à son implantation.
L'article comprend deux parties. La première section considère trois défis majeurs qui, étant associés à la restructuration économique, confrontent les syndicats. L'étude considère donc l'impact des changements dans la structure des emplois, des stratégies patronales envers la reconnaissance syndicale, et des diverses formes de déréglementation. La deuxième section analyse trois solutions de rechange mises de l'avant par les syndicats, soit la réforme des organisations nationales, les campagnes de recrutement de nouveaux membres et les changements dans le degré de centralisation des structures syndicales.
La première section évalue la nature des défis qui confrontent les syndicats depuis le premier gouvernement Thatcher. Il est proposé que les effets de la restructuration économique sur le syndicalisme sont largement exagérés. La restructuration de l'emploi, par exemple, n'explique pas à elle seule le déclin du syndicalisme. Au contraire, ce déclin est surtout attribuable à l'inhabileté à recruter des membres parmi les nouveaux secteurs de l'économie plutôt qu'à la perte de membres dans les secteurs traditionnels.
La déréglementation du marché du travail et la décentralisation de la négociation collective ont, par contre, un effet plus direct et néfaste sur les syndicats. Particulièrement affaibli par les forces décentralisatrices, le Trade Union Congress ne représente plus la même force de cohésion qu'auparavant. D'autant plus que la décentralisation de la négociation collective s'accompagne de tensions nouvelles au sein des organisations syndicales. Les permanents syndicaux sont submergés de travail alors que les délégués d'atelier n'ont pas la formation nécessaire pour assumer correctement les responsabilités nouvelles et élargies rattachées à la négociation salariale. La baisse du nombre de membres et la hausse des coûts administratifs ont rendu la solution à ces problèmes plus difficile, plusieurs grands syndicats subissant des pertes financières.
Les réponses syndicales à ces défis font l'objet de la deuxième section. Bien qu'elles varient selon la composition des différents syndicats, il est possible d'identifier des éléments communs de réponse à cette crise. Ainsi, depuis 1979, les fusions intersyndicales et des activités de recrutement mieux coordonnées caractérisent les politiques syndicales. L'analyse de ces politiques et de ces activités révèle que malgré le déclin persistant du nombre de leurs membres, les syndicats britanniques représentent aujourd'hui une force beaucoup plus hétérogène que par le passé. La motivation derrière l'adhésion au syndicalisme de groupes de plus en plus hétérogènes demeure associée à des enjeux collectifs, quelque soit la profession et le secteur d'activités. Face à cette nouvelle composition de leurs effectifs, la représentation de ces intérêts diversifiés demeure un défi de taille pour les syndicats.
Une panoplie de mesures ont été mises de l'avant pour atteindre cet objectif de représentation. Malgré leurs lacunes, ces nouvelles mesures constituent un renversement significatif et à long terme des politiques syndicales. Entre autres, l'acquiescement, malgré bien des réticences initiales, des syndicats et du Parti Travailliste au cadre juridique institué par les gouvernements conservateurs est certes le fait le plus dominant. En conclusion, les auteurs évaluent les conséquences de ce nouveau régime juridique. De nouvelles formes de représentation interne sont à prévoir, alors que les syndicats semblent amenés à jouer un rôle plus important dans la protection des droits individuels des salariés dans l'entreprise.
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Union Leaders and the Economic Crisis : Responses to Restructuring
Norene Pupo et Jerry White
p. 821–845
RésuméEN :
The restructuring of the Canadian economy continued throughout the recession of the early 1990s. How do union leaders see this situation and what are their reactions ? We discuss the current economic restructuring, examining the "competitiveness" analysis of Michael Porter, the initiatives of capital and the state, such as the FTA and NAFTA, and the restructuring of the workplace through "flexibility initiatives". We explore the response of the unions to this complex situation as seen through the eyes of selected leaders and draw some tentative conclusions on the future directions of labour in Canada.
FR :
Cet article étudie les défis auxquels sont confrontés les syndicats et leurs dirigeants face aux transformations en cours sur les lieux de travail. Transformations qui s'inscrivent dans une période d'instabilité politique, de globalisation des marchés et de libéralisme économique.
