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L’ouvrage présenté ici aborde différentes avenues permettant une mondialisation plus solidaire. En empruntant une perspective critique sur la tendance néolibérale qui caractérise le monde actuel, ce livre propose des options nouvelles et donne une note d’espoir aux situations économiques, environnementales, politiques et sociales actuelles. Prenant appui sur la conférence internationale intitulée Initiatives des communautés et État social au Nord et au Sud, les défis de la prochaine décennie, s’étant déroulée à l’Université du Québec en Outaouais, cet ouvrage nous dresse un portrait du rôle que certains acteurs ont à jouer pour un revirement solidaire de mondialisation.
Le premier chapitre dresse un portrait assez désolant de la situation actuelle en soulevant les différentes crises qui la caractérisent qu’elles concernent l’économie, l’environnement, la pauvreté de la majorité des humains ou le déficit démocratique omniprésent. Les auteurs soulèvent donc l’apport des voies alternatives dans l’amélioration des conditions des pays du Sud ainsi que les différents défis avec lesquels ces alternatives doivent composer. De plus, ils abordent la question du rôle de l’État et des mouvements sociaux comme acteurs centraux dans le changement social, notamment par le fait que « ce sont les mobilisations qui incitent les États à agir » (p. 12).
Le deuxième chapitre met l’accent sur la question du développement durable en soulevant trois enjeux s’y rattachant. Le premier concerne l’importance du développement solidaire que les auteurs justifient par le constat qu’il existe « 600 millions de riches et 6 milliards de pauvres » (p. 17) sur la planète. Ensuite, les auteurs touchent aux enjeux environnementaux entourant le développement durable. Finalement, le dernier enjeu concerne « la maîtrise de l’économie mondialisée » (p. 18) qui, dans un cas contraire, entraîne des crises financières ayant des conséquences désastreuses, particulièrement dans les pays du Sud.
Par ailleurs, dans la lignée des crises planétaires, les auteurs abordent la crise alimentaire qui touche plusieurs pays et met cette dernière en lien avec la crise énergétique. Ils émettent l’hypothèse qu’une des plus grandes ruptures actuelles est « la fin de l’abondance des matières premières et notablement du pétrole, des produits agricoles et de l’eau » (p. 19). Par conséquent, la question de la crise écologique est abordée par les auteurs en mentionnant l’importance de maîtriser l’utilisation des ressources (p. 21). Ceci amène les auteurs à opter pour des alternatives au capitalisme et à la mondialisation néo-libérale en présentant des visions nuancées du capitalisme et des voies alternatives. Ainsi, ils en arrivent à parler des capitalismes (p. 26) et des alternatives (p. 29).
En troisième lieu, les auteurs mettent l’accent sur la notion de démocratie en rappelant qu’elle repose sur « la citoyenneté et la solidarité entre citoyens » (p. 35). Celles-ci se concrétisent quant à elles par la redistribution de la richesse par l’impôt ainsi que par les associations citoyennes qui, ayant d’abord défendu des droits, revendiquent aujourd’hui le « développement d’alternatives socioéconomiques » (p. 37). Par ailleurs, les auteurs émettent l’hypothèse que la démocratie actuelle, plutôt que d’être en péril, serait en transformation (p. 39). Après une brève présentation de l’histoire de la démocratie, les auteurs affirment que la « démocratie est faite à la fois de mouvements et d’institutions » (p. 41). En poursuivant dans la définition de ce concept, ils avancent qu’elle est « un mode de régulation des tensions entre groupes différents, voire opposés, dans une société composée d’individus réputés égaux » (p. 41) et ajoutent que « plus on est socialement exclu, moins on est citoyen actif » (p. 42).
Après une présentation plus critique d’une mondialisation caractérisée par le néolibéralisme, les auteurs soulèvent la face cachée de celle-ci que sont « les nouvelles identités tournées vers de nouveaux modes d’engagement citoyen » (p. 44) et misent sur la démocratie participative pour construire une solidarité dans le contexte actuel. De plus, ils abordent la question du développement local en affirmant que la mondialisation « n’a pas marqué la fin des territoires, mais plutôt leur relance » (p. 47). Par conséquent, le développement des territoires se voudrait contestataire de l’approche Top-Down en partant de la société civile (p. 48).
Le chapitre quatre aborde plus précisément la question du rôle de l’État social dans une mondialisation plus solidaire. Les auteurs partent du postulat, comme abordé précédemment, que la mondialisation néolibérale « n’a pas marqué la fin des territoires… non plus la fin des États » (p. 59). Ainsi, l’État reste central dans les questions sociales qui se présentent aux communautés. Les auteurs abordent trois approches du rôle de l’État dans ces questions sociales soit « l’approche néolibérale, l’approche étatiste ou “développementiste”, l’approche de cohabitation active » (p. 60). Ils mettent l’accent sur la dernière qui « suppose une très forte mobilisation des diverses composantes de la société [et]… nécessite un fort investissement en faveur d’une démocratie délibérative et participative » (p. 60).
