Résumés
Résumé
Des études récentes ont fait état d’une progression notable de l’option souverainiste chez les Québécois issus de l’immigration, particulièrement parmi les jeunes (« génération 101 »). Ces résultats ont amené certains à conclure que l’intégration linguistique de ces derniers les sensibilisait davantage à l’option souverainiste et que leur comportement électoral était maintenant devenu pratiquement indifférencié de celui des jeunes francophones. Notre étude, basée sur les données d’un sondage mené en 2006, suggère de nuancer ces conclusions. Nos résultats indiquent en effet que, malgré la hausse de l’appui à la souveraineté observée ces dernières années chez les jeunes allophones, les facteurs motivant leur appui ne sont pas tout à fait les mêmes que chez les francophones. Les jeunes allophones semblent notamment très sensibles aux valeurs associées au fédéralisme canadien, de même qu’aux conséquences économiques de la souveraineté. En ce sens, leur comportement s’apparente davantage à celui des jeunes anglophones qu’à celui des jeunes francophones. Le contraste entre francophones et allophones apparaît encore plus marqué lorsque nous examinons l’appui à une question référendaire plus « dure » faisant référence à l’accession du Québec au statut de « pays ».
Abstract
Recent studies have shown a significant increase in sovereignty support among Quebec immigrants, and particularly among immigrants’ children (“Generation 101”). These observations have led some to conclude that, as a result of linguistic integration, immigrant youths’ political opinions and behaviour have become almost undifferentiated from those of their francophone counterparts. Our study, based on a survey conducted in early 2006, provides a significantly more nuanced picture of the situation. Our results indicate that, even though young allophones may have become more supportive of Quebec sovereignty in recent years, the actual motivations behind their support are not entirely the same as those of young francophones. Young allophones appear to be very sensitive to values associated with Canadian federalism, and to the economic consequences of sovereignty. On these accounts, their behaviour more closely resembles that of young anglophones. Such contrast between francophones and allophones becomes even more striking when we examine answers to a more “hardline” referendum question that refers to Quebec assuming the status of a “country.”
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Parties annexes
Notes
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[1]
Les auteurs remercient Maurice Pinard, Leslie Seidle, Marc Desjardins et les deux évaluateurs anonymes de leurs commentaires et suggestions sur une version préliminaire de ce texte. Ils sont également reconnaissants envers Lori Young et Françoise Montambeault de leur aide à la recherche.
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[2]
Rachel Kay Gibson, 2002, The Growth of Anti-Immigrant Parties in Western Europe, Lewiston, Edwin Mellen Press ; Pippa Norris, 2005, Radical Right : Voters and Parties in the Electoral Market, New York, Cambridge University Press.
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[3]
Rainer Bauböck, 2001, « Cultural Citizenship, Minority Rights, and Self-Government », dans Citizenship Today : Global Perspectives and Practices, sous la dir. de T. Alexander Aleinikoff et Douglas Klusmeyer, Washington, DC, Carnegie Endowment for International Peace, p. 319-348 ; Stephen Castles et Mark J. Miller, 2003 [3e éd.], The Age of Migration, New York, Guilford Press ; Ruud Koopmans, Paul Statham, Marco Giugni et Florence Passy, 2005, Contested Citizenship : Immigration and Cultural Diversity in Europe, Minneapolis, University of Minnesota Press ; Will Kymlicka, 2003, « Immigration, Citizenship, Multiculturalism : Exploring the Links », The Political Quarterly, vol. 74, no S1, p. 195-208 ; Will Kymlicka et Wayne Norman (dir.), 2000, Citizenship in Diverse Societies, New York, Oxford University Press.
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[4]
Michael D. Behiels, 1991, Le Québec et la question de l’immigration : de l’ethnocentrisme au pluralisme ethnique,1900-1985, Ottawa, Société historique du Canada ; Gary Caldwell, 1988, « Immigration et la nécessité d’une culture publique commune », L’Action nationale, vol. 78, octobre ; Micheline Labelle, François Rocher et Guy Rocher, 1995, « Pluriethnicité, citoyenneté et intégration : de la souveraineté pour lever les obstacles et les ambiguïtés », Cahiers de recherche sociologique, vol. 25, p. 213-246.
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[5]
Gilles Gagné et Simon Langlois, 2002, Les raisons fortes : nature et signification de l’appui à la souveraineté du Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal ; Nathalie Lavoie et Pierre Serré, 2002, « Du vote bloc au vote social : le cas des citoyens issus de l’immigration de Montréal, 1995-1996 », Revue canadienne de science politique, vol. 35, no 1, p. 49-74.