D'entrée de jeu, la discussion porte sur les différentes formes de restructuration avec lesquelles doivent composer les syndicats et leurs leaders. Sous les thèmes de la flexibilité, des méthodes de gestion dites japonaises et des transformations économiques, l'exploration des changements dans les modes de déploiement de la main-d'oeuvre nous amène à questionner l'analyse compétitive proposée par Michael Porter à la lumière des initiatives récentes des employeurs et de l'État. Nous tournons ensuite notre regard vers les réponses syndicales à ce nouvel environnement. Les matériaux empiriques proviennent d'une série d'entrevues auprès des dirigeants de huit syndicats en Ontario. Dans la sélection des syndicats, nous avons fait en sorte que l'échantillon soit représentatif autant du secteur public que du secteur privé, autant des syndicats des industries de services que ceux des industries manufacturières.
Nous avons également tenu compte des diverses traditions syndicales au Canada de sorte que l'échantillon représente le syndicalisme d'affaires et le syndicalisme à teneur sociale. Enfin, nous avons consulté les diverses publications des syndicats locaux et des centrales syndicales disponibles pour compléter les données recueillies lors des entrevues.
Dans l'ensemble, les leaders syndicaux contactés s'accordent à dire que leurs organisations traversent une période de transformation économique et qu'une nouvelle phase de négociation collective est enclenchée. Ces transformations seraient le résultat des politiques économiques de l'État, de la globalisation des marchés et des changements dans la structure et dans la nature des lieux de travail. Certains syndicats, durement ébranlés par cette nouvelle donne, sont maintenant à faire le bilan des dernières années et à revoir leurs orientations. D'autres, touchés que partiellement par la crise actuelle, préparent leur organisation à affronter de nouveaux défis.
Les réponses des dirigeants syndicaux à cet environnement nouveau et incertain peuvent être classées en deux catégories distinctes. La première est formée essentiellement de syndicats du secteur privé préoccupés par leur survie. Ces derniers traitent des questions relatives à la restructuration à l'interne afin de préserver leur mode de fonctionnement actuel. Les représentants de ce groupe sont concernés par la préservation et la croissance de leurs effectifs. Ils soulignent l'importance des campagnes de recrutement et des alliances qui rehaussent leur présence au sein de la communauté locale. Ces actions sont accompagnées de programmes traditionnels comme l'éducation syndicale. En somme, cette orientation syndicale est caractérisée par l'instinct de préservation.
Chez les répondants de la seconde catégorie, composée en majorité par des syndicats du secteur public, on observe une orientation politique à saveur de transformation sociale. Pour ces syndicalistes, la préservation de l'équilibre interne est également importante mais l'impulsion première provient de l'arène politique, de l'implication au sein du CTC et des alliances stratégiques avec les grandes coalitions sociales.
Souhaitant un mandat nouveau pour le mouvement ouvrier, les leaders de ce deuxième groupe sont prêts à investir une plus grande proportion de leur temps et de leurs ressources à des questions qui sont traditionnellement considérées comme étant hors du champ de l'intervention syndicale. Un mouvement ouvrier reflétant les nouvelles donnes socio-économiques et les changements structurels survenus sur les lieux de travail correspond d'avantage à l'orientation de ce deuxième groupe de répondants.
Même s'il y a des divergences entre les opinions des représentants syndicaux des secteurs public et privé, le rythme des mutations économique, politique et technologique pourrait induire un changement d'orientation au sein des deux groupes identifiés. Les recherches futures pourraient distinguer plus clairement entre le syndicalisme d'affaires et le syndicalisme à vocation sociale en mettant en lumière les relations entre la structure interne des syndicats, leur orientation et leur engagement politique et les conditions du marché du travail.
Information
Recensions / Book Reviews
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Craig, Alton W.J., and Norman A. Solomon, The System of Industrial Relations in Canada
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Dandurand, Pierre, dir., Enjeux actuels de la formation professionnelle
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Kruse, Douglas L., Profit Sharing : Does it Make a Difference ?
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Gortner, Harold F., Julianne Mahler et Jeanne Bell Nicholson, La gestion des organisations publiques
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Brown, Richard K., Understanding Industrial Organisations : Theoritical Perspectives in Industrial Sociology
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Kent, Ronald C., Sara Markham, David R. Roediger, and Herbert Shapiro, eds, Culture, Gender, Race and U.S. Labor History