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Depuis une vingtaine d'années, la science de la traduction s'est certes développée, mais, jusqu'à maintenant, elle n'a traité que de façon marginale les problèmes relatifs à la traduction poétique. Cela tient en partie au fait que l'on manque d'une définition généralement valable (non seulement dans le monde occidental, mais aussi dans les autres parties du monde) de ce qui donne à un texte son caractère poétique. Ainsi, dans le cas de l'Ancien Testament, les études concernant les passages poétiques sont contradictoires (les unes mettant l'accent sur le rythme, mais avec des conceptions qui divergent selon les spécialistes, d'autres le mettant sur le parallélisme). Le traducteur ne peut évidemment pas consulter les auteurs ou les premiers lecteurs de ces textes pour en savoir plus. Il se trouve seul face à ce qui lui apparaît comme un puzzle dont certaines pièces feraient défaut. Il en est réduit à prendre lui-même des décisions de trois ordres, en répondant aux questions suivantes : 1. quelle était la fonction de la forme poétique du texte à traduire ? 2. quel type de traduction va-t-on adopter d'une façon générale ? 3. comment va-t-on rendre adéquatement la fonction du texte source en tenant compte du type de traduction choisi ? Par des exemples empruntés à la récente version allemande Die Gute Nachricht , dont il fut l'un des principaux traducteurs, l'auteur nous montre comment il est possible de résoudre ces questions. Dans une version mettant l'accent sur l'équivalence fonctionnelle, destinée à un usage général et non spécifiquement liturgique, il ne convenait pas de recourir à un mètre régulier, avec des rimes, comme dans la plupart des chants, pour rendre Psaumes et prières bibliques (ce qui leur aurait conféré un caractère figé et artificiel). En allemand, on a opté pour des lignes pouvant être dites d'une seule respiration (8 à 11 syllabes, au maximum 13), avec des accentuations rythmiques bien marquées. À propos du livre de Job, on s'est souvenu du caractère mnémotechnique de la poésie didactique, mais en étant conscient du fait qu 'une forme trop rigide lasserait rapidement le lecteur de trente-huit chapitres de poésie. On a donc choisi des vers blancs, sans rimes, on a recherché des métaphores et expressions idiomatiques équivalentes (mais non identiques) par rapport à celles de l'hébreu, on a usé d'allitérations et d'assonances. Pour les Proverbes, on s'est inspiré de la forme des aphorismes modernes. Dans le Cantique, les formes métriques ont varié selon les circonstances rapportées. Quant aux passages poétiques des prophètes, il ne suffit pas de les disposer en stiques pour conserver ce caractère poétique (illusion partagée par la plupart des versions modernes). Il est préférable, en raison de leur fonction particulière, de les imprimer comme de la prose, mais en donnant un caractère rythmé à cette prose et en préservant ses métaphores, jeux de mots, etc. Certains de ces passages ont la forme de la complainte, mais la fonction de l'accusation, et il ne faudra pas l'oublier dans la traduction. Un bon exemple d'emploi d'assonances, évoquant le bruit de la mer, nous est présenté à propos d'Esaïe 17.12-14. Dans une dernière remarque, l'auteur avertit ses lecteurs que les solutions valables en allemand ne sauraient être copiées servilement dans d'autres langues. Elles visent essentiellement à stimuler la réflexion, afin que chacun puisse trouver ses propres solutions, valables dans sa langue.