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[6]
Isabelle Beaulieu, 2003, « Le premier portrait des enfants de la Loi 101 », dans L’annuaire du Québec 2004, sous la dir. de Michel Venne, Montréal, Fides, p. 260-265.
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[7]
Voir, par exemple, Mario Girard, 2007, « Le “vote ethnique” se diversifie », La Presse, 19 mars, p. A5.
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[8]
Gagné et Langlois, Les raisons fortes…, p. 101-109.
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[9]
. Lavoie et Serré, « Du vote bloc au vote social… », op. cit. Ces auteurs concluent que le vote souverainiste chez les immigrants qui sont fortement intégrés linguistiquement et qui sont fortement attachés au Québec n’est « séparé que de quelques points de pourcentage de celui des non-CIIRM francophones de langue d’usage » (p. 71). Ils définissent un vote « social » comme étant le reflet d’un « alignement du groupe minoritaire sur le vote du groupe majoritaire » (p. 52).
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[10]
Voir aussi Denise Helly et Nicolas van Schendel, 2001, Appartenir au Québec : citoyenneté, nation et société civile (enquête à Montréal, 1995), Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval.
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[11]
Beaulieu, « Le premier portrait des enfants de la Loi 101 », op. cit.
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[12]
Id., p. 261.
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[13]
Micheline Labelle et Daniel Salée, 2001, « Immigrant and Minority Representations of Citizenship in Quebec », dans Citizenship Today : Global Perspectives and Practices, sous la dir. de T. Alexander Aleinikoff et Douglas Klusmeyer, Washington, DC, Carnegie Endowment for International Peace, p. 278-315 ; Lavoie et Serré, « Du vote bloc au vote social… », op. cit.
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[14]
Beaulieu, « Le premier portrait des enfants de la Loi 101 », p. 263.
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[15]
Voir aussi : Deirdre Meintel, 1993, « Transnationalité et transethnicité chez les jeunes issus de milieux immigrés à Montréal », Revue européenne des migrations internationales, vol. 9, no 3, p. 63-79 ; et Deirdre Meintel, 2000, « Identity Issues Among Young Adults of Immigrant Background in Montreal », Horizontes Antropológicos, vol. 6, no 14, p. 13-38.
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[16]
Labelle et Salée, « Immigrant and Minority Representations of Citizenship in Quebec », op. cit.
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[17]
Voir, par exemple, Danielle Juteau et Marie McAndrew, 1992, « Projet national, immigration et intégration dans un Québec souverain », Sociologie et sociétés, vol. 24, no 2, p. 161-180 ; Victor Piché, 2004, « Immigration et intégration linguistique : vers un indicateur de réceptivité sociale », Diversité urbaine, vol. 4, no 1, p. 7-22.
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[18]
Étant donné que plus de 80 % des non-francophones vivent dans la région métropolitaine de Montréal, dont plus de 75 % sur l’île de Montréal, la sélection de la majorité des anglophones et des allophones a été effectuée dans les circonscriptions électorales fédérales de la région de Montréal où l’incidence des non-francophones est égale ou supérieure à 35 %. L’échantillon des jeunes francophones a été tiré aléatoirement parmi les abonnés aux services téléphoniques de l’ensemble du Québec.
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[19]
Parti québécois, 2005, Un projet de pays, Programme adopté lors du 15e congrès national du Parti québécois, 3-5 juin 2005, Québec.
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[20]
Id., p. 16.
-
[21]
Scott W. Menard, 2002, Applied Logistic Regression Analysis, Thousand Oaks, Sage.
-
[22]
Michael Tomz, Jason Wittenberg et Gary King, 2003, Clarify : Software for Interpreting and Presenting Statistical Results (version 2.1), [http://gking.harvard.edu].
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[23]
. Beaulieu, « Le premier portrait des enfants de la Loi 101 », op. cit.
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[24]
Gagné et Langlois, Les raisons fortes…, p. 104.
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[25]
Ibid. ; Hubert Guindon, 1988, Quebec Society : Tradition, Modernity, and Nationhood, Toronto, University of Toronto Press ; Maurice Pinard et Richard Hamilton, 1984, « The Class Bases of the Quebec Independence Movement : Conjectures and Evidence », Ethnic and Racial Studies, vol. 7, no 1, p. 19-54.
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[26]
Gagné et Langlois, Les raisons fortes…, op. cit.
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[27]
Soulignons que les conclusions de Gagné et Langlois concernant l’effet de la variable de revenu vont à contre-courant des résultats de la plupart des autres études sur les déterminants de l’appui à la souveraineté du Québec. En effet, ces dernières démontrent habituellement que cet appui est plus fort chez les individus à plus faible revenu. (Voir, par exemple, Richard Nadeau, Pierre Martin et André Blais, 1999, « Attitude Towards Risk-Taking and Individual Choice in the Quebec Referendum on Sovereignty », British Journal of Political Science, vol. 29, no 3, p. 523-539.)