De plus, des questions centrales concernant l’État social sont abordées. Tout d’abord, les auteurs nous exposent les changements du rôle de l’État qui sont survenus suite au contexte déshumanisant résultant des sociétés industrialisées, à la crise de 1930 et à la Seconde Guerre mondiale. Deuxièmement, ils soulèvent la question du modèle étatique du Nord et de sa potentielle pertinence au Sud. Les auteurs présentent un « modèle universel réaliste » que serait l’« État du bien-être » (p. 69) et font état de certaines critiques forts pertinentes à son sujet. Finalement, les auteurs proposent eux-mêmes leur modèle de construction d’État au Sud en soulevant trois avenues nécessaires à prendre soit l’importance du développement des communautés, des politiques et des alliances locales (p. 73), l’importance du développement économique solidaire et populaire ainsi que celle d’une coopération internationale décentralisée.
Le cinquième chapitre suggère l’ouverture récente à une autre mondialisation, résultant de la conjoncture de la dernière décennie (arrivée des démocrates au pouvoir aux États-Unis, montée des partis de gauche en Amérique latine ou crise économique de 2008) et d’« un mouvement citoyen international en émergence » (p. 79). Ce dernier mouvement, composé d’une foule de mobilisations au niveau local, résiste à la « seule démocratie représentative et au développement économique dominant » (p. 80). Les auteurs soulèvent le rôle central de l’État dans la prise en charge des sociétés civiles dans le développement. De plus, ils mentionnent la nécessité actuelle d’établir des lieux permettant de bâtir des solidarités à l’échelle internationale. Dans ce sens, ils abordent la question du Forum social mondial (FSM) comme étant un espace permettant la convergence de ces différents mouvements citoyens. Sans omettre d’apporter certaines critiques à l’événement, les auteurs présentent les différents fondements du FSM notamment son désir de gérer globalement les problèmes de la planète « en misant sur la convergence de forces sociales locales, nationales et internationales qui n’endossent pas le modèle dominant de la mondialisation en cours » (p. 88).
Par ailleurs, dans ce même chapitre, les auteurs abordent de quelle façon les mouvements sociaux et, notamment leur rapport à l’État, ont évolué que ce soit au Nord ou au Sud. Dans ce sens, ils parlent des mouvements actuels comme étant fragmentés et n’ayant plus de groupe central en les comparant au mouvement ouvrier au Nord et aux mouvements d’indépendance au Sud. Ils abordent également certaines contraintes pouvant faire obstacle à la convergence à l’échelle internationale entre les différents mouvements. Entre autres, les auteurs mentionnent le fait que la plupart du financement des mouvements provient du Nord, comme c’est le cas, par exemple, du FSM. Ainsi, passant d’un statut de militant à celui de professionnel, les différents organismes se plient aux exigences des bailleurs de fonds pour avoir accès à « deux ressources majeures : le financement et la reconnaissance de nouveaux métiers de la coopération » (p. 95). Par conséquent, le déficit démocratique et une dépolitisation s’ensuivent. Par contre, les auteurs mentionnent le fait que cette institutionnalisation et cette professionnalisation ne sont pas inévitables et, pour offrir une alternative, présentent quelques voies possibles que peuvent prendre les différentes organisations (p. 99).
Le dernier chapitre est dédié à la question des mouvements sociaux et de la solidarité internationale au Québec. Les auteurs présentent d’abord différentes solidarités actuellement existantes, que ce soit auprès des mouvements syndicaux, d’agriculteurs, de coopératives. Ils explicitent comment certains mouvements locaux créent des solidarités et des réseaux internationaux. Finalement, ils présentent différents groupes responsables de ce qu’ils appellent « les réseaux d’animation de la solidarité internationale ». Ils abordent le rôle de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) dans le renforcement de la solidarité internationale des Québécois avec les communautés du Sud (p. 123), celui du Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ) dans le réseau international Nord-Sud d’économie solidaire (p. 124) et celui du Forum social du Québec (FSQ) comme espaces de rencontre et de réseautage (p. 127).
En conclusion, ce livre propose des avenues intéressantes passant du rôle de l’État à celui des mouvements sociaux ainsi que des enjeux centraux liés au développement et à la démocratie pour une mondialisation solidaire. Bien que critique face au contexte mondialisé actuel comme étant une voie souhaitable, les auteurs exposent une vision porteuse d’espoir pour la suite notamment par la mise en lumière des différents mouvements sociaux qui se bâtissent en réaction au néolibéralisme actuel. Ils acquiescent l’émergence d’une nouvelle mondialisation qui peut donner un souffle nouveau aux différents groupes sociaux concernés qui peuvent construire de façon solidaire à l’intérieur de la conjoncture actuelle.