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[28]
L’âge et le sexe sont des variables dichotomiques distinguant respectivement les 25-34 ans et les femmes. La variable d’éducation est une échelle en 8 points allant de 0 (éducation primaire ou moins) à 1 (éducation universitaire de cycles supérieurs). La variable de revenu est une échelle en 6 points allant de 0 (moins de 20 000 $ annuellement) à 1 (100 000 $ et plus). La variable d’occupation professionnelle comprend 5 catégories qui ont été dichotomisées pour l’analyse (la catégorie de référence utilisée dans les régressions est « travail à temps partiel »).
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[29]
Paul Howe, 1998, « Rationality and Sovereignty Support in Quebec », Revue canadienne de science politique, vol. 31, no 1, p. 31-59 ; Matthew Mendelsohn, 2003, « Rational Choice and Socio-Psychological Explanation for Opinion on Quebec Sovereignty », Revue canadienne de science politique, vol. 36, no 3, p. 511-537 ; Maurice Pinard, 1997, « Les fluctuations du mouvement indépendantiste depuis 1980 », dans Un combat inachevé, sous la dir. de Maurice Pinard, Robert Bernier et Vincent Lemieux, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 69-99.
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[30]
Matthew Mendelsohn, 2002, « Measuring National Identity and Patterns of Attachment : Quebec and Nationalist Mobilization », Nationalism and Ethnic Politics, vol. 8, no 3, p. 72-94 ; Maurice Pinard, 1980, « Self-Determination in Quebec : Loyalties, Incentives and Constitutional Options Among French-Speaking Quebeckers », dans Resolving Nationality Conflicts, sous la dir. de W. Phillips Davison et Leon Gordenker, New York, Praeger, p. 140-176. Bien que l’on puisse avancer que l’identité et l’attachement constituent des variables qui sont endogènes au vote et que, de ce point de vue, le modèle sociopsychologique propose une logique plutôt circulaire, l’exogénéité de ces variables a été bien établie par le passé. (En plus des travaux de Pinard et de ceux de Mendelsohn, voir aussi André Blais et Richard Nadeau, 1992, « To Be or Not To Be Sovereignist : Quebeckers’ Perennial Dilemma », Canadian Public Policy, vol. 18, p. 89-103.) La plupart des études sur le vote souverainiste au Québec considèrent l’identité et l’attachement comme des variables explicatives clés de celui-ci, mais qui ne conditionnent pas entièrement le comportement électoral. Par exemple, dans notre sondage, parmi les jeunes qui se déclarent « très attachés » au Canada, 11 % voteraient tout de même OUI à la souveraineté-partenariat et 10 % appuieraient l’accession du Québec au statut de pays. Et, parmi ceux qui s’identifient comme « Canadiens », 14 % voteraient OUI à la première question et 9 % diraient OUI à la deuxième. Il apparaît donc assez clair que l’identité n’est pas entièrement prédéterminée par le vote ; il est tout à fait possible pour un individu de s’identifier d’une façon et de se comporter d’une autre.
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[31]
Scott Piroth, 2004, « Generational Replacement, Value Shifts, and Support for a Sovereign Quebec », Québec Studies, vol. 37, printemps/été, p. 23-43.
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[32]
Harold D. Clarke, Allan Kornberg et Marianne C. Stewart, 2004, « Referendum Voting as Political Choice : The Case of Quebec », British Journal of Political Science, vol. 34, no 2, p. 345-355 ; Guy Lachapelle, 1998, « Le comportement politique des Québécoises lors de la campagne référendaire de 1995 : une application de la théorie du dépistage », Politique et sociétés, vol. 17, no 1-2, p. 91-120.
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[33]
La variable d’identité est une échelle en 5 points allant de –1 à +1 (se considère uniquement comme Canadien = –1 ; d’abord comme Canadien puis comme Québécois = –0,5 ; également comme Canadien et comme Québécois = 0 ; d’abord comme Québécois puis comme Canadien = +0,5 ; uniquement comme Québécois = +1). Les variables d’attachement au Québec et au Canada sont des échelles en 4 points allant de 0 à 1 (pas du tout attaché = 0 ; peu attaché = 0,33 ; assez attaché = 0,67 ; très attaché = 1). Les variables de valorisation de l’environnement et de la liberté sont des échelles en 3 points mesurant l’importance (peu = 0 ; moyennement = 0,5 ; beaucoup = 1) accordée respectivement à « la protection de l’environnement » et à « donner aux citoyens la liberté de façonner leur propre vie ». La variable de confiance en autrui est une variable dichotomique mesurée par la question suivante : « De façon générale, diriez-vous qu’on peut faire confiance à la plupart des gens (= 1) ou diriez-vous qu’on n’est jamais trop prudent dans nos relations avec les gens (= 0) ? »
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[34]
André Blais, Pierre Martin et Richard Nadeau, 1995, « Attentes économiques et linguistiques et appui à la souveraineté du Québec : une analyse prospective et comparative », Revue canadienne de science politique, vol. 28, no 4, p. 637-657 ; Pierre Martin et Richard Nadeau, 2002, « Understanding Opinion Formation on Quebec Sovereignty », dans Citizen Politics : Research and Theory in Canadian Political Behaviour, sous la dir. de Joanna Everitt et Brenda O’Neill, Don Mills, Oxford University Press, p. 142-158 ; Richard Nadeau et Christopher J. Fleury, 1995, « Gains linguistiques anticipés et appui à la souveraineté du Québec », Revue canadienne de science politique, vol. 28, no 1, p. 35-50 ; Nadeau et al., « Attitude Towards Risk-Taking and Individual Choice… », op. cit. ; Maurice Pinard et Richard Hamilton, 1986, « Motivational Dimensions in the Quebec Independence Movement : A Test of a New Model », Research in Social Movements, Conflicts and Change, vol. 9, p. 225-280.
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[35]
Cette approche considère cependant aussi que les variables d’identité et d’attachement sont importantes dans le choix référendaire. (Voir, par exemple, Blais, Martin et Nadeau, « Attentes économiques et linguistiques… », op. cit ; et Martin et Nadeau, « Understanding Opinion Formation on Quebec Sovereignty », op. cit.)
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[36]
La variable d’économie est une échelle en 3 points allant de –1 à +1, mesurée par la question suivante : « Si le Québec devenait un pays indépendant, croyez-vous que la situation économique du Québec serait meilleure (= 1), pire (= –1) ou à peu près la même (= 0) que si le Québec demeurait au sein du Canada ? » Les variables de langue française et de fédéralisme avantageux sont des échelles en 4 points allant de 0 à 1, mesurant si un individu est tout à fait en désaccord (= 0), en désaccord (= 0,33), d’accord (= 0,67) ou tout à fait d’accord (= 1) avec les énoncés respectifs suivant : « Un Québec souverain serait mieux en mesure de protéger la langue française qu’il ne l’est actuellement » et « Le fédéralisme canadien comporte plus d’avantages que de désavantages pour le Québec. » La variable de protection des intérêts du Québec par le fédéralisme est une échelle en 4 points allant de 0 à 1, mesurée par la question suivante : « Selon vous, est-ce que les intérêts du Québec sont très bien (= 1), plutôt bien (= 0,67), plutôt mal (= 0,33) ou très mal (= 0) protégés au sein de la fédération canadienne dans sa forme actuelle ? »
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[37]
Une méthode alternative serait de ne pas faire d’analyses séparées pour chaque groupe et de procéder plutôt à l’analyse sur l’échantillon complet tout en introduisant dans le modèle de régression des variables d’interaction entre chaque variable indépendante et les variables dichotomiques de langue maternelle (anglophone et allophone). Les résultats obtenus par cette méthode alternative ne sont pas substantiellement différents de ceux présentés dans l’article. Pour cette raison, et parce que la méthode retenue permet plus facilement de comparer les groupes tout en limitant la multicolinéarité dans le modèle, nous avons décidé de maintenir la séparation des groupes linguistiques.
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[38]
Gilles Gagné et Simon Langlois, 2005, « Les jeunes appuient la souveraineté et les souverainistes le demeurent en vieillissant », dans L’annuaire du Québec 2006, sous la dir. de Michel Venne et Antoine Robitaille, Montréal, Fides, p. 450. Puisque nos données proviennent d’un sondage unique, il nous est impossible d’explorer plus à fond les effets de génération suggérés par ces auteurs qui, eux, examinent l’évolution des appuis à la souveraineté sur une période de dix ans. Notons toutefois que certaines des conclusions de leur étude ont été remises en question par Maurice Pinard, 2006, « Divergences relatives à l’évolution des appuis à la souveraineté-partenariat depuis dix ans », Options politiques, juin, p. 62-65.
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[39]
Voir, par exemple, Susan J. Pharr et Robert D. Putnam (dir.), 2000, Disaffected Democracies : What’s Troubling the Trilateral Countries ?, Princeton, Princeton University Press.